PERSPECTIVES

 

 

 

 

 

« Un long passé, c'est un long souvenir du passé »

St. Augustin, Les Confessions

 

 

 

 

    Mai-Juin, ce fut une rupture, une discontinuité. Toute époque qui commence ainsi que Hegel, Marx l'ont fait remarquer, doit non seulement jeter les oripeaux qui la masquent, mais surmonter sa propre timidité à s'affirmer en tant que monde nouveau. Jeter la vieille peau est nécessaire, impérieux. D'où, de la part de certains, après la rage de l'action, la rage de la critique qui veut mordre et tout mettre bas, pour instaurer le nouveau. On a alors la coexistence de ceux qui défendent le passé et n'arrivent pas à se libérer  du cauchemar des actes révolus et ceux qui sont possédés de la frénésie, de l'enthousiasme du nouveau. Cependant, paradoxe apparent, ces partisans de la modernité ou ceux, plus sérieux, soucieux de dévoiler le réel avenir du passé apparent, sont amenés à revenir aux sources. D'où la vogue de Hegel, des œuvres de jeunesse de Marx, de Bakounine, du KAPD, de Lukacs, Marcuse et Reich, etc. Un tel mouvement est salutaire et prouve que l'on commence à s'affranchir de la terreur du révisionnisme et de celle de l'enrichissement engluant, sclérosant tout. Le mouvement ne peut repartir qu'en se libérant de ses antiques anathèmes.  

 

    En clair, à l'heure actuelle, débat, juxtaposition entre les partisans d'une vision qui ne coupe pas son cordon ombilical avec la révolution russe qu'ils n'ont pas intégrée et pensent devoir décalquer sur elle le schéma de la révolution future. D'où l'impératif : il faut un parti bolchévik (il s'agit de toutes les variantes du trotskysme et du parti communiste international) et puis ceux qui, interprètent lyriques de l'immédiat, refusent cela, dénoncent l'inertie des organisations qui se justifient avant-gardes, proclament que vie et révolution sont liées ; que cette dernière est affaire de tous les hommes et non de quelques uns à qui sont délégués action révolutionnaire, charge révolutionnaire, responsabilité, auréole et martyr révolutionnaires. Ceux-là sont classés anarchistes. Tout de suite apparaît la discordance ironique entre des groupes qui ont proclamé tout haut leur volonté de faire la révolution, de la préparer, et qui, le jour où le phénomène révolutionnaire est là, sont happés par lui, et, ceux qui spontanément sont produits par le mouvement et vivent au cœur de celui-ci, sont aptes à la traduire, mais s'épuisent avec lui. Ils n'apportent rien, ils puisent ; les autres essaient de calquer leur vie sur la vie réelle/

 

    On en revient toujours à la même question (aujourd'hui on parle de problématique) : celle des rapports de la révolution à la contre-révolution. Nous avons dit que le marxisme était surtout une théorie de la contre-révolution. Nous avons constaté, comme tous, dans l'histoire du mouvement ouvrier, l'apparition et la disparition d'organisations révolutionnaires. Nous y avons vu une continuité entre elles. Celle-ci est due à la défense d'un programme : la mission historique de la classe, c'est ce que nous appelons le parti dans sa large acception historique. Le mouvement marxiste se caractérise par sa capacité à avoir une vision médiate, non limitée à une situation contingente mais apte à voir tout l'arc historique d'émancipation de la classe, intégré dans celui plus ample de l'émancipation de l'espèce humaine. L'anarchisme est le saisissement immédiat de la situation, son exaltation, mais est incapacité à résister dans la période contre-révolutionnaire. Cependant le mouvement marxiste – ou se réclamant de lui – a parfois sombré à cause même de sa compréhension de la non-proximité de la phase de libération. Ainsi il y eut compréhension de la nécessité de faire de la politique, d'utiliser la démocratie ; mais la constitution d'un mouvement sécrète son inertie et l'affaiblissement du heurt de classe favorise l'intégration. De telle sorte que le partir devenait inapte à percevoir les frémissements révolutionnaires parcourant la classe parce qu'il s'était autonomisé. De là à théoriser cette autonomie, à se percevoir comme guide absolue, comme éducateur exclusif de la masse devenue son objet, il n'y avait qu'un pas...

 

    Le mouvement anarchiste est souvent l'expression du refus de l'intégration. C'est la base qui ne se sent plus auprès de la communauté qu'elle a elle-même sécrétée : elle la refuse et passe à l'action directe. C'est pourquoi on doit compléter la caractérisation de Lénine si souvent rappelée : l'anarchisme est un tribut payé par le prolétariat à la défaite par ce qui vient d'être précédemment expliqué.

 

    Alors faut-il concilier les inconciliables ? La perception intégrative qui se fige et est donc finalement niée part le mouvement réel et celle immédiate qui vit du feu de la vie et meurt avec la flambée ? En d'autres termes, pour certains se serait conciliation entre marxisme et anarchisme, entre autorité et liberté, direction autoritaire et spontanéité, organisation et absence d'organisation ?

 

    Coincé entre le passé et le futur, ce présent n'a pas de réalité propre ; il est mesquin et veule parce qu'il n'a, en fait de grandeur, du passé que sa parodie, du futur la vision naïve, l'aspiration enthousiaste. D'où encore la rage de la critique qui veut tout fouiller pour trouver enfin un référentiel sûr. Aux deux extrêmes on est consommé ; il ne reste plus, pour certains, que l'action : du plastique et tous vole en éclats... Mais cette société se défend et quelques décharges ne peuvent pas la faire trembler.

 

    Dans les années 1840, un drame d'une ampleur encore plus considérable se produisait en Europe Occidentale. Il fallait en finir une fois pour toutes avec le passé, la philosophie, avec la théorie organisationnelle, institutionnelle. Le dénouement apparu avec l'affirmation que le triomphe de la prochaine révolution serait celui d'un nouvel être : l'homme social ; que la mission du prolétariat était d'émanciper l'humanité. Quelle forme immédiate pourrait prendre ce mouvement ? C'est à partir de ce moment-là que s'est posée la question de la forme parti, forme contradictoire et dont la vie est de détruire la contradiction.

 

    En effet :

-                 il est un parti politique dont le but est la destruction de la politiqu;

-                 c'est un parti de classe dont le but est la société sans classes ;

-                 il utilisera la violence pour la détruire ;

-                 il doit détruire l'État bourgeois pour édifier un État qui s'éteindra avec le développement de la société communiste ;

-                 son programme est celui d'un classe et en même temps il est celui de l'espèce, étant donné qu'il est l'énigme résolue de l'histoire. En ce sens on peut dire qu'on a affaire à une idéologie classiste et aclassiste simultanément ;

-                 il est une minorité de la classe et tend à devenir dans la dynamique révolutionnaire, et, après le triomphe de la révolution communiste surtout, par suite de la généralisation de son mode d'être, la société toute entière ;

-                 il exprime l'opposition au capitalisme et la solution de l'antagonisme capitalisme-communisme.

 

    Tous ces caractères sont d'ailleurs liés à ceux de la classe. La première caractéristique a trait à la structure : le prolétariat est une classe de la société capitaliste tout en n'étant pas de la société capitaliste. Une autre dérive est sa tâche immédiate : le prolétariat doit généraliser sa condition de prolétaire pour détruire toutes les classes.

 

    La solution de ces contradictions ne peut s'opérer que si l'on considère parti et classe indissolublement liés. Le parti est un organe de la classe. En expliquant le devenir de celle-ci on résout tout. La classe se constitue en tant que classe et donc en parti (la classe devient alors un sujet de l'histoire), elle est la dernière classe de la société humaine, son émancipation est celle de l'humanité : en se constituant en État, elle généralise sa propre condition de prolétaire à l'ensemble de la société, par là elle permet la destruction des classes, l'extinction de l'État et donc la véritable émancipation humaine. C'est à ce moment-là que le parti devient « organisation sociale » et perd de ce fait la limitation historique pour prendre son ampleur sociale.

 

    Toute théorie qui opère une séparation entre les deux termes classe et parti (et plus généralement avec une quelconque forme d'organisation de la classe devant assurer son émancipation) se condamne d'entrée à l'impuissance.

 

    L'étude du devenir de la classe permet de mettre en évidence qu'il y a cent ans l'enveloppe politique du parti débordait son contenu social que maintenant son contenu social déborde son enveloppe politique.

 

    Telles sont les caractéristiques profondes du parti qui se définit avant tout comme un Être et non d'après son organisation qui est un produit de la lutte de classe. Or, souvent, au lieu de s'affirmer en tant qu'être il s'est affirmé en tant qu'organisation. Celle-ci se transforme en son maître, le parti devient lui aussi, par là-même, une forme aliénée et aliénante.

 

    Mais le rapport avec la spontanéité ? Il est simple. Le parti est un produit spontané de la société capitaliste. La lutte de classe si elle reprend sur une vaste échelle – ce qui implique la crise pour permettre le vaste mouvement – l'organisation de la classe en tant que classe s'effectue, le parti se reforme. Seuls des groupes qui ont pu rester sur cette perspective peuvent se reconnaître et être reconnus dans et par ce mouvement. Leur fonction non d'avant-garde (terme inadéquat) mais celle d'être affirmation du futur au cœur du présent, apparaît nettement. Ils opèrent le lien historique entre deux époques révolutionnaires où le parti formel agit. Ces groupes et ces différents partis formels sont les éléments – en définitive – d'un même parti, le parti historique : la Gemeinwesen du prolétariat.

 

    Malheureusement beaucoup de mouvements ne comprirent pas cela. Nous ne parlerons pas des mouvements trotskystes car la question est trop banale. Nous citerons plutôt le parti communiste international. Nous n'en retracerons pas l'histoire mais indiquerons seulement ceci : au moment de sa meilleures doctrinale, les militants étaient conscients qu'ils ne formaient pas un parti au sens plein du terme (un parti formel) et que le parti réel viendrait dans un avenir non immédiat. Mais le fait de ne pas être allé jusqu'à assurer qu'il pouvait y avoir éclipse totale pendant un temps plus ou moins long, a empêché ce regroupement de porter l'œuvre à terme : la restauration de la doctrine, et, pour ce faire, opérer le retour sur le passé afin d'intégrer tous les militants que la contre-révolution se plait à opposer, à séparer. Or, il nous faut non seulement ouvrer à la reformation du parti formel mais aussi à réunifier celui historique. La théorie bourgeoise se plaisant même à diffuser dans les rangs révolutionnaires, l'idée que Marx est double ou même multiple.

 

    Le parti communiste international offre la meilleure illusion que l'on ne peut pas créer un parti ; qu'un parti qui se crée à un trop grande distance historique de la révolution est obligatoirement réabsorbé par la société capitaliste et cela se fait justement par son organisation qui est l'élément le plus perméable à la société capitaliste parce que tendant à se figer, à s'autonomiser et donc à s'intégrer dans le corps social.

 

    Ce mouvement en était arrivé à ne poser les questions que sous l'angle de l'organisation. Il interprétait à sa manière – ésotérique, non dévoilée au public – le mouvement est tout, le but n'est rien, sous la forme : l'organisation est tout la prévision est rien. En cela il démontrait à quel point il s'était laissé pénétrer par l'idéologie ambiante : « l'idéologie » fasciste pour qui tout est question d'organisation, de mises en place de structures ! D'autre part il prouvait à quel point il restait prisonnier du dualisme opéré par Bernstein dont le révisionnisme consista à dissocier un tout. Il ne peut pas y avoir un mouvement révolutionnaire en vue d'un but opportuniste, ni de mouvement opportuniste en vue d'un but révolutionnaire. Le but c'est déjà au cœur du mouvement et celui-ci révèle sa vraie réalité dans le but. C'est ce dualisme qu'il fallait surmonter parce que le mouvement ouvrier n'a pas encore surmonté sa crise de 1914 ; il n'est pas encore guéri de cette profonde maladie dont 1914 fut la phase éruptive mais qu'il incubait depuis près de vingt ans.

 

    L'organisation n'est pas le mal. Le mal c'est de vouloir créer alors que les conditions ne sont pas réunies. Engels déconseilla la création de la II° Internationale parce que prématurée. On sait ce qu'elle devint. Quant à lui, il disait qu'il fallait attendre la maturation des événements de Russie. Engels, le souvent diffamé, avait parfois raison ! ...

 

    La spontanéité n'est pas le bien. Elle est, elle aussi, tôt au tard, réabsorbée par la stabilisation des rapports sociaux. Or, aucune révolution ne progresse de façon linéaire. Donc, il faut, quand même, un élément stable capable de faciliter l'intégration de toutes les impulsions, de toutes les énergies, apte à résister, mais qui ne devient pas, en même temps, un phénomène qui s'autonomise et donc inhibe le mouvement lui-même.

 

    Il faut la spontanéité et elle n'est pas suffisante ; il faut une organisation qui assure une stabilité mais qui ne s'autonomise pas à cause de son caractère stable, nécessaire pour jouer le rôle de système de référence.

 

    Contradiction ! On ne peut la dépasser qu'en supposant une organisation naissant avec le mouvement révolutionnaire de la classe et qui oeuvre non pas à sa perpétuation en tant qu'organisation mais comme la classe – exprimant ainsi au mieux son être, sa mission – oeuvre à sa disparition. C'est le parti. Car pour nous le parti se nie en généralisant son mode d'être, le centralisme organique, à l'ensemble de la société. Cela découle de notre affirmation : le parti est la préfiguration de la société communiste. C'est en ce sens qu'il ne peut pas disparaître : sa généralisation est son accession à la réalité effective.

 

    Le passé, avons-nous dit, pèse sur les vivants. Son incantation semble être le moyen de conjurer les difficultés du présent. On croit y échapper et au but d'une folle tentative on bute à nouveau sur lui. Encore une fois, nous le constatons à propos du parti. A ce sujet, le lecteur pourra nous retourner notre remarque et dire : dans votre n°1, vous affirmez le parti-Gemeinwesen (communauté) et dans votre n°4, surtout dans le compte-rendu de la réunion de Florence 1951, vous revenez à une conception plus étroite, plus bolcheviste du parti. Ce sont des faits. Cependant on ne peut nier un passé en le biffant, mais en l'intégrant. Notre but est de montrer le chemin parcouru, les difficultés, et de mettre en évidence que notre affirmation d'aujourd'hui est liée à un hier parfois incertain dont nous avons expliqué le fondement : l'ambiguïté du mouvement qui a produit ce texte. Il se disait parti en proclamant que le vrai parti ne viendrait que demain.

 

    Incarnation d'une ambiguïté, le parti communiste international devait disparaître dès que la réalité tendrait d'elle-même à détruire celle-ci. Tant que dans la société, à l'échelle planétaire, persistait la vieille impulsion révolutionnaire qui se développa d'ailleurs sous forme bourgeoise, ce mouvement pouvait rester en suspens sur cette base : être un lien entre la double révolution russe et celle communiste future. Mais dès que se termina la série des révolutions bourgeoises faites d'abord par le prolétariat, puis seulement impulsées par lui, dès qu'elles furent freinées dans leur transcroissance et que de ce fait allait se poser la question de la révolution future, il devait disparaître. Sa liaison avec le passé n'était plus une garantie de validité, une sécurité contre la dégénérescence, mais un obstacle à entrevoir le futur. Mai-Juin 1968 se fit en dehors de lui qui, à sont tour ne reconnut l'importance du jeune mouvement révolutionnaire que dans ses aspects révolus, ne prit en considération que les oripeaux dont il essayait de se débarrasser.

 

    En somme le parti communiste international est mort en tant que mouvement formel. Plus exactement en lui se finit l'histoire de la Gauche communiste d'Italie qui de 1912 à 1966 a donné une importante contribution au mouvement ouvrier mondial. Elle est une composante essentielle du parti historique. Sur elle doit aussi se porter l'investigation de la critique. Mais la véritable critique est la critique qui fonde et ce qu'il faut fonder (restaurer ici) c'est la doctrine véritable, totale, du prolétariat. La Gauche communiste d'Italie a donné au cours des  50 ans de vie des éléments irremplaçables qu'il faut intégrer, espèces de points de passage obligés pour une reconstruction de la doctrine. Mais ils ne sont pas les seuls.

 

    Dans le n°4, on a reporté le schéma du renversement de la praxis1 qui est représentation explicite de cette thèse qu'on ne crée par le parti, mise en évidence d'une part de la multiplicité des actions et interactions entre la classe et le milieu social où elle baigne et d'autre part du rôle unificateur du parti organe de la classe ; affirmation enfin que le parti ne peut pas exister si la classe n'est pas révolutionnaire. C'était absolument nécessaire parce que le cycle de la contre-révolution, commencée bien plus tôt, se trouvait en un point de renforcement. Ce cycle ne devant finir qu'en 1968.

 

    On pourra également opposer ce schéma à celui de la pyramide marxiste2. Ce dernier indique un phénomène statique : la classe à un moment donné. En conséquence, il faut tenir compte que cette pyramide peut se présenter de façon plus ou moins aplatie selon la période historique. Ici nous retrouvons le mouvement réel.

 

    La révolution communiste tarde. Le capitalisme a réussi à conjurer la crise qui se pulvérise en de nombreux pays et s'épuise dans le temps. En conséquence la fameuse reprise révolutionnaire que certains espéraient vers 1965 – reprise liée à une crise d'entre-deux guerres – ne s'est pas produite. Il n'y aura pas de reprise graduelle avec sécrétions d'organes immédiats entre le parti (qui ne sera que la résultante de tout le phénomène) et la base, la classe en sa totalité. Plus la reprise tardera, plus la pyramide produite sera une pyramide aplatie parce que la plus grande majorité de la classe entrera alors dans des organes immédiats de type soviets qui seront base même du parti. On ne peut pas ressortir les schémas du passé pour les plaquer sur le futur. L'effort est de comprendre ce dernier afin de se comporter correctement dans le présent.

 

    D'autre part tout l'effort, le but du parti ne sera pas d'élever la pyramide, d'accroître sa hauteur, mais de ramener le sommet dans la base (la classe en sa totalité) parce que celle-ci sera à la hauteur de sa mission historique. Autrement, affirmer que la classe prolétarienne prend le pouvoir pour se détruire elle-même est dérision pure et simple. 

 

    Évidemment le processus ne peut pas être instantané : dictature du prolétariat. Mais si on opère la coupure en théorie ou en pratique entre base et parti, entre société et parti, on tend à inhiber le mouvement d'unification de la classe puis celui de sa disparition. Il faut que la totalité de la classe tende à intervenir comme l'expliquait Lénine dans L'État et la Révolution.

 

    Là encore on nous reprochera de revendiquer un Lénine anarchiste. Nous répliquerons que celui-ci était inclus dans le Lénine de 1907 parce qu'il avait décelé dans la magma russe toutes les possibilités de la révolution en particulier sa transcroissance qui fait la joie des anarchistes. Cependant il fallait tenir de 1907 à 1917, de même qu'après la contre-révolution il fallut tenir jusqu'en 1968, et, maintenant que la première phase a épuisé ses plus grandes forces et que la prochaine phase n'est pas immédiate, il faut tenir. Pour cela, il faut avoir vision de la révolution communiste future.

 

    Dans notre n° spécial nous avons rapporté la prévision émise en 1957 sur la révolution future possible dans les années 1975-803. Nous avons donné une variante de 1958 (dans le n°3 dernière page)4. Cependant, à cette époque, le prolétariat noir des E.U ne s'était pas encore manifesté. Il le fit à partir de 1960 avec une accélération à partir de 1963. C'est pourquoi il n'est plus possible de reprendre telle que la prévision comme si elle épuisait toutes les possibilité. Elle est valable en tant qu'affirmation de l'état initial : au cœur de la contre-révolution, et l'état final : la grande bataille dont l'épicentre sera l'Allemagne et les pays la circonscrivant. Mais le mouvement médiateur n'est pas indiqué ; là n'est pas la faiblesse de la prévision mais celle de ceux qui la reprennent croyant être sur « Le fil du temps » sans se rendre compte qu'ils ne sont qu'un entrefilet. Ils font œuvre magique et opèrent comme l'argent dont la magie réside en ce qu'en lui tout mouvement médiateur est aboli.

 

    L'apparition du prolétariat noir sur la scène de l'histoire est un phénomène décisif qui bouleverse les données, car il accélère considérablement le processus de reformation de la classe.

 

    Tout le long des luttes anti-coloniales, on a d'abord affirmé : ces pays n'arriveront à leur indépendance qu'avec l'aide du prolétariat métropolitain, ensuite nous avons repris la perspective de Marx à propose de l'Irlande (mais aussi à propose de la Chine et de l'Inde), une victoire du mouvement de libération dans ces pays apportera la secousse nécessaire pour que le prolétariat retrouve sa base de classe. Ceci s'est effectivement produit mais étant donné le blocage de ces révolutions, il y a eu arrêt de radicalisation du mouvement et les différents groupuscules ont vu leur recrutement se tarir. Certains d'entre eux théorisent ce recul en l'imputant au jaunes et aux noirs coupables d'illusionisme révolutionnaire. A la limite, pour certains, rien ne se serait passé...

 

    A l'heure actuelle c'est le prolétariat lui-même qui appelle au réveil, qui relance le grand cri de la lutte de classe : à bas la société capitaliste, instaurons la société sans classes !

 

    Cependant ce vaste mouvement est lié lui-même à la rupture d'équilibre aux E.U dont nous avons déjà parlé dans les n°3 et 4 d'Invariance. Rupture d'équilibre et non crise réelle.

 

 

 

 

 

 

* * *

 

 

 

 

 

 

« Les crises ne sont jamais que des solutions violentes et momentanées des contradictions existantes, de violentes éruptions qui rétablissent pour un instant l'équilibre rompu. »

Marx, Le Capital, Livre 3, tome 1, p. 262

     

 

    La crise à venir ne peut être abordée que si on l'étudie en fonction du cycle du mouvement capitaliste depuis 1913. A cette date, une crise économique se développe qui se résout en guerre. Les effets de cette dernière sur l'aire slave – grosse de révolutions multiples – provoquent la révolution socialiste d'octobre. A ce moment-là on pouvait espérer une jonction entre la révolution pure (communiste) d'occident et celle double de Russie, laquelle relaierait les révolutions dans les aires arriérées. Le prolétariat fut battu en 1928 avec le triomphe du socialisme en un seul pays. Cependant il ne fut réellement éliminé de la scène historique qu'en 1945. Le capitalisme profita alors de la grande force juvénile des peuples entrant dans l'histoire effective du monde. Ce fut le rajeunissement du capital.

 

    D'autre part la crise de 1913 était liée à la transformation du capital, à son passage – à l'échelle sociale – de la domination formelle à la domination réelle ; la forme politique de cette dernière étant le fascisme (cf. Invariance n°2). Or, le fascisme n'a réellement remporté la victoire qu'en 1945, moment à partir duquel il s'est généralisé dans le monde. Ceci conjugué avec le rajeunissement explique la renaissance du capital qui réclame encore son apologie5. Cette renaissance est devenue apparente depuis 1956. La période qui commence avec 1945 peut se subdiviser ainsi :

 

1 – Reconstruction de l'Europe et du Japon – après leur agression de la part des E.U6 – jusque vers 1955.

2 – Pour répondre à ce défi, les E.U développent l'automation.

3 – Après la récession de 1958 aux E.U et divers réajustements historiques dans différents pays, comme la décolonisation en France, il y a accélération du développement. Au Japon, on peut noter que le boom date réellement de cette époque. L'Europe retrouve ses vertus négrières d'il y a quatre siècles et importe des travailleurs de différents pays : sud de l'Europe, Afrique et Asie. Cela lui permet, pour un moment, de concurrencer la production américaine.

Ceci atteint son maximum en 1964.

4 – A cette date, nouveau déséquilibre : les E.U interviennent au Vietnam : bon moyen – comme avec la guerre de Corée – de relancer la production. Les pays européens doivent eux aussi automatiser, s'ils veulent soutenir la concurrence américaine. Ceci nous conduit à l'éclatement de la crise monétaire de 1967.

5 – A partir de 1966 la révolution de la valeur que le capital a subi dans son procès cyclique, au cours de la seconde partie de la décennie de 50 à 60, se manifeste nettement.

 

    « ... mais il est clair qu'en dépit de toutes les révolutions de valeur la production capitaliste ne saurait exister et durer que pour autant que la valeur-capital se valorise, c'est-à-dire décrit son procès cyclique comme valeur arrivée à l'existence indépendante, donc pour autant que les révolutions peuvent être surmontées et aplanies d'une façon ou de l'autre. » (Le Capital, Livre II, tome 4, p. 98)

 

    Toute la production américaine s'est dévalorisée ; il en sera de même de celle européenne dans la mesure où l'automation se généralisera. En théorie et en pratique, il faudrait un réajustement pour surmonter cette révolution de la valeur. Ceci évidemment devrait se traduire par une variation dans le système de mesure de la valeur, la monnaie. Or, les E.U ne veulent pas modifier la parité dollar/or. Ainsi la crise apparaît de façon circonscrite à cette question7. La crise monétaire se manifeste en fait depuis 1959 date à laquelle commencent les pertes d'or américaines (1, 07 milliard de dollars), année qui suit immédiatement la récession américaine ; le crédit prend dès lors une extension considérable à l'intérieur et à l'extérieur (Swap, bons Rosa, droit de tirage spéciaux, etc.). A ce sujet il convient de rappeler deux remarques fondamentales de Marx :

 

    1° « Ainsi se trouve résolue cette question absurde : la production capitaliste avec son volume actuel serait-elle possible sans le système du crédit (même en ne considérant ce système que de ce point de vue-ci), c'est-à-dire avec la seule circulation métallique ? Évidemment non ! Elle se serait au contraire heurtée aux limites mêmes de la production des métaux précieux » (Le Capital, Livre II, tome 4, p. 321)

 

    2° « Le crédit qui est lui aussi une forme sociale de la richesse, évince l'argent et usurpe sa place. C'est la confiance dans le caractère social de la production qui fait apparaître la forme argent des produits comme quelque chose de simplement évanescent et idéal, comme une simple représentation. Mais dès que le crédit est ébranlé – et cette phase se produit toujours nécessairement dans le cycle de l'industrie moderne – toute richesse réelle doit du jours au lendemain et en réalité être convertie en numéraire, en or et argent, exigence absurde mais qui  résulte nécessairement du système lui-même. [...] Dans les effets des sorties d'or, le fait que la production n'est pas réellement soumise au contrôle de la société en tant que production sociale se manifeste d'une façon frappante. [...] 1. Le système capitaliste est celui où l'on a aboli le plus complètement qu'il se puisse la production en vue de la création de valeurs d'usage immédiate, en vue de l'utilisation personnelle par le producteur : la richesse n'y existe plus que comme procès social s'exprimant par l'enchevêtrement de la production et de la circulation ; 2. Avec le développement du système du crédit la production capitaliste cherche continuellement à lever cette barrière de métal, cette barrière à la fois matérielle et imaginaire de la richesse et du mouvement de celle-ci, mais revient toujours se buter la tête contre ce mur » (Le Capital, Livre II, tome 7, pp. 233-234)

 

    Ceci explique que depuis quelques années on voit s'affronter deux positions extrêmes : démonétiser l'or, le réévaluer. En fait ces positions sont impossibles, et d'ailleurs, la tendance la plus conséquente et la plus forte est celle qui tend à une conciliation entre le système monétaire et celui du crédit : ainsi des droits de tirage spéciaux. D'autre part une solution ne semble pas possible dans le cadre des seuls pays occidentaux. Elle devra être réajustement qui englobera les économies de l'Est (il est à noter à ce sujet qu'il y a une curieuse coïncidence entre l'arrêt de vente d'or sur le marché de Londres de la part des russes et la crise de la livre sterling !). En ce sens on ira vers la reformation d'un vrai marché mondial unitaire (que nous espérons se réaliser depuis 19588) lequel est un état métastable qui précède la crise.

 

    Marx écrit, après le passage reporté plus haut : « Dans la crise on voit se manifester cette revendication : la totalité des lettres de change, des marchandises, doit pouvoir être d'un coup et simultanément convertible en argent bancaire et tout cet argent à son tour en or ». On constate qu'il y a à l'heure actuelle des spéculations sur le réajustement nécessaire mais qu'il n'y a pas une véritable crise. Enfin, le fétiche du métal précieux est lié à la société de classes basée sur l'appropriation du travail d'autrui. La possession de l'or est un droit universel – non lié à des variations dans l'espace ou dans le temps – à l'exploitation de la force de travail.

 

    Nous avons surtout envisagé le phénomène apparent. Marx l'a décrit tel qu'il se manifeste aujourd'hui. Cependant il a donné une explication qui est du domaine réel, en profondeur : la contradiction entre valorisation et dévalorisation du capital. Elle est opérante à l'heure actuelle avec le développement de l'automation qui tend à réduire à zéro la valeur, d'autre part elle se voit dans la tendance qu'a le taux de profit social moyen à diminuer. La lutte contre cette tendance est le moteur puissant de l'économie et la crise monétaire en est une conséquence. Les américains ne veulent pas réévaluer l'or car cela entraînerait une augmentation du prix des matières premières, du capital constant donc. Or, les américains sont parmi les plus gros importateurs de celles-ci et d'autre part étant donnée la formule donnant le taux de profit :

 

                                π' = π / c + v

 

on conçoit qu'une augmentation de c provoquerait une diminution de π'. Le capitalisme en tant que totalité, le capitalisme à l'échelle mondiale a intérêt à limiter cette baisse. Cependant les différents pays capitalistes aimeraient que celle-ci se fasse sans léser leurs intérêts. D'où les contradictions secondaires qu'il n'est pas possible d'analyser ici.

 

    La loi de la baisse tendancielle du taux de profit, dit Marx, « n'agit que sous forme de tendance dont l'effet n'apparaît d'une façon frappante que dans des circonstances déterminées et sur de longues périodes de temps » (Le Capital, tome 6, p. 251). Les circonstances furent l'introduction de l'automation et sa généralisation actuelle. Mais les effets se produisent lentement étant donné que le capital a la possibilité de freiner par la création du capital fictif, d'où la crise monétaire qui remonte à 1959 et est effective depuis deux ans.

 

    Une autre source de freinage dérive de la victoire même du capital qui a réussi à endiguer le mouvement de libération des peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud, ce qui lui permet d'imposer des prix monopoles pour les produits qu'il récupère dans ces zones ; c'est la victoire sur le prolétariat qui lui permet de récupérer une part plus grande de plus-value et qui, d'autre part, ne lui impose pas, pour lutter contre la montée de la force prolétarienne, de remplacer toujours plus les ouvriers par des machines, ce qui accélèrerait grandement le processus de dévalorisation. Mais le vaste mouvement insurrectionnel qui parcourt la planète et qui pour le moment, secoue surtout les étudiants, va remettre en cause cet équilibre favorable au capital.

 

    Cependant d'autres éléments viennent à son aide. La Chine tend à reprendre lien avec le monde occidental. La Chine comme la Russie subit la puissance du dollar et point n'est besoin des armes nucléaires pour l'amener à composer9. Ses retrouvailles avec la théorie de la coexistence pacifique désillusionneront certains. Il faut que toute illusion soit perdue pour qu'il y ait révolution. Or, il en persiste encore beaucoup sur le devenir du capital. Les éléments de sa vraie crise s'accumulent mais elle n'est pas encore opérante. Malgré le rajeunissement, la renaissance du capital dont nous venons de parler, on continue de théoriser l'impérialisme stade suprême, l'agonie du capitalisme, sa sénilité croupissante, etc. Cela fait 50 ans qu'il crève et qu'il n'y parvient pas ! Le mouvement révolutionnaire répète les données du passé et se refuse à voir le présent. Décidément : « un long passé, c'est un long souvenir du passé ».Il faut en finir avec le souvenir. Pour cela il faut lui restituer sa durée réelle. C'est ici que nous retrouvons la critique.

 

 

 

 

 

 

* * *

 

 

 

 

 

 

« La critique sans l'erreur est mille fois moins nuisible que l'erreur sans la critique »

Bordiga, Le danger d'opportunisme et l'Internationale, 1925

 

 

 

   Beaucoup d'éléments ont constaté que la coupure entre le mouvement politique et celui économique, syndical était la perte de l'unité de la totalité de la lutte de classe (et donc de l'unité de celle-ci) qui avait été réelle au temps de l'AIT. La III° Internationale tendit durant une courte période à reconstituer l'unité perdue. Mais elle faillit assez vite et déjà, en créant l'Internationale syndicale rouge, elle recréait au nom de la révolution, l'antique division. Sur le plan théorique plusieurs théoriciens essayèrent de surmonter l'appauvrissement consécutif à la dissociation de la classe et posèrent les éléments d'une recherche marxiste dans des domaines abandonnés, tel que la philosophie par exemple. A l'heure actuelle, la division, la fragmentation de l'Etre de la classe révolutionnaire est encore plus accusée, plus impérieuse encore la nécessité de reconstituer l'unité totale c'est-à-dire que cela implique unification à tous les niveaux de la vie de la classe et réappropriation de la dialectique. Cependant en luttant contre ceux qui ont perçu unilatéralement le phénomène (ou ceux qui le théorisèrent purement et simplement), nos critiques10 débouchent souvent dans une autre unilatéralité. Ainsi il ne suffit pas de reconnaître qu'au niveau du prolétariat la conscience joue un rôle capital, il faut affirmer que le prolétariat est la classe par laquelle la conscience est produite, ce qui amène à étudier son processus de vie réel.

 

   La critique ne se rend pas compte que dans sa rage à poursuivre son objet afin de le détruire, elle le fixe, elle en fait un phénomène séparé : la société de consommation, la société du spectacle. Elle ne voit pas que celle-ci est un phénomène devenu autonome, qu'elle l'envisage uniquement dans son autonomie et qu'elle abandonne toute critique dès qu'il s'agit de savoir quelle est son origine, son procès de production. Et, là, elle fait péché structuraliste. Elle se met au cœur d'une structure, elle en explique avec mépris la réalité ; elle la décortique à la façon dont on autopsierait un cadavre dont on jetterait ensuite les morceaux dans la fosse commune. Par cette démarche elle est encore prisonnière de l'autonomisation du capital qui tend à fixer les rapports sociaux, dont l'idéologie veut tout expliquer en termes de structures et, même, pour justifier sa volonté d'éternité, d'abolition du temps-devenir11, va chercher refuge dans les sociétés où le temps, où l'histoire n'étaient pas encore nés. Cette idéologie ne peut nier qu'il y ait eu différentes périodes, mais elle les considère à la façon dont Cuvier considérait les différents groupes paléontologiques, qu'il avait lui-même découverts, comme autonomes, prisonniers d'une période qui n'aurait aucun rapport avec une antériorité ou une postérité. Il constatait des discontinuités fixes ; seul Dieu pouvait les résoudre. Les structuralisme est un fixisme social.

 

   Nous ne voulons pas être enfermés dans la structure actuelle qui est une réalité. Nous ne voulons pas nous laisser enfermer dans les schémas dépassés ni dans les extravagances du présent parce que la doctrine du prolétariat intègre les trois données du temps : on ne doit pas brûler le passé pour se jeter existentiellement dans le futur. Invariance affirme la validité de la doctrine entre le surgissement de la classe et sa disparition. Cela veut dire que nulle doctrine nouvelle ne peut surgir. Elle affirme l'invariance de la méthode, de la solution des énigmes opérées en 1844 par le jeune Marx, mais elle refuse toute sclérose du mouvement et proclame la nécessité de la recherche passionnée pour se réapproprier le passé et décrire avec joie le futur.

 

   Nous retrouvons le rapport conscience-spontanéité. Ce ne sont absolument pas deux termes qui s'excluent. Notre vision est une vision de la production parce que nous saisissons tout dans son mouvement. Pour que la classe puisse reprendre la lutte, il faut une rupture profonde dans l'ordre social. Alors se manifestera spontanément une conscience immédiate fort évoluée par rapport à celle qui se manifesta en 17 ou en 19, parce que les rapports de production se sont purifiés, les antagonismes accusés12. Ainsi parallèlement à la lutte pour le maintien d'un certain niveau de conscience historique, la conscience immédiate est produite. La formation du parti de demain s'opérera de la rencontre de ces deux phénomènes. Étant donné que le capital lui-même nie l'individu, les classes, la démocratie, la valeur, le mouvement qui surgira se fera sur le terrain de la négation de tout cela. Autrement dit, sont déjà condamnés tous les mouvements qui parlent de, revendiquent la démocratie sous quelque forme que ce soit ; qui pensent que la loi de la valeur sera opérante dans le socialisme inférieur, etc. Ils sont déjà morts avant d'avoir pu essayer de montrer leur réalité. Mai-Juin en est la preuve : les groupuscules prirent vie du mouvement, ils ne la lui donnèrent pas. L'élément essentiel de la société actuelle c'est la séparation profonde, insupportable de l'homme d'avec sa Gemeinwesen humaine. La révolution communiste permettra à l'humanité de se constituer en Gemeinwesen humaine effective. L'exigence de cette dernière, telle fut la revendication profonde de Mai-Juin 1968. La réalité de la révolution future s'y est dévoilée.

 

   Ultérieurement, au bout d'une phase qui risque d'être assez courte en regard de ce qui s'est produit aux époques passées, se fera le renversement de la praxis (cf. Invariance, n°4) : intervention agissante de la conscience, celle de la classe constituée en parti.

 

   Encore une fois – il faut y revenir – on veut absolument penser le futur dans le terme du passé. Or, ceci n'est pas faire preuve d'anti-révisionnisme mais de sclérose. L'invariance se situe au niveau des principes, de la méthode et non dans le rabâchage de formules d'où toute vie s'est échappée.

 

   La question de la crise, abordée plus haut, en est un autre exemple. Pourquoi devrait-il y avoir obligatoirement une crise d'entre deux guerres (entre 1945 et 1975-80) ? Pourquoi, par suite du renforcement du capital, n'y aurait-il pas télescopage des deux et, de ce fait, une situation extrêmement révolutionnaire pourrait se produire, situation qui verrait réellement se réaliser la catastrophe prévue par Marx ?

 

   La crise éloignée, conjurée pour quelques années, adieu le parti alors ? Mais celui-ci, pourquoi devrait-il connaître un long processus de maturation, un développement absolument graduel du point de vue quantitatif ?

 

   La troisième guerre mondiale n'a-t-elle pas déjà commencée ? Ou bien ne peut-on pas envisager vue, d'une part, l'impossibilité où se trouverait la classe capitaliste à la commencer, étant donnée, d'autre part, l'incapacité immédiate qu'aurait le prolétariat à abattre son adversaire, que cette guerre ne se résolve en une suite de guérillas au bout desquelles serait la victoire ? Évidemment, aborder la question de cette façon serait reconnaître l'intérêt d'examiner attentivement les écrits de Lin Piao, Guévara ou F. Castro et non les rejeter en tant qu'absurdités, ou en tant que pré-marxismes... Ce dont il s'agit, c'est de questions réelles et non d'étiquettes ou de jugements de valeur.

 

   A l'heure actuelle nous avons une situation labile. Il est nécessaire d'envisager toutes les possibilités et de les confronter avec le développement du capital. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que la révolution future ne sera pas identique à celles passées, ne serait-ce que parce qu'elle doit être la dernière. Ainsi, comme indiqué plus haut, nous devons préciser, non rejeter, notre prévision émise en 1957.

 

   L'Inde ne pourrait-elle pas accomplir sa révolution bourgeoise, de type chinois, avant que la crise n'éclate ? Le Brésil ne pourra-t-il pas reprendre son développement stoppé par l'intervention américaine (plus ou moins voilée) de 1964 ?

 

   La structure réactionnaire du Kolkhoze qui enchaîne la lutte des classes à la campagne, ne pourrait-elle pas être remise en cause, sous la pression exercée par l'économie américaine ? La Russie serait obligée alors, bon gré mal gré, à purifier ses rapports de production pour mieux lutter contre son adversaire. Ce serait une situation très favorable qui modifierait notre perspective actuelle sur l'URSS. Nous avons assisté à un phénomène similaire dans l'aire occidentale, en France, où au cours d'un processus, très long il est vrai, les paysans parcellaires ont été finalement expropriés des campagnes françaises (le phénomène n'est d'ailleurs pas total), purifiant les rapports de production capitalistes.

 

   Poser toutes ces questions c'est déjà mettre en évidence qu'il n'est pas obligatoire que le développement se fasse d'une façon absolument linéaire, fixé à l'avance dans un schéma fabriqué alors que toutes les possibilités d'évolution n'avaient pas été inventoriées.

 

   Il est nécessaire de briser le carcan des stéréotypes et éliminer la peur de dévier, dès que l'on essaie d'affronter la réalité telle qu'elle est. Il faut détruire l'équation maléfique : étude des phénomènes nouveaux = antimarxisme. On n'a rien expliqué lorsqu'on a affirmé que ces phénomènes étaient déjà en germe du temps de Marx, ou même avant, et que celui-ci en avait donné les grandes lignes explicatives. C'est faire ressortir, chaque fois, qu'on est fils de quelqu'un : tautologie existentielle ! Mais cela veut dire aussi qu'on se comporte comme un enfant qui ne parvient pas à quitter les jupes de sa mère. On ne demande pas à l'enfant de tuer cette dernière pour parvenir à la maturité ; on lui demande – à l'aide d'éléments à lui fournis par ses géniteurs et par la société – d'être capable de se comporter de façon adéquate dans le monde. Le mouvement révolutionnaire doit utiliser les données de Marx et avec cela comprendre la réalité actuelle qui dans la mesure où la variation quantitative atteint un développement considérable, est saut qualitatif. Au temps de Marx l'automation était en germe. Quelle pouvait être son action dans la société : nulle. Maintenant sa généralisation signifie que du jour au lendemain, à la suite de la révolution communiste, on détruit la loi de la valeur et, on accomplit le saut qualitatif inclus déjà dans la société actuelle.

 

   L'ensemble de l'œuvre de Marx (malheureusement incomplètement parue) est l'élément essentiel pour comprendre le devenir social. Il est absolument anti-dialectique de nier le devenir pour affirmer la validité de l'œuvre de Marx.

 

   Le devenir du capital a été clairement saisi par ce dernier : le capital s'est constitué en Gemeinwesen matérielle. Ceci était une donnée incluse dans le germe capital (dans le gland dirait Hegel) étudié par Marx. Il nous faut voir l'épanouissement de ce germe. Pour cela il ne faut pas avoir peur d'envisager le nouveau non en tant qu'extravagance du présent, en tant qu'élément du présent, en tant qu'élément isolé de tout le reste, mais comme un moment du devenir. Celui-ci implique la formation du parti-gemeinwesen seul être capable de détruire le monstre capital et de faciliter la formation de la société communiste.

 

   Celui-ci ne sera pas le triomphe de l'individu (anarchisme) ni celui de la société, entité englobant tout (déviation de la vision de la communauté) mais de l'homme social c'est-à-dire l'homme en qui l'universel, la société (l'ensemble des rapports sociaux) se manifeste, ainsi que le particulier de cet être humain. Les manifestations de ce dernier s'objectivent dans la réalité qui les intègre non en dépouillant celui-ci qui en est le support, mais en lui renvoyant autant d'images humaines, de manifestations, qu'il intègre à son tour. En un mot cela veut dire que l'antique contradiction individu-société médiatisée par l'État est résolue ; en ce sens il n'y a plus de société ni d'individu, il y a la Gemeinwesen (communauté) humaine et l'homme social.

 

   Notre affirmation de cette réalité du futur est passée par un moyen terme : la lutte contre l'individu bourgeois et la démonstration de la nécessité de sa destruction (cf. les trois premiers textes de Théorie du prolétariat et individu13). C'était une affirmation négative ; cependant la gauche communiste a abordé aussi la question sous son rapport positif (cf. le quatrième texte) et c'est cela qu'il faudra approfondir pour mieux décrire la société communiste.

 

 

 

 

 

 

* * *

 

 

 

 

 

 

« Peut-il prétendre comprendre le futur celui qui n'a pas compris et assimilé le passé ? Et peut-on à un moment quelconque de la lutte, mettre de côté l'examen continu des événements passés comme nourriture quotidienne pour notre action. »

Bordiga, Battaglia Comunista, n°17, 1951

 

 

 

 

   L'action, dans tout cela où mettez-vous l'action ? Qui dira diffuser, expliquer, coller des affiches, etc. Faire cette remarque est ne pas avoir compris que par ce travail nous participons à une action nécessaire et que, d'autre part, nous ne proposons pas une recette. Cela impliquerait alors que nous devrions remuer ciel et terre pour la faire connaître. Nous pensons que les hommes qui luttent parviendront comme nous à la vision de la société communiste. Cependant ils le feront immergés dans l'action, dans le mouvement réel. Notre rôle est, en mettent en évidence celui-ci qui, à l'heure actuelle, est unification de la classe, d'accélérer la production de la conscience. Cependant on ne peut pas faire cela de l'extérieur, mais à l'intérieur du mouvement. Voir l'action sous une autre forme est réintroduire un dualisme. Ce serait nous-mêmes, élément infra-corpusculaire, nous ériger au-dessus de la classe, en nouveaux censeurs, etc. Il faut être dans le présent l'affirmation du futur afin d'en finir avec les miasmes du passé.

 

 

 

 

 

 

* * *

 

 

 

 

 

 

« Notre œuvre présente a pour but de remettre en ordre les thèses documentaires tant de fois rendues insidieuses, et de les porter à la lumière dans leur intégrité, même si cette troisième restauration – dans la phase historique actuelle – n'a pas encore trouvé le mouvement réel d'insurrection révolutionnaire qui devra dans le futur, s'en revêtir. »

Bordiga, Commentaire des manuscrits de 1844.

  

 

 

    Notre recherche, notre étude sont au cœur de la doctrine. La soi-disant infirmité de la théorie prolétarienne est théorisation d'une absence. Le prolétariat battu, a été éliminé en tant que classe de la scène de l'histoire. A la place de sa théorie, on a une métaphysique du capital. Dans tous les domaines où les militants communistes avaient pénétré pour montrer la validité de la théorie, il y a eu reflux. D'autre part, le renforcement de la société capitaliste – baptisée impérialisme par le chœur de la gauche corpusculaire ou continue, proclamée sénile, agonisante – a engendré des théorisations nouvelles. On tend même vers une théorie unitaire qui pillerait évidemment le marxisme, ne serait-ce que dans la tentative d'effectuer cela. En conséquence, il est nécessaire de faire œuvre théorique pour reprendre le terrain perdu dans beaucoup de domaines, pour réaffirmer de façon totale la théorie communiste. Ceci ne peut être l'œuvre d'un militant, ou d'une infime minorité lais d'un fort regroupement qui ne s'abstraie pas du mouvement d'unification de la classe. C'est dans le but de favoriser un tel regroupement qu'Invariance publiera son n°6 : La révolution communiste : thèses de travail, dont voici le sommaire :

 

 

1.  Bref historique du mouvement de la classe prolétarienne dans l'aire euro-nord-américaine des origines à nos jours.

1.1. Le cycle historique des origines à la III° Internationale.

1.2. Les leçons de l'histoire du cycle prolétarien.

1.2. Le mouvement prolétarien de 1928 à la fin de la deuxième guerre mondiale.

1.2. Le mouvement prolétarien après la seconde guerre mondiale.

 

2.  Les révolutions anti-coloniales : la formation de la classe prolétarienne dans les zones où prédominait le mode asiatique de production.

2.1. Les luttes contre les anciennes métropoles coloniales.

2.2. Les luttes contre l'impérialisme américain.

2.3. Situation actuelle du mouvement : dans quelle mesure la classe prolétarienne a-t-elle été produite ?

 

3.  La question russe.

3.1. Comportement de la gauche communiste d'Italie vis-à-vis de cette question.

3.2. Comportement d'autres mouvements.

3.3. Données essentielles mises en évidence par le phénomène révolutionnaire dans l'aire slave.

 

4.  Le développement du capitalisme.

4.1. Caractères généraux du capitalisme.

4.2. La contradiction fondamentale du capital : valorisation-dévalorisation.

4.3. Développement du capital et crises.

4.4. Le rajeunissement du capital.

4.5. La négation du capital, c'est le prolétariat.

 

5.  La mystification démocratique.

5.1. Le phénomène historique général.

5.2. Divers schémas expliquant les rapports entre individu et société.

5.3. Mystification démocratique et prolétariat.

5.3.1. Surgissement du prolétariat et anti-démocratisme : Babeuf et le mouvement ouvrier anglais à son origine.

5.3.2. La défaite du mouvement : le prolétariat prend la bourgeoisie au mot et veut réaliser la démocratie.

5.3.3. Sur le plan doctrinal, de 1837 à 1844, passage de la démocratie au communisme.

5.3.4. 1848 : double-révolution, utilisation de la démocratie à l'extérieur de la classe ; rapports avec les paysans et les mouvements nationaux.

5.3.5. Rupture avec la démocratie 1851-52 (Marx et Engels).

5.3.6. 1864-1871 : démocratie à l'intérieur de la classe.

5.3.7. 1971 : révolution communiste dans la période de domination formelle du capital.

5.3.8. Retour à l'utilisation de la démocratie à l'extérieur de la classe : le parlementarisme.

             Non compréhension de la coupure s'opérant à la fin du siècle. Engluement de la social-démocratie dans la démocratie.

    5.3.9. Le partir ouvrier social-démocrate de Russie = A.I.T. de l'aire slave.

    5.3.10. 1917-1919 : dépassement de la démocratie.

              Russie : transcroissance de la révolution.

               Allemagne : le rejet de la démocratie par les gauches.

               Italie : la fraction abstentionniste.

    5.3.11. Reflux du mouvement prolétarien : front unique = utiliser à nouveau la démocratie à l'intérieur et à l'extérieur de la classe (gouvernement ouvrier et paysan).

    5.3.12. Tentative de dépassement réel de la démocratie en 1951 et sa faillite en 1966.

    5.3.13. Rapports du jeune prolétariat des pays récemment parvenus à l'indépendance et  démocratie.

    5.3.14. Affirmation de la nécessité de dépasser la démocratie : le mouvement prolétarien (noir) des E.U.

    5.3.15. Affirmation non consciente lors des événements de Mai-Juin 1968.

    5.3.16. Le Gemeinwesen, négation positive de la démocratie.

    5.4. Le fascisme.

    5.4.1. Origines.

    5.4.2. Doctrine.

    5.4.3. Victoire et développement du fascisme après la seconde guerre mondiale.

    5.4.4. Fascisme, État et capital.

    5.4.5. Fascisme et réformisme.

    5.4.6. Fascisme, État et libre entreprise.

    5.4.7. Fascisme et bonapartisme.

    5.4.8. Fascisme et stalinisme.

5.4.9. Fascisme = démocratie sociale ; rapports fascisme et Gemeinwesen matérielle.

 

6.  Défense de la doctrine communiste.

6.1. Révisionnisme, enrichissement et sclérose de la doctrine.

6.2. Les questions théoriques « plus ou moins abandonnés ».

6.2.1. La périodisation de la société humaine.

6.2.2. La question philosophique.

6.2.3. La question de l'individu.

6.2.4. Science, art et religion.

6.2.5. La question militaire.

 

7.  La société communiste.

 

8.  La révolution communiste.

8.1. Nécessité de la prévision.

8.2. Le cycle de la révolution communiste : révolution en domination réelle du capital.

8.3. La révolution future : schéma stratégique mondial.

8.4. Rapports entre les classes dans la prochaine révolution.

8.5. La réunification de la classe, et la formation du parti-Gemeinwesen (communauté).

 

9.  Bibliographie.

 

 

 

 

 

Jacques CAMATTE – 1969



1              Schéma élaboré par Bordiga. Cf. son texte Le renversement de la praxis dans la théorie marxiste, 1951 [Note de 1977].

 

 

2          Il s'agit du « schéma du centralisme marxiste » exposé et figuré par Bordiga dans Leçons des contre-révolutions – Révolutions doubles – Nature capitaliste révolutionnaire de l'économie russe, 1951 [Note de 1977].

 

 

3          On la trouve dans la partie conclusive de 7 novembre 1917-1957 : quarante ans d'une estimation organique des événements de Russie dans le dramatique développement social et historique international, qui fut incorporé dans le n°2 La question Russe et la théorie du prolétariatInvariance. dans la série 1, n°6 d'

 

            Elle contenait, en particulier, cette affirmation :

 

            « Dans cette troisième vague historique de la révolution, l'Europe continentale deviendra communiste – politiquement et socialement – ou bien le dernier marxiste aura disparu ».

 

            Il y a encore beaucoup de ge,s qui se disent marxistes mais quels rapports entretiennent-ils avec la « réalité sociale » ? [Note de 1977]

 

 

4          « Il est absolument évident que nous ne sommes pas à la veille de la 3° guerre mondiale, ni à celle de la grande crise d'entre les deux guerres qui ne pourra se développer que dans quelques années, quand le mot d'ordre de l'émulation et de la paix aura dévoilé son contenu économique : marché mondial unique. La crise n'épargnera, alors, aucun Etat.

            Une seule victoire est aujourd'hui concevable pour la classe travailleuse : celle doctrinale de l'économie marxiste sur l'économie mercantiliste commune aux étasuniens et aux russes.

            Dans une seconde période, la tâche consistera pour le parti communiste mondial en la victoire d'organisation, en opposition aux schémas démopopulaires et démoclassistes.

            C'est seulement dans une troisième phase historique (l'unité de temps ne pouvant pas être inférieure à un quinquennat) que la question du pouvoir de classe pourra être remise sur le tapis. Dans ces trois étapes, le thermomètre sera la rupture d'équilibre d'abord et surtout – que les imbéciles veuillent bien nous en excuser – au sein des USA et non au sein de l'URSS » Bordiga, Le cours du capitalisme mondial dans l'expérience historique et dans la doctrine de Marx.

 

 

5          « Nous avons dit plusieurs fois que le Manifeste est une apologie de la bourgeoisie. Et nous avons ajouté qu'aujourd'hui, après la seconde guerre mondiale et la réabsorption de la révolution russe, il fallait en écrire un autre, mais non en fonction des philosophes des valeurs qui projettent dans l'idéologie bourgeoise l'implacable économisme et l'esprit boutiquier propres à la classe et à l'époque. Nous avons besoin d'effectuer l'apologie de l'accusé pour conclure qu'il est temps de le condamner à la peine maximum » Bordiga, Le marxisme des bègues.

 

 

6          Cf. Bordiga, « Agression à l'Europe », Prometeo, n°13, août 1949 ; et « Prophètes de l'économie démentielle », Battaglia Comunista, n°21, 1950.

 

 

7          Nous n'analysons pas ici toutes les données de la crise en cours ; nous voulons simplement indiquer les lignes générales. Son étude systématique sera abordée ultérieurement.

 

 

8          Il s'agit de la citation reportée dans la note 4 [Note de 1977].

 

 

9          Cette absorption de la Chine à l'aide du dollar fut prévue dès les premières années d'existence de la république populaire chinoise. Cf. Bordiga « L'épée et Vendredi, l'atome et Mao » et « Préparez le Kangourou », Battaglia Comunista, n°24, 1950, et n°10, 1951.

 

 

1                      Les « critiques » sont tous les courants se rattachant plus ou moins à Socialisme ou Barbarie, de l'Internationale Situationniste à la J.A.C.

 

 

11                    Le capital ne connaît que le temps-quantité, puisqu'il est valeur (temps de travail mort, accumulé) en procès.

 

 

12        Je pensais à l'époque que l'activité théorique consiste à prévoir la conscience immédiate de demain parce que c'est le seul moyen de ne pas être dépassé et, par là, il est possible d'accélérer quelque chose ; sinon on est rejeté et, surtout, on devient un frein [Note de 1977].

 

 

13        Cf. la note concernant Conclusion transitoire... [Note de 1977].