LES  AMIS  DU  PEUPLE  OU  À  PROPOS  D'UN  CONGRÈS





Les amis du peuple

Les justifications d'un titre.





       Le lecteur attentif de la résolution du 16° congrès du Parti communiste français (Saint-Denis 11-12-13-14 mai 1961), n'y trouvera cité qu'une seule fois le terme de prolétariat. Partout ailleurs il est fait allusion au « peuple », aux « forces populaires », aux « masses laborieuses ».


       Le choix de telles appellations est symptomatique de la volonté délibérée du parti stalinien d'oublier, de trahir le marxisme. Et le but de notre article est de démontrer ceci : « Grattez un peu « l'ami du peuple », pourrions-nous dire en paraphrasant un apophtegme connu, et vous verrez apparaître le bourgeois » (Lénine, « Ce que sont les « amis du peuple » et comment ils luttent contre les social-démocrates », Œuvres choisies, T. I, p. 95).


Ce que veulent les « amis du peuple ».


       1° - Une démocratie rénovée et une État républicain.


       W. Rochet se lamente sur la politique réactionnaire et rétrograde du pouvoir gaulliste dans le domaine économique et social. Comme preuve il donne le mouvement de concentration et le développement correspondant des monopoles qui ne font, selon lui, qu'augmenter les super-profits qui « sont réalisés d'abord aux dépens des salaires des ouvriers et des employés, mais ensuite et surtout au détriment de toutes les couches de la populations laborieuse notamment de la paysannerie et des classes moyennes des villes » (W. Rochet). Donc, pour lui, il faut lutter contre les monopoles ? Qu'en pense Lénine que les staliniens aiment tant… falsifier ? « Nous savons que les trusts et le travail des femmes dans les fabriques marquent un progrès. Nous ne voulons pas revenir en arrière, à l'artisanat, au capitalisme pré-monopolistique, au travail des femmes à domicile. En avant, à travers les trusts, etc, et au-delà vers le socialisme ! » (Lénine, Œuvres, T. 23, p. 108). Ceci était valable pour la société russe qui parvenait au capitalisme. En est-il autrement lorsque celui-ci est pleinement développé comme dans la France actuelle ? A ce propos, Lénine ajoute : « On comprend pourquoi l'impérialisme est un capitalisme agonisant, qui marque la transition vers le socialisme : le monopole qui surgit du capitalisme, c'est déjà l'agonie du capitalisme, le début de la transition vers le socialisme » (p. 118). On ne lutte pas contre quelqu'un qui agonise, on l'achève !


       « Plus grave est encore la situation dans l'agriculture, car là « l'objectif » du gouvernement (N.D.R), est clair : liquider environ 800 000 petites exploitations familiales, en dix ans, afin de favoriser la création d'une agriculture centralisée, basée sur la grosse exploitation. « Que faut-il faire ? ». La solution n'est pas de prendre la terre des petits paysans pour la donner aux gros, mais à l'inverse (c'est nous qui soulignons, N.D.R), de procéder à une réforme agraire qui fasse passer les terres des grands propriétaires fonciers et oisifs, et des exploiteurs aux mains des paysans-travailleurs qui en manquent ou qui n'en ont pas assez » (W. Rochet). Autrement dit, ils veulent perpétuer cette couche de paysans parcellaires à laquelle la France doit sa paix sociale depuis 1871 et que Marx caractérise ainsi : « La petite propriété privée crée une classe de barbares presque en marge de la société, unissant la grossièreté des formes sociales primitives à tous les tourments et toute la misère des pays civilisés » (Marx, in Le Capital, Livre III, t. VIII, p. 191-192).


       C'est là que réside la contradiction démagogique : ils veulent une France forte mais, dans le monde capitaliste moderne, elle ne peut l'être qu'en éliminant les tares, les formes archaïques (voire gaullistes), et en même temps tous les petits bourgeois qui les représentent, les défendent et qui constituent le corps électoral actuel, ou à conquérir, des staliniens. Ainsi, ils sont pour la force mais la réalité de celle-ci est leu condamnation : une France forte signifierait une faiblesse électorale du PCF. Alors tant pis pour la grandeur… des sièges au parlement avant tout.


       Aucune mesure ne saurait pourtant, selon W. Rochet, restaurer la grandeur nationale si l'on ne poursuit pas parallèlement la restauration de la démocratie. La France ne peut être que démocratique. Il est bien entendu que s'il faut protéger toutes les couches de la société française contre les atteintes du capital, il faut aussi que toutes puissent exprimer leur volonté et leurs désirs : « ...dans la situation actuelle, les partis expriment les intérêts et les aspirations des différentes classes et couches sociales (découvertes extraordinaires que seul le XVI° congrès pouvait faire!) ». Il faut donc empêcher leur interdiction comme le voudraient certains gaullistes, d'autant plus que s'il en était ainsi, les communistes perdraient leurs derniers alliés car « Nous avons dit, déjà, que la renaissance démocratique et nationale ne peut être menée à bien par un parti, fut-il le nôtre, mais qu'elle exigeait une alliance loyale sur la base d'un programme démocratique commun entre le parti communiste et les autres partis et organisations démocratiques » (W. Rochet). Cette renaissance démocratique, Thorez nous indique dans son discours de clôture du XVI° congrès, qu'elle a été le but poursuivi par le PCF depuis la Libération. Malheureusement, il a été obligé de faire remarquer que la démocratie a toujours repoussé les avances des staliniens. Ils ont été évincés du gouvernement en mai 1947. Ensuite, ils ont été plusieurs fois frustrés de sièges au parlement par le pouvoir établi. Depuis le rêve des staliniens est de revenir au gouvernement, car sans eux pas de démocratie possible : « Depuis, la démocratie est allée en se dégradant ». Mais décidément celle-ci est une fille volage puisqu'elle aime flirter avec le pouvoir personnel. Au moment des événement d'Alger, les staliniens eux-mêmes estimaient que De Gaulle était le dernier rempart de la démocratie. Bah ! Ils sont habitués à ce genre de choses, et, si tout ne pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, c'est parce qu'il y a trop souvent violation de la démocratie et que celle-ci s'en accommode fort bien. Dommage que tu soies une putain !


       Quel attachement pourtant à cette dernière ! Les staliniens sans qu'on leur demande écartent tout ce qui divise pour « ne tenir compte que de ce qui unit ». En conséquence, ils prostituent tout le marxisme pour se fondre dans le peuple, et qu'en échange, on leur laisse le droit démocratique d'exister. Voilà le « réalisme socialiste » : puisque tu es une putain, pour te plaire nous nous pros


       Qui peut protéger les staliniens des fredaines de la démocratie ? Un État républicain qui sera le produit de cette Assemblée Constituante qu'ils réclament à cor et à cri. « Nos « amis du peuple » ne peuvent comprendre que, dans une société bourgeoise, l’État lui aussi ne peut être qu'un État de classe » (Lénine, t. 1, p. 281).



       2° - Reconnaissance du rôle irremplaçable du PCF dans la nation.


       Le travail n'est pas terminé lorsqu'on a démasqué le PCF et qu'on a démontré que sous ses phrases ampoulées sur le socialisme de...l'avenir se cache un contenu bourgeois, il faut encore démontrer quelle est la réalité de ce parti et la faire éclater à tous. Falstaff disait : il n'y a qu'un cadavre pour contrefaire un homme ; de même il n'y a qu'un cadavre de parti pour contrefaire un parti. Ce cadavre qui lie dans sa tombe tout le mouvement ouvrier français et tente de se donner l'illusion de la vie en déclamant une phraséologie prétendument marxiste, est-il nécessaire de le critiquer ?


       « La critique a effeuillé les fleurs imaginaires qui couvraient la chaîne, non pour que le l'homme porte la chaîne prosaïque et désolante, mais pour qu'il secoue la chaîne et cueille la fleur vivante » (Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel).


        Effectivement, il est nécessaire de conduire une critique comme nous l'avons fait précédemment car nous voulons non seulement que les ouvriers rejettent les illusions staliniennes qui ne sont qu'exhalaisons fétides de l'infecte décomposition du PCF, mais qu'ils secouent et rejettent ce dernier pour revenir à la vie réelle qui ne peut être que dans le véritable parti communiste mondial en formation. Pour cela, nous opposerons simplement la décomposition de la théorie à la théorie vivante, la prostitution de la conduite du prolétariat à la conduite libératrice, le but falsifié au but réel.


       C'est dans l'appréciation du rôle de la classe ouvrière et celui de son parti que se révèle pleinement la mort brutale du PCF. Pour défendre le rôle irremplaçable du parti, G. Marchais a déclaré : « Seule la classe ouvrière ne peut résoudre toutes les tâches posées devant elle. C'est vrai pour la réalisation de ses objectifs immédiats, comme c'est vrai pour l'instauration du socialisme ».


       Oublié, étouffé donc, le fameux cri de la Première Internationale : « L'émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Oubliées et mises au compte des folies de jeunesse, les vibrantes pages des œuvres, dites philosophiques, de K. Marx sur la mission historique du prolétariat. C'est dans celle-ci qu'est pourtant lancé le défi à la classe dominante comme les bourgeois l'avaient fait au moment de leur révolution : le Tiers-Etat n'est rien, il veut être tout ; bien loin de libérer l'Humanité, vous l'avez encore plus fortement asservie et, vous mêmes, vous vous êtes asservis à une force qui de jour en jour va en vous asphyxiant, le capital ; seul le prolétariat peut effectuer cette libération. L'émancipation de la société humaine, telle est la mission historique de celui-ci, le prolétariat est révolutionnaire ou n'est pas. Marx et Engels et les socialistes de tous les pays ne se préoccupèrent pas de chercher des aides pour accomplir cette tâche mais plutôt d'expliquer pourquoi il en était ainsi : « Si les auteurs socialistes attribuent au prolétariat un rôle historique mondial, ce n'est pas du tout, comme la critique affecte de le croire, parce qu'ils considèrent les prolétaires comme des Dieux. C'est plutôt le contraire : dans le prolétariat purement développé...l'homme s'est perdu, mais il a, en même temps, non seulement acquis la conscience théorique de cette perte, il a été contraint directement à se révolter contre cette inhumanité par la détresse désormais inéluctable, impossible à pallier, absolument impérieuse, et c'est pour cela que le prolétariat peut et doit s'affranchir lui-même » (c'est nous qui soulignons, NDR). Mais « il ne peut s'affranchir lui-même sans supprimer ses propres conditions d'existence, sans supprimer toutes les conditions d'existence inhumaines de la société actuelle qui se condensent dans sa situation » (Marx, La Sainte Famille).


        Le même défi est lancé en 1848 dans le Manifeste des Communistes. Bien qu'étant une infime minorité dans la société et bien que la bourgeoisie n'ait pas épuisé toutes ses possibilités à l'échelle mondiale, le prolétariat pose la question du pouvoir. Il conteste la direction de la société à la classe bourgeoise. Dans cet ouvrage sont clairement exprimées les différentes phases de développement que parcourt la classe ouvrière : constitution de la classe, regroupement et organisation de celle-ci sous l'impulsion du capitalisme, constitution du parti politique qui est une minorité de la classe mais qui représente les intérêts généraux de celle-ci ; prise du pouvoir, la classe se constitue en État dominant, enfin dépérissement de cet État et arrivée dans la société communiste où les classes ont disparu (la dernière partie fut précisée dans la Guerre civile en France).


       Pour les marxistes, la classe n'est pas une collection d'individus se caractérisant par un certain rapport dans la production. La classe est un protagoniste de l'histoire et elle n'existe que lorsqu'existe le parti. Pas n'importe quel parti ; seulement celui qui défend intégralement le programme communiste défini dans les textes fondamentaux du marxisme. C'est pourquoi il ne peut y avoir qu'un parti du prolétariat. Les autres peuvent regrouper des prolétaires mais étant donné leur programme, ils ne font qu'assurer la pérennité du capitalisme. Combien de fois Marx et Engels n'ont-ils pas exposé le rôle prééminent du parti ?


    « Considérant,


       Que l'émancipation de la classe productive est celle de tous les êtres humains sans distinction de sexe ni de race ;

       Que les producteurs ne sauraient être libres qu'autant qu'ils seront en possession des moyens de production (terre, usines, navires, crédits, etc.) ;

     Considérant :

       Que cette appropriation collective ne peut sortir que de l'action révolutionnaire de la classe productive – le prolétariat – organisé en parti politique distinct… » (c'est nous qui soulignons). (Marx, Introduction au projet de programme pour le parti ouvrier français de 1880).


       Puisque, selon G. Marchais, la classe ouvrière seule ne peut accomplir sa tâche, il faut de l'aide : « C'est pourquoi notre XV° congrès lança le double mot d'ordre : « A tout prix le front unique de la classe ouvrière et des classes moyennes » ».


       Ainsi, on veut faire reprendre au prolétariat une tactique condamnée depuis plus de cent ans parce qu'elle conduisait inévitablement à la catastrophe et au massacre des prolétaires. La défaite de juin 1848 en est un cuisant exemple. C'est en pensant à cette dernière que Marx a rédigé l'Adresse du Comité Central de la Ligue des Communistes, 1850, dont nous avons publié d'abondants extraits dans le n° 14 de PC dans l'article : « Le parti prolétarien et communiste et les mouvements nationaux et démocratiques ». Un exemple plus récent est fourni par le parti communiste chinois qui s'allia au Kuomintang présidé par Tchang-Kai-Chek. Celui-ci récompensa les communistes de Canton en les faisant brûler dans les chaudières des locomotives (1927). Voilà, prolétaires, l'avenir que vous réservent Thorez et compagnie.


       G. Marchais a bien raison ! Le PCF a eu un rôle irremplaçable dans la nation ; celui de mobiliser le prolétariat français pour la deuxième guerre mondiale ; celui de le dévier de la lutte en faveur des peuples colonisés1. Il voudrait pouvoir continuer à jouer ce rôle bien que, maintenant, d'autres partis démocratiques puissent prétendre le remplacer.


       Que ce soit Saint-Thorez ou Saint-Waldeck-Rochet qui recherchent la grandeur nationale dans la réalité ou Saint-Garaudy qui la recherche dans le rêve2, tout le monde est sûr « que notre peuple riche de ses traditions imposera le retour à une démocratie authentique3 qui permettra à la France de reprendre le chemin de la vraie grandeur nationale » (W. Rochet). Les staliniens ont noyé le prolétariat dans le peuple, à nous de l'en extraire. A nous aussi de lu indiquer sa tradition. Le stalinisme est dans la tradition de toutes les erreurs et les déviations petites-bourgeoises du mouvement ouvrier français. Ainsi, du blanquisme il a repris l'exaltation de la grandeur nationale qui menait Blanqui à un chauvinisme exacerbé


       « Comme je hais ce peuple. Ah ! Ce peuple de brutes ! Si nous pouvions avoir un jour notre revanche sur toi ! Si vous aviez un fils, mon cher Rane, si Gambetta en avait un, comme vous auriez dû lui donner la haine de notre vainqueur, aussi vivace que l'amour de notre patrie ».


       Chauvinisme justifié au nom de la civilisation : « Ils viennent (les Allemands, NDR) pour nous refouler mille ans en arrière dans les brouillards ténébreux de la Baltique ». C'est le même argument qui fut utilisé en 1914 pour justifier l'Union Sacrée et en 1939 pour justifier la « guerre nationale ».

       Pour concilier cette trahison avec l'internationalisme prolétarien, les staliniens utilisent la même rhétorique opportuniste que les socialistes français du siècle dernier : « Les internationalistes peuvent se dire, au contraire, les seuls patriotes parce qu'ils sont les seuls à se rendre compte des conditions agrandies dans lesquelles peuvent et doivent être assurés l'avenir et la grandeur de la patrie, de toutes les patries, d'antagoniques devenues solidaires ».


       De même ils ont pris à Proudhon sa théorie de la misère. Comme celui-ci ils pleurnichent devant les capitalistes en démontrant l'aggravation des conditions de vie du prolétariat ; comme celui-ci, ils voudraient qu'il y ait une justice qui fasse que tout ouvrier ait son minimum vital sans léser les intérêts des autres couches sociales ; « ils raisonnent comme si l'on pouvait remédier à la situation par des mesures d'ordre général, susceptibles de satisfaire tout le monde et tendant à assurer l' « essor », l' « amélioration », etc...comme si l'on pouvait concilier et unir » (Lénine). C'est pourquoi ils aboutissent, en pratique, au résultat que Proudhon réclamait en théorie : l'incapacité politique des classes laborieuses, c'est-à-dire l'impossibilité de celle-ci d


       La véritable tradition du prolétariat français est une tradition de lutte. Elle est chez ce même Blanqui qui déclarait qu' « il n'y a pas d'autre force que la force ». Qui – à l'encontre de ce que font nos « communistes » actuels – voulait une organisation effective du prolétariat et pour cela était contre les mouvements de revendications parcellaires : « On veut parquer l'ouvrier dans son individualité d'atome, lui interdire tout concert pour la protection de ses intérêts… on prétend l'isoler dans son impuissance individuelle… À ces brins d'herbes isolés qui se courbent et jaunissent sous le vent, on ne permet pas de se serrer en faisceau contre la tempête ». Elle est dans la lutte de juin 48, dans celle de la Commune de Paris qui « a transformé une guerre de peuples en guerre civile » (Lénine). Elle est aussi chez les socialistes qui comme J. Guesde criait aux ouvriers : « La Révolution qui vous incombe n'est possible que dans la mesure où vous resterez vous-mêmes, classe contre classe, ne connaissant pas et ne voulant pas connaître les divisions qui peuvent exister dans le monde capitaliste ». Ce monde capitaliste qui est « le navire à cloisons étanches qui peut faire eau d'un côté et qui n'en continue pas moins à flotter insubmersible. Et ce navire là, ce sont les galères du prolétariat sur lesquelles c'est vous qui ramez et qui peinez, et qui peinerez et qui ramerez toujours, tant que n'aura pas été coulé, sans distinction de pilote (c'est nous qui soulignons, NDR) le vaisseau qui porte la classe capitaliste et sa fortune, c'est-à-dire les profits réalisés sur votre misère et votre servitude ».


       Le mouvement communiste ne renoua que peu de temps avec cette magnifique tradition (lutte lors de l'invasion de la Rhur par les troupes françaises en 1923, lutte anti-coloniales du PCF lors de la guerre du Rif). Très vite il retomba dans les péchés du mouvement français : patriotisme, chauvinisme, démagogie démocratique, défense du droit de propriété et des intérêts des petits-bourgeois, pour en arriver au stade actuel de putréfaction où il n'a de communiste que le nom.


       Dans la France des Droits de l'Homme, pays vénéré de la démocratie bourgeoise, le prolétariat a violemment crié que seule la force pouvait émanciper la société humaine du joug du capital. Qui a la force a raison. Les défaites de 1871 et de 1914 l'ont canalisé dans le chemin du droit. Aussi n'est-il plus maintenant qu'une couche sociale indifférenciée à l'intérieur de la société française.


       L'avenir du prolétariat français n'est pas dans la restauration de la grandeur française ni dans la rénovation de la démocratie. Il est dans la dictature de classe du prolétariat à l'échelle mondiale. Atteindre cet objectif suppose la reconstruction du parti marxiste révolutionnaire. Celle-ci suppose le rejet de toute idéologie démocratique qui est si vivace en France ; celui de toute théorie qui voudrait voir dans la république française « un mieux en soi », au contraire les prolétaires doivent avoir pour elle une aversion profonde parce qu'il incarne toute la société bourgeoise dans son caractère progressif.


       Le développement économique du monde moderne a fait que depuis 1871, le prolétariat française n'a plus un rôle directeur dans la révolution communiste. Le centre révolutionnaire s'est déplacé vers l'Est (Allemagne surtout). De ce fait il faut qu'il sache prendre correctement sa place dans la lutte, à l'échelle mondiale, de la classe ouvrière contre le Capital. Pour cela, il faut qu'il renoue avec la tradition internationaliste que la direction stalinienne lui a fait perdre depuis longtemps.


       La révolution communiste est un but grandiose et lointain. Mais la reconstruction du parti est une œuvre de tous les jours. Elle ne se réalise pas uniquement au travers d'une lutte théorique. Elle s'accomplit aussi en reprenant une pratique révolutionnaire. On adopte une telle pratique lorsqu'on refuse les grèves partielles, surtout les grèves pour soutenir un quelconque pouvoir bourgeois (le fameux pilote dont parlait J. Guesde) et qu'on accepte la grève générale comme moyen de lutte pour l'amélioration des conditions de vie des travailleurs. On l'adopte aussi lorsqu'on refuse de transformer le 1° mai – journée de commémoration du martyr des ouvriers de Chicago, journée de grève et de lutte qui fut instaurée, lors de la fondation de la II° Internationale, pour obtenir la journée de huit heures – en une procession patriotique, en une glorification du travail forcé, de l'esclavage moderne, ou bien en une manifestation de repentailles à propos des atrocités commises au cours des guerres impérialistes (manifestation de déportés, etc.). Le 1° mai, le prolétariat n'a pas à porter une offrande de vie, un bouquet de muguet au capital. Il doit au contraire perfectionner l'arme qui pourra lui porter un coup mortel.


       Les anciens pensaient que si l'on ne recouvrait pas de terre un homme mort, son âme viendrait hanter les vivants. De même, le PCF ne disparaîtra pas de lui-même de la scène politique. Sa décomposition fétide est son âme véritable. Alors prolétaires, vite une pelletée et qu'on n'en parle plus.



Voir Programme Communiste n° 6, 9, 11 et 14.



2  Nous faisons allusion à une série d'articles parues dans France-Nouvelle où Garaudy rêvait ce qui se passerait après la disparition du pouvoir personnel. Il rêve en particulier qu'il y aura 200 députés communistes à la nouvelle Assemblée.



3  «Plus le régime est démocratique, et plus il est évident pour les ouvriers que l'origine du mal est le capitalisme, et non l'absence de droits » (Lénine, T. 23, p. 80).














Ce texte est paru dans la revue en langue française Programme Communiste n° 16.