Mort et Extinction






À propos de l'invasion de l'Ukraine






Au moment de l'invasion de l'Ukraine ceci s'est révélé à moi: cette dynamique de mort masque-t-elle le devenir à l'extinction? Ou le devenir à l'extinction conditionne-t-il justement une remontée de mise à mort, de la guerre sous sa forme ancienne (non la cyberguerre), bien visible et percutante de la lutte pour la survie?  Mais en fait cela s'impose pour tous les conflits armés en cours et qui ne datent pas d'hier.



Ce qui s'impose fondamentalement c'est l'importance de la menace des deux côtés, mais surtout du côté russe et ce qui s'en suit: le déchaînement de l'inimitié. Les ukrainiens ont réagi à l'attaque russe en se défendant vigoureusement ce qui est logique et amplement justifié, mais cela s'est accompagné d'un déchaînement de haine non seulement de leur part mais de celle de ceux qui sont nommés occidentaux et qui les soutiennent. Ainsi la défense des ukrainiens et la diabolisation des russes ont été la préoccupation principale des médias masquant, occultant, la question du covid 19 (curieusement assez soudainement, celui-ci n'est plus considéré comme dangereux et les mesures contre le concernant vont être prochainement abrogées), la publication du GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) qui met en évidence le grave danger du réchauffement climatique et donc de l'accroissement du risque d'extinction.



Les russes se sentent menacés depuis longtemps, depuis particulièrement la fin de l'Union soviétique et il est important de rappeler qu'à ce moment-là ils liquidèrent le pacte de Varsovie et proposèrent même de faire partie de l'OTAN puisqu'ils redevenaient amis comme lors de la guerre contre l'Allemagne. "Pan-European security is a dream" leur fut-il répondu. La réalité c'est l'inimitié, et les USA avaient besoin d'un ennemi. Avoir un ennemi permet de se prémunir contre une menace en la rendant visible grâce à une sorte d'incarnation. Cela est allé croissant jusqu'à nos jours1.



En fait il nous faut remonter plus loin dans le temps pour repérer le fondement de cette inimitié: à la révolution d'octobre 1917 engendreuse d'une grande menace qui apparut avoir un fondement réel durant une courte période mais qui, de façon atténuée se maintint même après la fin de la phase révolutionnaire, ainsi que l'inimitié contre le prolétariat qui lui était liée, jusqu'à la fin du siècle dernier, moment de sa disparition remplacé par des couches sociales dominées et exploitées à des degrés divers. On peut dire qu'aujourd'hui de façon plus ou moins inconsciente, il est reproché aux russes d'avoir fait la révolution.



Nous avons affirmé plusieurs fois que l'espèce humaine essaye continuellement de conjurer une menace. La conjuration s'actualise au niveau des nations, comme des individus d'où les différents conflits qui remplissent l'histoire. La mort apparaissant comme le moyen d'échapper à la menace2. C'est une explication de l'intervention russe en Ukraine mais non une justification. En outre plus on lutte contre une menace et plus on la renforce, comme le montre le cas de la Russie tant jusqu'à présent que pour l'avenir.



Cette dynamique qui provoque des guerres destructrices d'hommes, de femmes, mais aussi de la nature (ce qui est souvent occulté), accroît le risque d'extinction parce qu'elle exalte l'inimitié cause essentielle du réchauffement climatique lié à la destruction de cette dernière, ne rencontre pas d'obstacle parce qu'elle est sous-tendue par celle de l'autonomisation de la forme capital - qui a pu s'imposer grâce à la disparition du prolétariat - s'exprimant à travers la nécessité de l'innovation constante induisant l'obsolescence de ce qui a été produit et celle des producteurs non innovant ou insuffisants, générant une menace accompagnée d'une inimitié au cœur du réel social économique, complémentaire de celle de la superfluité des êtres humains, le tout contribuant à créer des conditions de vie où "La mort n'est-elle pas préférable à une vie qui ne serait qu'une prévention contre la mort?" (Marx). En fait même la mort ne peut rien résoudre, car elle ne peut pas abolir l'extinction de plus en plus proche. L'humanité ne peut y échapper qu'en abandonnant l'inimitié comme mode et principe de vie.






Camatte.jacques


10 mars 2022







1  De nombreux documents prouvant la validité de cette affirmation sont disponibles sur Internet.


               Signalons d'autre part le passé nazi de l'Ukraine qui fut une menace pour l'URSS, l'actuelle Russie, mais elle a été également une force contre l'Allemagne nazie.


         Rappelons aussi: "En effet la crise qui aboutit à la dissolution de l’URSS et du bloc de l’Est n’est pas un phénomène local[20] concernant uniquement ces pays mais est un phénomène mondial : la fin de l’opposition capital-travail et l’évanescence du phénomène foncier ; l’effectuation plénière de l’élimination des limites au devenir du capital et la réalisation d’un développement non antagonique, non dialectique. Plus exactement il y a dissolution du conflit par sa généralisation au sein de la communauté-société du capital. Ceci choque profondément le cerveau des hommes habitués à ne penser qu’en terme de conflits et de polarisation entre deux camps. Le stade atteint actuellement par le capital impose aux hommes et aux femmes de devoir vivre sans ennemis, ce qui mine toutes leurs représentations et cause le désarroi actuel qui risque de n’être que transitoire parce que les ennemis sont transformés en concurrents, en de véritables acteurs capitalistes. Il faut un certain temps pour éliminer les vieilles représentations." (écrit en 1991)  Epilogue au Manifeste du parti communiste 1848.




Cf. le slogan franquiste: Vive la mort.