CAPITAL ET GEMEINWESEN

 


 

POSTFACE



 

 

Cette étude succinte dont le point de départ fut la tentative de situer le VΙème Chapitre inédit dans l'œuvre de K. Marx, se relie en fait à tout le travail de notre parti dans son essai de clarification et de systématisation de notre corps de doctrine en le confrontant avec le mouvement économico-social. Le marxisme a non seulement à lutter contre des adversaires directs et insidieux, mais surtout, contre ceux qui se sont mis, à un moment donné, au ur du mouvement ouvrier. Révisionnistes, bien avant ceux qui se manifestèrent théoriquement en essayant de saper les fondements de 1a doctrine, furent ceux qui, du vivant de K. Marx et de F. Engels, mirent sous le boisseau οu falsifièrent d'importants fragments de leur œuvre. La Critique du Programme de Gotha ου 1a Préface de 1895 aux Luttes de Classes en France en sont les exemples les plus connus. Mais il y le IVe Livre, qui fut expurgé par K. Kautsky, il y a les Grundrisse et le Vie Chapitre qui durent attendre 1a révolution de 1917 pour être portés à la connaissance du prolétariat.

 

Ι1 est évident, comme on l'a indiqué dans la Conclusion de ce présent travail, qu'avec le Livre Premier du Capital seulement, le prolétariat était assez armé pour accomplir sa révolution. Malheureusement 1871, puis la période 1917-1926 ont montré la difficul de la lutte et, chaque fois, la contre-révolution a porté au sein de la classe ouvrière le doute sur la doctrine. La reprise ne put se faire que précédée d'un intense travail de récupération doctrinale.

 

Dans notre société où la contre-révolution triomphe comme elle ne le fit jamais auparavant[1], nous avons besoin de toutes nos armes pour résister à l'assaut du visionnisme, du doute, du défaitisme. Tous les phénomènes soi-disant nouveaux sur lesquels prolifèrent ces trois virus, ont déjà été décrits par  K. Marx. Ainsi de l'importance croissante de la période de circulation dans 1a vie du capital, la dévalorisation. S'attaquer à tout cela pourrait paraître une entreprise sans espoir, vues nos faibles forces, or elle est déjà réalisée. Seulement il faut aller 1a découvrir dans les œuvres inédites.

 

L'histoire donne au mouvement volutionnaire une phase de répit il peut lui-même se critiquer et en finir avec les sequelles du passé. Si nous savons l'utiliser pour porter à terme de façon collective l'œuvre commencée par K. Marx et F. Engels, nous aurons remporune victoire colossale, garantie de certitude pour le combat de classe à venir.

 

Dans sa lutte remarquable contre le révisionnisme, Rosa Luxembourg a tenté de clarifier les rapports entre théorie marxiste et les besoins du prolétariat pour conduire son combat de classe.

 

 «Mais la création de K. Marx, œuvre gigantesque par elle-même déborde les exigences immédiates de 1a lutte de classe prolétarienne en vue de laquelle elle fut créée. Aussi bien dans l'analyse précise et concluante de l'économie capitaliste que dans la méthode d'investigation sciéntifique et de son immense domaine d'application, K. Marx a fourni un travail bien supérieur aux besoins immédiats de la pratique de la lutte des classes. »

 «Mais dans la mesure où notre mouvement atteint un stade plus élevé et pose de nouveaux problèmes, nous avons recours à la pensée de K. Marx pour étudier et utiliser de nouvelles parties de son œuvre. Mais notre mouvement conserve et conservera longtemps encore, comme toute lutte pratique, les directives qui lui ont servi dans le passé mais ne sont plus valables; et c'est pourquoi les progrès théoriques dans le sens où K. Marx nous a stimulés n'avancent que très lentement. »

 

 « La stagnation du développement de la théorie que nous constatons actuellement dans le mouvement n'est pas due au fait que la théorie marxiste dont nous nous nourrissons soit incapable de se développer οu se serait "survécue ", mais provient au contraire de ce que nous avons déjà utilisé, au cours des luttes passées, les armes idéologiques les plus importantes de la réserve marxiste, sans toutefois l'épuiser. Ce n'est pas que la lutte pratique nous ait fait "passer " K. Marx, mais, au contraire, que K. Marx nous a devancé dans la conception d'un parti luttant pratiquement. Ce n'est pas que K. Marx ne suffit pas à nos besoinns, mais que les nécessités ne nous contraignent pas encore à utiliser totalement la pensée marxiste. »

 

«Ainsi les conditions de vie sociale du prolétariat dont la découverte théorique revient à K. Marx, se vengent dans la société actuelle sur le sort de la théorie marxiste elle-même. Instrument incomparable de la culture de l'esprit, elle reste en friche parce qu'elle est inutilisable pour la culture de la bourgeoisie et qu'en même temps elle dépasse de beaucoup les nécessités d'armement actuelles du prolétariat. En même temps que la classe ouvrière se libèrera de ses conditions de vie actuelles, en même temps que seront remaniés les moyens de production, se réalisera la socialisation de la méthode d'investigation marxiste développée de manière à pouvoir être ίntégralment utilisée pour le bien de l'humanité. » (Stagnation et progrès dans le marxisme.)

 

À l'heure actuelle, « les nécessités » nous contraignent à utiliser la totalide la doctrine marxiste. C'est parce que le contraire se réalise, οu parce qu'on n'arrive pas à réaliser cela, qu'il y a apparence de stagnation du marxisme, de sa fixation stéréotypée en une explication d'un phénomène qui, entre temps, a évolué, mais dont l'évolution est décrite danl'œuvre de K. Marx.

 

On a des phénomènes complexes résultant de Ι'autonomisation du capital. On veut les expliquer à l'aide de l'analyse du Livre Premier du Capital, tout au plus fait-on appel à la loi de 1a baisse tendancielle du taux de profit. Or le Livre Premier explique un procès détaché des phénomènes apparents et il s'agit de comprendre ces derniers en relation avec le mouvement réel. La baisse tendancielle du taux de profit n'est elle-même que l'expression de la contradiction valorisation-dévalorisation, socialisation-privatisation analysée en détail dans les Grundrisse. On voit de plus en plus se produire une inadéquation entre la réalité à étudier et le moyen d'étude, non par infirmi du marxisme, mai parce qu'on laisse celui-ci en jachère. Un autre exemple nous est fourni par l'automation expliquée dans le même ouvrage. En un certain sens, on a momifié le marxisme dans son explication du capitalisme liral, et, on a ajouté, V. nine a complété avec l'Impérialisme. On a figé le marxisme, ce qui ne veut pas dire qu'il faille l'enrichir. Il est fiparce que les rapports sociaux eux-mêmes ont pu être «stabilisés », la communaumatérielle du capital enserre tout et limite au maximum le mouvement de sa désagrégation. En conquence le marxisme, théorie du mouvement social, est transformé en une métaphyque du capital, une théorie du capital, mais non, en même temps, prévision et description de la société future. Pour pouvoir effectuer cela, il faudrait, soi-disant, auparavant, construire le communisme. C'est pourquoi on n'utilise néralement de cette doctrine que la partie qui expose 1a naissance du capital et son développement, et cela sous la forme didactique qui immobilise, en laquelle K. Marx a été oblide le présenter pour se faire comprendre. On n'utilise pas celle où il montre l'être en son devenir (la valeur en procès); l'être impersonnel qui devient homme lui-même: communau matérielle. K. Marx a plusieurs fois décrit le communisme comme le point d'aboutissement de l'évolution du mouvement réel capitaliste, ainsi que 1a période transitoire où 1a forme communiste est tellement puissante que le capital arrive à peine à l'enserrer, à la contenir. Cette période transitoire est celle dont parlait V. Lénine, et c'est celle que nous vivons.

 

Enfin, le Fil historique - le fil du temps - qui se trouve dans toutes les œuvres de K. Marx a été masqué, voilé, puis perdu. C'est le fil qui relie les deux grandes périodes de l'histoire humaine, le communisme primitif au communisme scientifique. La communauhumaine à été détruite, la mission du prolétariat est de donner forme humaine à la société. Le substrat de cette transformation réside dans le mouvement réel: tout le mouvement économico-socίal tend vers le communisme. L'aspiration du prolétariat c'est 1a pensée qui va vers la réaliparce que celle-ci vient au devant de l'idée. La société ne peut être émancipée que par la Révolution Prolétarienne. La question de la communau est donc la question CENTRALE du mouvement prolétarien. De façon synthétique, elle se présente comme suit:

 (a) Communau humaine primitive.

 (b) Destruction de celle-ci avec développement de deux mouvements; celui de la valeur et celui de l'expropriation des hommes.

 (c) Formation de 1a communau matérielle lors de la fusion des deux mouvements précédemment parés: le capital - valeur en procès.

 (d) Le communisme scientifique, 1a communau humaine retrouvée, intégrant tous les acquis des périodes anrieures. Comment passer de (c) à (d) si le prolétariat ne se constitue pas en parti, communau embrayée sur le mouvement réel, le communisme prisonnier du capitalisme?

 

En se réclamant du marxisme, le mouvement prolétarien peut sembler revendiquer un armement dérisoire, ridicule, uniquement parce qu'il n'utilise pas la totalide son champ théorique, ce qui est une autre forme de démission de sa tâche historique. Le renforcement énorme de son ennemi impose au prolétariat de FAIRE RESSURGIR LE MARXISME ΕΝ SA TOTALITE. Autrement dit, on ne restaure pas ce dernier en se contentant de rectifier les erreurs des staliniens, des khrouchtcheviens οu des trotskystes; mais en retournant à l'ŒUVRE INTÉGRALE et en 1a confrontant avec la réalité. Cela permet d'expliquer et de réfuter le squelette de marxisme qu'est toute théorie officielle diffusée sous ce nom.

 

 



[1] Le lecteur doit tenir compte que ceci a été rédigé fin 1966. La fin de la période contre-révolutionnaire date de 1968 comme nous l'avons affirmé dans Mai-juin 68: théorie et action. Invariance série Ι n°3 - traduction italienne dans Invarίanza, Florence 1969 - (note de 1972).