1. BREF HISTORIQUE DU MOUVEMENT DE LA CLASSE PROLÉTARIENNE DANS L'AIRE EURO-NORD-AMÉRICAINE DES ORIGINES À NOS JOURS

 

 

 

"On ne se plaint pas d'événements historiques; on s'efforce, au contraire, d'en comprendre les causes et, par là, les conquences qui sont loin d'être épuisées."

K. MARX

 



1.1.- Le cycle historique des origines à la ΙΙΙ° Internationale.

 

 

1.1.1.- Depuis la destruction de l'antique communauhumaine du communisme  primitif, différents mouvements tentèrent de la reconstituer. Ceci se produisit tant dans la société esclavagiste antique que dans le moyen-âge. Ce mouvement de rébellion contre la société de classes de l'époque était enfinitive réactionnaire parce qu'il s’opposait à l'évolution historique. Le poids du passé était trορ puissant. Le communisme primitif était mytne et poésie sociale et rien que cela. Cependant avec le développement de la société féodale et la montée de la bourgeoisie, de nouvelles bases pour une société différente apparaissent et, même, le communisme peut être entrevu à partir de celles-ci, non comme un simple retour du passé.

 

1.1.2. - Les luttes prirent dans certains secteurs un caractère nettement révolutionnaire. Il en fut ainsi de la révolte des Ciompi en Italie en 1378. Engels explique pourquoi la plupart des mouvements de l'époque comme celui de John Ba11 (1381, en Angleterre) οu comme celui des hussites du XV° eurent un aspect religieux.

 

"Il est donc clair que toutes les attaques dirigées ennéral contre le féodalisme devaient être avant tout des attaques contre l’Église., toutes les doctrines révolutionnaires, sociales et politiques, devaient être, en même temps et principalement, des hérésies théologiques. Pour pouvoir toucher aux conditions sociales existantes, il fallait leur enlever leur caractère sacré. (La guerre des paysans. p.38.)

 

À la fin du Moyen-âge avec la dissolution de la société féodale les plébéiens constituaient "la seule classe placée en dehors de l'association féodale, comme de l'association bourgeoise. Ils n'avaient ni privilèges,' ni propriété, et ne possèdaient me pas, comme les paysans et les petits bourgeois, un bien, t-il grevé de lourdes charges. Ils étaient sous tous les rapports sans biens et sans droits. Leurs conditions d'existence ne les mettaient jamais en contact direct avec les institutions existantes qui les ignoraient complètement. Ils étaient le symbole vivant de la décomposition de la société féodale et corporative bourgeoise et, en me temps  les premiers précurseurs de la société bourgeoise moderne. »

 

"C'est cette situation qui explique pourquoi dès cette époque, la fraction plébéienne ne poιvait pas se limiter â la simple lutte contre le féodalisme et la bourgeoisie privilégiée; elle devait, du moins en imagination, dépasser la société bourgeoise moderne à peine naissante. Elle explique pourquoi cette fraction, exclue de toute propriété, devait déjà mettre en question des institιί­tions, des conceptions et des idées qui sont communes à toutes les formes de société reposant sur les antagonismes de classe. Les rêveries chiliastiques du christianisme primitif offrait pour cela un point de départ commode. Mais, en même temps, cette anticipation par delà non seulement le présent, mais même l’avenir ne pouvait avoir qu'un caractère violent, fantastique, et devait, à la première tentative de réalisation pratique retomber dans les limites restreintes imposées ρar les conditiors de l'époque. Les attaques contre la propriété privée, la revendication de la communaudes biens, devaicnt se désagréger en une organisation grossière de bienfaisance. La vague égalité chrétienne pouvait, tout au plus, aboutir à l’égalité civile devant la loi, la suppression de toute autoridevint, en fin de compte, la constitution de gouvernements républicains élus par le peuple. L`anticipation en imagination du communisme était, en réalité, une anticipation des conditions bourgeoises modernes ». (Ouvrage cité, p.41)

 

Tel fut le mouvement de Thomas Münzer, vrai précurseur du communisme. Seulement la contre-révolution triomphante sur le continent en 1555 (paix dAugsbourg) cela allait se traduire par une terrible phase de recul dans l'aire germanique, et la guerre de Trente Ans devait encore accentuer ce phénomène. C'est de cette époque que date la balkanisation de l’Europe, qui fut un frein énorme au développement révolutionnaire.

 

1.1.3.- Près d'un siècle plus tard le mouvement devait reprendre en Angleterre. Là encore - au cours de la révolution bourgeoise – le mouvement prolétarien se fait sentir : les niveleurs et les bécheux. À leur tour, ils furent battus. Cependant, c'est grâce à eux que les idées bourgeoises de volonté nérale, accord du peuple, séparation des pouvoirs, etc. purent pénètrer tout le XVIII° siècle. Les grands philosophes ne firent que les redécouvrir et leur donner une certaine forme. Ce sont eux quî donnèrent l’impulsion maximale à la révolution. La République ne put se développer qu’après leur défaite. Toutes les républiques françaises eurent le même surgissement: elles apparurent après la défaite prolétarienne.

 

1.1.4. - À la fin du XVIII° siècle,la dissolution de la communauté agraire de même que celle féodale était parvenue à un tel point que des masses dhommes n'avaient plus de véritables liens sociaux. Autrement dit la question se posait de reformer une communauté. La bourgeoisie donna sa solution, institutionnelle, démocratique; le prolétariat avec Babeuf formula la sienne: le communisme. De classe mobilisée il tendait à devenir une classe mobilisatrice.

 

Par là-même le prolétariat, manifesta son être réel: restaιιrer l’antique être communautaire mais possesseur de tous les apports des sociétés de classe. Et la soif du pouvoir qui s’était déjâ maniféstée lors de la guerre des paysans, lors de la révolution anglaise de 1640 à 1650, s'affirma avec plus-d'ampleur ici. Le prolétariat est cette classe qui a soif du pouvoir parce que : "Qui a la  force a raison "! -  "Qui a du fer a du pain !" Par sa dictature, il eut été possible de diriger les masses mises en mouvement par la révolution bourgeoise (caractère commun avec la révolutien communiste) et faciliter ainsi le développement des nouvelles forcés productives : accélération du développement économique, base pour une révolution communiste.'

 

Grâce à l’intervention des prolétaires (terrorisme) la révolution a pu réussir. A la vision menchévique (jà?) qui veut poser des étapes, qui se préoccupe toujours de fixer des hauteurs à la révolution, il répond comme Marat, en proclamant la révolution en permanence :

 

"Lorsque je lus le livre de Bougeart sur Marat, je m'aperçus qubien des égards nous imitions inconsciemment le grand exemple de l'ami du peuple. Je m'aperçus aussi que les hurlements et les falsifications qui, depuis bientôt cent ans, ont alré le vrai visage de Marat, s'expliquent très simplement. Dabord, dévoilant ceux qui se préparaient à trahir la révolution, Marat arracha sans pitié le masque des idoles du moment ; d'autre part, comme nous, il ne considérait pas la révolution comme terminée, mais il voulait qu'elle fut proclamée permanente." Engels,

 

1.1.5. - C'est au cours de la révolution française que s'effectue le mieux, pour la premre fois, la coupure entre mouvement bourgeois et prolétarien. Car au cours de celle-ci se manifeste le premier parti communiste agissant (Marx). De là aussi les deux caractères opposés: la révolution bourgeoise est une révolution sociale à âme politique, la révolution prolétarienne, une révolution politique à âme sociale. À partir de ce moment la révolution tire sa poésie de l'avenir et non plus du passé (Marx ). Enfin, pour réellement triompher la révolution doit étre radicale. Pour le moment le prolétariat a fait la révolution pour la bourgeoisie.

1.1.6. - La contre-révolution vis-à-vis du prolétariat date de 1795, celle contre la bourgcoisie de 1815. Avec la premre le mouvement politique du prolétariat, son mouvement vers sa constitution en classe, et donc en parti, est enrayé; avec la seconde, c'est son propre mouvement de genèse qui tend à être freiné. IL est en fait ralenti sur le continent, mais en Angleterre le développement du capitalisme le produit au contraire sur des bases plus fortes (surtout après 1829). La même chose s'effectuea à un rythme plus lent sur le continent après la crise de 1827.

 

« La grande industrie agglomère en un seul endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres. La concurrence les divise d'intérêts. Mais le maintien du salaire, cet inrêt commun qu'ils ont contre leur maître, les réunit dans une même pensée de résistance - coalition. Ainsi la coalition a toujours un double but, celui de faire cesser entre eux la concurrence, pour pouvoir faire une concurrence générale au capitaliste. Si le premier but de résistance n'a été que le maintien des salaires à mesure que les capitalistes à leur tour se réunissent dans une pensée de répression, les coalitions, d'abord isolées, se forment en groupes, et en face du capital toujours réuni, le maintien de l’association devient plus nécessaire pour eux que celui du salaire. Cela est tellement vrai, que les économistes anglais sont tout étonnés de voir les ouvriers sacrifier une bonne partie du salaire en faveur des associations qui, aux yeux de ces économistes, ne sont établies qu'en faveur du salaire. Dans cette lutte - véritable guerre civile - se réunissent et se développent tous les éléments nécessaires à une bataille à venir. Une fois arrivés à ce point-là, l'association prend un caractère politique.

 

"Les conditions économiques avaient d'abord transformé la masse du pays en travailleurs. La domination du capital a créé à cette masse une situation commune, des intérêts communs.

 

Ainsi cette masse est déjà une classe vis-à-vis du capital, mais pas encore pour elle-même. Dans la lutte, dont nous n'avons signalé que quelques phases, cette masse se réunit, elle se constitue en classe pour elle-même. Les intérêts qu'elle défend deviennent des intérêts de classe. Mais lutte de classe à classe est une lutte politique ". (Misère de la philosophie, page 134.)

 

1.1.7. - Ainsi le prolétariat au cours de sa lutte engendre son programme. L'action précède la conscience. Dans les trois pays les plus développés de l'époque : Angleterre, France, Allemagne, le prolétariat au travers de l’affrontement sur un des trois plans: économique, politique, philosophique, était arrivé à l'affirmation du communisme.

 

L'œuvre  de Marx et d'Engels est unificatrice. Ils ont lié entre eux les divers aspects du communisme (Marx et Engels parlent du parti communste dès 1843) et lui ont donné assise théorique profonde : le matérialisme historique. Ceci s'est effectué en Allemagne du.fait même de la double révolution qui imposait d'utiliser tout l'acquis des dernières révolutions et les leçons de la contre-révolution.

 

1.1.8. - Cet apport international à la formation de la théorie se retrouve dans l'organisation d'un mouvement de lutte. La Sociétés des Saisons, la Ligue des Justes, la Ligue des communistes, regroupaient des ouvriers de toute nationali. C'est pour cette dernière que Marx et Engels écrivirent le manifeste du parti communiste dont le mot d'ordre est: Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

 

En 1848, en France, le prolétariat se manifeste seul, il s'oppose à la bourgeoisie. Il est battu.

 

En Allemagne, par suite du retard de la révolution et du caractère couard de la bourgeoisie, de sa faiblesse, seule une révolution radicale et non progressive (comme en France) peut résoudre la question sociale. Il est battu, mais dans tous les cas, la révolution profite à la bourgeoisie.

 

Dans la phase suivante, le développement des forces productives reproduira le prolétariat sur une base encore plus large et son mouvement d'unification sera plus puissant. En 1864, c'est la fondation de l'A.Ι.Τ. qui déclare: "L'émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes." et qui affirme, en finitive, la nécessidu parti politique; que la classe n'existe que lorsqu'elle s'est constituée en classe et donc en parti (comme le proclamait déjà le Manifeste). La commune de Paris est battue apgrès avoir assuré la dictature du prolétariat pendant plus de deux mois. Le cycle du prolétariat dans l'aire occidentale est complètement achevé. Désormais seule la révolution pure se pose dans cette aire et la commune de Paris en est elle-même un exemple lumineux.

 

En 1889, le prolétariat parvient â nouveau à réaliser son uni à l'échelle internationale, mais de façon moins globale qu'en 1864, et cette fois le mouvement atteint des zônes encore plus vastes traduisant à la fois l'extension du mode de production capitaliste et celle de la théorie du prolétariat.

 

1.1.9. - Cependant au sein de divers partis occidentaux une gauche s'était individualisêe. Celle des tribunistes hollandais qui malheureusement ne furent pas exempts d'une faiblesse anarchiste dans leur théorisation du parti. En Allemagne il s'en constitua grâce à R. Luxembourg, F. Mehring, etc. Mais il y eut aussi dcs groupes dont les positions différaient sensiblement et qui se manifestèrent lors de la révolution en 1918. Le mérite de cette gauche fut de défendre la vision catastrophique de K. Marx et de rejeter le réformisme, souligner l'importance des grèves donc de l’activité "des masses", sans lesquelles aucune révolution n'est possible; enfin d'avoir dénoncé le colonialisme et d'avoir compris que si le prolétariat n'était pas capable de s'opposer aux entreprises coloniales, il ne pourrait pas non plus s'opposer à la guerre impérialiste.

 

En Italie, dès 1906, le courant de la gauche s'individualise et défend les mes positions que la Gauche allemande mais, en plus, lutte contre la mocratie et en particulier le parlementarisme et la politique de front unique appelée à l’époque en Italie bloccardisme (en cela elle se rapproche de la gauche hollandaise). Elle prit violement position contre la culture (qui est toujours bourgeoise), mais mit au premier plan l'intransigeance de pensée, la primau de la théorie. C'est sous l'action de la gauche (la fraction abstentionniste) que le parti socialiste ne sombra pas dans l'union sacrée.

 

En dehors de ces courants, aucune réaction importante ne se fit en Europe occidentale contre la dégénérescence du mouvement socialiste: La guerre d’autre part interrompit partout le mouvement de radicalisation. Cependant en Allemagne (1916) et en Italie dès 1914, il y eut une riposte sérieuse du prolétariat.

 

1.1.10. - Malheureusement cette Internationale créée trop tôt sombra rapidement dans le démocratisme et le réformisme. Son passage, en 1914 à l’union sacrée - sa trahison effective - avait des racines profondes. Contre ce devenir opportuniste des partis socialistes, il y eut dans les pays latins une vigoureuse riposte de la part du syndicalisme révolutionnaire.

 

De part leurs positions "anarchisantes", les syndicalistes révolutionnaires ne purent surmonter la faiblesse du mouvement ouvrier. Ils favorisèrent la coupure en son sein. Ainsi en 1906, la charte d'Amiens ιtιéorisait l'indépendance du syndicat par rapport au parti. C'était la perte définitive de l'unité ouvrière. Ceci devait se réaliser aussi en dehors de France.

 

À cette coupure au sein de la classe correspondit une division sur le plan théorique. Berstein opposa le but au mouvement et affirma la primau du deuxième sur le premier. Le mouvement ouvrier pâtit encore de cette division.

 

1.1.11 - La ΙΙΙ° Internationale est fondée à Moscou en 1919, à la suite de la révolution russe, et ce, comme Engels l'avait prévu. "Cependant de tels événements sont en train de mûrir en Russie où l'avant-garde de la révolution engagera la bataille. À notre avis, c'est cela, et son inévitable répercussion en Allemagne, qu'on doit attendre, et alors viendra le temps d'une démonstration grandiose et de l'installation d'une internationale formelle, officielle, qui, tout simplement, ne pourra plus être qu'une société de propagande; mais seulement une société en vue de l'action."

 

1.1.12. - La fondation de la ΙΙΙ° Internationale marque une discontinuité réelle. Le travail des révolutionnaires était de la rendre de plus en plus effective. Pour cela une critique matérialiste de la faillite de tous les partis de la II° Internationale, une critique de ses principes eut été nécessaire. En Russie, elle s'opéra dans les faits et aussi,(en partie) dans la doctrine (L'État et la révolution). En occident le mouvement ne parvint pas à rompre définitivement avec la démocratie et ne put conduire avec détermination la lutte contre le capital.

 

1.1.13. - En Allemagne le mouvement prolétarien subit une grave défaite au moment même où comuιençait son vaste mouvement de réunification sur une base de classe, en rompant avec la démocratie. Le lien avec la révolution russe nc put se produire.

 

En Italie, la puissance du parti socialiste profitant du prestige à lui conféré par sa non-participation à la guerre arrive à dévoyer le prolétariat vers les élections au lieu de s'adonner à la préparation révolutionnaire. La rupture avec la droite et avec la démocratie - rupture voulue essentiellement par la fraction abstentionniste - se fit trop tard, après la grande vague révolutionnaire de 1919 (Livourne 1921).

 

Ainsi, après ces deux défaites et après celles de Hongrie, de Finlande, l'absence de mouvements sérieux en France et en Angleterre, la révolution russe était isolée.

 

1.1.14. - Cette défaite du mouvement ouvrier de l'Europe occidentale eut son contre-coup en Russi: la ΝEΡ. D'autre part, le point culminant de la vague révolutionnaire 1919 passé, il aurait fallu préparer les partis pour la prochaine phase révolutionnaire. C'est ce que la Fraction Communiste d'Italie voulait en demandant des conditions draconniennes pour l'admission des partis dans l'internationale (elle fit adopter en particulier les points 16 et 19). Malheureusement tout de suite après cette promulgation de conditions, devait prévaloir une tactique de front unique, d'abord lors de la fusion du jeune parti communiste allemand avec les indépendants de gauche (Halle 1920), lors de la tentative d'en faire autant entre le parti communiste d'Italie et la gauche du parti socialiste (les terzinternazionalisti), puis avec la théorie officielle du front unique pour arriver finalement au mot d'ordre du gouvernement ouvrier et paysan.

 

Ces erreurs affaiblirent, au lieu de le renforcer, le communisme mondial et ce fut de nouveau la défaite s Allemagne 1923, après la victoire du fascisme en Italie en 1922. L'Internationale devint pleinement alors un phénomène russe. Tout le mouvement mondial va s'épuiser à défendre un acquit sans parvenir à dépasser sa propre situation.

 

1.1.15. - À la suite de la défaite du mouvement spartakiste et en rapport à la généralisation erronée du schéma de la révolution russe en occident, une vive opposition se fit jour en Allemagne dès 1919 avec constitution d'un nouveau parti en 1920 le parti communiste ouvrier d'Allemagne. Il mit en évidence (en liaison avec .les tribunistes hollandais passés eux aussi dans l’opposition) les difrentes données de la situation du mouvement ouvrier en Allemagne. On peut caractériser actuellement cela en disant que dans ce pays on assistait au passage de la domination formelle du capital à celle réelle et ce évidemment à l’échelle de la société entière. Ce mouvement était lesté de toutes sortes d'erreurs, tant sur la question nationale, que sur celles des luttes économiques immédiates, sur le parti, etc... À son tour il était incapable d'apporter son aide â la révolution russe et il ne comprenai pas toute son importance du fait de  son prolongement dans l'aire asiatique.

 

1.1.16. - La polémique puis la rupture entre le KAPD (fondateur en 1922 d'une IV° Internationale avec les tribunistes., les gauches bιιlgares, etc...) ne fait que traduire la non soudure des deux phénomènes révolutionnaires, celui de l'aire slave, pleinement triomphant, mais dont le triomphe ne pouvait être définitif qu'avec la victoire de la révolution en occident, et celui de l’Europe occidentale qui venait d'être stoppé dans son élan: 1919, et qui n’arrivera pas à reprendre véritablement l'offensive.

 

La défaite de 1923 fut parachevée par l'enlisement de la lutte du prolétariat anglais (à cause du comianglo-russe) en 1926, enlisement déjà préparé par la funeste entrée du parti communiste dans le Labour Party sous le prétexte de radicaliser ce dernier. À la même date, la théorie du socialisme en un seul pays triomphe au sein du parti communiste d'union soviétique. Il n'est plus question alors de la révolution communiste en occident.

 

1.1.17. - Devant ce recul de la révolution, le parti russe tendit de plus en plus à chercher un appui dans les révolutions anti-coloniales d'Asie. Il ne fit qu'accentuer la position défendue à Bako: "Et c'est pourquoi, quand les capitalistes disent qu'une nouvelle horde de Huns menace l’Europe, nous leur répondons: Vive l'Orient rouge qui avec les ouvriers d'Europe, créera la civilisation nouvelle sous l'étendard du communisme."

 

L'aide des ouvriers d'occident faisant défaut, la théorie de l’alliance prolétariat-paysannerie (dans les limites de la Russie) fut néralisée à l'échelle mondiale (Boukharine). Cela conduisit â l'alliance infecte avec des partis contre-révolutionnaires tel que le Kuomingtang. Le centre révolutionnaire était déplacé vers l'Est. Mais en faisant cela, on rétrogradait de la lutte pour la double révolution à celle pour la révolution bourgeoise. Ceci se révêla objectivement lors du massacre des ouvriers de Canton et de Shangai (1927). La transcroissance de la révolution chinoise était détruite.

 

Désormais-plus rien, au sein de l'Ι. C., n'empêchait le triomphe de la théorie du socialisme en un seul pays (1928). Ceci signifiait la défaite totale du communisme en occident, elle marquait en même temps le début d'une vague révolutionnaire bourgeoise immense, en Asie, en Afrique- plusieurs fois freinée, mais finalement victorieuse (1962) - mais elle avait, pour toujour été décapitée de sa transcroissance communiste.

 

 

1.2.- Les leçons de l'histoire du mouvement prolétarien.

 

"Ces causes (de l'échec. n.d.r.) ne doivent pas être recherchées dans de simples éléments accidentels: efforts, talents, erreurs, défaillances, trahisons des chefs, mais dans la situationnérale et dans les conditions d'existence de chaque nation inressée à l'agitation révolutionnaire." Marx -Engels,

 

L'étude de l'histoire du mouvement ouvrier apporte un certain nombre d'enseignements qui sont essentiels pour la compréhension de la lutte du prolétariat pour le communisme.

1.2.1. - "Cette organisation du prolétariat en classe, et donc en parti politique est sans cesse détruite à nouveau par la concurrece que se font les ouvriers entre eux. Mais elle renaît toujours, et toujours plus forte, plus puissante." (Manifeste du parti communiste.)

 

Nous avons constaté cela avec la Ligue des Communistes, puis avec l'A.I.T. dans laquelle le Conseilnéral de Londres correspondait au parti, ensuite avec la ΙΙ° Internationale celui-ci avait une plus grande extension, enfin avec-la ΙΙΙ° qui, dès 1922, se proclamait le parti communiste mondial.

 

1.2.2. - Les phases de révolution sont des phases d'unification, les phases de contre-révolution sont celles de la fragmentation de la classe. Ce qui se traduit fondamentalement par la séparation de la classe de son programme historique. Sur le plan théorique, il en est de même :paration du but et du mouvement, tendance à voir des contradictions dans le système théorique°:à opposer entre eux certains membres de l'école marxiste de façon abstraite sans se rendre compte des différences historiques en lesquelles se firent leurs affirmations. Alors, triomphe le mode de pensée par catégories figées (me si on se dit fenseur de la dialectique) et on n'est plus apte à intégrer tout phénomène dans le corps intégral de la doctrine; perte d'un sens fondamental: celui des néralisations, (Trotsky). En revanche dans les phases de reprises et de lutte révolutionnaire tous les efforts théoriques convergent que ce soit au sein de la classe (le dépassement de la démocratie en 1919) où chez les théoriciens de cette classe (Lénine et Trotsky en 1917, par exemple). Les deux phénomènes sont absolument liés.

 

1.2.3. - L'unification se fait spontanément en 1864 où l'A:Ι.Τ. unit de façon indissolubles la lutte politique à la lutte économique. La ΙΙ° Internationale opéra de la même façon à ses débuts; seulement le mouvement atteignait de moins grandes masses puisqu'il ne regroupait que les éléments socialistes et marxistes : limites du mouvemént spontané. La IΙΙ° Internationale qui avait à surmonter un état de fragmentation de la classe, jamais encore atteint, ne put réaliser réellement la même unification que l’A.Ι.Τ.

 

 

1.2.4. - Regroupant l'ensemble de la classe ouvrre, l'A.I.T. ne connut pas le probléme du lien du parti à la classe. Ιl était interne et se manifesta sous une forme organisative avec la polémique sur le centralisme et le fédéralisme. En revanche, la ΙΙ° Internationale, ne regroupant qu'une partie de la classe, la question de son lien à la totalité de celle-ci devint essentieelle. C'est pourquoi le suffrage universel, la propabande électorale furent considérés comme des modes de liaison avec la classe et comme  moyens d'unifïcation de celle-ci. Pour la ΙΙΙ°, le regroupement de la classe porta sur un effectif encore moindre: IL fallut même purifier les partis (21 conditions) pour leur donner une vigueur révolutionnaire. Dans une première phase - celle révolutionnaire - il y eut un double mouvement de purification des partis et unification de larges masses autour de ceux-ci. Avec l'arrêt de la vague révolutionnaire nous avons une seconde phase où vint se poser la question d'une liaison plus intense avec les masses, la nécessité de trouver un moyen de les regrouper plus largement (alors qu'à cause de la stase révolutionnaire, elles se trouvaient sous l'emprise des partis sociaux-démocrates) : ce fut l'expédient tactique.

 

 

Au sein des trois internationales la fausse position du problème du lien du parti à la classe οu du mode d'organisation de celle-ci (ce qui se ramène au précédent) aboutit à une seule et même déviation : croire que la révolution soit une question de forme d'organisation.

 

1.2.5. - Au cours de la vie de la classe et donc du parti, trois déviations furent le passif national dans les trois pays les plus avancés. 1°- L'opportunisme en Angleterre, une déviation économique : étant donné le développement économique on peut penser que les principales contradictions qui affectent le système économique capitaliste iront en s'effaçant. En conquence la classe ouvrière ne doit pas tellement se préoccuper du but final mais de l’amèlioration de sa condition de vie quotidienne, ce faisant elle jouerait en même temps le rôle d' hygièniste du capital, puisque par sa lutte elle tendrait à éliminer les excroissances nocives du système. 2°- Le possibilisme en France : illusion de conquérir l'État de l'intérieur (ceci s'est aussi manifesté en Allemagne avec le lassalisme ). Il postule qu'il est nécessaire de rendre possible le programme maximum (la révolution socialiste) en le rendant compatible avec une lutte dans les limites de la société bourgeoise: formulation d'un programme minimum. Les réalisations de ce programme pouvant à leur tour - grâce à une émulation - entrainer d'autres masses dans le mouvement. Par progression graduelle on irait jusqu'à la conquête du pouvoir qui serait presque dans ce cas une démission du pouvoir de la part de la classe dominante. 3°- Le révisionnisme en Allemagne - οù naquit la théorie - implique une modification de la doctrine elle-même. La réalité historique n'est plus essentiellement la même, il est nécessaire de tenir compte des nouveautés et, en particulier,  la catastrophe du système capitaliste n'est pas inéluctable; en conquence, l'important ici, encore, c'est la lutte quotidienn: le but n'est rien, le mouvement est tout.

 

Ultérieurement les trois types de déviation se sont sommés en difrents autres points du globe, pour finalement constituer une seule et même pathologie du mouvement ouvrier, à la suite de la dégénérescence-dé l'Internationale Communiste: l'immédiatisme. On ne tient compte que de l'immédiat οu on ne voit que lui. Ainsi, il n'y a plus une maladie nationale mais universelle.

 

1.2.6 – Chaque défaite a été payée par deux manifestations erronées: l’une anarchiste et l’autre volontariste. Après la I° Internationale la théorie de Bakounine qui reprend celle de Proudhon, tandis que le blanquisme est la maladie de la volonté de l’époque. Après la Commune les blanquistes reprochèrent en effet à Marx d'avoir transféré le siège de l’Α.Ι.Τ à New-York. Ils pensaient qu'une action révolutionnaire était encore possible du moment qu'on avait une organisation aussi prestigieuse que l’Α.Ι.Τ. Ils renversaient tout simplement les données.

 

Au moment de l'enlisement social-démocrate de la ΙΙ° Internationale, on eut de nouveau une réaction similaire avec l'anarcho-syndicalisme : une forme typiquement anarchiste (exemple Pelloutier) et une forme plus volontariste (type blanquiste), Sorel et ses adeptes.

 

Avec la dégénérescence de la ΙΙΙ° Internationale, l'anarchisme se manifeste à nouveau. C'est alors la négation de l'importance du parti. Évidemment, il y a dans cet anarchisme diverses nuances, parce que le refus du parti est plus οu moins total. Cependant on peut dire que cette oscillation anarchisante se fait nettement sentir chez les tribunistes, le KA.P.D., les ordinovistes italiens. D'autre part le courant anarchiste traditionnel se nourrit et se renforce auprès de ces oscillations.

 

La déformation volontariste nous est fournie par les trotskystes. Ceux-ci à l'instar des blanquistes sont incapables de comprendre ce qu'est une période de recul. C'est ainsi qu'ils crurent pouvoir reformer une Internationale. Ils croyaient et le croient encore qu'il suffit, en Russie, de terminer la révolution, faire une révolution politique : la bureaucratie s'étant accaparé du communisme!! Ils commettent la même erreur que les prolétaires français qui croyaient parachever la révolution française et qui luttaient en fait pour un monde nouveau. La différence réside en ce que le prolétariat français se mouvait dans l'orbite de la révolution, les trotskystes dans celle de la contrerévolution. L'amnistie des blanquistes en fit finalement des socialistes réformistes qui sombrèrent dans l'union sacrée; la chance des trotskystes réside dans la non-réhabilitation de Trotsky.

 

1.2.7. - Chaque internationale mourut en résolvant la question qui la minait.

Centralisme οu fédéralisme au sein de l’A.I.T. Ceci fut résolu avec le triomphe de la théorie du parti au congrès de-La Haye 1872.

 

- Révolution graduelle οu catastrophique du capitalisme au sein de la ΙΙ° internationale, la position de la gauche (bolchéviks, spartakistes et abstentionnistes se révéla profondément juste en 1914. Sur le plan doctrinal, ceci représente une des plus grandes victoires de notre doctrine. C'est la dernière vérification expérimentale nécessaire de la théorie prolétarienne.

 

- La question de la tactique au sein de l'I.C. En 1922, les thèses de Rome donnent une solution définitive. Ces thèses étaient celles du parti communiste d'Italie mais elles furent en même temps présentées comme projets pour l’I.C. Elles ne furent pas acceptées mais tout le développement ultérieur du mouvement ouvrier devait en montrer la justesse.

 

1.2.8. - Sur le plan purement théorique la Ι° Internationale connut le problème suivant: qui crée la richesse? Le Capital de Marx est non seulement une réponse à cela, mais expose le programme de la classe prolétarienne. Le prolétariat crée la plus-value qui permet la valorisation du capital; la mission historique du prolétariat est la destruction du capital et l'instauration de la société communiste. Le mouvement pratique immédiat fut la lutte pour la réduction de la journée de travail à 10 heures. Ce mouvement unifia la classe et prouva la justesse de la théorie.

 

La ΙΙ° Internationale ne se préoccupa pas de la crise économique, c'est-à-dire du cours du mode de développement du capitalisme. Ce dernier pouvait-il éviter les crises? Y aurait-il une évolution graduelle qui permettrait de passe insensiblement au socialisme? Cette question est donc celle qui fut déterminante pour la vie de la ΙΙ° Internationale. Ce n'est pas pour rien que Berstein niait les crises. La gauche marxiste affirmait le contraire et elle eut raison.

 

La III° Internationale trouvant les deux premiers problèmes résolus, se posa alors la question de savoir exactement quelles étaient les causes de la mise en mouvement des masses; comment serait-il possible d'accélèrer ce dernier (lien avec la tactique). La réponse fut donnée dans les thèses de Rome et dans les divers travaux analysant les rapports du parti à la classe.

 

1.2.9. - Les problèmes étaient chaque fois des "problèmes d'actualité" suggérés par une situation historique donnée. On peut dire que l'erreur la pluprart du temps - dans ces cas-là - ne consiste pas tellement à donner une réponse fausse, mais à ne pas l'intégrer dans le corps total de la doctrine. On se laisse alors prendre au nœud coulant de l'actualité. La réponse doit être apportée en fonction du but et non en fonction seulement d'un moment donné de la lutte. Ainsi, il ne suffit pas de dire que la crise est inévitable, il faut encore expliquer quel est le retentissement de celle-ci sur les masse (ce qui dépend du contexte historique); cela conduit à analyser ce qu'est une situation de recul οu au contraire révolutionnaire, etc... etc... De nos jours la question est l'antagonisme entre capitalisme et prolétariat, mais on ne doit pas rester sur le terrain de cet antagonisme, mais voir le dénouement, le triomphe du communisme; sinon on ne sort pas du cadre d'une simple contestation que les fascistes de gauche peuvent se payer le luxe de théoriser parce qu'elle est une donnée brute, réelle, qu'on ne peut pas escamoter.

 

1.2.10. - L'uni du prolétariat est une donnée essentielle pour que la lutte contre le capital se fasse avec une quelconque chance de succès. Cette unité, tous les révolutionnaires la défendirent âprement, c'est pourquoi il fut difficile, à beaucoup d'entre eux, de faire la scission après 1914; c'est pourquoi aussi la droite put si facilement œuvrer  contre. À cela s'ajoutait l'explication trop souvent utilisée : les chefs ont trahi mais les masses (car la coupure du, mouvement apparaît à tous les niveaux) sont potentiellement révolutionnaires (R. Luxembourg s'était rendu compte de la spéciosid'un tel argument). Alors on voulut tenter d'arracher les masses à l'emprise des chefs sans couper le parti (après d'ailleurs on fera la théorie de l'unité à la base pour les éliminer). Mais l'unité du prolétariat n'est valable que si elle est l'expression de son être. "On sait que le seul fait de l'union donne satisfaction aux ouvriers, mais on se trompe si l'on pense que ce résultat immédiat n'est pas trop chèrement payé." (Marx. Critique au programme de Gotha.)

 

1.2.11. - La Ί° Internationale devait affirmer une théorie dans la pratique: dissoudre les sectes et surmonter les étroitesses nationales. La III' Internationale qui commence là où finit la Ι°, la révolution, devait pratiquer une théorie et préciser avant tout la formation de la classe en parti. Elle ne put qu'ébaucher son oeuvre. Nier, cependant, la rupture, même si elle fut très bve, c'est nier l'intervention consciente du prolétariat dans le processus social et c'est escamoter le point essentiel, fondamental, que c'est l'intervention du prolétariat qui précipita la transformation du capitalisme de sa phase de domination formelle à celle réelle et qui permit sa pénétration dans l'immense Asie, puis l'Afrique, détruisant ainsi le frein au développement de ces sociétés. Pour les immédiatistes qui escamotent les discontinuités, c'est peu. Leur impatience nourrie d'envie veut la solution immédiate et ils n'ont que mépris pour ces prolétaires dont l'action a eu pour résultat de renforcer leur ennemi. Pourtant c'est le travail nécessaire de la révolution prolétarienne, avant de pouvoir détruire le capital.

 

 

1.2.12. - Le mouvement à venir ne passera pas par l'étape de la formation d'une internationale. Les bases internationales du mouvement existent partout. La transformation du prolétariat de classe pour le capital en sujet historique se fera par la formation du parti communiste à l'échelle mondiale, L'être de la classe, exprimée au mieux lorsqu'elle est constituée en parti, exclut différentes théories, différentes âmes. L'être ne peut exister que sil est unitaire. C'est cette uni essentielle qu'il a potentiellement acquise au cours des 100 années de lutte avec élimination de toutes les tares et les aberrations théoriques à lui léguées par l'antique société.

 

1.3.- Le mouvemant prolétarien de 1933 à la ΙΙ° guerre mondiale.

 

1.3.1. - Il est le produit de la défaite de 1928. On passe de la phase de lutte à l'échelle internationale à celle nationale. Il en fut de même après 1871. Le mouvement socialiste se développa dans chaque pays isolèmont avant de reprendre une dimension internationale unifiée. La différence, après la défaite de 1928, est que le développement des luttes dans les différents pays est en fait l'achèvement de la contre-révolution qui va y détruire les forces prolétariennes.

 

1.3.2. - En Union soviétique, les meilleurs éléments de la classe ouvrière sont morts au cours-de la guerre civile, les autres se sont dissouts dans l’immense pays. Avec l’industrialisation qui suit 1928, un nouveau prolétariat se forme. Le stalinisme empêche qu'il ne vienne renforcer les restes de l'opposition de gauche qui d'ailleurs sur beaucoup de points (en ce qui concerne les questions internes surtout) ne se différencie pas de la direction stalinienne. Celle-ci en présentant l'industrialisation comme la construction du socialisme arrivera à lier le prolétariat à cette tâche d'édification capitaliste (qu'elle est en réalité) renouvelant l'alliance prolétariat-capital du ΧΙΧ° siècle en Angleterre, qui eut lieu d'ailleurs à la suite d'une défaite de ce dernier (faillite du mouvement chartiste). Le mouvement prolétarien a désormais accompli un cycle historique en Russie, un nouveau cycle commence.

 

1.3.3.- La défaite du prolétariat signifie donc, en Russie, le triomphe du stalinisme, en Eιrορe occidentale celle du fascisme οu de son double, le front populaire. Ceci sera donc traité dans les thèses sur le fascisme (5.4.). Cependant en Angletcrre, le triomphe du capital est tel qu'un gouvernement travailliste n'est même pas nécéssaire. Les travaillistes n'entreront au gouvernement (de coalition, présidé par Churchill) qu'en 1941.

 

1.3.4. - Aux E.U, la situation se présente de façon différente. Ici c'est la constitution de la classe qui est enrayée. Celle-ci s'est développée comme en Angleterre (1.1.6.) au ΧΙΧ° siècle grâce aux luttes économiques, à travers toute la seconde moitié du siècle passé. Dans un premier moment, le mouvement socialiste n'est qu'un appendice de celui européen (prédominance des allemands). Le parti socialiste fondé en 1901 (c'est le second, le premier étant né après 1870 : le "Socialist labor party") a surtout une influence sur les immigrés.Cependant au fur et à mesure que les éléments sont absorbés par l'immense nation (ils ont surtout la possibilide devenir agriculteurs dans l'ouest) ils perdent contact avec le mouvement socialiste.

 

Toutefois le mouvement d'unification de la classe se fait au travers des syndicats. Après les "Chevaliers du travail", l'A.F.L. ( American federation of labor ), c'est la formation des I.W.W. (travailleurs industriels du monde): " Les maux économiques universels qui affligent la classe ouvrière peuvent être extirpés seulement par un mouvement ouvrier universel" (Manifeste de 1905).

 

Cependant cette organisation ne pouvait avoir une assise puissante ne serait-ce que parce que la formation de la classe n'était pas encore achevée du fait même de l'inachèvement de la nation américaine.

 

La guerre de 1914 avait arrêté le développement du mouvement ouvrier mais en même temps elle avait renforle capitalisme américain qui accrut son emprise sur la société américaine et produisit un prolétariat encore plus nombreux.

 

Au cours de la guerre, une aile gauche internationaliste se détacha du parti socialiste et forma en 1919 l’"American communist party". La même année, sur l'initiative de John Reed, se constitue le "Communist labor party" et, en 1920, les deux fusionnent pour former le parti communiste d'Arique. Ce parti reconnaissait l’importance l’I.W.W. dans le mouvement d'unification de la classe ouvrière, seulement il affirmait qu'il fallait aller au-delà des voie: pacifiques :

 

"L'Ι.W.W. retourne à son antique projet d'organiser tous les travailleurs par groupe d'industrie et par la propagande du veloppement pacifique des nouvelles associations, unique moyen pour accomplir la révolution, Le parti communiste reconnaît l’I.W.W. comme nιouvement volutionnaire au sein du prolétariat industriel, mais en critique les prémisses théoriques et les présuppositions tactiques. L'I.W.W. repousse la nécessité d'une action politique révolutionnaire pour la conquète du pouvoir et pour l'institution consécutive de la dictature après laquelle - et seulement gràce à son oeuvre - pourra être créée l'organisation industrielle et sociale désirée par les ligues des ouvriers industriels. L'I.W.W. croit que ses plans théoriques forment sa propre contribution au mouvenιent.En réalité l'importance de son mouvement réside dans le fait qu'elle est l'expression du développement du prolétariat inférieur." (L.C. Fraina. Secrétaire international du P.C. d'Amérique. IL soviet, 06. 06. 1920.)

 

On voit par le contre-coup important de la révolution russe. On a jonction du mouvement de formation de la classe sur les bases mêmes de la société américaine (grand développement des syndicats) et la secousse externe. Les années qui suivent sont des années de reflux comme partout ailleurs dans le monde, avec cette différence qu'aux État-Unis, le capitalisme se développe en extension dans le vaste pays et en intensipar modernisation et rationalisation du système éçonomique. De telle sorte qu'entre 1920 et 1928 on assiste à un développement considérable du capitalisme américain et, au moment οù la crise éclate, en 1929, on peut considérer que finalement la nation américaine est-constitué d'un océan à l'autre. La crise de 1929 est non seulement la crise classique décrite par Marx mais elle est celle de la nation parvenue à sa maturité; elle est aussi le produit de la structuration de celle-ci. La nation s'est développée de façon anarchique, selon le libéralisme le plus classique et le plus débridé. IL faut maintenant une certaine intervention de l’État, il faut une certaine régulation. En un mot les États-Unis avaient brû les étapes. On en était déjà au passage - à l'échelle sociale - de la domination formelle à celle réelle du capital.

 

La crise de 1929, en affaiblissant le capital américain facilita le mouvement d'unification de la classe ouvrière. Le syndicalisme reprit avec une ampleur encore plus grande. Mais, il ne trouvait plus, comme en 1919, un mouvement révolutionnaire â l'échelle mondiale. Celui-ci était liquidé, les révolutionnaires cantonnés dans les divers pays, οù se livraient les ultimes batailles. Au moment où le mouvement de grève des ouvriers américains atteindra presque son sommet, en 1935, l'Internationale, depuis déjà 7 ans ouvertement contre-révolutionnaire, rejette définitivement le programme révolutionnaire !

 

Le prolétariat affaibli par le chômage recevait une aide sous la forme de contingents de nouveaux prolétaires: les hommes expropriés des campagnes. En effet, l'agriculture s'était développée jusque de façon extensive et les lois du capital ne la dominait pas. Maintenant que le marché inrieur est réalisé, les lois du capital vont pouvoir réellement se manifester. La crise facilite cette main-mise capitaliste. Les terres inaptes à produire le profit social moyen, donc une rente différentielle minimum, furent éliminées. La surface des terres ensemencées diminua. Depuis lors, celle-ci augmente οu diminue en fonction de la demande, en liaison avec le marché mondial. Lorsqu'il y a demande, les terres qui jusque ne pouvaient pas produire de rente sont alors cultivées, mais dès que la production atteint de nouveau un certain niveau et que la demande diminue, les prix baissent et les terres ne sont plus rentables. La surface ensemencée est réduite à nouveau (ceci illustre magnifiquement l'exposé théorique de Marx dans le livre IV au sujet de la rente foncière).

 

Le prolétariat s'organise de plus en plus et en 1935 apparaît un nouveau syndicat, le C.I.O (Commitee for industrial organisation). L'État capitaliste se rend bien compte de l'impossibilité d'arrêter le phénomène. Toute tentative de le heurter de front aurait eu pour résultat une radicalisation majeure. Dans un premier temps il accepte et soutient même le syndicat (c'est le moment de l'occupation des usines, et dans ce cas mieux vaut faire pression sur les industriels pour qu'ils reconnaissent le syndicat); dans un second temps, il essaie de trouver appui auprès de lui pour réaliser l’oeuvre de rationalisation (New deal, par exemple) et assurer la survie du capital. La manœuvre de la bourgeoisie anglaise du ΧΙΧ° siècle se répétait avec le même succès.

 

Le mouvement prolétarien est dévoyé. La classe ne se constitue pas en tant que classe et donc en parti, mais il a une force considérable qui explique la difficul de l'entrée en guerre des E.U. (ce qui n'exclut pas les autres causes qui se situent pleinement à l'intérieur de la sphère des intérêts capitaliste: laisser l'Europe s'épuiser par exemple). La guerre sera nécessaire pour détruire le mouvement prolétarien. Ce sera l’οeuνre des staliniens qui a partir de 1941, demandent aux ouvriers d'abandonner les avantages conquis dans la phase précédente afin de faire un effort de production pour la défense de la patrie et soutenir l'URSS (ceci n'empêchera pas qu'il y ait encore de grandes grèves en 1942).

 

Maintenant le mouvement est détruit à la suite de l'action conjuguée du réformisme classique - intégration de la classe dans la société - et du stalinisme qui sur ce plan-là n'est qu'un ersatz infâme de la social-démocratie: défense de la patrie.

 

1.3.5.- En rapport avec cette fragmentation de la classe à l'échelle mondiale, il y a une division profonde sur le plan doctrinal. Elle affecte fondamentalement la question du rapport du parti à la classe.

 

Les trotskystes d'abord groupés dans l'opposition bolchevik-léniniste, puis dans la ligue, considèrent qu'il est possible de faire une quatrième internationale. Ils sont obnubilés par la question de la conquête des masses. Pour ce faire ils entrent, en France, d'abord dans la S.F.I.O. puis dans le P.S.O.P.(Parti Socialiste Ouvrier et Paysan); en Espagne, ils participent à la formation du Ρ.O.U.M.(Parti ouvrier d'unification marxiste), puis s'en séparent, tandis qu'aux E.U. et au Mexique, ils noyautent les partis communistes officiels (pratique qu'ils répéteront ailleurs). Cependant en 1936, les conditions leur semblent favorables et dans le Ι° n° spécial de IV° Internationale (Résolutions de la conférence pour la IV° Internationale) ils considèrent la nouvelle montée volutionrιaire et les tâches de la IV° Internationale. Mais il faudra tout de même attendre 1939 pour que celle-ci voie le jour. Cette "petite" erreur de prévision ne les empêchera pas ultéricurement de prodamer de nouvelles montées révolutionnaires, donc la nécessid'une action, etc… Ils sont files à eux-mêmes: ils doivent terminer une révolution; une simple secousse peut tout remettre en branle.

 

1.3.6. - Les positions du ΚAPD, des communistes de conseil, des tribunistes continuent à être défendues. Leurs positions négatrices du parti ne feront que s'accuser. Le triomphe du fascisme en Allemagne provoquera une dispersion de ces éléments : certains iront en Australie (Pannekoek par exemple) et continueront à défendre la nécessité des conseils ouvriers, d'autres aux E.U. οù ils affirmeront dans des revues comme "International Council correspondance", "Living marxism" des positions similaires.

 

Les luxembourgistes se rattachent un peu à ces courants par leur critique de l'absence de démocratie à l'intérieur du parti russe et par le fait qu'ils font dériver la défaite de défauts intrinsèques au parti bolchévik.

 

1.3.7. - En définitive le devenir de la classe qui s'érige en parti n'est plus conçu comme une totalimais est appréhendé de façon unilatérale. On est dans une phase d'interprétation de la défaite que beaucoup de courants ne veulent pas réellement reconnaître.

En ce qui concerne l'attitude vis-àvis des syndicats on peut dénombrer les principales positions suivantes :

a - Refus total d'y travailler : le k.A.P.D. À l’origine la position de ce parti doit être réellemnt prise en consiration en ce sens qu'en 1919-20, un grand nombre de prolétaires quittaient les syndicats et cherchaient à créer des organismes plus révolutionnaires (conseils d'entreprises).

 

b - Il faut lutter pour un syndicat révolutionnaire. On reprend la vieille position de la III° Internationale sans mettre en évidence que celle-ci avait créé une internationale syndicale rouge et donc avait dû accepter la coupure du mouvement ouvrier : position trotskyste.

 

c - Les syndicats doivent être indépendants des partis. On réaffirme purement et simplement la Charte d'Amiens: position des anarcho-syndicalistes.

 

d - Le syndicat est un organe qui n'est pas susceptible d'avoir uniquement une position réformiste-bourgeoise. De ce fait, il n'est pas impossible que l'on ne puisse pas conquérir les directions syndicales. Cependant cette perspective est lointaine. On ne peut pour le moment qu'y faire œuvre  limitée de prosélytism: position de la gauche communiste italienne.

 

1.3.8. - La seule position qui défendit avec le plus de cohérence - bien qu'avec beaucoup de faiblesses - la théorie du prolétariat et, surtout, a affronté correctement la question de la formation d'un nouveau parti, c'est la gauche communiste italienne.

 

Après le congrès de Lyon 1926, la Gauche perd définitivement la direction et l'influence puissante sur le P.C.I. En 1927, un certain nombre de camarades fondent à Pantin la fraction de la gauche communiste au sein du P.C.I. et publient un journal, Prometeo. Ils entrent en conflit constant avec les troskystes tandis que les éléments dérivés du K.A.P.D. et des Tribunistes leur reprochaient de ne pas aller aussi loin qu'eux dans la critique de la révolution russe, c'cst-à-dire de ne pas aller jusqu affirmer que la contre-révolution était l’œuvre de Lénine, etc...

 

La gauche souligna l'impossibilité de créer un parti. "Au lieu d'une rigoureuse analyse de la situation pour voir si les conditions existent pour fonder les nouveaux organes, on détermine à priori la nécesside créer la nouvelle internationale. De la formul: la révolution est impossible sans parti communiste, on en tire la conclusion simpliste qu'il faut d'ores et déjà construire le nouveau parti " (Bilan, n° 1, 1933)

 

En 1935, constitution de la fraction indépendante. Lors de la guerre  d’Espagne, elle souligna, dans un premier temps, l'aspect hautement révolutionnaire du mouvement, puis nonça la guerre impérialiste en laquelle s'était transformée la lutte.

 

La gauche maintient fermement son anti-dérnocratisme et son refus de la lutte de défense nationale sous quelque prétexte que ce soit, en particulier au nom de la défense de l’URSS, alors que beaucoup de trotskystes entrèrent dans la résistance.

 

Dans Prometeo et dans Bilan se trouvent certes des faiblesses dérivant de la non-individualisation claire et nette de la phase de recul et de l'étude du développement du capital à l'échelle mondiale, cependant cette fraction eut le mérite de défendre correctement les principes fondamentaux du communisme, ce qui l'empêcha de tomber dans le traquenard démocratique οu dans celui de la création du parti.

 

La force de ce mouvement, c'était d'avoir compris qu'il fallait battre en retraite.

 

1.3.9. - Avec la guerre de 1939-45 c'est le triomphe total de la social­démocratie telle qu'elle se manifesta en 1914: triomphe de la démocratie, de la nation, de l'évolutionnisme, etc… Le stalinisme, une fois son oeuvre de pression accomplie (comme le fit en 1919 la social-démocratie allemande retrouva pleinement les mots d'ordre de la social-démocratie, en ce sens il est sa vérité. En 1914, un des mots d'ordre qui avait permis d'embrigader les prolétaires dans la lutte impérialiste, fut de proclamer la défense de la France, terre des libertés et de la révolution et οn rappelait: "Tout homme a deux patries, la sienne et puis la France", en 1940, l’U.R.S.S. remplace la France: "Tout homme a deux patries, l'U.R.S.S. et puis la sienne". Le résultat fut le même : la défaite du prolétariat.

 

En acceptant de se battre pour la démocratie le prolétariat redonnait vie au capital (il allait le montrer puissament dans les années d'après-guerre).

 

"Aussi horriblement une fois encore, la jeune et généreuse bouche du prolétariat, puissante et vitale, s'est appliquée contre la bouche putréfiée et fétide du capitalisme et lui a redonné, dans une étroite union inhumaine, un autre source de vie."

 

1.4. - Le mouvement prolétarien après la seconde guerre mondiale.

 

1.4.1. - La guerre mondiale eut un caractère nettement anti-prolétarien. Évidemment, la propagande officielle de tous les bords tente de masquer au maximum cela. Cependant il est quelques faits qu'il n'a pas été possible d'escamoter :

 

a - La répression contre la population civile allemande,

b - la répression du ghetto de Varsovie (1944)

c - la coupure de l'Allemagne en deux, afin dviter un soulèvement prolétarien cnmparable à celui de 1919,

d - c'est grâce à la guerre que la classe capitaliste américaine put détruire la force des syndicats.

 

D'autre part, dans cette guerre, se manifesta nettement la domination du capital sur la société. Elle lui fut nécessaire pour éliminer toutes sortes de marchandises encombrant son procès de valorisation, mais aussi pour éliminer son ennemi, l'homme. D'où non seulement les massacres que toute guerre implique, mais la destruction scientifique, rationnelle d'ethnies entières juifs, tziganes parce que pour le capital ces êtres humains étaient devenus surplus.

 

1.4.2. - 1945 signe la défaite complète et irrémédiable,pour un certain laps de temps, du prolétariat. Celui-ci pourtant avait tenté dans certains pays d'utiliser l’affaiblissement de la classe capitaliste pour passer â l’offensive contre le capita1. En effet beaucoup de militants ouvriers crurent pouvoir réellement, à la fin de la guerre, effectuer cette offensive. Sans cette perspective, il est évident qu'il n'aurait pas été possible de mobiliser les pour la lut-te contre le fascisme allemand. Ceci apparaissait d'autant plus plausible que l'on se reférait à la révolution russe qui avait triomphé au sein de la Ι° guerre mondiale.

 

     Cependant partout, dés la guerre finie, les partis staliniens procédèrent au désarmement des différentes milices populaires et proclamèrent que la tâche essentielle   était la reconstruction de la nation. Ils justifièrent cette position au nom des condtions objectives défavorables à toute tentative de prise de pouvoir entrnerait l'intervention des E.U. Argument fallacieux car le monde capitaliste était affaibli et que commençaient à se déchaîner les révolutions anti-coloniales.L'intervention des staliniens eut deux résultats, remettre les prolétaires dans les entreprises-prison et freiner la révolution coloniale qui à cause de cela trouva devant elle des états capitalistes vite réaffermis.

 

Si en 1914 il fut possible de parler de trahison, le faire pour les évènements de 40 οu de 45 est une sinistre farce parce que c'est masquer complètement que tous les partis communistes étaient ouvertement (par leur programme même) des partis au service du capital. Leur reprocher une trahison c'est les virginiser et faire du réformisme vis-à-vis de la pourriture.

 

1.4.3. - Cependant les difficiles conditions de vie de la classe ouvrière liées au désastre de la guerre et à la pression énorme du capital qui s.e reconstruit: sur le dos de celle-ci amènent de grandes grèves en France (1947) avec formation - limitée mais syιnptômatique - de comités de lutte, en Italie, en Grèce οù le mouvement armé fut détruit par les capitalistes occidentaux avec le consentement des russes; grèves aussi en Angleterre, Mais le plan Marshall en apportant une aide à la reconstruction de l'Europe (moyen pour les F.U, de la coloniser) favorise une amélioration économique qui enrayera l'agitation sociale.

 

La plupart des mouvements qui se développeront jusqu la période de coexistence pacifique seront dévoyés dans la lutte contre "l’inιpérialisme américain" et donc pour le soutien de l'URSS, c'est-à-dire que la classe ouvrière était utilisée comme instrument dans la fameuse guerre froide.

 

Cependant quelques grèves eurent encore un caractère nettement de classe telle celle générale de 1953 en France, telles celles moins étendues de 1956 liées à la lutte contre la guerre d'Algérie (mouvement des rappelés).

 

En 1960 la grande grève des mineurs en Belgique est liée à la transformation structurelle du capitalisme. Le prolétariat reprenait une base de classe mais à un stade assez inférieur: revendication du droit au travail.

 

En 1963, le me mouvement - avec une ampleur moindre - affecta le bassin houiller du nord de la France, puis ulrieurement Decazeville. En aucun cas on ne pouvait voir de symptômes de reprise. Ce n'était même pas des combats d'arrière-garde. Ces révoltes étaient vite déviées par l'ensemble des partis de gauche et par les syndicats.

 

À peu près à la même époque des mouvements similaires affectaient l’Ιtalie (d'abord en 1960 puis surtout en 1962) ils étaient s au brusque démarrage de l'industrie italienne. Les nouveaux prolétaires - νenus du sud surtout - se rebellèrent contre le despotisme de fabrique. Là encore les divers partis de gauche éteignirent l'étincelle. A quelques différences près, la même chose advint en Espagne lors de la grande grève des Asturies. Au Japon à la même époque on assiste au début d'un vaste mouvement de lutte ouvrière. Tous ces mouvements étaient en liaison avec la crise capitaliste qui couvait et commençait à se manifester mais qui fut surmonte à la suite, surtout, de l'intervention américaine au Vietnanι (1964).

 

Le prolétariat était bien emprisonné et surveillé par ses partis et ses syndicats.

 

1.4.4. - L'Union Soviétique pouvait jouir d'une certaine paix sociale (tout au moins d'après ce que laissait filtrer le rideau de mensonge) étant donné que les difficultés économiques étaient surtout subies par les pays satellites horriblement exploités. Ceci détermina la grande explosion prolétarienne de Berlin-Est.

 

"Les mouvements ouvriers qui se sont déroulés au cours du mois dernier en Allemagne orientale - mouvements non limités à une seule journée à Berlin, ni limités à cette seule ville, mais étendus avec une vigueur spontanée à tous les centres prolétariens, se répétant de façon diverse, non éteints par la répression la plus pesante, ni par les promesses et par les concessions effectives et les reculs du pouvoir-donneur de travail, qu'on l’appelle armée russe d'occupation, république démocratique ouvrière, État capitaliste et patronal - ont une portée qui νa certainement hors des limites de l'épisode.

 

"Ce n'est toutefois qu'avec une extrême réserve que l'on peut y découvrir le début d'un "nouveau cours". Si on le fait on doit réagir, en même temps, contre la vogue corrompue du monde bourgeois décadent qui court à chaque instant derrière le sensationnel et l'imprévu (.... ).

 

"Cependant il n'est pas facile - même pour ces groupes de prolétaires qui ont - si l'on peut dire - physiologiquement hérité la possibilide parcourir le chemin qui νa des actes immédiats contingents de la lutte économique aux revendications sociales et révolutionnaires - de dépasser la zone minée οù peut se produire une reprise de l'action, même éclatante, pour aller à celle où se crée un tissu organisatif et οû se retrouve la doctrine politique, conditions sans lesquelles reste barrée la voie unique qui peut résoudre la lutte en victoire.(...,)

 

"Pour tous, des deux côtés opposés, le probme du monde d'aujourd' hui est celui de l'organisation de l'Europe. Celui-ci dépend du problème de l'unité allenιande.(....)

 

"Le problème de l'unité allemande se projette et devient incandescent dans le feu de Berlin divisée chacun des deux groupes impérialistes voudrait voir un mécanisme étatique unique contrôlant toute l'Allemagne et la constellation européenne, et, contrôlé par lui."

 

"La seule voie révolutionnaire est que ce grand prolétariat réussisse au cours des phases de ce processus dramatique à se soustraire aux vicissitudes d'un "mouvement pendulaire-" entre les deux pôles attractifs de l'est et de l'ouest, et décrive sa propre trajectoire autonome. Non pas comme lorsqu'il suivit la guerre des Hohenzollern ou subit celle nazie, mais comme lorsqu'à la fin de 1918, après avoir chassé sa monarchie, il tenta de prendre à la gorge la république de Weimar vendue aux vainqueurs et manqua de peu la situation qui aurait certaineιnant renversé celle d'aujourd'hui - dictature des ouvriers à Berlin ! L'action critique au socialisme national de la part des bolchéviks et des spartakistes avait oeuvré en vue de ce résultat. Dur et long le chemin, grand et lointain le but.  Il programma comunista. n° 14, 1953.

 

Ainsi le vieux front de classe - le front décisif s'était roula lutte entre bourgeoisie et prolétariat, à l'échelle mondiale - les pays entre la Russie et l'Allemagne (celle-ci étant exclue), réapparaissait ainsi que la condition de la victoire du prolétariat. Il s'était manifesté la dernière fois en 1944 lors de la Commune de Varsovie écrasée par les alleands avec l'assentiment des russes.

 

1.4.5. - Ce front de classe devait à nouveau bouger en 1956, en Pologne (Juin).

"Il était inévitable - bien que douloureux - que l’explosion prolétarienne de Poznan fut prise sous le feu concentré des deux impérialismes de l'occident et de l'orient et que son caractère nettement ouvrier soit dénaturé.(....)

 

"Les ouvriers de Poznan se sont révoltés contre les conditions de sur-exploitation qui - dans toute période de folle accumulation - prévalent sous tous les méridiens et parallèles, à droite comme à gauche, à l'est comme à l'ouest. Nous ne savons pas si au-delà de la revendication économique, ils ont donné à leur agitation un contenu programmatique révolutionnaire. Le grand péril est que la révolution ouvrière polonaise se laisse canaliser dans la voie (absente certes à l’origine du mouvement) de la démocratie, des droits de l’homme, de l'indépendance nationale, au lieu de prendre la voie directe de la lutte révolutionnaire et de la formation du parti de classe. Longue et pénible est dans la situation internationale présente, cette dernière voie. Le but en est lointain comme nous l'indiquions au sujet de la révolte berlinoise, sous beaucoup de points semblables. Saluons las prolétaires tombés, victimes de la puissance unitaire du capital, et souhaitons que de leur première titanesque révolte naisse un mouvement qui ne se laisse pas alrer par les champs magnétiques d'orient et d'occicent, se dirige sans hésitation vers le nord révolutionnaire, et seulement vers ce point cardinal." Il Programma Comïnunista, n° 15, 1956.

 

1.4.6. - Puis ce fut en Hongrie.

" L'appréciation marxiste de ce qui arrive en ces jours tragiques ne peut se réduire à une "prise de position" entre les deux forces armées qui se heurtent. Elle ne se réduit pas à une option qui de façon indiscutée doit être prononcée en faveur des rebelles contre les forces de l'ordre hongroises et russes qui, dans une lutte sans quartiers où des deux côtés on utilise sans réserves la méthode de la terreur, tentent de les écraser. Souhaiter le succès final difficile et sanglant aux rebelles ne suffit pas pour pousser la solidarité enthousiaste jusqu glorifier le mouvement comme un retour total à la voie révolutionnaire communiste, comme une secousse totale contre l'onde de l’opportunisme,traître personnifié par le stalinisme, comme par l’anti-stalinisme du vingtième congrès.

 

"On a le devoir d'aller plus loin et de dire qu'une telle secousse est encore - de quelque façon que se termine la terrible crise qui bouleverse toutes ces instables "démocraties populaires" de l'Europe très lointaine. La révolution ne vit pas d'illusions ni d'extrêmismes sentimentaux, vides.

 

"Nοus n'en sommes pas au retour d'un mouvement autonome de la class ouvrière, mais à un mouvement interclassiste de travailleurs et classes semi-bourgeoises, qui ne sort pas de la formule hypocrite sur laquelle s'alignent les saboteurs du communisme révolutionnaire de l'Internationale de Lénine, On ne peut pas le nier. On doit regarder la vérité en face, mais avec une force dialectique apte à savoir eomprendre et à accepter le fait historique que c'est seulement par cette voie que peut passer la reprise révolutionnaire: pour le moment c'est un retour en arrière, à un stade de lutte qui apparaissait déjà dépassé il y a plus de trente ans et qui au fond fait refleurir schémas et alignements quarantuitards. Mais on ne peut pas hésiter lorsqu'il s'agit du choix entre l'adoption de ces schémas au sens de la manœuvre politicarde et parlementaire corruptrice et leur réapparition sur le terrain de la lutte courageuse hérque les armes à la main. (…).

 

"Le mouvement hongrois, pour admirable qu'il soit, n'est pas le nôtre. Il n'ouvre pas des ères nouvelles, telles que nous les attendons". Il Programma Comunista, n° 22. 1956.

 

1.4.7. - Aux E.U. l’histoire du mouvement ouvrier d'après-guerre présente deux périodes. La première est en liaison étroite avec celle que nous avons indiquée précédemment. On a d'abord les grandes grèves de 1945-46 de la General Motors, des cheminots et dans les mines de charbon.  Cependant cette fois la classe capitaliste est renforcée et ne compose pas comme avant 1939 mais au contraire passe à l'attaque: loi Taft-Hartley (23.O4.47).

 

La lutte contre le syndicat sera renforcée par la lutte contre le "communisme", c'est-à-dire contre l’URSS. L'identification de ces deux termes fut la manœuvre  la plus remarquable pour détruire le mouvement ouvrier. De cela tout le mouvement stalinien international en est responsable en ce sens que dans un premier temps on avait présenté les EU comme, sauveurs du prolétariat, puis en 1946 οn dénonce leur nature impérialiste. Ils sont taxés d'ennemi n°1. La guerre froide ne fut que le prolongement de la guerre contre le prolétariat (1939-45), elle permit dliminer les derniers liens restant avec la période révolutionnaire de 1917-28, et donc de parachever de façon absolue la victoire du capital sur le prolétariat. Tout cela c'est aux U.S.A. qu'on l’aperçoit le mieux. L'union AFL-CIO en 1955 marque en fait l'intégration du syndicat qui soutiendra ouvertement les entreprises les plus "impérialistes" de l’État étasunien.

Ainsi se terminait une grande phase de la vie du prolétariat aux EU, celle du prolétariat blanc qui avait si magnifiquement commencée au milieu du ΧΙΧ° siècle (martyrs de Chicago et les grandes luttes pour la réduction de la journée de travail à 8 heures) et qui se terminait par l'intégration de ce même prolétariat dans la capitalisme développé.

 

La deuxième période a deux causes essentielles: le développement de l’automation et l’industrialisation du sud des E.U. Une partie importante du prolétariat fut expropriée des usines tandis que d'autre part une portion grandissante de la communaunoire du sud était prolétarisée et venait renforcer celle du nord.

 

À ces causes économiques s'en ajoute une autre politique déterminante pour la mise en mouvement de la communauté noire: l'indépendance d'un grand nombre de pays d'Afrique noire à partir de 1960. Cette indépendance était la preuve de la non-infériori des noirs. Dès lors le mouvement prend une ampleur consirable: émeutes de Birmingham de 1963. L'assassinat de Malcom Χ freine le mouvement mais divers groupements se formèrent alors, depuis ceux d'auto-défense jusqu'aux mouvements étudiants.

 

Une unification s'est produite et a engendré le pouvoir noir où coexistent un certain nombre de positions. Cependant Il en émerge une qui, bien que de façon contradictoire, se relie à la position classique marxiste prolétarienn: la revendication de la société sans classes.

 

Le mouvement du prolétariat noir affirme le futur du mouvement ouvrier non pas tellement à cause des positions théoriques qu'il défend mais â cause de sa praxis liée à sa situation

 

Étant rejeté des usines il ne se pose pas la question de leur occupation. Il considère l'automation comme un phénomène positif irréversible et comme devant arriver à détruire finalement le travail (nous, nous dirions plus préciment le travail producteur de plus-value pour le capital).

 

Il pose la question du pouvoir et la destruction de l’État en place parce que toute réforme est impossible.

 

En un mot, il nous présente ce que devient l'homme lorsque le système capitaliste est pleinement arri à maturité. Le capital le nie, le chasse de la sphère productive; il doit le détruire car c'est son ennemi mortel. L'humani ne peut se sauver qu'en se révoltant contre ce monstre automatisé.

 

Aux E.U. le facteur de race existe et voile celui de classe. Le premier fut essentiel dans la mise en mouvement de la communauté noire; il fut révolutionnaire. Cela explique d'aIlleurs le fait que l'on utilise parfois le terme de colonisation pour indiquer la situation des noirs aux E.U. Si le facteur de classe est fondamental, il n'empêche que celui de race a une très grande importance, ne serait-ce que pour masquer le premier et faciliter l'exclusion de toute une communau humaine de la société en place. De tout cela les prolétaires et étudiants noirs (du moins la majorité) en ont pris conscience. Il est tout à fait logique qu'ils se méfient des prolétaires blancs qui ont profi de leur exploitation comme les prolétaires européens profirent de celle de leurs frères noirs d'Afrique, des arabes οu des jaunes.

La crise en rendant sans réserve les prolétaires blancs permettra de faire le lien avec les prolétaires noirs et surmonter ainsi dans la lutte contre le capital, le facteur de race. Elle transformera en noirs la majorité des prolétaires t même les éléments des nouvelles classes moyennes.

 

1.4.8. - C'est au début des années 1960 que se produisit une reprise de l’agitation ouvrière un peu partout dans le monde. Elle fut enrayée (1.4.3.) dès que la crise larvaire fut totalement surmontée (depuis 1964, c'est le "boom" aux E-U). mais la petite récession de 1967 associée à la crise monétaire, la révolte du prolétariat noir américain, les conquences de la guerre du Vietnam, la guérilla latino-américaine, et surtout le vaste mouvement d'insurrection des nouvelles classes moyennes à l'échelle mondiale, tout cela trouva dans la.société française un terrain favorable par suite de contradictions internes du capitalisme français : ce fut le mouvement de mai-juin 1968.

 

Cependant ce mouvement est lui aussi un mouvement des classes moyennes et non un mouvement prolétarien. Sa manifestation signifie la rupture de la phase de contre-révolution et émergence de la révolution. C'est le premier acte d'un drame qui aura son paroxysme dans les années 1975-80.

 

1.4.9. - Comme pour la période d'avant-guerre, à la fragmentation de la lutte de classe à l'échelle mondiale correspond celle du corps de doctrine. Elle atteint un degré plus élevé encore. C'est la phase groupusculaire. La plupart de ces groupes n'ont d'intérêt que dans la mesure οù Ils défendent, méme de façon très parcellaire, la doctrine communiste, revendiquent la volution. En effet - en dehors de la gauche communiste italienne - tous sont absolument dominés par le poids du passé et sont absolument incapables de montrer ce que sera la révolution future. Ainsi les tribunistes hollandais, les hommes du KAPD avec leurs successeurs ont lutté contre la dégénérescence de l'I.C. Ils affirment-constament la caractère international de la révolution avant et après la seconde guerre mondiale. Cependant Ils défendent une position unilatérale, immédiate en refusant toute la conception marxiste du parti. Ainsi :

s

"Aucun parti, aucune autorine peut réaliser l'émancipation; seule le peut la masse de la classe travaIlleuse. Dans ce but Il faut une plus ample connaissance, et une conscience plus mûre de la part des travailleurs, maturiqui est donnée par l'expérience pratique des masses. La tâche du mouvement de Spartacus consiste seulement à aider et à clarifier, à donner des conseils et une orientation." Voilà ce qu'affirmait le groupe hollandais Spartakus. IL ajoutait qu'après la destruction du régime capitaliste "les différentes tendances et les diverses orientations de la démocratie ouvrière discuteront - en congrès démocratiquement élus - toutes les questions et pendront des décisions en rapport à leur force relative. La minori acceptera la domination de la majorité tout en conservant sa pleine liber de critique."

 

Au parti, Spartakus substitue les Conseils ouvriers qui : a)- sont élus directement par les ouvriers sur le lieu de leur travail; b)- sont contrôlés et révocables à tout moment par les masses qui les élisent; c)- comprennent tous les ouvriers sans distinction d'âge, sexe, croyance ou affiliation politique et qu'Ils soient οu non membres des organisations syndicales; d)- leurs buts sont au-delà de ceux de l'organisation syndicale; e)-. ne fragmentent pas les ouvriers en différentes catégories professionnelles mais les unissent en une nouvelle organisation de masse; f).-  Ils ne tolèreront jamais une bureaucratie où les délégués cessent d'être des ouvriers et reçoivent pour l'exécution de leurs tâches plus qu'un salaire normal d'ouvrier " (Programme du groupe Spartacus, 1941-42.)

 

Ce programme fut repris par les revues australiennes : "Southern socialist international digest.", puis "Southern Advocate for Workers CouncIls", tout de suite après la guerre. Mais en fait on le retrouve dans une foule de revues un peu partout dans le monde. En France, des revues non prolétariennes telles que "Socialisme οu Barbarie" οu l’Internationale Situationiste" (Cf. 1.4.11.) reprirent cela en insistant sur la question de la démocratie directe.

 

La revendication des Conseils ouvriers est en fait la revendication de l'unité perdue du prolétariat, puisque l'émancipation des travailleurs sera l' oeuvre des travailleurs eux-mêmes. Cependant cette unité est vue dans son immédiateté et jamais en tant qu'unification, en tant que processus qui suppose une base médiatrice (lé programme ou mission de la classe). De ce fait i1 n'est pas possible d'expliquer la production de la conscience par l'intermédiaire de la classe devenue sujet historique.

 

 

1.4.10. - Le mouvement trotskyste à travers de multiples scissions et quelques réunifications poursuit son existence et refleurit même à l'heure actuelle, La caractéristique de ce moιιvement est une façade théorique derrière laquelle se cache un rabâchage de vieilles formules. Les trotskystes effectuent même ce tour de force de rabâcher encore lorsqu'Ils affirment innover οu enrichir. Cela découle de leur incapacité à comprendre l'immensité de la défaite prolétarienne d'où leur travail de Sisyphe: reconstruire et recoller les morceaux. Ils profitent de chaque secousse de la société, qu'Ils baptisent montée révolutionnaire, puis Ils se trouvent désemparés parce que rien n'est venu et, au contraire, c'est la débandade. Il en fut ainsi lors de la Résistance, de l'agitation d'après-guerre, de l'affaire yougoslave, de la grande vague de révolution anti-coloniale (certains d'entre eux théorisant un déplacement du centre révolutionnaire dans les pays qu'ils appeltent du tiers-monde) etc. Le mouvement de mai leur permet cet épanouissement que nous avons signalé. Cependant, leur lien avec la classe prolétarienne est allé en diminuant - comme pour tous les groupuscules d'aIlleurs ; s'ils sont plus nombreux maintenant c'est parce qu'Ils s'étaient reconstitués en englobant un grand nombre d'hommes des nouvelles classes moyennes. D'où l'immense populisme de la plupart d'entre eux - Ils ne furent concurrencés sur ce plan que par les pro-chinois - lors de mai-juin 1968. Ce populisme témoignait  amplement de leur paration d'avec la classe ouvrière.

 

1.4.11. - Les différents groupes trotskystes ont en commun la revendication plus οu moins intégrale du Programme de Transition rédigé par Trotsky "et adopté en 1938 en même temps que les Statuts de la IV' Internationale par la conférence internationale de fondation de la nouvelle internationale révolutionnaire. "

 

Tous les zig-zags pratiques et les divagations théoriques des trotskystes sont inclus dans ce texte. Il est donc évident que tous s'y rattachent. Nous avons dit que le trotskysme était une maladie de la volon(1.2.6.). Trois affirmations du programme transitoire le prouveront à sufficance :

 

- " La crise historique de l’humanté se duit à la crise de la direction révolutionnaire." Il suffit donc de reconstituer cette direction, de former des cadres (ici Trotsky est cohérent avec lui-même, c'est ce qu'il disait déjà dans Les leçons d'octobre  en 1923).

 

- "Le vieux programme minimum" est constamment dépassé par le programme de transition dont la tâche consiste en une mobilisation systématique des masses pour la révolution prolétarienne." On ne se pose pas la question dc savoir si les masses ne sont pas, dans certains cas, non-mobilisables. On pose qu'il peut en être toujours ainsi. "0n propose  de ce fait la revendication de l’échelle mobile, du contrôle ouvrier- même avant la prise du pouvoir - du gouvernement ouvrier et paysan. Même si ces revendications ne peuvent trouver une satisfaction, cela importe peut ce qui compte c'est qu'elles mobIlisent.

 

" Toutes ces objections démontrent que ces sceptiques ne sont pas bons à créer une nouvelle internationale. En général, Ils ne sont bons à rien."

 

"La IV° Internationale est déjà surgie de grands évènements: les plus grandes défaites du prolétariat et la trahison de la vieille direction. La lutte des classes ne tolère pas d'interruptions. La 3° internationale, aρrés la deuxième, est morte pour la révolution. Vive la IV' internationale! "

 

Evidemment, c'est bien l'originalité de cette internationale: elle ne vit que de défaites ! Elle en est toujours à vitupérer contre la dégénérescence et la trahison alors qu'Il n'y a plus rien. Tout cela est fort cohérent en fonction de "la lutte de classe ne tolère pas d'interruption" de "la révolution permanente" et du fait qu'Il faut compléter la révolution de 17, accaparée par la bureaucrntie !!

 

Les défaites apportent des coupures dans les continuités et la lutte de classe permanente n'explose qu'à certains moments en mouvements révolutionnaires de grande amplitude commençant ainsi un nouveau cycle révolutionnaire. Ne voulant pas comprendre que le marxisme est une théorie de la contre-révolution, et qu'il faut individualiser les cycles de révolution et de contre-révolution, Trotsky a toujours une phase de retard dans l'appréciation des mouvements. Les trotskystes, eux, sont totalement en dehors de la réalité.

 

1.4.12. - Cette mauvaise sortie historique, Ils la doivent d'aIlleurs à leur maître qui dans le fameux programme en question écrivait: "les forces productives de l'humanité ont cessé de croître". Malheureusement pour eux cela n'est pas vrai. S'il en était ainsi, le capitalisme aurait épuisé toutes ses possibilités, puisque sa mission consiste à accroître les forces productives, à exalter la production. Or, surtout à, partir de 1956, οn a eu une explosion productive, et c’est justement ce rajeunissement qui fut cause de l'enraiement de la reprise du mouvement prolétarien qui commençait à se manifester, à émerger (1960).

 

On ne peut pas reprocher aux trotskystes de n'avoir rien fait, de n'avoir mené aucune action révolutionnaire d'envergure. On peut leur reprocher d'avoir cru que cela était possible.  Ácause de quoi, ils ont même gâché les quelques possibilités de reprise.

 

Les mouvements trotskystes actuels sont en fait tiraillés par les divers courants idéologiques: le léninisme (à ne pas confondre avec les positions de Lénine ) et son succédané le stalinisme: théorisation de l'avant-garde révolutionnaire, exaltation des cadres, nécessité des alliances, des mots d'ordre transitoires tel que celui de gouvernement ouvrier et paysan, théorisation du profit maximum et du capitalisme monopoliste ( deux slogans staliniens ) - nécessid'une phase transitoire après la destruction du capitalisme Il faudra accroître la production,où l'on aura besoin de la loi de la valeur etc…une vaτiété d'anarchisme qui revendique l'autogestion même avant la prise du pouvoir. Là encore - ironie du sort - ils paient tribut à Trotsky: " Par l'expérience du contrôle, le prolétariat se préparera à diriger directement l'industrie nationalisée, quand l'heure aura sonné." En 1938, ce n'était pas l'autogestion, c'était le contrôle ouvrier avant la prise du pouvoir, c'était le premier pas vers l'idéologie gestionnaire.

 

Le trotskysme est l'interprétation de l'immédiat à l'aide de vieilles formules puisées dans l'arsenal de la 3° Internationale surtout de sa mauvaise riode (dés le 3° congrès) avec laquelle le mouvement prolétarien n'a pas encore positivement rompu. D'où sa persistance et, parfois, sa prospérité.

 

1.4.13. - Le groupe lié à Socialisme οu Barbarie s'est affirmé au début comme une critique du mouvement trotskyste et en tant que dépassement du mouvement ouvrier traditionnel. Il s'est fait en réalité l'interprète du vide théorique - à l'échelle mondiale - à la défaite du prolétariat. D'autre part, dans la tentative de dépasser le marxisme, Il a toujours présencelui-ci tel qu'il venait d'être déformé par le prisme stalinien (ainsi Socialisme οu Barbarie présentait toujours le socialisme classique comme revendication de la planification et de la nationalisation). C'est pourquoi a-t-il toujours préféré ignorer l’œuvre  théorique de la gauche communiste d'Italie et disserter oisivement à partir de toutes les déformations du marxisme.

 

1.4.14. - Socialisme οu Barbarie se présente d'abord cοmme une dissolution du trotskysme en poussant celui-ci jusqu'à son extrême limite. Non seulement la bureaucratie s'est emparée de l’État, mais aussi de l'économie, puisque la bureaucratie est une nouvelle classe et de ce fait Il faudra, en Russie, une révolution anti-bureaucratique. Telle fut la grande découverte qui nécessita la publication d'un nouveau manifeste qui est un vrai "détournement" avant la lettre. Cela amène Socialisme οu 'Barbarie à affirmer : "Nous pensons que nous représentons la continuation vivante du marxisme dans le cadre de la société contemporaine."

1.4.15.- Cependant les barbaristes retombaient dans ce même trotskysme qu'ils pensaient dépasser lorsqu'ils envisageaient la situation immédiate et la perspective. Pour eux - en opposition avec les éléments de la gauche d'Italie, affirmant que la situation d'après-guerre était une situation de recul - il y avait une possibilité révolutionnaire et cclle-ci était liée à la 3° guerre mondiale imminente. Cette possibilité était attestée - selon eux - par la désertion des partis staliniens de la part des ouvriers.

 

Dans cette perspective il fallait lutter à fond contre le stalinisme phénomène original, lié à la contre-révolution bureaucratique et non simple réédition du réformisme au sein du mouvement ouvrier (ce qui ne les empêcha pas de caractériser ce même stalinisme comme un "moment de la conscience prolétarienne"!). Ainsi 'comme les trotskystes, Ils étaient amenés à mettre au cœur  de leur préoccupation la question russe.

 

1.4.16,- La prévision ne devait pas se réaliser et au lieu de la guerre, on eut la coexistence pacifique: Socialisme ou Barbarie passa alors de la dissolution du trotskysme à celle du mouvement  des conseIls. La nouvelle phase (commençant peu près en 1957) débute par une révision du marxisme, avouée cette fois. À la bureaucratisationnéralisée de la société, on oppose la revendication de la gestion ouvrière qui νa être mise au centre du contenu du socialisme. Belle découverte en réalité, alors que pour le mouvement communiste, le socialisme c'est la destruction du prolétariat! En fait toute la théorie du prolétariat est mystifiée et transformée en une philosophie de l'exploitation. Socialisme οu Barbarie pousse jusqu'à l'absurde la position des différents courants se réclamant des conseils ouvriers. Cependant en 1957, Il ne peut encore couper le cordon ombilical qui le lie au trotskysme et au stalinisme puisqu'il considère encore que le socialisme se construit: "οn ne peut pas attendre, on ne peut tenir qu'en construisant le socialisme".

 

1.4.17. - De la philosophie on passe à la justification: "Le prolétariat ne pouvait éliminer le réformisme et le bureaucratisme avant de les avoir vécus c'est-à-dire avant de les avoir produits comme réalités sociales. Maintenant, la gestion ouvrière, le dépassement des valeurs capitalistes de la production et de la consommation comme fin en elles-mênιes, se présentent au prolétariat comme seule issue." (N° 35). D'où le programme socialiste est "programme d'humanisation du travail et de la société" et c'est la redécouverte des bons vieux slogans des socialistes réformistes d'avant 1914, qui voyaient dans le socialisme une fin à l'exploitation humaine, une humanisation. Beau dépassement en vérité !

 

À partir de ce moment le petit relan prolétarien et communiste est définitivement rejeté et commence la longue errance, pleine dlucubrations οû "Socialisme οu Barbarie» se développe uniquement comme parasite de toutes les théories bourgeoises surgissant en tant que dépassement du marxisme. En cela seulement, il est fidèle à sa tradition: à l'origine sa position était plus existencielle que marxiste.

 

1.4.18.- En 1964, c'est l'aveu de la défaite avec la proclamation que le mouvement ouvrier est un cadavre, que le mouvement prolétarien en est encore à sa phase théologique; avec l'affirmation que la révolution est un accident:

 

"Tôt οu tard, â la faveur d'un de ces "accidents" inéluctables sous le système actuel, les masses entrent de nouveau on action pour modifier leurs condition d'existence." (n°35)

 

Le marxisme est réexaminé après une étude de Hegel en passant par Lukacs et c'est à nouveau la découverte: le marxisme est en fait un théorie bourgeoise, Marx ne tient pas compte de la lutte des classes, Marx n'a pas compris la dialectiqué, etc…Il est arrivé à Socialisme οu Barbarie la même mésaventure qu’à Proudhon: une indigestion hégélienne. Tous les deux ont voulu être une synthèse. Ils ne furent qu'une erreur composée.

 

1.4.19.- La tentative de repenser le mouvement révolutionnaire vu en tant que totalité n’a été qu’un moyen de vider de tout contenu les théories de ce mouvement: le trotskysme οu le communisme de conseil, et celui de redéfinir "le contenu du socialisme"; ce qui débouche en fait dans une énorme accomodation identique à celle opérée par Hegel. Celui-ci ne voulait aucune séparation entre la vie civile et la vie politique. De ce fait  étant donné qu'il ne pouvait pas poser, comme le fera Marx, la formation d'une autre Gemeinwesen, il en arrive à réintroduire la nécessité des états :

  "Le summum de l'identité de Hegel, ainsi qu'Il l'avoue lui-même, était le .moyen-âge. Là les états de la société civile en néral et les états au point de vue politique étaient identiques.

 

"Hegel veut le système constituant médiéval mais au sens moderne, du pouvoir législatif, et il veut le pouvoir législatif moderne, mais dans le corps du système constituant médiéval: c'est du très mauvais syncrétisme".

 

C'est le même horrible syncrétisme que théorisait Socialisme οu Barbarie lorsqu'Il fondait le socialisme sur l'entreprise capitaliste.

 

1.4-20. - Socialisme οu Barbarie n'est pas un accident. Il exprima de façon nette une position diffuse à l'échelle mondiale: interprétation de l’absence du prolétariat et de la montée des nouvelles classes moyennes (Cf. surtout à partir du n°35).

 

Socialisme ou Barbarie a rempli sa mission de dépasser les sectes puisqu'Il a débouché dans l'immédiat dans le présent  coupant toute attache avec le pass devenant l'expression du phénomène autonomidu capital, de sa mystification : la circulation du capital voilant totalement le procès de production immédiat, d'où escamotage du prolétariat. Ainsi il finissait par le commencement de l'Internationale Situationniste, idéologie plus élaborée, plus adéquate à l'existence des-nouvelles classes moyennes. Il révêlait réellement ce qu'il contenait dès son origine : qu'il n'avait aucun rapport avec la théorie du prolétariat.

 

 

 

1.5.- La Gauche Communiste d'Italie après la guerre.

 

1.5.1.- En 1943, le Parti communiste internationaliste d'Italie fondé par des militants de la gauche qui, dés la fin de la guerre, seront en contact avec des éléments français et belges.

 

Ce mouvement naquit lesté d'un certain nombre d'erreurs liées à l’idée que l'on pouvait et devait répéter ce qui s'était produit au cours du premier-aprés-guerre. IL y avait la croyance en la venueplus οu moins proche d'une phase révolutionnaire comme celle de 1917 et donc possibilid'une intervention prolétarienne. À cela s'ajoutait la personnalisation de la contre-révolution en la Russie soviétique laquelle conraitrait une phase nouvell: le capitalisme d'État vu comme un stade intermédiaire, particulier entre le capitalisme et le communisme.

 

Il y avait donc un fort courant qui n'avait pas bri les attaches avec la 3° internationale, avec ses polémiques ;  Il restait sur son terrain et, par là, manifestait une déviation type trotskyste à tel point que dans une plate-forme de 1944 il était écrit ceci:

 

"Notre parti, qui ne sous-estime pas l'influence des autres partis à tradition ouvrière et l'importance d'une telle influence sur les masses, se fait le défenseur du "front unique" manifestation organique de l'unité ouvriére au-dessus des partis, etc.."

 

1.5.2. Mais en méme temps se trouvait un autre courant qui avait réellement tiré les leçons des évènements qui s'étaient produits depuis 1928, pour qui la constitution du parti était prématurée, mais.pour qui, aussi,Il était nécessaire de préserver les quelques énergies prolétariennes afin qu'elles ne deviennent pas la proie de l’immédiatisme, Ce courant accepta le parti un peu comme Engels reconnut la fondation de la III° internationale.

 

1.5.3. Les positions "immédiates" de ce courant peuvent être résumées de la façon suivante :

Le fascisme a gagné la guerre.

Pas de 3° guerre mondiale imminente.

L'U.R.S.S. est pacifiste et les E.U. sont bellicistes.

Le mouvement prolétarien doit en finir avec toutes les scories du passé; il doit en finir avec la démocratie.

Lutte contre le nouveau révisionnisme qui me le doute : le prolétariat ne pourrait plus accomplir seul sa mission historique (dernière manifestation du passif de la théorie du front unique, puis des fronts populaires).

 

Ces positions furent défendues dans la chronique de "Sul fIlo del tempo " de Battaglia comunista, puis de i1 programma comunista et dans la ρ1upart des articles de la revue Prometeo (jusqu'en 1952).

 

1.5.4. L'opposition entre les deux courants ne devait que s'amplifier. Le point d'achoppement en fut la Russie et la question syndicale (plus exactement le lien du parti à la classe, et les possibilités d'intervention de celui-ci dans la situation immédiate). Le premier courant influen par l'idéologie ambiante et en particulier par Socialisme οu barbarie, en arrivait de plus en plus à théoriser qu'en Russie il y avait des phénomènes nouveaux qui nécessitaient une révision de la théorie. D'autre part le prurit de l'agitation poussait à remettre en cause l’anti-démocratisme du mouvement (la démocratie pourrait être utilisée dans un but d'agitation). Ainsi les erreurs de 1945 se révèlaient dans leur pnitude, par une manifestation qui avait été sollicitée de l'extérieur. En un mot l'absence de reprise empéchaït une soudure avec dépassement réel, Une paration devint nécessaire.

 

1.5.5. En 1951, s'opère une épuration en ce sens que les résidus de l’histoire anrieure sont éliminés et le mouvement prend un aspect plus pur, plus réellement communiste. C'est la rupture effective, efficace avec la démocratie telle qu'elle aνaίt été proclamée en 1921 à Livourne (et dans le principe démocratique) mais qui n'avait pu étre réalisée à cause de l’I.C. elle-même. Le principe vital du parti n'est plus le centralisme démocratique mais le centralisme organique. Les thèses de 1945 sont reprises et précisées :

 

- Les leçons de la contre-révolution ; la Russie n'est pas au centre des précccupations, elle n'est pas non plus le centre de la contre révolution.

 

- Le stalinisme ne fait que réaliser le contenu de la socialdémocratie.

 

- Condamnation de l'activisme et explication du renversement de la praxis.

 

- Appréciation des révolutions anti-coloniales ccmme phénomènes positifs même s'ils ne sont pas prolétariens et aboutissent au triomphe de révolutions bourgeoises.

 

- Lutte contre le révisionnisme et le doute ; réfutation qu'Il puisse y avoir une nouvelle classe (en Russie d'abord, dans le monde ensuite): la bureaucratie ;  dénonciation du danger représenpar certains groupes reprenant les positions de Socialisme οu barbarie, non pas pour l'immédiat, mais pour le futur, parce qu'Ils défendent des positions qui tendent, en définitive, à nier l'importance de l'intervention du parti politique de classe dans le roulement de la révolution.

 

1.5.6. - Ainsi ce petit regroupement pourra résister grâce à un effort théorique intenet en créant en quelque sorte un cordon sanitaire autour de lui. IL pparera par là, la transmission de l'expérience révolutionnaire aux jeunes nérations, la formation d'un vrai parti de classe à l'échelle mondiale. Dans une certaine mesure Il pouvait être lui-même un parti car exprimant la situation où se trouvait la classe ouvrière : défaite sur le plan politique mais victoire totale sur le plan programmatique. Sa forme réduite sur le plan organisationnel extraordinairement puissante sur le plan théorique, lui était imposée par les données mêmes de la lutte de classe totalement contraires au développement extensif du mouvement.

 

Ce groupement vivait en sachant bien que la révolution était lointaine.

 

1.5.7. - Après le XX° congrès du P.C.R. lors du 40° anniversaire de la révolution d'octobre la perspective de la révolution future fut indiquée (cf. 2.1.). Celle-ci eut en définitive un aspect négatif en ce sens que certains éléments au lieu de chercher à comprendre et étudier comment la prévision pourrait se vérifier dans la réalité, choisirent une voie plus rapide, plus lestée d’impatience. Ils se polarisèrent sur la Russie et quêtèrent l’aveu fatal: la reconnaissance du capitalisme en Russie de la part des dirigeants de celle-ci. Sur le plan pratique, considérant que du moment que l'énigme russe était résolue, tout était réali(preuve de leur incompréhension du devenir du grand champ de luttes d'après-guerre et incapacià intégrer un phénomène dans le corps de doctrine). Ils proclamèrent la doctrine restaurée, l'effort théorique fini, la nécessid'aller dans la pratique. Or abstraitement, on peut concevoir qu'il y a pour un groupement d'hommes donné, réalisation d'une restauration. Mais est-ce que cela veut dire pour-autant qu'il soit possible de reprendre une activité effective à l'extérieur? Cela est pur schématisme, métaphysique. La possibili d'intervention ne dépend pas uniquement d'une restauration théorique mais aussi, fondamentalement, de secousses profondes qui bouleversent toute la société. C'est pourquoi, on peut se demander dans quelle mesure un tel mouvement - dans son ensemble - pouvait avoir intégré une "thécrie restaurée" lorsqu'il ne savait pas que les conditions d'intervention du mouvement dépendent de facteurs en dehors de sa volonté.

 

En fait, l’œuvre  de restauration n'en était qu'à sonbut et elle fut assez vite abandonnée.

 

1.5.8. - Un élément essentiel dans la décomposition du mouvement, ce fut la faiblesse critique. Dans le texte de 1957, Il était dit : "Au, cours des vingt ans qu'il nous reste à subir, la production industrielle et le commerce mondiaux connaîtront une crise qui aura l'ampleur de la crise américaine de 1929-32, mais qui n'épargnera pas, cette fois, le capitalisme russe."

Huit ans après la prévision, à peu près à la moitié de la distance historique séparant de la grande crise pouvant amener la 3° guerre mondiale, il n'y avait pas manifestation de cette crise d'entre-deux guerres qui aurait permis la formation des premiers noyaux du parti de classe. Or - sauf rares exceptions - la non-vérification de cette prévision n'était pas abordée. On fit comme si de rien n'était, comme si la crise était simplement différée. Or, Il était possible quforce d'être différée, elle ait été finalement surmontée. En fait, Il y avait une certaine rupture dans la prévision. Il aurait fallu l'affronter, au lieu de parler à n'importe quelle occasion de la crise du capital, de son agonie, etc.., les litanies classiques du trotskysme.

Or, lorsqu'un mouvement quelconque est devenu inapte à percevoir les discontinuités, c'est qu'il a abandonné la doctrine. intégrale  et sa dégénérescence est inévitable. Ce qui se produisit.

 

1.5.9.- La réalité est têtue et les désirs de ces éléments n'étaient pas réalisés. Aussi s'enfermèrent-ils dans leur schéma et retournèrent-ils finalement aux défauts antérieurs, dénonçant l'URSS comme le centre de la contre-révolution, étendant même cela aux différents pays qui s'étaient émancipés des métropoles coloniales, en se disant socialistes.

 

Pour ces éléments, il semblait qu'il y avait des potentialités révolutionnaires qui n'étaient pas utilisées; on ne savait pas les exploiter. Enfin, si le parti n'avait pas plus d'influence, c'est que tout simplement il était mal organisé. D'où un retour à Lénine. En effet, celui-ci, en 1903, avait fait propagande pour la formation d'un organe central et la création d'un parti plus centralisé et structuré (une foule de cercles existait alors, il fallait unifier les unités existantes). On devait donc faire comme Lénine, exporter la théorie et, pour ce faire-, on devait trouver un autre mode d'organisation. En particulier il fallait reconsidérer le parti comme un instrument qui pourrait utiliser la démocratie.

 

On se reférait donc à nine, comme en 1945 οù l'on avait rappelé que celui-ci, avec le parti bolchevik, avait été apte à transformer la guerre impérialiste en guerre civIle. Il aurait fallu en faire autant. Ce fut aussi un retour â la mystification démocratique. L'idéologie bourgeoise refaisait fortement son apparition au sein du mouvement parce que la théorie instrumentaliste n'est qu'une variante de l'utilitarisme né au ΧVΙΙΙ° siècle. La difrence, c'est qu'elle exprime que l'essentiel n'est plus l'homme, mais l’instrument, la machine.

 

D'autre part poser les questions sous l'angle de l'organisation, c'est encore être victime de l'idéologie ambiante, le fascisme, qui ne voit que de questions organisationnelles, jamais de théorie.

 

1.5.10. - Au fond dans un premier temps on voulut forcer la prévision à se réaliser: "Ce qui est grave, c'est quand on fixe un terme limite à l’histoire pour confirmer les prévisions de la doctrine: l'opportunisme n'a jamais eu d'autre origine et n'a jamais conduit sur une autre base ses campagnes de sophistication dont celle du socialisme en Russie a été la plus pernicieuse. " (Dialogue avec les morts, p. 132.)

 

En 1962, le Parti -communiste internationaliste crut possible - à la suite de l'agitation commencée en 1960 et renforcée au cours de l'année même -  de faire un organe syndical: Spartaco. Ces mouvements n'étaient que des sympmes mais non la crise. Cela ne faisait rien puisqu'il était prévu qu'elle devait venir.

 

Mais quand on commence à ne plus avoir un comportement matérialiste, nοn volontariste, l'erreur est inévitable. La parution de cette feuille fut la première défaite théorique, car elle signifiait l'abandon de la revendication de lier en un tout indissoluble l'action imdiate (syndicale οu autre, selon les organisations : comid'usine, conseil d'entreprise, etc...) et la lutte médiate, "politique"; c'était reconnaitre la division de la classe, l'accepter et la théoriser. Tout cela parce qu'avec cette feuille on espérait être plus perméable à la classe. Il aurait fallu maintenir la position qui affirmait que le petit parti préfiguration de celui de demain devait conduire toutes les luttes et son organe de presse être unitaire.

 

En 1963, on s'enfonça un peu plus en publiant en France "Le prolétaire".  Le mouvement quittait ses positions originales et se mettait au niveau du mouvement trotskyste avec lequel Il entrait en concurrence. D'οù les divers articles οu réunions publiques proclamant la mort, du trotskysme, parlant de son autopsie, alors que leur manifestation était la meilleure preuve de la vigueur de celui-ci.

 

Tout cela montrait aussi l'insuffisance de la thèse de la gauche sur le syndicat (1.3.7.d) dès lors que n'étaient pas clairement précisées l’évolution de celui-ci, son intégration dans l'État et le comportement des prolétaires à son égard : la désertion.

 

1.5.11. - Cette déviation ne fit que se renforcer. De 1964 à 1966 ce fut l’assaut du fétichisme démocratique (on voulut même structurer le mouvement on lui créant des "chefs"), du doute révisionniste. Celui-ci se manifesta surtout dans l’abandon de la perspective tracée en 1957. Ce ne fut pas de façon nette et précise mais par l'affirmation de perspectives ncuvelles sans essai de relier avec l’ancienne pour la confirmer οu la rejeter. On fit de la Chine un nouveau foyer révolιιtionnaire puis l'Inde fut proclamée poudrière de Asie; le marché commun était considéré comme réalisé et le stade des nations dépassé en Europe; on remettait en question l'importance des révolutions anticoloniales, on leur niait toute manifestation révolutionnaire (la révolution algérienne est-elle une révolution?) alors qu'au cours des années précédentcs on avait salué l'immense vague révolutionnaire (même si elle était bourgeoise) des pays d'Asie et d'Afrique et stigmatisé l'Europe enfoncée dans la stupidi démocratique. IL y eut même de très belles découvertes, comme celle-ci : "L'empire américain est immense mais plus vulnérable encore que  les vieux empires coloniaux qui se sont survécu jusqu'à la seconde guerre mondiale. Il ne tient que sur la puissance du capital et la force vive des armes, à quoi se réduit sa politique coloniale et internationale."(Programme communiste, n°36) sans parler de celle de la proto-bourgeoisie οu de la rente usuraire capitaliste.

 

Il y eut tout de même des réactions importantes; les notes pour les thèses, les thèses de Naples, celles de Milan rappelèrent comment le parti avait vécu depuis 1951, comment dans la réalité le centralisme organique s'était manifesté. Malheureusement le courant était trop fort et emportait tout.

 

L'acceptation des thèses ne fut que formelle car, dans la vie, dans la pratique du mouvement, le mécanisme n'était même pas à la hauteur du centralisme démocratique tant décrié; Il était à celui d'un mouvement en décomposition.

 

1.5.12. - Le faible parti formel de 1951, faible numériquement, mais fort sur le plan programmatique succombait lui aussi à l'assaut révisionniste. Jamais peut-être, sur une si longue durée, un parti formel n'avait eu une expression aussi puissante. Jamais une telle résistance à la contre-révolution n'avait été opérée. Malheureusement i1 succomba lui aussi en résolvant la question qui l'avait minée dès le début et qu'il avait paru surmonter: Quel doit être le mode de vie du parti ? Réponse: que le regroupement défendant le programme - donc les lignes théoriques fondamentales ainsi que la perspective de l'action future - du parti dans sa large acceptation historique, soit un vaste mouvement οu la réunion de quelques individus, un seul et même mode de vie: le centralisme organique; donc banissement absolu de toute révérence ignomineuse à la mystification démocratique. Dit autrement, il ne doit pas y avoir distorsion entre programme et tactique, acquisition de la gauche au cours du premier après-guerre; de même Il ne doit pas y en avoir entre programme et principe d'organisatio: acquisition définitive du second après-guerre,

 

1.5.13. - Cette défaite est due à l'abandon des conditions de 1951, conditions qui exprimaient dans quelles limites le regroupement pouvait être un parti exprimant un certain moment de la vie de la classe. Il ne peut se considérer un parti et ne pourra continuer à l'être, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de rupture entre l'organisation actuelle et celle qui dirigera la révolution de demain, que si le parti est faible numériquement et ne regroupe que les éléments totalement persuadés de la validité de la doctrine non seulement pour tout l'arc historique p'assé mais surtout pour celui à venir. Il perdurera dans la mesure οù il sera apte à lutter contre le révisionnisme. Celui-ci ne naît pas à la suite d'une défaite sanglante du prolétariat mais en pleine période d'expansion de celui-ci (à l'époque de l'abrogation des lois anti-socialistes par exemple), en pleine période aussi du renforcement du capitalisme de telle sorte que le but semblait s'éloigner bien que la capacité d'intervention dans la société devenait de plus en plus grande. D'où l'idée de trouver une voie plus rapide (court-circuiter l'histoire): le but n'est rien, le mouvement a tout. Le doute révisionniste dénoncé en 1945, triomphe en 1966. On peut résumer son mode d'affirmation dans la phrase : la prévision n'est rien, l'organisation est tout. On retrouvait la même erreur qu'en 1925, lors de la bolchevisation.


1.5.14. - Ce révisionnisme a donc été engendré par le renforcement considérable du capital dans la période d'après-guerre, par son rajeunissement. D'autre part, les classes moyennes, produits du capital, pénétrèrent le parti et firent triompher une position hybride. Celle-ci se manifesta surtout au sujet de.son organisation. Ceci était inévitable puisque si on ne recherchait plus dans les faits matériels, la cause de l'absence de liens entre ce parti et la classe, restait, alors, à s'en prendre aux principes du mouvement.

 

La contre-révolution triomphait totalement. L'être du parti était remis en cause, puisqu'il y avait négation du centralisme organique. Les forces de tension ont été telles qu'elles ont réussi à désintégrer le dernier noyau restant sur les bases du programme.

 

1.5.15. - Il faut constater l'échec et en tirer toutes les conséquences. La tentative de former un parti efficient, apte à se lier à la classe, a fait faIllite. Deux événements auraient pu la favoriser: 1°. La révolution anticoloniale, en provoquant une certaine radicalisation dans les métropoles capitalistes. Le phénomène se produisit mais fut de trop faible envergure, d'autre part le parti abandonna trop vite la juste interprétation de ces révolutions, ce qui mit obstacle à sa liaison avec elles. 2°. Une crise économique de type 1929. Celle-ci fut escomptée pour le milieu de la décennie 1960-1970. Or cette crise fut en fait surmontée par le capital. Ces deux mouvements expliquent la stagnation du mouvement et son volontarisme tendant à surmonter cette dernière en changeant son être afin de se rendre compatible avec la situation.

 

Il faut battre en retraite, comme en 1852 lors de la dissolution de la Ligue des communistes, en 1872 lors du transfert de l’A.Ι.Τ. à New York, en 1906 après la défaite de la Ι° révolution russe, après 1928 lorsque certains éléments de la gauche jurent que tout était fini et qu'il fallait attendre une autre phase révolutionnaire. Battre en retraite signifie retourner aux positions fondamentales, celles de 1951, 1945 et par delà la révolution russe aux fondements du communisme affirmé dans l’œuvre  de Marx et d'Engels.

 

1.5.16. - Il faut aussi tirer les leçons de cet échec. Celui-ci ne dérive pas uniquement du renforcement du capital et de l'action des nouvelles classe moyennes, mais de l’ambiguimême du mouvement: il se prétendait parti tout en disant que le vrai parti ne serait possible que demain. Il dérive du fait de proclamer correctement le futur sans être apte à rompre réellement avec le passé; de ne pas être un véritable dépassement. Il fallait clairement porter la critique à la 3° internationale en tant que phénomène global. Or reprocher, à juste raison, à l'I.C. que l'adoption d'une mauvaise tactique n'ëtait pas seulement néfaste sur le plan de l'action imdiate, mais remettait on cause l'être du parti, impliquait que l'I.C. réalisait correctement cet être. Il n'en était pas ainsi.

 

Que la critique n'ait pas été portée au moment de la grande lutte qui va jusqu'en 1928 beaucoup de faits peuvent le justifier, mais il n'en est pas de même des années après, lorsqu'il n'y a plus rien. La non-coupure avec l’idéologie léniniste, avec la conception léniniste de la tactique et de l'organisation devait inévitablement produire des effets néfastes.

 

En un mot le mouvement anticipait trop tout en ne réussissant pas à se distancier vis-à-vis du passé. Il ne pouvait pas être reconnu en tant que mouvement du futur. Il fut dévoré par le passé.

 

1.5.17.- "Le parti détruit pièce à pièce en trente ans, ne se recompose pas goutte à goutte comme un coktail, selon l'art bourgeois de se droguer. Il doit se placer au terme d'une ligne unique et sans rupture de continuité, qui ne se caractérise pas par la pensée d'un homme οu d'un groupe d'hommes présents "sur le marché", mais par l'histoire cohérente d'une succession de nérations. Par dessus tout, il ne peut surgir de cette nostalgie illusoirc du succès qui, loin de se fonder sur la certitude doctrinale ibranlable (que nous possédons depuis un siècle) de la réalidu cours révolutionnaire, compte bassement sur l'exploitation subjective du tatonnement et des trébuchements d'autrui: ce serait une voie bien mesquine, stupide et illusoire pour un résultat historique immense!" (Préface au Dialogue avec les Morts, p. 6)

 

La rupture de continuiorganisationnelle impose une étude théorique plus exhaustive, une rectitude encore plus grande et un enracinement dans le passé plus profond, une intégration de tous les courants qui - même partiellement - défendent la théorie du prolétariat.

 

Cependant cette rupture doit permettre en même temps de rompre réellement avec la ΙΙΙ° internationale, car il est impossible que le parti de demain puisse se former sur la base des thèses même des deux premiers congrès seulement (ceux qui représentent le mieux la position révolutionnaire intégrale).

 

1.5.18. - Le parti nc peut se reformer qu'avec la soudure de deux mouvements: celui du retour à la totalité de la théorie du prolétariat et celui de l’unification de la classe. Depuis 1914 le mouvement prolétarien est à la recherche de l'unité perdue. Certains croient la retrouver en conquérant les syndicats, d'autres en théorisant un système de conseils d'entreprise qui escamoterait parti-direction-autoritê, etc... Cependant l'exigence de réaffirmer la doctrine en tant que totalité (alors que de tous côtés on veut y faire des coupures, des séparations) ne s'est manifestée réellement que dans le parti communiste internationaliste, puis international. Ce mouvement a lui aussi fait faIllite. En conquence, il est nécessaire de reprendre l’œuvre unificatrice, en suivant toujours, en même temps, le mouvement réel,

 

1.5.19. - On ne crée pas un parti à plus forte raison à une grande distance historique de la vague révolutionnaire. Il se formera du mouvement d'unification de la classe. Son existence formelle à l'heure actuelle est une gêne ne serait-ce que parce qu'au bout d'un certain temps - à cause même du marasme politique - il tend à se prendre pour un deus ex-machina et à croire que tout doit passer par lui, qu'il doit tout diriger. Ceci  juste au moment il est le moins reconnu par le mouvement réel. Il faut au contraire montrer comment la triple exigence de l'unification, de la réaquisition de la totalité de la doctrine et de celle de la formation de la Gemeinwesen implique obligatoirement la formation du parti.

 

1.5.20. - Un élément fondamental pour la réaquisition de la totalidoctrinale est fourni par l'apport de la gauche communiste d'Italie. Cependant beaucoup d'éléments parallèles peuvent être nécessaires: Tribunistes, KAPD, divers mouvements se réclamant des conseils, Lukacs, etc… Le travail d'unification implique le refus des anathèmes.

 

Cependant cette unification implique en même temps une très nette délimitation, sinon c'est l'unification de n'importe quoi. Réunifier n'est pas abjurer les schismes (avec la démocratie sous toutes ses formes, avec le mouvement anarchiste). C'est au contraire grâce à des délimitations rigoureuses que le mouvement d'unification peut réellement déboucher sur la formation d'un être unitair: la classe en tant que classe et donc constituée en parti.

 

1.5.21. - Après la deuxième guerre mondiale, le rajeunissement du capital, le blocage de la plupart des révolutions coloniales au stade de révolutions par le haut, tout cela a favorisé la destruction du mouvement révolutionnaire. Il ne reste plus rien d'organisé, de structuré. Tel est le triomphe de la contre-révolution. Elle est allée jusqu'au bout. Mais la révolution réapparaît, émerge.

 

1.5.22. - Le mouvement prolétarien noir des E.U., la rupture de mai-juin, la réapparition des diverses positions affirmées au cours de la révolution russe, la revendication des conseils ouvriers et même la manifestation du communisme grossier à quoi se réduit la théorie diffusée par l'Internationale Situationniste, tout cela montre qu'une nouvelle phase est en cours. Ajoutons à cela la persistance du front de classe de l'Europe centrale, les profondes transformations s'opérant en Chine, la guérilla endémique de l'Amérique Latine, le réveil du l'Afrique, et on comprendra que comme le disait Engels (1.1.11.) des événements mûrissent qui préparent la réunification de la classe et la reformation du parti.

 

Nous l'avons souvent affirmé le monde entier (surtout l'aire euro-nord-américaine) souffre du retard de la révolution communiste. Le triomphe de la révolution russe en tant que révolution uniquement bourgeoise a asiatil’Europe, l'a figée dans son capital. Depuis 1848, la révolution communiste est possible, depuis 1914 elle est absolument nécessaire. À l’heure actuelle nous avons une situation sublimee, c'est-à-dire que depuis longtemps la société aurait dû devenir communiste. Le "point de transformation" est dépassé depuis longtemps. De même qu'une eau peut être portée à une température inférieure à 0° sans qu'elle se prenne en glace (elle est sublimée); Il suffit alors d'un cristal de glace pour que tout se solidifie. Demain la crise rendra apparente la sublimation de cette société. Les quelques groupes révolutionnaires - ceux demeurés fermes sur la position de classe, reliês à la tradition historique et ceux surgis sur la base même de la lutte sociale - seront autant de cristaux qui provoqueront l'érection de la classe en parti.[1]

 

 

 



[1] J’ai placé de part et d’autre de l’Atlantique l’étude du devenir de la classe ouvrière. Toutefois, surtout pour la période initiale de sa formation (fin du XVIII° début du XIX° siècle) je n’ai pas fourni de données importantes étayant ma perspective, parce que je ne les avais pas. Depuis divers ouvrages ont comblé largement ce manque. Ainsi The London hanged de Peter Linebaugh, L’hydre aux mille têtes –L’histoire cachée de l’Atlantique révolutionnaire de Peter Linebaugh et Markus Rediker, Ed. Amsterdam, Paris 2008, le titre original du livre n’est pas indiqué. Il est certain que c’est une « version » amplifiée de The many Headed Hydra-Sailors, Slaves, and the Atlantic Working class in the Eighteenth Century des mêmes auteurs dans un recueil de R.Sakolsky et James Koehnline, Gone to Croatan, Ed. Autonomedia/AK Press, 1993. Les titres des deux ouvrages se complètent, le second explicitant mieux ce que veulent exposer les auteurs et surtout il signale bien la classe ouvrière atlantique. Ainsi dans l’introduction de ce second texte les auteurs nous parlent d’une conspiration fomentée à New-York lors de l’hiver particulièrement rude de 1740-41 dont « Les conspirateurs incluaient des irlandais-es, des anglais-es, des espagnol-e-s, des africain-e-s, qui parlaient gaélique, anglais, espagnol, français, hollandais, latin, grec et de façon certaine plusieurs langues africaines et amérindiennes. Ils formaient un mélange principalement d’esclaves, et de travailleurs salariés, particulièrement des soldats, des marins, et des journaliers. (p. 129) En fait il s’agit comme pour tous les mouvements dont il est question dans les deux ouvrages d’un soulèvement de tous les opprimés de l’époque où ce qui va devenir la classe ouvrière n’est qu’une composante. C’est une donnée que l’on trouve également bien exposée dans The Making of the English Working Class, Ed. Penguin Books, de E.P. Thompson.

 

Ces ouvrages nous donnent une idée de la formation de la classe ouvrière, du prolétariat, mais ne nous exposent pas comment s’est constitué le salariat, le rapport social qui fonde le capital. Le salaire est une forme de paiement  qui concerne l’utilisation de l’homme, de la femme qui, à cause du contenu de la transaction effectuée se distingue des autres formes de paiement comme solde, émoluments, honoraires, etc., postulant d’autres relations sociales et donc d’autres types sociaux : soldats, domestiques, etc.

 

Étant donné que ce qui est payé est l’activité des hommes, des femmes, et que cette activité peut opérer dans de vastes domaines, il est évident que grâce à ce moyen terme , tout va pouvoir être affecté par la valeur devenue capital, ce que de façon incorrecte et grossière est décrit comme « marchandisation ».

 

Cette note ne peut pas être le lieu où puisse se traiter la question de l’origine du rapport capital et donc du travail salarié. Je désire seulement souligner que celui-ci surgit en même temps que persistent d’autres formes d’exploitation comme l’esclavage, à l’époque où la fonciarisation, et la valeur dans sa détermination de monnaie universelle sont encore prépondérantes. De même que l’est l’anthropomorphose du travail se manifestant à travers l’importance des artisans, des artistes, et la naissance de l’ingénieur.

 

Le contenu de ces livres permet d’aborder d’autres questions sur lesquelles il conviendrait de faire retour ultérieurement, mais que je signale seulement.

 

1°- L’importance de la révolution anglaise des années quarante du XVII° siècle, qui est souvent occultée surtout en France. Je tiens compte à ce sujet de Christopher Hill, The world turn upset down qui a assuré la publication des œuvres de G.Winstanlley : The law of freedom and other writings et du livre édité dans la collection Archives Julliard: Les niveleurs, Cromwell et la République, présentés par Olivier Lutaud.

 

2°- L’importance des sectes protestantes qui se réfèrent au christianisme primitif et à sa dimension de refus du mouvement de la valeur. Il conviendrait de faire le rapprochement avec la dynamique exposée par M. Weber au sujet de l’importance du protestantisme dans le surgissement du capitalisme.

 

3° La révolution industrielle et le surgissement du capital et le triomphe du salariat dans l’usine ainsi que le remplacement de l’artisan par l’ouvrier. On devra tenir compte qu’il ne s’est pas agi en réalité d’une révolution mais d’une évolution assez longue.

 

4°- Importance des pirates dans la révolution étasunienne, indiquée dans L’hydre aux mille têtes. Il est intéressant de compléter cette approche de la piraterie par celle que met en avant Gilles Lapouge dans :Les pirates –forbans, flibustiers, boucaniers et autres gueux de la mer, où il met en évidence chez ceux-ci un désir d’abandonner ce monde.

 

5°- Le surgissement des concepts de race (racisme) et de nation (nationalisme) en connexion avec ceux de progrès et de hiérarchie ainsi qu’avec le mouvement de la valeur dans sa dynamique horizontale et verticale.

 

6°- Originalité du mouvement radical (révolutionnaire) des U.S.A. Ceci est mis en évidence dans L’hydre aux mille têtes, mais également dans un article de Loren Goldner : La fusion afro-indiano-anabaptiste. Les sources du radicalisme américain, paru dans le livre de cet auteur: Nous vivrons la révolution –Revolution in our lifetime, Editions Ni patrie ni frontières, pp.263-279. « La véritable tradition radicale américaine est née là, dans la rencontre entre les anabaptistes, les Indiens  et les Africains aux XVII° et XVIII° siècles. » p. 269. Fredy Perlman avait déjà abordé cette question.

Toutefois, il y a un certain escamotage, car le phénomène s'est effectué des deux côtés de l'Atlantique. En Europe il s'acheva environ à la fin des guerres napoléoniennes. Á partir de la fin des années 1820 et surtout à partir de 1830 un autre phénomène de rejet de la société en place se développe: le mouvement prolétarien, qui concerne fondamentalement une classe dont la mission est de détruire le capitalisme. Cela n'empêche pas que des éléments venant d'autres couches sociales, comme des poètes, des romanciers des artistes, participèrent aux divers soulèvements prolétariens au XIX° et au XX° siècle. L'horreur de la domination capitaliste fut et est ressentie par une foule d'hommes et de femmes qui recherchèrent constamment un sujet subversif pour pouvoir décharger leur haine et affirmer leur dimension humaine. Le cheminement de libération-émergence ne passe pas par l'insurrection, la violence de classe, etc. mais ceux qui l'empruntent peuvent se potentialiser en tenant compte de tous ces mouvements de refus, en en percevant l'immense continuité. C'est pourquoi il est important pour les européens, également, de tenir compte de la tradition anté-prolétarienne. Ce qui est essentiel c'est la mise en continuité qui ne peut s'opèrer qu'à partir de chaque individualité - également quand des foules se mobilisent -  sinon on en reste toujours à  la dualité masses (multitudes) et chefs, même si momentanément ils ne sont pas apparents. La vieille dynamique les réimpose toujours. 

 

 

7°- Importance du mouvement anti-réductionniste qui se manifeste  à travers religiosité, occultisme, ésotérisme, spiritualisme et ceci en rapport tant avec l’importance des sectes protestantes mais aussi avec l’œuvre de poètes, d’artistes favorables au mouvement d’émancipation. Le cas emblématique est celui de William Blake. D’ailleurs celui-ci est très souvent cité par tous les auteurs précédemment indiqués. Ils ont également abondamment utilisé ses œuvres picturales, particulièrement le tableau représentant l’Europe soutenue par l’Amérique et l’Afrique qui montre bien qu’il avait profondément perçu, comme certains de ses contemporains, ce qu’il advenait à son époque; perception qui fut en quelque sorte transitoirement perdue.

 

8°- Importance de la diaspora noire et des amérindiens, des peuples non lancés dans une dynamique de type occidental, ce qui est d’ailleurs en rapport avec le point 6. À ce sujet, outre F. Perlman (et avec lui, les auteurs sur lesquels il s’appuie) déjà mentionné, je citerai de Loren Goldner : Herman Melville – Between Charlemagne and the antemosaic cosmic Man-Race, Classs and the crisis of the bourgeois ideeology in an American writer où il expose un parallèle entre K. Marx et H. Melville en ce qui concerne le mode de concevoir le devenir de l’humanité depuis la période où hommes et femmes étaient en connexion avec la nature, le cosmos, jusqu’à leur époque.

 

En ce qui concerne la diaspora des noirs, le livre de Philippe Wemba: Kindship, Ed. A Plume Book, 2000 fournit une stimulante approche de la question. En effet à sa lecture on peut se poser la question de savoir si le XX°siècle ne fut pas le siècle des noirs. En outre, en tenant compte de la véracité possible de l’origine africaine de notre espèce et de ses diverses migrations à partir de l’Afrique, on peut se demander si la réalisation de cette diaspora ne peut pas être comparée à celles-ci.

 

On peut noter également que les USA sont parvenus idéologiquement à dominer le monde grâce à leurs opprimés.

 

Enfin, à la lecture de ces livres et en fonction de la fin du mouvement révolutionnaire, nous vient à l’esprit l’idée de savoir si de poser la question de l’accès au communisme par l’intermédiaire d’une lutte de classes ne fut pas une vaste erreur immédiatiste. Ou, dit autrement, la classe ouvrière ne fut-elle pas une réduction d’un groupement plus vaste pouvant s’opposer au capitalisme et apte à le détruire ? Est-ce que la déviation de la lutte, sur la race, sur la nation, ne s’est-elle pas accompagnée sur celle de la classe ? Ce faisant on restait dans le cadre même imposé par les tenants du pouvoir, et  aucun  dépassement  ne s'imposait du  fait de la pérennisation de la dynamique de  la lutte  et de  la haine;  celle de classe  fut souvent proposée  par les tenants  de la  théorie du prolétariat.

 

Tout ceci est affecté d’obsolescence, toutefois on ne peut pas l’escamoter, si on ne veut pas rejouer l’impasse au cours même de notre cheminement de libération émergence

 

 

Novembre 2009