image/svg+xmlGLOSES CRITIQUES MARGINALES À UN ARTICLE:LE R01DE PRUSSE ET LA RÉFORME SOCIALE. PAR UN PRUSSIEN.Le numéro 60 du Vorwärtscontient un article intitulé: Le roi dePrusse et la réforme sociale, signé: Un Prussien.Tout d'abord le prétendu prussien se réfère au contenu de l’ordre duCabinet du roi de Prusse concernant l'insurrection ouvrière de Silésie et àl'opinion, sur cet ordre, du journal français La Réforme.La Réformeconsidère la "terreur" et le sentiment religieux"du roi comme l'origine del'ordre du Cabinet. Elle découvre même dans ce document lepressentimentde grandes réformes qui annoncent la société bourgeoise. Le"prussien " fait comme suit la leçon à La Réforme."Le roi et la société allemande ne sont pas encore arrivés aupressentiment de la réforme sociale; même le soulèvements de Silésie et deBohème n'ont pas fait naître chez eux ce sentiment. Il est impossible de fairecomprendre â un pays non politiquecomme l'Allemagne que la détressepartielle des régions manufacturières est une question d'ordre général, bienplus encore un préjudice causé à tout le monde civilisé. Pour les allemands,cet événement a le même caractère qu'une inondation ou une famine locales.Voilà pourquoi le roi la traite comme un manque d'administration ou de
image/svg+xmlbienfaisance. Pour cette raison,et parce qu'il n'a fallu que peu de troupes pourvenir à bout des faibles tisserands, la démolition de fabriques et des machinesn'inspire pas la moindre terreur au roi et aux autorités. Bien plus, ce n'est pasle sentiment religieuxqui a dicté l'ordre de Cabinet; cet ordre de Cabinet,c'est l'expression la plus insipide de la science politique chrétienne et d'unedoctrine qui ne laisse subsister aucune difficulté devant son unique remède,les bonnes dispositions des cœurs chrétiens. La pauvreté et le crime sontdeux grands maux; qui peut les guérir? L'État et les autorités? Non, maisl'union de tous les cœurs chrétiens."Une des raisons pour lesquelles le prétendu prussien nie la "terreur"du roi, c'est qu'il n'a fallu que peu de troupes pour venir à bout des faiblestisserands.Ainsi donc dans un pays où des banquets avec toasts libéraux etchampagne libéral - qu'on se rappelle la fête Dusseldorf - provoquent: unordre du Cabinet du roi, dans un pays où l'on n'eut besoin d'aucunsoldat pourétouffer dans toute la bourgeoisie libérale le désir de liberté de la presse et dela constitution; dans un pays où l'obéissance passive est â l'ordre du jour1,dans un tel pays l'emploi contraint de la force armée contre de faiblestisserands-, neserait pas un évènement,ni surtout un évènement terrifiant? Etles faibles tisserands sortirent vainqueurs de la première rencontre. Ils furentultérieurement réprimés grâce à un accroissement du nombre des troupes. Lesoulèvement d'une masse d'ouvriers est-il moins dangereux, parce qu'on n'apas besoin d'une armée pour l'étouffer? Que notre malin prussien compare larévolte des tisserands de Silésie avec les soulèvements des ouvriers anglais,et les tisserands de Silésie lui paraîtront de forts tisserands,
image/svg+xmlNous expliquerons, â l'aide du rapport général de la politique auxmaux sociaux,pourquoi le soulèvement des tisserands ne pouvait pas inspirerde "terreur" au roi. Il nous suffira,poux le moment, de dire ceci: lesoulèvement n'était pas dirigé directement contre le roi de Prusse, maiscontre la bourgeoisie. En tant qu'aristocrate et monarque absolu, le roi dePrusse peut ne pas aimer la bourgeoisie, il peut encore moins s'effrayer quandla tension et la difficulté des rapports entre prolétariat et bourgeoisieaccroissent la servilité et l’impuissance de cette dernière. En outre, lecatholique orthodoxe est plus hostile au protestant orthodoxe qu'à l'athée, demême que le légitimiste est plus hostile au libéral qu'au communiste. Non pasque l'athée et le communiste soient plus proches du catholique et dulégitimiste,mais au contraire parce qu'ils leur sont plus étrangers que leprotestant et le libéral, parce qu'ils se meuvent en dehorsde leur sphère. Leroi de Prusse, en tant que politicien, a son contraire immédiat, dans lapolitique, dans le libéralisme. Pour le roi,la contradiction du prolétariatexiste aussi peu que le roi existe pour le prolétariat. I1 faudrait que leprolétariat eût atteint déjà une puissance décisive pour étouffer lesantipathies, les oppositions politiques, pour s'attirer toute l'hostilité de lapolitique. Enfin, il est évident que le roi, dont le caractère avide de chosesintéressanteset importantes est universellement connu, devait être surpris etenchanté â la fois de trouver sur son propre terrain ce paupérisme"intéressant" et "de grand avenir ",et d'avoir ainsi une nouvelle occasion dese mettre en vedette. Quelle ne dut pas être sa béatitude, à la nouvelle qu'ilpossédait,désormais, son propre paupérisme royal prussien.Notre "Prussien" est encore: plus malheureux quand il nie que le"sentiment religieux " soit la source de l'ordre de Cabinet royal.
image/svg+xmlPourquoi le sentiment religieux n'est-il pas la source de cet ordre deCabinet? Parce que cet ordre" est l'expression la plus insipidede l'artpolitique chrétien", l'expression "la plus insipide" de la doctrine " qui nelaisse subsister aucune difficulté devant son unique remède, les bonnesdispositions des cœurs chrétiens "Le sentiment religieuxn'est-il pas la source de l'art politiquechrétien? Une doctrine qui possède son remède universel dans les bonnesdispositions des cœurs chrétiensn'est-elle pas fondée sur le sentimentreligieux ? L'expression très insipidedu sentiment religieux cesse-t-elled'être une expression du sentiment religieux? Bien plus ! Je prétends que c'estun sentiment religieux très infatué de lui-même,très enivré,qui cherche la"guérison de grands maux", guérison dont il dénie la possibilité "à l’État etaux autorités, dans"l'union des coeurs chrétiens". C est un sentimentreligieux très enivré qui, d’après l’aveu-du Prussien, voit tout le mal dans lemanque de sens chrétien et renvoie les autorités au seul moyen qu’il y ait defortifier ce sens religieux: à "l'exhortation".Le sentiment chrétien,voilà,d'après le Prussien, le but de l'ordre de Cabinet. Le sentiment religieux quandil est ivre et non quand il est sobre se considère comme le seul bien, Partoutoù il voit du mal, il l'attribue à sa propre absence: en effet,puisqu'il est leseul bien, il peut seul produire le bien. L'ordre de Cabinet dicté par lesentiment religieux dicte donc, par voie de conséquence, le sentimentreligieux. Un politicien de sentiment religieux sobre, ne chercherait pas danssa "perplexité ''sonaide'' dans "l'exhortation du pieux prédicateur ausentiment chrétien".Comment le prétendu Prussien de la "forme"démontre-t-il donc
image/svg+xmlque l’ordre de Cabinet n'est pas une émanation du sentiment religieux? Ennous le représentant partout comme une émanation du sentiment religieux!Peut-on espérer d'une tête si illogique la compréhension des mouvementssociaux? Ecoutons ses bavardages au sujet du rapport de la sociétéallemandeau mouvement ouvrier et la réforme sociale en général.Distinguons, ce que le Prussien néglige, les différentes catégoriesqui ont été groupées sous l'expression "société allemande''. Gouvernement,Bourgeoisie, presse, enfin les ouvriers eux-mêmes. Voilà les massesdifférentes dont il s'agit ici. Le Prussien fait un tout de ces masses et, de sonpoint de vue élevé, les condamne en masse. D'après lui, la sociétéallemande "n’est pas encore arrivée au pressentimentde sa réforme".Pourquoi cet instinct lui manque-t-il?"Il est impossible de faire comprendre à un pays non politiquecomme l'Allemagne", répond le Prussien "que la détresse partielle desrégions manufacturières est une question d'ordre général,bien plus encore,un préjudice causé à tout le monde civilisé, Pour les allemands, cetévènement a le même caractère qu'une inondation ou une famine locales.Voilà pourquoi le roi la traitecomme un manque d'administration ou debienfaisance.''Cette conception à l'enversde la détresse ouvrière, notre Prussienl'explique donc par cette particularitéque l'Allemagne est un pays nonpolitique.On nous concédera que l'Angleterre est un pays politique. Onreconnaîtra encore ceci: l’Angleterre est le pays du paupérisme,de terme est
image/svg+xmlmême d'origine anglaise. -L'examen de l’Angleterre sera donc le moyen leplus sûr pour connaître le rapport d'un pays politiqueau paupérisme. EnAngleterre, la détresse ouvrière n'est point partielle, mais universelle; elle neselimite pas aux régions industrielles, mais s'étend aux régions agricoles. Lesmouvements, n'y sont pas à leur naissance. Ils reviennent périodiquementdepuis prés d'un siècle.Comment la bourgeoisie anglaise, le gouvernement et la presse qui luisont liés conçoivent-ils le paupérisme?Dans la mesuré où la bourgeoisie anglaise admet que le paupérismeest une faute de la politique, le Whigconsidère le Toryle Tory le Whig,comme la cause du paupérisme. D’après Le Whig, la source principale dupaupérisme, c’est la grande propriété foncière et la législationprotectionniste interdisant l'importation de céréales. D'après le Tory, toutle mal réside dans le libéralisme, la concurrence, le systèmemanufacturier poussé trop loin. Aucun des partis n'en trouve la raisondans la politique en général, mais plutôt, uniquement, dans la politique duparti adverse. Et aucun des deux partis ne songe â une réforme de lasociété.L'expression la plus nette de la compréhension anglaise dupaupérisme - nous parlons toujours de la compréhension de la bourgeoisieanglaise et du gouvernement - c'est l'économie nationale anglaise,c'est-à-dire le reflet scientifique de la situation économique anglaise.Un des meilleurs et des plus fameux économistes anglais quiconnaît la situation actuelle et doit posséder une vison globale dumouvement de la société bourgeoise, Mac Culloch, élève du cynique
image/svg+xmlRicardo, vient encore d'oser, dans un cours public et au milieu desapplaudissements, appliquer â l’économie nationale ce que Bacondit dela philosophie."L'homme qui, avec une sagesse véritable et inlassable, suspendson jugement, avance par paliers, surmonte l'un après l'autre les obstaclesqui, semblables â des montagnes, arrêtent la marche de l'étude, finira paratteindre, avec le temps, le sommet de la science où l'on jouit du calme etde l'air pur, où la nature s'offre aux yeux dans toute la beauté, et d'où, parun sentier commode et facile, on peut descendre aux derniers détails de lapratique."Le bon air pur, 1'atmosphère empestée des logements anglais dansles caves! La grande beauté de la nature, les haillons étranges despauvres anglais et la chair ratatinée et flétrie des femmes usées par letravail et la misère, les enfants couchés sur le fumier; les avortons queproduit l'excès de travail dans le mécanisme uniforme des fabriques ?Détails ultimes, adorables de la praxis: la prostitution, assassinat, legibet.Même ceux des bourgeois anglais qui se sont pénétrés du dangerdu paupérisme conçoivent celui-ci, comme aussi les moyens d'y remédier,d'une façon non seulement particulière, mais, disons-le sans détour,puérileet stupide.C'est ainsi par exemple que dans sa brochure: Recent measuresfor the promotion of education in England , le docteur Kayramène tout âl’éducation négligée. 0n deviné pour quelle raison! Par manqued'éducation notamment l'ouvrier ne comprend pas "les lois naturelles du
image/svg+xmlcommerce" qui le réduisent nécessairementau paupérisme. C’est pourcela qu'il se révolté2. Cela "pourrait gêner la prospéritédes manufacturesanglaises et du commerce anglais, ébranler la confiance mutuelle, desgens d'affaires diminuerla stabilitédes institutions politiques etsociales."Telle est la grande irréflexion de la -.bourgeoisie anglaise et sapresse, au sujet du paupérisme de cette épidémie nationale del'Angleterre.Supposons donc que les reproches adressés par notre "Prussien" àla société allemandesoient fondés. La raison- réside-t-elle dans l’étatnon politiquede l’Allemagne ? Mais si la bourgeoisie de Allemagne nonpolitique ne parvient pas à la compréhension de la signification généraled’une détresse partielle, la bourgeoisie de l'Angleterre politiquesait, enrevanche, méconnaître la signification générale d'une détresse universellequi a manifesté son importance universelle par son retour périodique dansle temps, son extension dans l'espace et par l'échec de toutes lestentatives en vue de la supprimer.Le "Prussien" impute encore à l'état non politiquede l'Allemagnele fait que le roi de Prusse trouve la cause du paupérisme dans unmanque d'administration et de bienfaisanceet recherche donc dans lesmesures d'administration et de bienfaisanceles remèdes au paupérisme.Cette façon de voir est-elle particulière au roi de Prusse? Jetons unrapide coup d'œil sur l'Angleterre, le seul pays où l'on puisse parler d'unegrande action politiquecontre le paupérisme.
image/svg+xmlLa législation d'assistance publique telle que nous la voyons dansl’Angleterre actuelle date de la loi du 43° acte du règne d'Elisabeth3Enquoi consistent les moyens de cette 'législation? Dans l'obligationimposée aux paroisses de secourir leurs ouvriers indigents, dans la taxedes pauvres, dans la bienfaisance légale'. Cette législation - labienfaisance par voie administrative - a duré deux siècles. Après delongues et douloureuses expériences, quel point de vue voyons-nous leParlement défendre dans son bill d'amendement de 1834 ?Le Parlement commence par déclarer que l'accroissement énormedu paupérisme est dû à un "manque d'administration"On réforme donc l'administration de la taxe des pauvres quicomprenait jusqu'alors des fonctionnaires des paroisses respectives. Onconstitue des unionsd'environ vingt paroisses soumises, à une seuleadministration. Un bureau de fonctionnaires - Board of Guardians -désignés par les contribuables, se réunit, un jour déterminé, au siège del'union et décide de l'attribution des secours, Ces bureaux sont dirigés etsurveillés par des délégués du gouvernement, la commission centrale deSommerset-House, le ministère du paupérisme, comme l'appelle unfrançais4Le capital que cette administration contrôle est presque aussiconsidérable, que le budget de la guerre en France. Le nombre desadministrations locales qu'elle occupe est de 500, et chacune de cesadministrations locales compte un minimum de douze employés.Le Parlement anglais ne se borna pas à une réforme purementformellede l'administration.C'est dans la loi sur les pauvreselle-même qu'il découvrit la
image/svg+xmlsource principale de l'état aigudu paupérisme anglais. Le remède légalcontre le mal social, c'est-à-dire la bienfaisance, favorise le mal social5.Quant au paupérisme en généralc'est, d'après la théorie de Malthus, uneloi éternelle de la nature:"Comme la population tend incessamment à dépasser la limite desmoyens de subsistance, la bienfaisance est une pure folie, unencouragement officiel â la misère. Tout ce que l'État peut donc faire,c'est d'abandonner la misère â son sort et de faciliter tout au plus la mortdes miséreux,"Le Parlement anglais compléta cette théorie philanthropique parl'idée que le paupérisme est la misère dont la faute incombe aux ouvrierseux-mêmes,qu'on n'a donc pas à le prévenir comme un malheur, maisqu'il faut au contraire le châtier comme un crime.Ce fut là l'origine des Workhouses, des maisons de travail, dontl'organisation effraie1es miséreux et les empêche d'y trouver un refugecontre la mort par la famine. Dans ces maisons de travail, la bienfaisanceest ingénieusement combinée â la vengeanceque la bourgeoisie tient âtirer des miséreux qui font appel à sa charité.L'Angleterre a donc essayé d'abord d'anéantir le paupérisme par labienfaisance et les mesures administratives. Elle s'aperçut ensuite que leprogrès incessant du paupérisme était, non la conséquence nécessaire del'industriemoderne, mais celle de la taxe des pauvres. Elle conçut lamisère universelle uniquement comme une particularitéde la législationanglaise. Ce que l'on attribuait précédemment à un manque debienfaisancefut attribué maintenant à. un excès de bienfaisance. Enfin on
image/svg+xmlconsidéra la misère comme une faute des miséreux et on la punit commetelle.L'importance générale que l'Angleterre politiquea retiré dupaupérisme se limite â ceci: le paupérisme, au cours de sondéveloppement et en dépit des mesures administratives, s'est érigé eninstitution nationale, il est devenu, par là, l'objet d'une administrationramifiée et toujours plus étendue; une administration dont la tâche n'estplusde le juguler, mais de le discipliner, de l'éterniser. Cetteadministration a renoncé â tarir la source du paupérisme par des moyenspositifs;elle se contente , chaque- fois qu'elle rejaillit à la surface dupays officiel, de lui creuser, avec une douceur policière, un nouveau lit demort. L’État anglais, bien loin d'aller au delà des mesuresd'administration et de bienfaisance, est resté bien en deçà. Il n'administreplus que lepaupérisme qui, rempli de désespoir, se laisse prendre etincarcérer.Jusqu'ici le "Prussien" ne nous a donc révélé rien de particulierdans la conduite du roi de Prusse. Mais pourquoi, s'écrie le grand hommeavec une rare naïveté, " pourquoi le roi dePrusse n'ordonne-t-il pasimmédiatement l'éducation de tous les enfants abandonnés?" Pourquois'adresse-t-il d'abord aux autorités et attend-il leurs plans et leurspropositions?Le très astucieux Prussien n’aura, plus d'inquiétude dés qu'ilsaura qu'ici, comme dans toutes ses autres actions, le roi de Prusse n'a pasmontré d'originalité, et qu'il a même suivi la seule voie que puisseprendre un chef d'État.
image/svg+xmlNapoléonvoulut d'un seul coup, anéantir la mendicité. Il chargeales autorités de préparer des plans en vue d'éliminer la mendicité danstoute la France. Le projet se fit attendre. Napoléon perdit patience. Ilécrivit à son ministre de l'intérieur, Cretet, et lui intima l'ordre desupprimer la mendicité dans le délai d'un mois. Il lui disait:"On ne doit pas passer sur cette terre sans laisser de traces quirecommandent notre mémoire â la postérité. Ne me réclamez plus trois ouquatre mois pour recevoir des renseignements. Vous avez de jeunesauditeurs, des préfets avisés, des ingénieurs des ponts et chaussées bieninstruits, mettez les tous en mouvement, ne vous endormez pas dans letravail bureaucratique habituel."En quelques mois tout fut fait. Le 5 juillet 1808 parut la loi quiinterdit la mendicité. Comment? Par la création de dépôts de mendicité,qui se transformèrent tellement vite en établissements pénitenciers quel'indigent ne put bientôt plus y entrer qu'après avoir passé devant letribunal correctionnel. Et pourtant M. Noailles du Gard, membre ducorps législatif, s'écria alors:"Reconnaissance éternelle au héros qui assure un refuge àl'indigence et des aliments à la pauvreté. L'enfance ne sera plusabandonnée, les familles pauvres ne seront plus privées de ressources, niles ouvriers d'encouragement et d'occupation. Nos pas ne seront plusarrêtés par l'image dégoûtante des infirmités et de la honteuse misère.6" Ce dernier passage cynique est la seule vérité de ce panégyriquePuisque Napoléon a fait appel au discernement de ses auditeurs,
image/svg+xmlde ses préfets, de ses ingénieurs, pourquoi le roi de Prusse ne ferait-il pas,lui aussi, appel à ses autorités?Pourquoi Napoléon n'ordonna-t-il pas immédiatementlasuppression de la mendicité ? La question du Prussien est du même style:" Pourquoi le roi de Prusse n'ordonne-t-il pas immédiatement l'éducationde tous les enfants abandonnés ?" Sait-i1, le Prussien, ce que le roidevrait ordonner? Rien d'autre que l'anéantissement du prolétariat.Pouréduquer des enfants,-il faut les, nourrir et les dispenser de travailler pourgagner leur vie. Nourrir et éduquer les enfants abandonnés, c'est-à-direnourrir et élever tout le prolétariat qui va croissant, reviendrait à anéantirle prolétariat et le paupérisme7.La Conventioneut, un moment, le courage d'ordonnerlasuppression du paupérisme, pas immédiatement, comme le "Prussien"l'exige de son roi, mais seulement après avoir chargé le comité du salutpublic d'élaborer les plans et les propositions nécessaires et après quecelui-ci eut utilisé les enquêtes détaillées de l'Assemblée Constituante surla situation de la misère en France et proposé, par l'intermédiaire deBarrére la fondation du Livre de la bienfaisance nationale , etc., Quellefut la conséquence de l'ordre de la Convention? Il y eut une ordonnancede plus au monde et, unan après, les femmes affamées assiégèrent laConvention.Or, la Convention fut le maximum de l'énergie politique, de lapuissance politiqueet de l'intelligence politique.Aucun gouvernement au monde n'a pris, immédiatementet sansaccord avec les autorités, de mesurescontre le paupérisme. Le parlement
image/svg+xmlanglais envoya même des commissaires dans tous les pays d'Europe, afinde prendre connaissance des différents remèdes administratifs contre lepaupérisme. Mais pour autant que les Etats se sont occupés dupaupérisme, ils en sont restés aux mesures d'administrationet debienfaisanceou en deçà.L'Étatpeut-il se comporter autrement ?L'Étatne découvrira jamais dans "l'Étatet l'organisation de lasociété", comme le "Prussien" le demande à son roi, la raison des mauxsociaux.Là où il y a des partis politiques, chacuntrouve la raison dechaque mal dans le fait que son adversaire occupe sa place à la directionde l'État.Même les politiciens radicaux et révolutionnarismes trouvent laraison non pas dans l'essence(Wesen) de l'État, mais dans une formedéterminée d'Étatqu'ils veulent remplacer par une autre.Du point de vue politiquel'État, et l'organisation de la sociéténesont pas deuxchoses différentes. L'État c'est l'organisation de la société.Dans la mesure où l'État reconnaît des anomalies sociales, il en cherchela raison soit dans les lois naturellesqu'aucune puissance humaine nepeut plier, soit dans la vie privéequi est indépendante de l'État, soit dansune inadaptation de l'administrationqui dépend de l'État. C'est ainsi quel'Angleterre trouve que la misère a sa raison d'être dans la loi naturelle,d'après laquelle la population doit toujours dépasser les moyens desubsistance. D'un autre côté, elle explique le paupérismepar la mauvaisevolonté des pauvres, comme le roi de Prusse l'explique par le sentimentnon chrétien des richeset, selon la Convention, par la mentalité contre-révolutionnaire des propriétaires. C'est pourquoi l'Angleterre punit lespauvres, le roi de Prusse exhorte les riches, et la Convention guillotine
image/svg+xmlles propriétaires.Enfin, tousles États cherchent dans les déficiences accidentellesou intentionnellesde l'administrationla cause, et par suite, dans desmesuresadministratives, le remède à tous leurs maux. Pourquoi?Précisément parce que l'administrationest l'activité organisatricedel'État.L'État ne peut supprimer la contradictionentre la décision et labonne volonté de l'administration d'une part, ses moyens et sespossibilités d'autre part, sans se supprimer lui-même parce qu'il reposesur cette contradiction. Il repose sur la contradiction entre la vie publiqueet la vie privée, sur la contradiction entre l'intérêt général et les intérêtsparticuliers. L'administration doit donc se borner à une activité formelleet négative car là où la vie civile et son travail commencent, le pouvoir del'administration cesse. Bien plus, vis-à-vis des conséquences quidécoulent de la nature non sociale de cette vie civile, de cette propriétéprivée, de ce commerce, de cette industrie, de ce pillage réciproque desdifférentes sphères civiles, vis-à-vis de ces conséquences, c'estl'impuissancequi est la loi naturellede l'administration. Car cettedivision poussée à l'extrême, cette bassesse, cet esclavage de la sociétécivile constituent le fondement sur lequel repose l'État moderne, de mêmeque la société civile de l'esclavageconstituait le fondement naturel surlequel reposait l'Etat antique. L'existence de, l'État et l'existence del'esclavage sont inséparables. L'État antique et l'esclavage antiquefranches oppositions classiques- n'étaient pas plus intimement soudésl'un à l'autre que ne le sont 1'État moderne et le monde moderne du traficsordide - hypocrites oppositions chrétiennes. Si l'État modernesupprimer l'impuissancede son administration, il faudrait qu'il supprime
image/svg+xmlla vie privéeactuelle. S'il voulait supprimer la vie privée, il faudrait qu'ilse supprime lui-même car il n'existe qu'en opposition avec elle. Aucunêtre vivantne croît que les défauts de son être immédiat (Dasein) soientfondés dans le, principe de sa vie, dans l'essence de sa vie mais plutôtdans des circonstances en dehorsde sa vie. Le suicideest contre nature.L'État ne peut donc pas croire à l'impuissance intrinsèque, de sonadministration, c'est-à-dire à son impuissance. Il ne peut y découvrir quedes imperfections formelles et accidentelles et s'efforcer d'y remédier. Sices modifications sont infructueuses, c'est que le mal social est uneimperfection naturelle, indépendante de l'homme, une loi de dieuou bien,la volonté des particuliers est trop corrompue pour correspondre auxbonnes intentions de l'administration. Et quels particuliers pervertis? Ilsmurmurent contre le gouvernement dés que celui-ci limite la liberté; ilsdemandent au gouvernement d'empêcher les conséquences nécessaires decette liberté!Plus l'État est puissant, plus un pays est donc politique, et moins ilest disposé à chercher dans le principe de l'Etat, donc dans l'organisationactuelle de la société dont il est lui-même l'expression active, conscienteet officielle, la raison des maux sociauxet d'en comprendre le principegénéral. L'intelligence politiqueest précisément intelligence politique,parce qu'elle pense dansles limités de la politique. Plus elle est aiguë,plus elle est vivante et plus elle est incapablede comprendre les mauxsociaux. La période classique de l'intelligence politique c'est larévolution française, Bien loin d’apercevoir dans le principe de l'État lasource des imperfections sociales, les héros de la révolution françaisedécouvrent au contraire dans les tares sociales la source d'embarraspolitiques. C'est ainsi que Robespierre: ne voit dans la grande pauvreté etla grande richesse qu'un obstacle à l'avènement de la démocratie pure. Il
image/svg+xmldésire donc établir une frugalité générale à la spartiate. Le principe de lapolitique est la volonté. Plus l'intelligence politiqueest unilatérale, c'est-à-dire donc, parfaite, plus elle croit à la toute puissance de la volonté,plus elle se montre aveugle à l'égard des limites naturelleset spirituellesde la volonté, plus elle est donc incapablede découvrir la source desmaux sociaux. Un plus long développement n'est pas nécessaire pourdétruire le ridicule espoir du "Prussien" pour qui "l'intelligence politique""est appelée" à découvrir en Allemagne la racine de la misère sociale"I1 était insensé d'exiger du roi de Prusse qu'il possède unepuissance comparable à celles de la Convention et de Napoléon réunies;d'exiger de lui un mode de voir qui dépasse les limites de toutepolitique,un mode de voir que l'astucieux "Prussien", comme son roi, est loin deposséder Toute cette déclaration est d'autant plus stupide que le"prussien" nous confesse ;"Les bonnes paroles et les bons sentiments sont bon marché, maisle discernement et les actes efficaces sont chers; dans ce cas, ils sontplus que chers, ils sont encore à venir."Mais si elles sont encore à venir que l’on reconnaisse les effortsde qui que ce soit en vue de les rendre possibles. D'ailleurs je laisse, àcette occasion, le soin au lecteur de décider si le langage mercantile deromanichel: "bon marché", "cher", "plus que cher","sont encore à venir"peut être compté dans la catégorie des "bonnes paroles" et des "bonssentiments "Supposons donc que les remarques du "Prussien'' sur legouvernement allemand et la bourgeoisie allemande - cette dernière
image/svg+xmlrentrant évidemment dans la~société allemande - soient absolumentfondées. Cette partie de la société est-elle plus désemparée en Allemagnequ'en Angleterre et en France? Peut-on être plus désemparé que parexemple en Angleterre, où l'on a érigé la perplexitéà la hauteur d'unsystème? Lorsque, de nos jours, des soulèvements ouvriers éclatent danstoute l'Angleterre, la bourgeoisie anglaise et le gouvernement anglais nesont pas mieux avisés que dans le dernier tiers du XVIII° siècle. Leurunique expédient, c'est la force matérielle; comme la force matériellediminue dans la même mesure que l'extension du prolétariat augmenteainsi que son discernement, la perplexité anglaise augmentenécessairement dans une proportion géométrique.Enfin il est inexact, matériellement inexactde dire que labourgeoisie allemande méconnaît totalement la signification générale del'insurrection silésienne. En bien des villes les patrons essaient des'associer avec les ouvriers. Tous les journaux libérauxallemands,organes de la bourgeoisie libérale, ne tarissent pas au sujet del'organisation du travail, la réforme de la société, la critique du monopoleet de la concurrence, etc… Tout cela, à la suite des mouvements ouvriers.Les journaux de Trèves, Aix-la-Chapelle, Co1ogne, Wesel, Mannheim,Breslau, Berlin même, publient fréquemment des articles sociaux fortraisonnables où 1e "Prussien" peut toujours apprendre quelque chose.Bien plus, dans lès lettres d'Allemagne, on s'étonne constamment que labourgeoisie n'oppose pas plus de résistance aux tendances et aux idéessociales.Si le "Prussien" était plus au courant du mouvement social, ilaurait posé la question à l'envers. Pourquoi la bourgeoisie allemandedonne-t-elle à la misère partielle cette importance relativement
image/svg+xmluniverselle? D'où viennent l'animositéet le cynismede la bourgeoisiepolitique, le manque de résistanceet les sympathiesde la bourgeoisieimpolitiqueà l'égard du prolétariat?Vorwärts, n° 63, 7 Août 1844* * *Venons-en maintenant aux oracles du "Prussien" à propos desouvriers allemands."Les allemands pauvres"raille-t-il "ne sont pas -plus astucieuxque les pauvres allemands; c'est-à-dire: ils ne voient nulle part au delà deleur foyer, de leur fabrique, de leur district; toute la question a étéjusqu'à maintenant délaissée par l'âme politiquequi pénètre tout."Pour pouvoir établir une comparaison entre la situation desouvriers allemands et la situation des ouvriers français et anglaise le"Prussien" aurait dû comparer la première forme, le débutdu mouvementouvrier en France et en Angleterre, avec le mouvement débutantactuellement en Allemagne. Il néglige cela. Son raisonnement aboutitdonc à une trivialité dans le genre de celle-ci l'industrie allemande estencore moins développée que l'industrie anglaise, ou, un mouvement à
image/svg+xmlses débuts ne ressemble pas à un mouvement en cours de développement.Il voulait parler de la particularitédu mouvement ouvrier allemand. Il nesouffle pas mot de tout cela.Que le "Prussien" se place au point de vue exact. I1 trouvera quepas un seuldes soulèvements ouvriers en France ou en Angleterre n'aprésenté de caractère aussi théorique, aussi conscient, que la révolte destisserands silésiens.Qu'on se rappelle d'abord la chanson des tisserands, ce hardi cride guerre, où il n'est même pas fait mention du foyer, de la fabrique, dudistrict, mais où le prolétariat clame immédiatement, de façon brutale,frappante, violente et tranchante, son opposition à la société de lapropriété privée. Le soulèvement silésien commence précisément par làfinissentles insurrections ouvrières anglaises et françaises, avec laconscience de ce qu'est l'essence du prolétariat L'action même a cecaractère desupériorité,On ne détruisit pas seulement les machines, cesrivales de l'ouvrier, mais encore les livres de commerce, les titres depropriété, et tandis que tous, les autres mouvements ne sont d'aborddirigés que contre le patron industriel, l'ennemi visible, ce mouvement setourne également contre le banquier, l'ennemi caché Enfin, pas unsoulèvement ouvrier anglais n'a été conduit avec autant de vaillance, desupériorité et d'endurance.En ce qui concerne la culture des ouvriers allemands en général,ou leur aptitude à se cultiver, je rappellerai les écrits géniaux de Weitlingqui, au point de vue théorique, dépassent même, souvent, les ouvrages deProudhon, tout en y étant bien inférieurs quant à l'exécution. Où donc labourgeoisie - y compris ses philosophes et ses savants - peut-elle nous
image/svg+xmlprésenter- au sujet de l'émancipation bourgeoise, de l'émancipationpolitique-un ouvrage comparable à celui de Weitling - Garanties del'harmonie et de la liberté. Que l'on compare la médiocrité mesquine etprosaïque de la littérature politique allemande avec ce début littéraireénorme et brillant des ouvriers allemands. Que l'on compare cettegigantesque chaussure d’enfantdu prolétariat avec la chaussure politiqueéculée et naniforme de la bourgeoisie allemande, et l'on devra prédire uneforme athlétiqueà la cendrillon allemande. On doit admettre que leprolétariat allemand est le théoriciendu prolétariat européen, tout commeprolétariat anglais en est l'économiste et le prolétariat français lepoliticien. On doit admettre que l'Allemagne, possède autant une vocationclassiquepour la révolution socialequ'une incapacité pour une révolutionpolitique. Car de même que l'impuissance de la bourgeoisie allemande estl'impuissance politiquede l'Allemagne, les aptitudes du prolétariatallemand - sans parler même de la théorie allemande - sont les aptitudessociales de l'Allemagne. La disproportion entre le développementpolitique et le développement philosophique de l'Allemagne n'a riend'anormal, c'est une disproportion nécessaire. Ce n'est que dans lesocialisme qu'un peuple philosophique peut trouver sa pratique adéquate;ce n'est donc que dans le prolétariat qu'il peut trouver l'élément actif desa libération.Mais, en ce moment, je n'ai pas le temps, ni l'envie d'expliquer au"Prussien" le rapport de la "société allemande" au bouleversement socialet de dégager de ce rapport; d'une part la faible réaction de la bourgeoisieallemande contre le socialisme, et d'autre part les aptitudes excellentes duprolétariat allemand pour 1e socialisme. Les premiers éléments pourl'intelligence de ce phénomène, il les trouvera dans mon introduction à lacritique de la philosophie du droit de Hegel. (Annales franco-
image/svg+xmlallemandes.)La malice des allemands pauvres est donc en raison inversede lamalice des pauvres allemands. Mais les gens pour qui tout objet doitservir à des exercices de style publics aboutissent, par cette activitéformelleâ renverser le contenu, tandis que le contenu renversé impose, ànouveau, à la forme le cachet de la vulgarité. Aussi la tentative du"Prussien", dans une occasion comme celle des événements de Silésie, deprocéder sous forme d'antithèses, l'a conduit à la plus grande antithèseavec la vérité. L'unique tâche d'un homme qui pense et aime la vérité - enface de la première explosion du soulèvement ouvrier de Silésie -consistait non à jouer au maître d'écolemais plutôt à étudier soncaractère particulier. Pour cela il faut avant tout une certaine perspicacitéscientifique et un certain amour de l'homme tandis que pour l'autreopération une phraséologie toute prête, immergée dans un creux égoïsmesuffit amplement.Pourquoi le "Prussien" juge-t-i1 avec tant de mépris les ouvriersallemands ? Parce qu'à son avis "toute la question" - c'est à dire laquestion de la misère des ouvriers allemands - est "jusqu'à maintenant"délaissée " par l'âme politiquequi tout". Il exposé ensuite son amourplatonique pour l'âme politique:"Seront étouffées dans le sang et dans l'incompréhension toutes lesémeutes qui éclateront dans l'isolementfuneste des hommes de laGemeinwesen (communauté) et dans l'isolement de leurs idées vis-à-visdes principes sociaux. Mais, dès que la misère engendrera l'intelligence etque l'intelligence politiquedes allemands aura découvert les racines de lamisère sociale, alors, en Allemagne aussi ces événements seront ressentis
image/svg+xmlcomme les symptômes d'un grand bouleversement."Que notre "Prussien" nous permette d'abord une remarque sur sonstyle.Son antithèse est incomplète. Dans la première moitié il est dit: lamisèreengendre l'intelligenceet, dans la seconde: l'intelligencepolitiquedécouvre les racines de la misère sociale. La simple intelligencede la première moitié de l'antithèse devient, dans la seconde moitié,l'intelligence politique, comme la simple misèrede la première moitié del'antithèse devient, dans la seconde moitié, la misère sociale. Pourquoinotre orfèvre en style a-t-il ordonné si inégalement les deux moitiés del'antithèse ? Je ne crois pas qu'il s'en soit rendu compte. Je vaisinterpréter son instinctvéritable. Si le "Prussien" avait écrit "La misèresocialeengendre l'intelligence politique, et l'intelligence politiquedécouvre la racine de la misère sociale", le non sensde cette antithèsen'aurait pu échapper à aucun lecteur impartial. Chacun se serait demandéd'abord pourquoi l'anonyme ne joint pas l'intelligence sociale â la misère;sociale et l'intelligence politique à la misère politique, comme le réclamela plus simple logique. Au fait, maintenant !Il est tellement faux que la misère socialeengendre l'intelligencepolitique, que c'est tout au contraire le bien-être socialqui produitl’intelligence politique. L'intelligence politique est une spiritualiste, elleest donnée à celui qui possède déjà, à celui qui est douillettement installé.Que notre "Prussien" écoute à ce sujet un économiste français, MichelChevalier: "En 1789, au moment où la bourgeoisie se souleva, il ne luimanquait, pour être libre, que de participer au gouvernement du pays.Pour elle, la libération consistait à retirer des mains des privilégiés quipossédaient le monopole de ces fonctions la direction des affairespubliques, les hautes fonctions civiles, militaires et religieuses. Richeet
image/svg+xmléclairée, capable de se suffire à elle-même et de se diriger toute seule,elle voulait se soustraire au régime du bon plaisir."Nous avons déjà démontré au "Prussien" à quel point l'intelligencepolitiqueest incapable de découvrir la source de la misère sociale.Ajoutons encore un motau sujet de sa manière de voir. Le prolétariat, dumoins au début du mouvement, gaspille d'autant plus ses forces dans desémeutes inintelligentes,inutiles et étouffées dans le sang,que l'intelligencepolitique d'un peuple est plus développée, plus générale. Parce qu'il pensedans la forme de la politique, il aperçoit la raison de tous les abus dans lavolontétous les moyens d'y remédier dans la violenceet le renversementd'une forme d'Etat déterminée. Exemple: les premières explosions duprolétariat français. Les ouvriers de Lyon croyaient ne poursuivre quedes buts politiques, n'être que des soldats de-la république, alors qu'ilsétaient en réalité des soldats du socialisme. C'est ainsi que leurintelligence politique leur masquait la racine de la misère sociale, faussaitchez eux la compréhension de leur véritable but et mentaità leur instinctsocial.Mais si le "Prussien" s'attend à ce que la misère engendrel'intelligence pourquoi associe-t-il "étouffements dans le sang " et"étouffements dans l'incompréhension"? Si la misère en général est unmoyen, la misère sanglanteest un moyen très aigu d'engendrerl'intelligence. Le "Prussien" devait donc dire: l'étouffement dans le sangétouffera l'inintelligence et procurera à l'intelligence un soufflenécessaire.Le "Prussien" prophétise l'étouffement des émeutes qui éclatentdans l'"isolement funeste des hommes de la Gemeinwesen(communauté)
image/svg+xmlet dans la séparation de leurs idées vis-à-vis des principes sociaux."Nous avons montré que, dans l'explosion de l'émeute silésienne, iln'y avait nullement séparation des idées et des principes sociaux. Nousn'avons donc plus à nous occuper que de l’"isolement funeste des hommesde la Gemeinwesen(communauté)".Par Gemeinwesen, il faut entendreici la Gemeinwesen politique,l'être de l'Etat (Staatswesen).C'est le vieuxrefrain de l'Allemagne non-politique.Mais toutesles émeutes, sans exception, n'éclatent-elles pas dansl’isolement funeste des hommes de la Gemeinwesen? Touteémeute neprésuppose-t-elle pas nécessairement cet isolement. La Révolution de1789 aurait-elle pu avoir lieu sans cet isolement funeste des bourgeoisfrançais de la Gemeinwesen? Elle était précisément destinée à lesupprimer8.Mais la Gemeinwesendont le travailleur est isoléest uneGemeinwesen d'une toute autre réalité, d'une toute autre ampleur que laGemeinwesen politique. La Gemeinwesen dont le sépare son propretravail, est la vie même, la vie physique et intellectuelle, les mœurshumains, l'activité humaine, la jouissance humaine, l'êtrehumain. L'êtrehumainest la véritable Gemeinwesende l'homme. De même quel'isolement funeste de cet être est infiniment plus universel, plusinsupportable, plus terrible, plus rempli de contradictions que le faitd'être isolé de la Gemeinwesen politique; de même la suppression de cetisolement - et même une réaction partielle, un soulèvement contre cetisolement - a une ampleur infinie comme l'homme est plus infini que lecitoyenet la vie humaineque la vie politique. L'émeute industriellesipartiellesoit-elle, renferme en elle une âme universelle. L'émeute
image/svg+xmlpolitiquesi universelle soit-elle, dissimule sous sa forme colossale unesprit étroit.Le "Prussien" termine dignement son article par cette phrase:"Une révolution sociale sans âme politique(c’est-à-dire sanscompréhension organisatrice opérant au point de vue de la totalité) estimpossible."Nous l'avons vu: quand bien même elle ne se produirait que dansun seuldistrict industriel, une révolution socialese place au point de vuede la totalité, parce qu'elle est une protestation de l'homme contre la vieinhumaine, parce qu'elle part du point de vue de chaque individu réel,parce que la Gemeinwesendont il s'efforce de ne plus être isolé est lavéritableGemeinwesen de l'homme, l'être humain. Au contraire, l'âmepolitiqued'une révolution consiste dans la tendancedes classes sansinfluence politique de supprimer leur isolement vis-à-vis de l'être del'Etatet du pouvoir. Leur point de vue est celui de l'État, d'une totalitéabstraitequi n'existe quepar la séparation de la vie réelle, qui seraitimpensablesans la contradiction organiséeentre l'idée générale etl'existence individuelle de l'homme. Conformément à sa nature limitéeetdésunie, une révolution à âme politiqueorganise dans une sphèredominante dans la société, aux dépens de la société9.Nous allons dire au "Prussien" ce qu'est une "révolution sociale àâme politique", nous lui révèlerons le secret de son incapacité à s'éleveravec ses beaux discours, au-dessus du point de vue politique borné.Une révolution "sociale" à âme politiqueest: un non-sens
image/svg+xmlcomplexe, si le "Prussien" comprend par révolution sociale opposéeà unerévolution politique, et prête néanmoins à la révolution sociale une âmepolitique au lieu d'une âme sociale; ou bien une simple paraphrasede cequ'on appelait d'ordinaire une "révolution politique" ou une "révolutiontout court". Toute révolution dissout l'ancienne société: en ce sens elleest sociale. Toute révolution renverse l'ancien pouvoir: en ce sens elle estpolitique.Que notre "Prussien" choisisse entre la paraphraseet le non-sens.Mais, autant une révolution sociale à âme politiqueest paraphrastique ouabsurde, autant une révolution politique à âme socialeest raisonnable. Larévolutionen général, - le renversementdu pouvoir existant et ladissolutiondes anciens rapports - est un acte politique. Mais, sansrévolution, le socialisme ne peut se réaliser. I1 a besoin de cet actepolitique, dans la mesure où il a besoin de destructionet de dissolution.Mais làoù commence son activité organisatrice,et où émergent son butpropre, son âme le socialisme rejette son enveloppe politique.Il nous a fallu, tout ce long, développement pour déchirer le tissud'erreurs dissimulées dans une seule colonne de journal. Les lecteurs nepeuvent tous avoir la culture et le temps pour se rendre compte d'une tellecharlatanerie littéraire. Le "Prussien" anonyme n'a-t-il donc pasl'obligation, vis-à-vis de son public de lecteurs de commencer parrenoncer à toute élucubration littéraire dans le domaine politique etsocial, comme aux déclamations sur la situation allemande,et de se mettreplutôt â l' étude consciencieuse de son propre état?
image/svg+xmlVorwärts!, 64, 10 août 1844. Paris, le 31 Juillet 1844.
image/svg+xml1En français dans le texte.2On voit, là; s’affirmer la science en tant qu’opérateur de répression. Il faut donc éduqueret instruire pour donner la conscience, qui se présente bien comme le compendium de tout ce qu’ilfaut admettre pour être en adéquation avec la société en place, incarnation transitoire –parce quesujette à modifications au cours de l’histoire - de la répression en devenir. [Note de mai 2010]3I1 est inutile, pour notre but, de remonter jusqu'au statut des ouvriers sous EdouardIII.4Eugène Buret (note des Werke, tome 1 p. 397).5C’est un thème fondamental et persistant encore et toujours. Tout ce qu’a exposé K.Marx dans les quelques paragraphes précédents, de même que ce qui suit concernant lesWorkhouses et la question du paupérisme en Angleterre, nous évoque l’ANPE (agence nationalepour l’emploi) devenue Pôle Emploi, ainsi que l’État providence La dynamique d’assister afind’assurer la paix sociale, et les contradictions qu’elle recèle, se trouve exposée dans l’ouvrage de K.Polanyi, La grande transformation – Aux origines politiques et économiques de notre temps.Ed.Gallimard, 1983 (1944 pour l’édition originale), tout particulièrement dans: 7. Speenhamland,1795 et 8.Antécédents et conséquences.La répression s’exprime de façon invariante, avec alternance de récompenses(bienfaisance) et punitions (mesures coercitives vis-à-vis de ceux qui sont culpabilisés).Dans Pour la question juive, K. Marx a affronté la question de la sûreté (que nousretrouvons ici en rapport au soulèvement social) qui est en fait absolument nécessaire afin depermettre l’assurance c’est-à-dire que tout le procès de vie du capital puisse se dérouler sans qu’ilsoit pour une raison ou autre remis en cause. L’assurance est l’antidote contre le doute qui peutsurgir de la contestation mais aussi des spéculations multiples surgissant sur la base del’autonomisation de la forme capital en rapport à sa mort effective. [Note de mai 2010]6Dernière phrase en français dans le texte-7D’une certaine façon ceci s’est réalisé grâce à l’État providence, aux assurances socialesqui s’imposèrent pour assurerla survie du système. Mais le rejouement inclus dans le mécanismeinfernal de la répression nécessitant la mis en dépendance, fait que c’est la plus grande majorité dela population humaine qui, maintenant, se trouve plongée dans le paupérisme. L’assuranceestdevenue un moyen pour maintenir la dépendance. [Note de mai 2010]8Nous avons plusieurs fois cité ce passage pour signifier l’importance de laGemeinwesen, même au sein des sociétés de classe, dans le conglomérat social actuel, et commetémoignage d’une invariance au sein du devenir de l’espèce. Mais nous avons remis en question
image/svg+xmll’affirmation au sujet de l’être humain comme véritable Gemeinwesen de l’homme, car infestéed’anthropocentrisme et exprimant la séparation d’avec la nature. Nous l’avons remplacée par l’êtrevivant est la vraie Gemeinwesen de l’homme.[Note de mai 2010]9Mais toute organisation est une expression de la séparation, et opère aux dépens etcontre les autres, ceux qui sont hors d’elle. [Note de mai 2010]À la fin de l’article K. Marx développe un discours polémique, comme il le fera souvent,exprimant son rejouement de la répression qu’il subit. (Le "Prussien" «fait la leçon à la "Réforme"»(début de l’article), il fait la leçon au "Prussien"). [Note de Mai 2010]