Ιl
faut créer une discontinuité irréductible à partir de 1a situation qui s'est révélée avec le phenomène de Mai-Juin 1968;
car
c'est
de cette
discontinuité que
peut réellement s'initier un vaste
mouvement de création de vie
nouvelle.
Avec
1a victoire
de l'antifascisme,
lors de 1a guerre de 1945, on a eu élimination de toutes les formes organisées qui luttaient contre le
capital.
Avec le développement des mass-media, on a la récupération-intégration de toutes les rebellions contre sa
domination.
Á
l'échelle mondiale,
les luttes
anticoloniales, qui pendant
un
certain
temps affaiblirent
les métropoles capitalistes
occidentales, contribuèrent finalement
au
renforcement de
1a communauté capital qui de façon globale domine maintenant la planète entière. Ainsi, on a la fin de la
série des révolutions
et l'échappement du
capital.
Mais
le triomphe de ce
dernier pose, en même temps, les données de
sa mort potentielle, ainsi que l'épuisement de vastes cycles. Avec l'agriculture et l'élevage les hommes
et les femmes furent liés à la terre et prirent un comportement de domination vis-à-vis des autres êtres vivants. Avec
1a révolution agraire qui
signe 1'implantation du
capital en sa
domination formelle, on a la séparation des hommes et de
femmes de la terre; ils sont mis hors nature, libérés, et entassés
dans des nécropoles. La domination réelle pose une agriculture sans terre;
celle-ci est a son tour libérée, posant le possible de devenirs autres.
Sur le
plan
de 1'énergie,le capital
industriel naît en
cloturant un cycle commencé avec 1a production du feu, il y a au moins quatre cent mille ans: transformation de l'énergie
mécanique en énergie calorifique; lamachine à vapeur postula la
réalisation de la transformation invers. Mais le capital ne put se développer qu'en recourant à d'autres
sources d'énergie: électrique,
nucléaire, etc. Et c’est dans
1’incapacité où
il est de trouver une forme d'énergie
qui ne lui nuise pas que se révèle le
mieux l'inadéquation de ce monde au devenir fémino-humain.
Épuisement
des phases historiques et rupture des cycles, telles sont les données de
1a réalité modifiée par le capital. L'errance débouche dans la divagation, et l’humanité est de plus en plus domestiquée,
On
a la fin du patiarcat et la perte de contenu de toutes les conduites humaines, ainsi que l'incapacité de toutes les institutions a enserrer 1a nouvelle réalité tandis que les
contradictions qui avaient été simplement englobées au cours des 2500 ans déterminant notre moment actuel, peuvent à nouveau se manifester, produisant un vaste champ de possibles erratiques.
L'espèce
humaine
a
colonisé
toute la planète. Elle
est
parvenue
au
bout de son procès de
développement
extensif; se pose inéxorablement celui de son développement intensif, qui
présuppose
qu'elle
revienne vivre uniquement dans les zones les plus aptes à son épanouissement ce qui, simultanément, permettra à toutes les autres formes de vie d'accéder au même devenir.
Ainsi,
à
quelque
niveau
qu'on
se place, on se sent
englué, piégé;
on est devant
l'impasse. Quelle
issue
trouver
à
tout
cet entrelac de
questions,
de problèmes?
Les luttes contre l'ordre établi de la
part de divers marginaux ne parviennent pas à déstabiliser quoi que ce soit.
Dés lors, il faut émerger:
De la mort potentielle du capital dont la décomposition peut libérer divers possibles qui ne feront que renforcer sa
combinatoire démoniaque piégeant toutes
les
tentatives de poser une contradiction,
une alternative.
De tout un développement
technico-scientifique qui fut nésessaire pour adapter l'espèce
aux conditions de vie bouleversées à cause de son action même; la science, le plus souvent, ne se développe que pour enrayer une mutilation, en même temps qu'elle mutile. Le cas le plus probant est celui
de 1a médecine qui est de plus en plus envahissante au fur et à mesure que l'espèce dégénère. Ι1
faut donc émerger de 1a maladie
produit culturel s'exprimant sous 1a forme purement corporelle οu
mentale; la folie est
aussi bien celle de l’âme que
celle du corps.
Émerger
de la représentation déterminée par des siècles de propriété privée, de parcellisation, de triomphe du principe d'uti1ité,
de celui de valorisation enfin de capitalisation,
qui impliquent la dissociation de
l'unité espèce-cosmos qui fonde 1a séparation, la pensée binaire, la combinatoire généralisée.
L'art sous ses diverses formes, la science, la philosophie, la religion, sont des modalités de la représentation d'un type d'humanité déterminée par un mode de vie plurimillénaire. Il faut émerger de l'accumulation de toutes ces œuvres
et poser la validité-nécessité, pour l’immédiat et pour l'avenir, de chacun de ces modes de représentation. Et ce, d'autant plus que le capital est
représentation matérialisée qui, à nouveau, se spiritualise, se dématérialise.
Émerger
d'un
inachèvement plusieurs
fois répété, du vieux rêve
dévoyé à maintes reprises,
d'aboutir à une "société
humaine", donc d'une errance millénaire et réfléchir sur cette errance. Quels en furent les possibles? C'est par cette enquête qu'il nous faudra comprendre que le langage -
nature contraignante en tant que produit réalisé dont il faut émerger -
fut un moyen de réaliser l'espèce mais aussi un élément moteur de séparation; que la parole en tant que redondance de vie éclabousse
des possibles οù
l'homme
a erré; que la pensée, phénomène qui nous fait accéder
à la réflexivité profonde et nous fait vraiment réaliser en tant qu'espèce diverse dans le cosmos,
n'est pas
qu’un phénomène humain mais un
mode qu'a la vie de reposer tous les
possibles effectués et de rechercher d'autres voies; que c'est en eux et en elles passίonnément embouchées, empruntées,
que se fit l’errance. Car 1a pensée a
1a détermination de la séparation, de 1a
négation qui peut établir un
hiatus entre l'espèce et le monde !
Si
nous
ne saisissons pas de façon intime ce qu'est notre espèce-phylum et sa place dans le devenir-monde nous sommes condamnés à
errer, Poir éviter
une telle éventuahité
qui ne pourrait être que déchéance progressive, il faut abandonner tout anthropocentrisme qui nous englue dans une vision immédiate où nous ne pouvons plus percevoir à quel point nous sommes
un divers et une continuité.
Ιl
faut
émerger
de
l'immédiat
asphyxiant et
de toute
1a chaîne de
médiations qu'il
implique pour être advenu, et faire percevoir le frémissement de quelque chose de
nouveau; cela nécessité
aussi de sortir
d'une stricte détermination biologique pour épanouir un phénoméne vie οù le geste, la parole,
le rythme, l'imagination, trouveront une harmonie unitaire.
Ιl
ne faut pas être une simple .résurgence de ce qui.
fut refoulé inhibé οu
nié, inclus dans des contradictions englobées dans le devenir du capital. Ιl faut vraiment une émersion de la
dimension fémino-humaine.
Tous les possibles que consentit l’irruption d'un certain mode de vie (d'un certain rapport à la nature) ont été épuisés; il ne s'agit pas de faire un rafistolage entre certains d'entre eux (une recombinaison) mais de créer, pour que s'ouvre un autre arc de vie.
Donc
EMERGENZA parce qu'un nouveau monde s'apprête
à advenir et qu'il y a urgence à ce qu'il advienne,
sinon l'espéce humaine, et même la vie en sa totalité, risquent 1'extinction.
* *
*
Ιl
n'y a pas un mode unique et strict pour émerger mais une nultiplicité, étant donné qu'on peut le faire à partir de
divers niveaux (pour les parcourir tous, ou en escamoter certains).
Ιl
peut y avoir compatibilité de cheminements et la revue doit permettre de vérifier la réalité des convergences apparentes; ainsi pourra se faire l'union de tous ceux qui sentent les diverses impasses où
nous sommes et qui
veulent
sortir du ghetto où
l’on est catapulté dés lors qu'on refuse ce monde.
Le but de 1a revue est de dépasser le couple (souvent
posé antagoniste) soi-autres; ce qui
implique tout particulièrement de ne pas
figer la dynamique des autres. Aussi toute personne qui
écrira à EMERGENZA le fera en fonction de son cheminement, car la revue, expression de l’émergence d’une
autre terre ne peut se limiter à exprimer un
courant déterminé,
même un mouvement d'unification. Elle veut exposer
le divers d’un aller au-delà du capital, d'une rupture totale avec lui. En conséquence,
aussi, chacun doit prendre ses responsabilités.
On doit éviter de recomposer un racket en unissant
des
personnes, mais il convient
également que chacun évite de devenir un racket en
s'enfermant dans une idée.
On doit lutter également contre le repli purement individualiste où l'on peut trouver un cocon protecteur, bourré de mépris d'autrui,
Émerger et
aller
vers
οù? C'est aux
différents producteurs
de cette revue à l'indiquer, à partir du mode qu'ils ont de percevoir 1es
impasses et
le possible d’une
émersion.
Émerger est
une
vaste ouverture
car c’est un
déchirement de la réalité
actuelle. Émerger
comme une chaîne de montagne.au
cours
de
son orogenèse lente et éruptive,
c’est la création d’un monde nouveau où
tous ceux qui
sentent
l’impossibilité de vivre en ce monde
peuvent déjà trouver base
de réflexion et prise
de forces.
Rien n'est irrémédiablement déterminé; nous ne sommes pas parvenus
à la fin
de notre espèce. Au
contraire, nous sommes au point d’aurore d’un immense devenir, à condition
de bien comprendre ce
qui est irrémédiablement fini.
EMERGENZA
doit
être le frémissement
de
1a "Vita Νuoνa", en
étant témoignage
d'un immédiat, d'une
nouvelle sensibilité,
qui tend à échapper à la réalité du capital.
* *
*
Il
en découle qu’EMERGENZA
étant
une
revue
de réflexion et d'immédiatété
abordera
tous les domaines de l'activité
humaine, Il nous faudra
situer notre moment historique en rejetant la représentation officielle avec sa chronologie historique fondée sur l'apparition du Christ. En
effet notre monde est né plus de cinq cents ans auparavant, avec le surgissement de la polis grecque, moment approximatif de divergence entre 1’Orient et l'Occident. Plus proche dans 1e
temps, il sera nécessaire de lutter contre
la mystification antifasciste et préciser comment se
présente 1a phase
historique où la théorie du
prolétariat n’est plus opérationnelle. En outre dans la perspective de
l’union en cours de l'espèce, l'histoire des autres
peuples (africains, amérindiens, etc) requerra toute notre attention,
Par l’étude historique, il nous est déjà possible de nous évader d'une réalité qui nous est plaquée comme un cauchemard; l'on
verra par là
même
également que nous sommes
déterminés par un "être" avec lequel nous ne pouvons plus transiger:
le capital.
Cette
enquête historique
nous permettra de
considérer toutes sortes.de représentations
qui furent exclues, condamnées:
astrologie, alchimie,
etc.,
non pour trouver une recette,
mais pour intégrer la
totalité de la dimension dynamique humano-féminine.
On
se rendra compte que la volonté de tout recommencer,
de repartir â zéro est un vieux rêve qui affleure dans divers mythes,
alors on
peut se poser la question de savoir si nous ne réactualisons pas simplement un de ces mythes, οu
si réellement nous sommes placée dans la situation
où nous devons obligatoirement créer. La.réfléxion nous permettra simultanément de percevoir notre continuité d'espèce
et qu'il
y a effectivement un “projet”
très vieux
et
que
c'est
peut-être
uniquement
maintenant qu’il peut se réaliser.
Cette
enquête insistera sur les divers mouvements de lutte
contre le
capital, et situera l'importance du mouvement prolétarien en
montrant que ce n’est
qu'au
sein de celui-ci
que put naître la réflexion fondamentale sur le devenir du capital et sur celui de l’espèce; de telle sorte que s'il y eut des individualités à même d’amplifier le champ de connaissances fémino-humain, ils ne parvinrent
jamais à saisir le fondement même de notre devenir.
L'unique raison est que seul le mouvement prolétarien abordait les
faits à leur racine.
Étant donné
qu'il
s'agit d’emprunter un autre mode de νie,
notre investigation portera sur les modes aberrants qu’a l'espèce de se nourrir, de se vêtir,de se
soigner; de là l’importance que nous accorderons à un mouvement comme l’hygiénisme par rapport auquel certains
d’entre nous préciserons leur cheminement et leurs perspectives.
Plus
immédiatement la question de la violence et du terrorisme (surtout pour l’Italie)
est
un point οù
nous devrons définir nos
contours.
Telle
est
une
évocation
de ce
qui
doit
être
traité,
une
évocation
des
préoccupations
fondamentales
de
ceux qui offrent cette revue à tous
ceux qui
veulent
voir 1a réalité en face - celle de 1a
stagnation et
de l’impasse, et cherchent à individualiser le possible d’en sortir, Ιl
est certain
qu'on
ne
signale pas tous les sujets. De cela les
lecteurs s'en rendront compte, Ils pourront contribuer par leur manifestation à ce que divers thèmes, non signalés ici et
peut-être non envisagés, soient affrontés.
À chacun d'emprunter sa
voie…pour se
rencontrer [1]
CAMATTE
Jacques
- Juillet
1980
* *
*
*
Nous
ne pensions pas
en publiant la revue EMERGENZA
qu'elle
rencontrerait obligatoirement et immédiatement un grand succès. Les
faits ont
confirmé cette prévision. On peut imputer cette absence d'écho
important à un
défaut de présentation: la qualité technique était assez faible, aux
difficultés de diffusion, etc.. C'est
indubitable, mais insuffisant. Ιl
y eut, d'une part,
à travers les divers articles publiés, une trop faible affirmation de
ce qu’Emergenza veut
représenter et
témoigner; d'autre part, l'obstacle de la phase post-groupusculaire,
plus οu
moins anti-rackettiste
(mais le racket n'est
souvent conçu que comme groupe et non également
comme un individu support d'une idée plus ou moins autonomisée),
antimilitante qui
est le produit de la désunion et son organisation, empêche toute
convergence
immédiate et toute recherche des
autres;
cette phase caractërisée en
outre par 1a
perte de référentiels essentiels, génératrice de fatalisme-résignation,
inhibe
tout enthousiasme et élan créatif.
En
conséquence, il
est nécessairee de rappeler
la nécessité
de 1’union qui ne doit pas obligatoirement se
faire autour de ceux
qui rédigent cette revue; de là, 1a phrase finale de 1a présentation de 1980:
"À
chacun de suivre sa propre
voie ...pour se
rencontrer!"
Refuser
1a pratique groupusculaire, éviter
toute situation qui
conduit à être posés comme centre, ne doit pas conduire à nous enfermer dans un ghetto. On
doit éviter toute marginalisation.
La grande perte des
hommes, des femmes est celle de 1a dimension
de 1a communauté, de 1a Gemeinwesen. Ιl
faut la réacquérir. C’est l'émergence du désir de Gemeinwesen que nous voulons
signaler comme moment fondamental
du refus du devenir du capital.
La cοmmunauté fémino-humaine ne peut exister qu'à travers une multiplicité
de communautés de base dans
les zones les plus favorables au
développement de notre espèce. Ce qui doit émerger - et qui est
certainement en
voie de l'être - ce sont de
petites
communautés tendant à s'intégrer
dans la nature sans s'y
immerger et intégrant tout le devenir technique de l'espèce. Dés ce
moment on va
avoir de plus en plus, d'un côté tous les éléments du procès de mort du
capital (et
ce qui
peut en surgir), en particulier les iιιιnenses agglomérats urbains et leur impact
mortifère sur une nature toujours plus minéralisée,
d'un autre côté ces petites
cοmmunautés visant à une "résurrection"
de la nature et par là
au sauvetage de l'espèce, comme à la réalisation d'un
projet invariant au sein du phénomène
vie: le déploiement
de la
réflexivité.
Les
catastrophes prochaines n'épargneront personne. Ne pourront survivre
que ceux
qui auront rompu avec
l'errance millënaire et
recherché une autre voie de réalisation-affirmation
de l'espèce. [2]
Février 1982