2. – LA RÉVOLUTION RUSSE ET LA THÉORIE DU PROLÉTARIAT

 

 

2.1. - 7 Novembre 1917-1957 : Quarante ans d'une estimation organique des événements de Russie dans le dramatique développement social et historique international,

 

2.1.1. - La Russie contre l'Europe au ΧΙX° siècle.

2.1.1.1.- Dans 1a première lutte qu'ils livrèrent à propos du "rôle " de 1a Russie dans 1a politique européenne, les socialistes marxistes visaient à réfuter l'opinion fausse selon laquelle les conclusions du marxisme historique étaient inapplicables à ce pays. Les déductions sociales que Marx avait tirées de l'étude du premier capitalisme, en Arngleterre, avaient été généralisées par lui à 1a France, à l’Allemagne et à. l'Amérique en raison de leur portée universelle. L'internationalisme marxiste ne pouvait douter que 1a même clef permit d'ouvrir 1a porte qui avait semblé se refermer pour toujours au nez de 1a société capitaliste avec 1a défaite des baïonnettes napoléoniennes, retardant d'un siècle tout le développement historique.

 

2.1.1.2. - Pour 1a Russie, notre école attendait et préconisait donc, comme pour tous les pays européens, une volution bourgeoise du type des grandes révolutions anglaise et française. En 1848, celle-ci vint ébranler toute l’Europe. Pour Marx, la Russie des tsars assumait 1a fonction de citadelle de 1a réaction européenne anti-libérale et anti-capitaliste. C'est pourquoi 1a destruction du mode de production féodal y fut prévue, attendue, revendiquée, Jusqu'en 1871, l'appréciation marxiste de toutes les guerres nationales qui se succéderont en Europe sera fonction de leur capacité à entraîner un désastre pour Pétersbourg. Cela fit accuser Marx de pangermanisme antirusse, mais s'il souhaitait 1a défaite du tsarisme, c'est parce que son maintien constituait un obstacle non seulement à 1a révolution bourgeoise, comme nous avons νu, mais à une ulrieure révolution ouvrière en Europe. En conséquence, la première Internationale ouvrière accorda son plein appui aux mouvements des nationalités opprimées par le tsar, comme enmoigne l'exemple classique de la Pologne.

 

2.1.1.3. - La doctrine historique de l'école marxiste considère comme close en 1871, en Europe, 1a période de l'appui socialiste aux guerres de systématisation nationale en États modernes, aux luttes internes de 1a révolution libérale et aux renaissances nationales. À cette date, l'obstacle russe se dresse toujours à l'horizon. À moins d'être abattu, il barrera 1a route â toutes les insurrections ouvrières dressée contre "1a confédération des armées européennes", envoyant les cosaques défendre non plus de Saints Empires, mais les démocraties parlementaires auxquelles le développement occidental aura abouti.

 

2.1.1.4. - Très vite, le marxisme s'occupe des questions sociales de Russie. Ι1 étudie sa structure économique et le développement des antagonismes de classe. Cela ne l'empêche nullement de rechercher le cycle des révolutions sociales en tenant compte des rapports de force internationaux; car 1a gigantesque construction de Marx a mis en évidence que les conditions de 1a révolution résident dans une maturité, de 1a structure sociale (dont les étapes du cycle volutionnaire dépendent ) qui se manifeste justement à l'échelle internationale. Tout de suite, donc, une question se pose: n'est-il pas possible d'abréger le développement historique qui, en Russie, n'en est pas encore arrivé au stade atteint dès le début du ΧΙΧ° siècle οu dès 1848 dans le reste de l'Europe? Nous avons deux réponses de Marx à ce problème: la première en 1877, dans une lettre à un périodique; 1a seconde en 1882, dans la préface à 1a traduction russe du Manifeste Communiste due à Vera Zassoulitch.

 

La Russie pourra-t-elle sauter par dessus le mode de production capitaliste? La première réponse est en partie positive: "Oui, si la révolution russe donne le signal à une révolution ouvrière en Occident, de façon que l’une complète l'autre." Mais 1a seconde réponse déclare que cette occasion était déjà perdue. Elle se réfère à 1a réforme agraire bourgeoise de 1861 - abolition de 1a servitude de 1a glèbe - qui provoqua 1a dissolution finale du communisme primitif de village. Bakounine - férocement stigmatipar Marx et Fngels - en avait fait l'apologie :

" Si 1a Russie suit la voie qu'elle a prise après 1861 elle perdra la plus belle occasion de sauter par-dessus toutes les alternatives fatales du régime capitaliste que l'histoire ait jamais offerte à un peuple. Comme tous les autres pays, elle devra subir les lois inexrables de ce système."

Voilà tout, concluait brutalement Marx. C'était tout: 1a révolution prolétarienne ayant manqué et ayant été trahie en Europe, la Russie d'aujourd'hui est tombée dans la barbarie capitaliste. Des écrits d'Engels sur le mir communiste russe montrent que dès 1875 et à plus forte raison en 1894 le mode capitaliste de production a gagné 1a partie : désormais,il domine non seulement sμr les villes, mais dans certaines régions de 1a campagne russe, et ceci sous le pouvoir tsariste.

 

2.1.1.5. - En Russie, l'industrie capitaliste a surgi grâce à des investissements directs de 1'État plutôt que d'une accumulation primitive. Avec elle, c'est le prolétariat urbain et le parti ouvrier marxiste qui apparaissent. Tout comme les premiers marxistes dans l'Allemagne d'avant 1848, ce parti est placé devant le problème d'une double révolution. Sa ligne théorique (représentée tout d'abbrd par Plékhanov, puis par Lénine et les Bolchéviks) est en pleine harmonie avec celle du marxisme européen et international, surtout dans 1a question agraire, qui est en Russie de première importance. À cette double révolution, quelle sera 1a contribution des classes rurales des serfs et des paysans mirables bien que juridiquement émancipés, dont les conditions de vie ont empiré par rapport à celles qu'ils connaissaient sous le féodalisme pur? Partout, serfs et petits paysans ont historiquement soutenu les révolutions bourgeoises, et ils se sont toujours insurgés contre les privilèges de 1a noblesse terrienne. En Russie, le mode féodal présente cétte originalide n'être pas centrifuge comme cela avait été le cas en rορe et surtout en Allemagne: pouvoir d'État et armée nationale y sont en effet centralisés depuis des siècles. Historiquement, et jusqu'au XIX° siècle, cette condition est progressive, non seulement sous l'aspect politique et historique (c'est-à-dire en ce qui concerne les origines de l’armée) de 1a monarchie et de l’État, importés du dehors ), mais aussi sous l'aspect social. L'État, 1a Couronne (et certaines communautés religieuses non moins centralisées) possèdent plus de terre et de serfs que 1a noblesse terrienne: de là la définition de féodalisme d'État appliquée à 1a Russie. Un tel féodalisme s'était montré capable de résister au choc des armées démocratiques françaises, pendant de longues années. Marx alla jusqu'à en appeler à des armées européennes, turques et allemandés pour le détruire.

 

En substance :1a voie du féodalisme d'État au capitalisme d'État a été moins longue en Russie qu'en Europe celle du féodalisme moléculaire aux États bourgeois centralisés, et du premier capitalisme autonomiste au capitalisme concentré et impérialiste.

 

2.1.2. - Les perspectives de disparition du dernier féodalisme.

 

2.1.2.1. - Ces formes sociales séculaires expliquent qu'une classe bourgeoise d'une puissance comparable è, celle d'Europe ne se soit jamais formée en Russie. En conséquence, 1a greffe de 1a révolution prolétarienne sur 1a révolution bourgeoise que les marxistes attendaient y apparaissait encore plus difficile que dans l’Allemagne de 1848.

À la différence de ce qui s'était passé en Angleterre, 1a tradition volutionnaire allemande s'était tout entière épuisée dans 1a réforme religieuse. constatant sa carence au ΧΙΧ° siècle, Engels tournait son attention vers les paysans dont il retraça la guerre historique de 1525, et 1a terrible défaite, due à 1a lâcheté de 1a bourgeoisie urbaine, du clergé réformé et aussi de 1a petite noblesse.

En Russie (une petite noblesse et un clergé rebelles faisaient égalemcnt faut), 1a classe paysanne pouvait-elle jouer le rôle de substitut de 1a classe bourgeoise politiquement absente ? Tel fut le premier point sur lequel les marxistes entrèrent théoriquement et pratiquement en lutte contre tous les autres partis. Selon 1a formule de nos adversaires, 1a révolution russe ne devait être ni bourgeoise, ni prolétarienne, mais paysanne. Nous avons défini 1a révolution paysanne seulement comme une figure complémentaire (controfigura) de 1a révolution bourgeoise citadine. Le marxisme - durant 100 ans de polémiques et de guerres de classe - a refusé 1a perspective monstrueuse d'un "socialisme paysan" qui serait engendpar un mouvement des petits cultivateurs - en vue d'un partage utopiquement égalitaire des terres - parvenant pour ce faire à contrôler l’État. Ils réalisèrent cela - selon cette doctrine -mieux que 1a bourgeoisie impuissante et que lenouveau prolétariat dont on ne soupçonnait pas la terrible énergie découlant de son existence en tant que section du prolétariat européen. La bourgeoisie nait nationale et ne se transmet pas dnergie par-dessus les frontières. Le prolétariat nait international et comme classe, il est présent dans toutes les révolutions "étranres". La paysannerie n'arrive me pas au niveau national.

C'est sur ces bases que Lénine édifia la doctrine marxiste de la révolution russe dont, écartant la bourgeoisie indine et la paysannerie, il désignait 1e prolétariat comme protagoniste.

Le développement de tout ce qui précède a été fait - de façon documentée - dans notre travail: Russie et révolution dans 1a théorie marxiste. (Cf. il Programma Comunista du n° 21 de 1954 au n° 8 de 1955).

 

2.1.2.2. - Les grandes questions de 1a révolution russe étaient au nombre de deux : la question agraire et la question politique.

 

Dans la première, les populistes et les socialistes révolutionnaires étaient partisans du partage des terres; les mencheviks de leur municipalisation, les bolcheviks de leur nationalisation. Autant de postulats - selon Lénine lui-même - d'une révolution non pas socialiste mais bourgeoise-démocratique. La troisième position était pourtant la plus avancée, parce qu'elle créait les conditions les meilleures pour un communisme prolétarien. Nous nous limitons à, citer - à nouveau - Deux tactiques " L'idée de 1a nationalisation de 1a terre est donc une catégorie de 1a société mercantile et capitaliste." Dans la Russie actuelle, seule la partie de l'agriculture organisée en sovkhoses est nationalisée, et c'est la plus petite. le reste n'est même pas arrivé à ce niveau.

 

En ce qui concerne le pouvoir, les Menchéviks sont partisans de laisser 1a bourgeoisie s'en saisir et de passer alors à l'opposition: en 1917 ils collaboreront au gouvernement avec les bourgeois. Les populistes sont pour

un illusoire gouvernement paysan; avec Kérensky, ils feront la même fin que les précédents. Les bolcheviks sont pour la prise du pouvoir et une dictature démocratique du prolétariat et des paysans. Les paroles suivantes de Lênine expliquent l'adjectif "démocratique" et le substantif "paysan".

 

" Cette victoire ne fera nullement de notre révolution bourgeoise une révolution socialiste

 

" Non seulement les transformations qui sont devenues une nécessité en Russie n'impliquent pas l'écroulement du capitalisme, mais elles barassent effectivement le terrain pour son développement large et rapide,à l'européenne et non plus à l'asiatique.

 

" Cette victoire nous aidera à soulever l'Europe, et après avoir rejeté le joug de 1a bourgeoisie, le prolétariat socialiste d'Europe nous aidera à faire 1a révolution socialiste."

Que faire, alors, des alliés paysans ? La réponse de Lénine est claire. Marx avait déjà dit que les paysas sont les "alliés naturels de 1a bourgeoisie". nine écrit :

 

"Dans 1a véritable lutte, dans 1a lutte décisive pour le socialisme, les paysans, comme classe de propriétaires terriens, auront 1a même,fonction de trahison et montreront 1a même inconstance qu'aujourd'hui 1a bourgeoisie pour 1a démocratie."

À 1a fin du travail ci(n°8, 1955) nous avons montré comment nine soutenait sa formule : Prise du pouvoir et dictature dans 1a révolution bourgeoise contre 1a bourgeoisie elle-même avec l'appui des seuls paysans. Ιl 1a soutenait de ce double point de vue: pour arriver à 1a révolution prolétarienne en Europe, condition sans laquelle le socialisme ne pourrait vaincre en Russie; pour éviter la restauration du tsarisme qui aurait repris son rôle de garde blanche de 1'Europe.

 

2.1.3. - L'inoubliable épopée russe de 1a révolution prolétarienne mondiale.

 

2.1.3.1. - Marx avait prévu la guerre entre l'Allemagne et une alliance franco-slave. En 1914 elle éclate. Comme il l'avait prophétisé, la révolution russe naît des revers militaires du tsar.

 

La Russie était alors alliée aux puissances démocratiques : France, Angleterre et Italie. Aux yeux des capitalistes, des démocrates et des sociaux-traîtres qui avaient adhéré à 1a cause de la guerre anti-allemande, le tsarétait devenu un ennemi à abattre, parce qu'ils le jugeaient incapable de conduire 1a guerre οu le soupçonnaient de se préparer en secret à une alliance avec les Allemands. Aussi 1a première révolution, en février 1917, fut-elle accueillie par les applaudissements unanimes des patriotes, démocrates ou socialistes, qui l'attribuaient non tant à 1a lassitude des masses et en particulier des soldats, qu'aux habiles manoeuvres des ambassades alliées. Bien que n'ayant pas, en majorité, adhéré à la guerre, les socialistes de droite s'orientèrent tout de suite vers un gouvernement provisoire qui devait continuer celle-ci en accord avec les puissances étrangères. C'est sur cette base qu'ils conclurent le compromis avec les partis bourgeois. Avec hésitation tout d'abord, mais de toutes ses forces après le retour de Lénine et des autres chefs de 1917 en Russie, et le ralliement de Trotsky, le parti bolchevik se prépara à renverser ce gouvernement soutenu par les menchéviks et les populistes.

 

Dans notre exposé sur la Structure économique et sociale de 1a Russie d'aujourd'hui - parti cuiièrement dans 1a première partie - nous avons exposé à l'aide de documents le déroulement historique qui conduit à Octobre - dont on célèbre aujourd'hui le quarantième anniversaire - à la seconde révolution. Nous avons confronté la lutte pour.le pouvoir en 1917 aux questions doctrinales qui avaient surgi auparavant dans la vie du parti.

 

2.1.3.2. - La conquête du pouvoir par le Parti communiste résulta de 1a défaite de tous les autres partis, tant "ouvriers et paysans  que bourgeois ( qui s'obstinaient à continuer 1a guerre aux côtés des Alliés) dans la guerre civile. Cette conquête fut complétée par la victoire sur ces partis dans le soviet panrusse, qui parachevait celle dans, la rue obtenue sur eux et leurs alliés d'en dehors du soviet - par la dispersion de l'Assemblée Constituante convoquée par le gouvernement provisoire - par la rupture des bolcheviks avec l'ultime allié, le parti des socialistes-révolutionnaires de gauche, partisans de 1a guerre sainte contre les Allemands et qui avaient une forte influence dans les campagnes.

Ce bond gigantesque n'alla pas sans des luttes graves à l'intérieur du parti lui-même. Historiquement, il ne se termina qu'après quatre ans environ d'une terrible guerre intérieure, avec la défaite des armées contre-révolutionnaires qui comprenaient à 1a fois les forces de 1a noblesse féodale et monarchique; celles qu'avant et après 1a paix de Brest-Litovsk de 1918 l'Allemagne avait suscitées contre 1a révolution; enfin, celles que les puissances démocratiques avaient mobilisées à grands renforts, parmi lesquelles larmée polonaise.

Pendant ce temps, il n'y eut en Europe qu'une rie de tentatives malheureuses de prise du pouvoir par la classe ouvrière ardemment solidaire de 1a révolution russe. En substance, la défaite des communistes allemands en janvier 1919, après 1a débâcle militaire du pays et la chute du Kaiser fut décisive. Ce fut, là, la première rupture grave dans le déroulement historique prévu par Lénine, qui jusque-là s'était magnifiquement rifié, surtout dans l’acceptation de 1a paix de mars 1918 par 1es bolcheviks, solution décisive que 1a démocratie mondiale qualifia stupidement de trahison.

 

L'histoire des années suivantes confirma qu'il ne fallait pas compter sur l'aide d'un prolétariat européen victorieux â l'économie russe tombée dans une désorganisation effrayante. Les bolchevilks n'en continuèrent pas moins à défendre 1e pouvoir en Russie, et 1e sauvèrent ; mais il n'était désormais plus possible de régler 1a question économique et sociale de 1a Russie selon la prévision de tous les marxistes, c'est-à-dire en soumettant les forces productives surabondantes de l'Europe (elles le restaient me après la guerre) à 1a dictaturc du parti communiste international.

 

2.1.3.3.- Lénine avait toujours exclu - et il l'exclut jusqu'à sa mort, ainsi que les marxistes-bolcheviks authentiques - que 1a société russe puisse prendre des caractères socialistes si 1a révolution russe ne se répercutait pas en Europe, et si donc l'économie y restait capitaliste. Cela ne l'empêcha pas de toujours soutenir qu'en Russie le parti prolétarien soutenu par les paysans devait prendre le pouvoir, et le garder, sous une forme dictatoriale.

Deux questions historiques se posent. Peut-on définir comme socialiste une révolution qui, comme Lénine l'avait prévu, créa un pouvoir obli d’administrer, en attendant de nouvelles victoires internationales, des formes sociales d'économie privée, dès lors que ces victoires ne se sont pas produites. La seconde question concerne 1a durée concevable pour une telle situation et s'il n'y avait pas une autre issue que la contre-révolution politique franche, le retour au pouvoir d'une bourgeoisie nationale à visage découvert.

Pour nous, la révolution d'Octobre fut socialiste. Quant à l'issue opposée à 1a contre-révolution armée (qui ne se produisit pas) elle n'était pas unique, mais double : οu l'appareil du pouvoir (État et parti )générait en s'adaptant politiquement à l'administration de formes capitalistes, c'est-à-dire en renonçant ouvertement à attendre 1a révolution mondiale (c'est ce qui s'est passé) ; οu bien le parti marxiste se maintenait au pouvoir pendant longtemps, et s'engageait à soutenir la lutte prolétarienne révolutionnaire dans tous les pays étrangers, tout en reconnaissant, avec 1e même courage que Lénine, que les formes sociales.restaient,à l'intérieur, largement capitalistes, et même pré-capitalistes.

Nous examinerons tout d'abord la première question, la seconde étant liée à 1'examen de 1a structure sociale de 1a Russie actuelle, faussement présentée comme socialiste.

 

2.1.3.4. - Tout d'abord, on ne doit pas considérer 1a Révolution d'Octobre sous l'angle de 1a transformation, ni immédiate, ni me très rapide, des formes de production et de 1a structure économique, mais comme une phase de 1a lutte politique internationale du prolétariat. Elle présente en effet une série de caractères qui sortent totalement des limites d'une révolution nationale et purement anti-féodale, et qui né se réduisent pas au fait qu'elle fut dirigée par 1e parti prolétarien.

a) Lénine avait établi que 1a guerre européenne et mondiale avait un caractère impérialiste "même pour 1a Russie" et que le parti prolétarien devait en conquence pratiquer ouvortement le défaitisme, tout comme dans 1a guerre russo-japonaise qui avait provoqué les luttes de 1905- Ce défaitisme avait donc les mêmes raisons que dans les autres pays, οù les partis socialistes avaient également le devoir de 1e pratiquer; il ne dépendait pas du fait que 1'État russe n'était pas démocratique. Le développement du capitalisme et de l'industrie en Russie ne suffisait pas à fournir une base au socialisme, mais il suffisait à donner un caractère impérialiste à 1a guerre. Les traitres qui avaient épousé 1a cause des brigands impérialistes sous le prétexte de défendre 1a démocratie "en général" (ici contre 1e danger allemand, 1à contre le danger russe) condamnèrent les bolcheviks, pour avoir mis fin à 1a guerre et liquidé les alliances militaires, et ils cherchèrent à poignarder 1a Révolution d'Octobre. C'est contre eux, contre 1a guerre, contre l'impérialisme mondial qu'Octobre vainqui: ce fut 1à une victoire purement prolétarienne et communiste.

b) En triomphant clos attentats de ces traitres, Octobre revendiqua les principes oubliés de 1a révolution, et il restaura la doctrine marxiste dont ils avaient comploté 1a ruine. La voie de la victoire sur 1a bourgeoisie, il la définit pour toutes les nations: emploi de la violence et de la terreur révolutionnaire - rejet des "garanties démocratiques" - application illimitée de la dictature de la classe ouvrière excercée par le parti communiste, concept essentiel du marxisme. Ainsi, il abandonnait pour toujours à leur imbécilité ceux qui, dans la dictature, voyaient 1e pouvoir d'un homme, et presqu'autant ceux qui, redoutant la tyrannie au même titre que les démocrates bourgeois, n'admettaient que la dictature d'une classe amorphe, non constituée en parti politique comme le posent au contraire les textes séculaires du marxisme.

c) Depuis, la classe ouvrière s'est souvent présentée sur la scène politique (οu pis, parlementaire) fictivement divisée en plusieurs partis: jamais la leçon d'Octobre, montrant que la voie révolutionnaire ne passe pas par 1'excercice du pouvoir en commun avec ces serviteurs du capitalisme, mais par leur liquidation violente, les uns après les autres, jusqu'au pouvoir total de l'unique parti prolétarien, n'a été démentie.

L'importance de ces trois points réside dans le fait que c'est peut-être justement en Russie, en raison de la survivance d'un despotisme médiéval, qu'une exception par rapport aux pays bourgeois avancés aurait pu s'expliquer. Or c'est au contraire la voie unique et mondiale tracée par la doctrine universelle du marxisme (dont ne s'écartèrent, à aucun moment, ni dans la pensée ni dans l'action, Lénine non plus que son admirable parti bolchevik) que la révolution russe emprunta, que les révolutionnaires russes martelèrent, à la terreur ou à l'enthousiasme du monde.

C'est ignoble que ces noms soient aujourd'hui exploités par ceux qui - honteux de ces gloires qu'ils feignent théatralement de vouloir lébrer - demandent des excuses pour ces voies que la russie a dû prendre, en raison de circonstances et de conditions locales. Des gens qui - comme si telle était leur mission, comme s'ils en avaient seulement 1e pouvoir! - promettent.de faire parvenir les autres pays au socialisme par d'auτres voies, différentes selon les nations, que leur trahison et leur infâmie pavent de tous les-matériaux fangeux que l'opportunisme est capable de pétrir: liberté, démocratie, pacifisme, coexistence, émulation!

Pour Inine, la révolution occidentale était 1'oxyne dont 1e socialisme avait besoin en Russie. Pour ces gens-là,qui le 7 novembre défilent devant son mausolée stupide, l’oxygène est que le capitalisme fructifie et prospère dans le reste du monde, pour pouvoir coexister et marcher avec lui.

 

 

2.1.4.- Sinistre parabolc de la révolution tronquée.

 

2.1.4.1 - La seconde question à examiner est celle de la structure économique de la Russie lors de la victoire d'Octobre. Les éléments essentiels de la réponse ont été établis par Lénine dans des textes fondamentaux auxquels nous nous sommes référés de façon très étendue - non avec des citations détachées que l'on peut ensuite insérer dans des écrits généraux et brefs - mais en dressant un tableau qui met en liaison toutes les formules avec les conditions historiques du milieu et avec les rapports de forces, dans leur développement historique.

En tant que "volution double", la révolution russe devait porter sur le théâtre des opérations trois modes historiques de production, tout comme 1' Allemagne d'avant 1848 où la vision marxiste classique reconnaissait trois forces en présence : l'empire médval aristocratico-militaire, la bourgeoisie caritaliste et 1e prolétariat, c'est-à-dire le servage, le salariat et le socialisme, En Allemagne, le développement industriel était alors limité quantitativement, sinon qualitativement. Si Marx introduisait néanmoins le troisième personnage, le prolétariat, ce fut parce que les conditions technico-économiques du troisième mode de production existaient déjà pleinement en Angleterre, tandis que les conditions politiques semblaient présentes en France à l'échelle européenne, il existait donc une perspective socialiste. L'idée d'une chuté rapide du pouvoir absolu en All-éτaagrιe au bénéfice de la bourgeoisie, et d'une attaque ultérieure du jeune prolétariat à celle-ci était liée à la possibili d'une victoire ouvrière en France où, après la chute de la monarchie bourgeoise de 1831, le prolétariat de Paris et de la province livra néreusement une bataille qu'il perdit.

Les grandes visions volutionnaires sont fécondes, même quand l'histoire en renvoie à plus tard la réalisation. Dans celle de Marx, la France aurait donné la politique, avec l'instauration de la dictature ouvrière à Paris, comme cela fut effectivement tenté en 1830 et 1848, et réalisé en 1871, où cette dictature succomba glorieusement, les armes à la main. L'Angleterre aurait donné l'économie et l'Allemagne la doctrine, à laquelle Léon Trotsky appliqua dans 1e cas de la Russie le nom classique de révolution permanente. Chez Marx,comme chez Trotsky, la permanence de la révolution se vérifie dans un cadre mondial, nοn à l'échelle mirable d'une nation. Le terrorisme idéologique des staliniens a condamné la révolution permanente: mais ce sont eux qui l'ont singée dans une parodie vide et toute imbibée de patriotisme.

En 1917, dans la vision de Lénine (et celle de nous tous, qui le suivions), la Russie révolutionnaire (industriellement en retard comme l'Allemagne de 1848) devait offrir la flamme de la révolution politique, rendant toute sa force à cette grande doctrine grandie en Europe et dans le monde. LAllemagne vaincue aurait fourni les forces productives, 1e potentiel économique. Le reste de cette Europe centrale si tourmentée aurait suivi. Puis une seconde vague aurait submerles "vainqueurs: la France, l'Italie (que dès 1919 nous espérâmes en vain entraîner dans la première vague), l'Angleterre, l'Amérique et le Japon.

Dans le noyau Russie-Europe, le développement des forces productives en direction du socialisme n'aurait pas rencont d'obstacles et n'avait besoin que de la dictature du parti communiste.

 

 

2.1.4.2. - Pour cette rapide esquisse du résultat de nos recherches, il faut considérer l'autre issue, celle d'une Russie restée seule avec la victoire politique en mains. Situation d'énorme avantage par rapport à 1848, οù toutes les nations entrées dans la lutte restèrent sous la coupe du capitalisme, et Ι'Allemagne plus en arrière encore.

Résumons brutalement la perspective intérieure de Lénine dans l'attente de la révolution occidentale. Dans l'industrie, contrôle de la production, et plus tard, gestion par 1'État ; cela signifiait bien la destruction de la bourgeoisie privée, et donc la victoire politique, mais aussi une administration économique de type mercantile et capitaliste développant seulement les bases du socialisme. Dans l'agriculture, destruction de toute forme de sujétion féodale et gestion coopérative des grandes tenures, avec le minimum possible de tolérance à 1'égard de la petite production mercantile. Celle-ci était déjà la forme dominante en 1917, et la destruction du mode féodal de production (qui, elle, fut effective non-seulement politiquement mais économiquement) n'avait pu que l'encourager : les ouvriers agricoles sans terre,seuls "paysans pauvres" véritablement chers à Léninc, avaient en effet diminué de nombre, l'expropriation des paysans riches les ayant transformés en propriétaires.

En 1926 éclata la grande discussion - que nous avons fondamentalement clarifiée - des durées de l'évolution. Staline disait : si le plein socialisme est impossible ici, alors nous devons abandonner le pouvoir. Trotsky cria sa foi dans la voluticn internationale, affirmant qu'il fallait rester au pouvoir à l'attendre même si elle devait tarder encore pendant cinquante ans. On lui pondit que nine avait parde vingt ans pour la Russie isolée. En réalité, Lénine parlait de vingt ans de "bons rapports", avec les paysans, après quoi, me si la Russie n!était toujours pas devenue socialiste économiquement, la lutte des classes entre ouvriers et paysans se serait déclenchée pour liquider la micro-production rurale et le micro-capitalisme privé agraire, qui consumaient les forces de la révolution.

Mais dans l'hypothèse de la révolution ouvrière européenne, la micropropriété terrienne - vivace et indéracinable aujourd'hui sous la forme kolkhose - aurait subi sans délais un traitement draconien.

 

2.1.4.3. - La science économique marxiste sert à prouver que le stalinisme n'en est me pas arrivé au résultat que Lénine prévoyait pour vingt ans plus tard. Pourtant ce ne sont pas vingt mais quarante ans qui se sont écoulés: les rapports avec les paysans kolkhosiens sont aussi bons que sont mauvais les rapports avec les ouvriers de l'industrie, celle-ci étant gérée par 1'État sous le régime du salaire dans des conditions d'échange de la force de travail encore pires que celles qui existent dans les capitalismes non camouflés. Le paysan, lui, est bien traité comme coopérateur de l'entreprise kolkhosienne, et mieux encore comme petit gérant de terre et de capital-réserves.

Il est inutile de rappeler 1es caractéristiques bourgeoises de l'économie soviétique, qui vont du commerce à l'héritage et à l'épargne. Elle ne s’achemine nullement vers l'abolition de l'échange monétaire, aussi les rapports entre les ouvriers et les paysans vont-i1s dans un sens opposé à l'abolition de la différence entre travail industriel et travail agricole, ainsi qu'entre travail intellectuel et travail manuel.

Quarante ans nous séparent de 1917, et environ trente de la date à laquelle Trotsky évaluait à une cinquantaine d'années (ce qui portait à 1975 environ) le temps qu'il serait possible de rester au pouvoir, mais la révolution prolétarienne n'est pas venue, en Occident. Les assassins de Trotsky et du bolchevisme ont construit largement le capitalisme dans l'industrie-, c'est-à-dire les bases du socialisme, mais seulement de façon limitée dans l'agriculture; et ils sont encore en retard de vingt ans sur les vingts ans de Lénine en ce qui concerne la liquidation de la stupide forme kolkhosienne, dégénérescence du capitalisme libéral classique lui-même dont, dans un accord souterrain avec les capitalistes d'au-delà les frontières, ils veulent aujourd'hui infecter jusqul'industrie et toutes les formes de la vie. Mais il ne faudra pas attendre jusqu'à 1975 pour voir des crises de produtition déferler sur les deux camps en émulation, crises qui balaieront les meules de paille et les poulaillers privés aussi bien que les garages individuels et toutes les misérables installations du répugnant idéal domestique kolkhosien, cette illusoire Arcadie d'un capitalisme populiste.

 

2,1.4.4. - Une étude récente d'économistes bourgeois américains sur la dynamique mondiale des échanges calcule que la course actuelle à la conquête des marchés (qui, après le second conflit mondial s'est dissimulée derrière le louche puritanisme de la secourable Amérique) atteindra un point critique en 1977. Vingt ans nous séparent encore de la nouvelle flambée de la révolution permanente conçue dans le cadre international, ce qui coïncide tant avec les conclusions du lointain débat de 1926 qu'avec le résultat de nos recherches de ces dernières années (cf. Synthèse des rapports aux unions de Bologne, Naples et Gènes, in Il programma comunista.n°15 et 16 de 1955).

Une nouvelle faite ne pourra alors être évitée que si la restauration théorique n'attend pas pour se faire qu'un troisième conflit mondial ait jà regroupé les travailleurs derrière tous les drapeaux que l'on sait ( contrairement à ce qui se passa en 1914 et qui contraignit Lénine à un effort gigantesque ). Cette restauration devra pouvoir se développer bien avant, avec l’organisation d'un parti mondial n'hésitant pas à proposer sa propre dictature. Une telle hésitation liquidatrice est le fait de ceux qui regrettent que cette dictature ait un "petit goût" personnel et qui finalement s'acoquinent avec ceux qui expliquent la question russe par des révolutions de palais opérées par des grands hommes οu des brigands, des démagogues οu des traineurs de sabre.

Au cours des vingt ans qu'il nous reste à.subir, la production industrielle et le commerce mondiaux connaîtront une crise qui aura l'ampleur. de la crise américaine de 1932, mais qui n'épargnera pas le capitalisme russe. Elle pourra constituer la base du retour de minorités appréciables et décidées.sur des positions marxistes qui ne renfermeront aucune, apologie des, pseudo-révolutions anti-russes, de type hongrois, dans lesquelles paysans ,étudiants. et. ouvriers combattent côte à côte à la manière stalinienne.

Peut-on hasarder un schéma de la future révolution internationale ? Son aire centrale sera constituée par les pays qui ont répondu aux ruines de la guerre par une puissante reprise productrice, en premier lieu l'Allemagne - y compris celle de l'Est - la Pologne et la Tchécoslovaquie. L'insurrection prolétarienne qui suivra l'expropriation extrêmement féroce de tous les possesseurs de capital popularisé, devrait avoir son épicentre entre Berlin et le Rhin et attirer a elle rapidernment le nord de l'Italie et le nord-est de la France. Une telle perspective n'est pas accessible aux minus qui ne veulent pas accorder une heure de survivance relative à aucun des capitalismes,.tous égaux à leurs yeux, à exécuter en rie, sans se préoccuper s'ils disposent de missiles atomiques au lieu de canons à culasse.

La preuve que Staline et ses successeurs ont révolutionnairement industriali la Russie, tandis qu'ils castraient contre-révolutionnairement le prolétariat mondial, c'est que la Russie sera pour la nouvelle volution une réserve de forces productives et seulement ensuite une réserve d'armées révolutionnaires.

Dans cette troisième vague historique de la Révolution, l'Europe continentale deviendra communiste politiquement et socialement, οu bien le dernier marxiste aura disparu.

Le capitalisme anglais a déjà brûlé les réserves qui lui permettaient, ainsi que le lui reprochèrent Marx et Engels, d'embourgeoiser à la façon labouriste l'ouvrier anglais. Lors du suprême conflit qui aura alors lieu ce sera le tour du capitalisme américain, dix fois plus vampire et oppresseur. À la répugnante émulation d'aujourd'hui se substituera le mors tua vita mea social.

2.1.4.5•- C'est pourquoi notre commémoration ne s'adresse pas aux quarante ans passés, mais aux vingt ans à venir et à leur dénouement[1].

 

 

2.2. - La Russie de 1957 à 1969.

 

Οn assiste à un développement de plus en plus pur du capitalisme. Les catégories fondamentales dc ce mode de production font leur apparition; ce qui est lié a 1'accroissement du capital. Lorsque celui-ci est peu important, le capital variable est prédominant; d'où l'affirmation de Staline (capitaliste classique et socialiste romantique): "L'homme, 1e capital le plus précieux". Puis, avec le développement du machinisme, du capital fixe, l'homme est relégué au second plan. A cela correspond l'importance de plus en plus déterminante du profit parce qu'il est l'indicateur essentiel du capital. À ce moment-là, on ne peut plus se préoccuper simplemont de l'accroissement matériel de la production, mais de celle de la valeur. On indique l'augmentation de la production non plus en quantités physiques, mais en roubles.

Tout cela est fort logique et n'apporte rien de nouveau pour οu contre la théorie du prolétariat. Le cas russe est résorbé dans l'étude du capitalisme on général.

 

 

2.3.- Attitude de la gauche communiste d'Italie vis-à-vis de la question russe.

 

2,3.1.- Le mouvement de la gauche communistc a toujours indiqué que la question russe n'était pas au centre de ses préoccupations. Cela implique que l’on ne pouvait pas attendre confirmation οu infirmation de la théorie prolétarienne du déroulement de la lutte dans l'aire slave.

En revanche ce qui compte fondamentalement c'est l'attitude des divers mouvements vis-à-vis d'Octobre. En conséquence nous reporterons les affirmations concernant le phénomène russe aux différentes étapes de son devenir.

 

2.3.2. - Le mouvement de la gauche n'a pas prévu la révolution russe mais nia pas été surpris par elle. Ι1 a tout de suite reconnu en elle 1'importance exceptionnelle du prolétariat et la possibilité de généralisation à l'éhelle mondiale de la révolution.

"La logique nous a forcé à être prophètes. Nos modestes pvisions faciles et conquentes (elles ne sont pas nôtres seulement mais de tous ceux qui ont la tête sur les épaules et savent peser les événements et leur attribuer leur valeur effective) se sont révélées entièrement justes, sans même une variation micrométrique. Kérensky désavo par 1e Soviet, doit abandonner le pouvoir et, sous les acclamations, il est remplacé par Lénine, le vrai représentant de la Russie nouvelle du prolétariat révolutionnaire." Tandis que Lénine triomphe. in L'Avanguardia. 02.12.1917.

"Le prolétariat russe a entre-temps compris quels périls contient la politique bourgeoise et réformiste de Kérensky et les socialistes maximalistes gagnent du terrain. Le gouvernement provisoire se trouve dans une crise continuelle entre les tentatives contre-révolutionrιaire de Kornilov et la propagande des "léninistes" pour la prise du pouvor. Finalement le gouvernement est renversé et le Soviet, dans lequel les extrêmistes sont devenus l'énorme majorité, assument le pouvoir. Tandis que nous écrivons parmi la ronde infernale de nouvelles contradictoires et tendancieuses qui nous parviennent, on comprend que les socialiste: travaillent â l'actualisation d'un programme aux lignes simples et grandioses - celui du Manifeste des communistes - c'est-à-dire l'expropriation des détenteurs privés des moyens de production, tandis qu'ils procèdent logiquement et avec conquence à la liquidation de la guerre." La Révolution russe, in L'Avanguardia, 02.12.1917.

 

2.3.3. - On peut constater le même processus de compréhension lors des événements de Brest-Litosvk.

"Tout conduit au contraire à penser que les révolutionnaires russes informés sur les multiples circonstances qui consentaient à l'impérialisme allemand de faire encore confiance,-jusquune certaine limite en la soumission du prolétariat, ont laissé parvenir les bataillons allemands jusqu'à cette limite, en acceptant les conditions de paix "sans même les discuter" pour conserver la possibilité d'attendre la "conversion" du peuple allemand qui inéluctablement effacera les traités impériaux et corrigera, s'il ne l'abolit pas complètement, les frontières imposées."

"La tactique de la "guerre sainte" aurait au contraire, creusé 1' abime entre les deux peuples et lié le peuple allemand au char de ses dirigeants, entreposant des obstacles insurmontables entre la révolution russe et son développement historique futur, condition indispensable de son existence même, et aurait troublé 1e procès social entier dlimination des instituts capitalistes en préparant la voie à un néonationalisme russe qui aurait asphyxié 1e socialisme."

"…La Russie contemporaine affirme 1e nouveau programme politique du prolétariat et de l'Internationale-, elle obtiendra la solidarides peuples ou elle tombera pour avoir manqué à sa mission."

"Sauver la révolution! Tel est le but des prolétaires russes. Mais la sande la révolution ne peut être mesurée è, son extension territoriale, mais plutôt à 1'intégride son programme historique et social."

"Nous serions fort désireux de posséder 1e texte authentique de la protestation des négociatours russes à Brest-Litvosk et de la délibération du Congrès des Soviets de Moscou qui ratifia la paix, et nous sommes convaincus que la juste interprétation de tels documents conduit à la conclusion que la Russie nouvelle a entendu pudier, pour des raisons de principes, toute sorte de guerre nationale et qu'elle a constitué, avec l'armée rouge territoriale, l'organisation armée du prolétariat pour réprimer les mouvements contre-révolutionnairaset garantir le processus historique de l'expropriation capitaliste; elle ne pense en aucune façon préparer une guerre contre des pays étrangers."Les directives de la révolution russe dans une phase décisive. Avanti du 25.05.1918.

Une telle comphension n'est pas 1e fait du hasard. Elle dérive du fait qu'en Italie, le mouvement de gauche avait retrouvé, lui aussi, les bases fondamentales de la doctrine et l'avait restaurée.

"Ι1 aurait compris que bolchevisme et socialisme sont la même chose et que pour combattre le préjupatriotique et le sophisme de la défense nationale nous n'avons pas attendu que Lénine et les camarades bolcheviks, nos camarades de foi et de combat depuis de longues années, réussissent à triompher en Russie; même sans leur glorieux et lumineux exemple, le jour οù les vicissitudes historiques nous auraient porté à la victoire, nous aurions fait comme eux."

"... Le bolchevisme vit en Italie, non comme article d'importation, parce que le socialisme vit et lutte partout où il y a des exploités qui tendent à leur émancipation. Le bolchevisme, plante de n'importe quel climat in Ι1 Soviet 23.02.1919.

 

2,3.4.- En revanche il n'en fut pas de même pour beaucoup d'éléments qui à la suite de la contre-révolution devaient prendre la direction du parti communiste d'Italie. Ainsi de Gramsci qui écrivait le 24.11.1917 : "La révolution des bolcheviks est plutôt matière à idéologie que de faits (c'est pourquoi au fond il importe peu d'en savoir plus que nous -n'en savons). Elle est la révolution contre le Capital de Karl Marx. Le Capital de K. Marx était plus en Russie le livre des bourgeois que celui des prolétaires...." (Avanti !)

En réponse à cela, la Gauche écrivait :

"Même si on voulait limiter tout le "communisme critique" - doctrine de l'émancipation du prolétariat que le prolétariat élabore continuellement et "représente" dans l'histoire-aux résultats auxquels parvinrent Marx et Engels à l'époque du Manifeste, nous pourrions toujours rappeler qu'ils considéraient la révolution communiste possible en Allemagne en 1847, socialement et politiquement presque féodale et encore dans l'attente de la révolution bourgeoise. Les conditions techniques de l'économie socialiste, en tant qu'elle représente un stade de développement des moyens de production, existaient donc selon le marxisme classique dans l'Europe de 1848; manquaient seulement les développements politiques des énergies de classe du prolétariat que l'évolution du capitalisme devait, selon les schémas bien connus, toujours plus inciter. Pourquoi donc nier à la Russie de 1917 les conditions technico-économiques de l'Allemagne de 1848, pourquoi ergoter sur les conditions politiques de la conquête prolétarienne du pouvoir, quand le succès en prouve à l'évidence la maturi?

".... Les philistins, ceux qui prétendent enterrer le socialisme, les savants défenseurs bureaucrates de l'ordre constitué, sentent la terre trembler sous leurs pieds, parce que de la Russie libre les avant-gardes victorieuses du prolétariat proclament : la révolution sociale internationale est à 1ordre du jour de l'histoire." Les enseignements de la nouvelle histoire in Avant! 16,02.1918.

 

2.3.5. Après-la ΝEΡ et avant que Staline ne lance sa fameuse théorie du socialisme en un seul pays, le repli du mouvement était vu. On a déjà une dénonciation de la méthode du camouflage théorique qui devait honteusement triompher.

" Ι1 n'y a pas davantage de raisons de présenter lc bolchevisme et le léninisme comme une doctrine à part qui serait une idéologie révolutionnaire du prolétariat allié aux paysans, comme le camarade Zinoviev semble vouloir le faire, et même si cela ne cache aucune divergence de fond. Pour les courants opportunistes sinon dans les intentions de notre camarade, cela pourrait fournir une formule théorique pour camoufler un éventuel repli historique de la révolution prolétarienne en Russie. Lénine sur le chemin de la révolution. 1924

 

2.3.6. - Ι1 fallait. aussi affirmer et dé1'endre le caractère prolétarien de la révolution russe." Par exemple , votre"façon de vous exprimer" au sujet de 1a Russie me semble ne pas convenir. On ne peut pas dire que "la volution russe est une révolution bourgeoise". La révolution de 1917 a été une révolution prolétarienne, bien qu'il soit faux. denéraliser ses leçons de "tactique". Aujourd'hui se pose la question de savoir ce qui arrive à une dictature prolétarienne dans un pays, si la révolution ne suit pas dans tous les autres. Il peut y avoir une contre-révolutions il peut y avoir une intervention extérieure; il peut y avoir une tendance à la dégénérescence dont il s'agit de découvrir et de définir les symptômes et les répercussions dans le parti communiste. On ne peut pas dire tout bonnement que la Russie est un pays où l'on tend vers 1e capitalisme. La chose est beaucoup plus complexe: il s'agit de nouvelles formes de la lutte des classes qui n'ont pas leurs précédents dans l’histoire. Ι1 s'agit de montrer comment toute la conception stalinienne des rapports avec les classes moyennes équivaut à renoncer au programme communiste. Ι1 semblerait que vous excluez la possibili d'une politique du parti communiste russe qui n'aboutirait pas à la restauration du capitalisme. Cela reviendrait à justifier Staline οu à soutenir l'inadmissible politique de "se démettre du pouvoir". Ι1 faut dire au contraire qu'une juste politique de classe aurait été possible en Russie, sans cette série d'erreurs graves en politique internationale, erreurs commises par la "vieille garde léniniste" dans son ensemble."  (…)

" Les positions de la Gauche russe sur les directives de la politique d'État du Parti communiste russe ont notre assentiment. Nous combattons la politique soutenue par la majoridu Comité central comme un acheminement vers la dégénérescence du parti russe et de la dictature prolétarienne qui conduit hors du programme du marxisme révolutionnaire et du léninisme. Dans le passé nous n'avons pas combattu la politique d'État du Parti communiste russe aussi longtemps qu'elle est restée sur le terrain défini par les deux documents que sont le discours de Lénine sur l'impôt en nature, et le rapport de Trotsky au IV' Congrès mondial. Nous acceptons les thèses de Lénine au ΙΙ° Congrès." Lettre deBordiga à Korsch. 28.10•1926,

Dans cette lettre était envisagée la perspective que des événements permettraient de relancer la révolution à l'échelle mondiale, Ceci ne s'étant pas vérifié, il est clair que la révolution russe, envisagée dans sa totalité - depuis 1917 jusqu'au triomphe final et clairement constatable du capitalisme - fut une révolution bourgeoise faite par le prolétariat. Cependant, nier son caractère prolétarien initial, c'est escamoter la lutte du prolétariat et en venir à une position menchevique.

 

2.3.7. - Le triomphe de la.contre-révolution est clair et net en 1928. A partir de ce moment-là il n'est plus possible que la Russie tende au socialisme. Le capitalisme dont les bases ont été restaurées ne peut que se développer. Ι1 y aura de plus en plus tendance à ce qu'il y ait accord entre infrastructure et État.

On ne peut pas dire que, la Gauche-communiste d'Italie (l'immigration italienne en France et en Belgique) ait été capable de donner une explication claire et nette de la société russe mais elle ne.s'illusionna en rien sur veloppement de celle-ci.

Après la deuxième guerre mondiale, l'appréciation est plus nette. La volution prolétarienne russe a été réabsorbée et l'on n'a plus qu'une révolution bourgeoise : développement du capitalisme. Mais ceci est consiré cοmme volutionnaire puisque c'est la généralisation d'un mode de production progressif à toute la Russie et l'immense Asie. (Réunion de Naples 1951)

 

2.3.8.- En 1953; dans le Dialogue avec Staline, en réponse à l’œuvre de ce dernier : Les problèmes du socialisme en Russie, il est constaté que l'économie mercantile s'est généralisée â toute la Russie et que le capitalisme s'est édifié dans l'immense territoire.

" La révolution russe is οver. C'est un fait accompli. Les imbéciles chroniques peuvent se moquer de nous et d'e11e."

La même année de bonnes précisions sont données sur le processus particulier du développement de la révolution dans ce pays.

"Avec ce stade d'attente, passé avec les guerres perdues sur les frontières et l'humiliation nationale d'avoir vu musulmans et jaunes plus avancés dans le maniement de la technique capitaliste de guerre, se trouvaient réalisées toutes les prédispositions à la tâche "romantique" du prolétariat; c'est-à-dire résoudre 1e rébus historique pour donner le pouvoir politique non à lui-même, mais à ses exploiteurs sociaux. Toute une littérature avait travaillé en ce sens : le roman de la révolution était écrit avant son histoire et par une série de colosses à partir de Gogol tandis que les grands, Tolstoï, Dostoiewski et Gorkί, de façon diverse et dans une mesure variable, avaient absorles postulats sociaux d'occident, pensés de façon romantique et non marxiste." Printemps fleuris du capital. In Ι1 programma comunista, n°4. 1953,

" Une bourgeoisie avec une conscience et une force prnpresde classe étant absentes, les marxistes se mettent à faire les "illuministes", C'est-à-dire à réciter la partie romantique qui est dévolue à la pensée bourgeoise. " Malenkov-Staline : étape et non rapiéçage." in Ι1 programma comunista, n°6. 1953.

Puis dans L'ours et sôn grand roman", huit thèses définissent rigoureusement le résultat auquel on était parvenu en Russie:

1 Le processus économique en cours dans les territoires de l'Union Soviétique, se définit essentiellement comme l'implantation du mode de production capitaliste sous une forme et avec une technique très moderne dans des pays à économie arrièrée, rurale, féodale et asiatico-orientale.

2. L'État politique est, bien entendu, celui d'une révolution où le pouvoir féodal a été battu par des forces parmi lesquelles le prolétariat était prépondérant, avec en second lieu la paysannerie, tandis qu' une véritable bourgeoisie était à peu près absente. Seulement cet État s'est consolidé en tant qu'organe politique du capitalisme, â cause de la faillite de la révolution politique prolétarienne en Europe.

3. Les manifestations et toutes les superstructures d'un tel régime, avec les différences dues au temps et au licu, coïncident au fond avec celles de toutes les formes de capitalisme, lors de leur émergence et de leur progτession au début de leur cycle.

4. Toute la politique et la propagande des partis qui dans les autres pays exaltent le régime russe, ont été vidées du contenu de classe et révolutionnaire et représentent un complexe d'attitudes "romantiques" dépassées et privées de vie dans le développement historique de l'occident capitaliste.                                                                                      .

5. L'affirmation selon laquelle il n'y a pas actuellement en Russie une classe bourgeoise statistiquement définissable ne suffit pas à contredire les thèses précédentes, puisque c'est un fait constaté et prévu par le marxisme - bien avant la révolution - et étant donné que la puissance du capitalisme moderne est définie par les formes de production et non par les groupes nationaux d'individus.

6. La gestion de la grande industrie de la part de l'État ne contredit en rien les thèses précédentes, puisqu'elle se développe sur la base du salariat et de l'échange mercantile externe et interne. Elle est un produit de la technique industrielle moderne et fut appliquée en Russie de la même façon qu'en occident, dès la destruction de l'obstacle des rapports pré-bourgeois de propriété.

7. L'absence d'une forme de démocratie n'entre pas en contradiction avec les thèses précédentes. Là οù elle existe, elle n'est quc le masque de la dictature du capital. Elle ost dépassée et tend à disparaître partout οϋ la technique productive en vue d'inventions ultérieures se fonde sur des réseauxnéraux et non sur des installations autοnmes; d'autre part la dictature ouverte a été adoptée par tout capitalisme surgissant et en phase "adolescente".

8. Ceci n'autorise on aucune façon à dire que le capitalisme russe est "la même chose" que celui de tout autre pays, puisqu'il y a différence entre la phase dans laquelle 1e capitalisme développe les forces productives et pousse leurs applications outre les antiques limites géographiques, en complétant la trame de la révolution socialiste mondiale, et cellc-où il exploite ces forces d'une façon seulement parasitaire, tandis qu'elles ont déjà atteint et dépassé depuis longtemps le niveau qui permette de les développer "pour l'amélioration des conditions du travail vivant", amélioration possible seulement grâce à la forme économique non fondée sur salaire, marché et monnaie, grâce à la forme socialiste seule.

 

2.3.9. - 1956, au ΧΧ° Congrès, c'est l'abandon définitif de tout lien avec la révolutions d'où la réponse: Dialogue avec les morts. La Russie a terminé sa phase capitaliste révolutionnaire. Elle accède en force sur le marché mondial et prône la théoe de la coexistence pacifique. Ce n'est pas pour cela que l'U.R.S.S. est exactement la même chose que las E.U.. La question de l’identide ces doux pays fut posée au début dos années 50. La réponse à cette a question pouvait avoir des conséquences considérables. D'où la nécesside préciser :

1°. Les dispositions,des classes dans une société qui a encore objectivement une action révolutionnaire à accomplir, ne sont pas les mêmes que celles qui vivent au sein d'une société devenue absoluιment mûre pour une autre forme sociale.

2°.Le centre de la contre-révolution ne pouvait pas être la Russie, mais les E.U. Dire que c'était là première, c'était encore accepter la thèse que l’opinion domine le monde, que la conscience précède l'action. En effet, pour les tenants de cette thèse 1e plus grand obstacle à la révolution , c'est la mystification de Moscou. Celle-ci tombant, on aurait la révolution : 0r;- c'est le phénomène révolutionnaire qui détruira la mascarade. Celui-ci dépend de la crise économique et enfin la révolution ne peut se développer avec une quelconquechance de succès que si elle touche les E.U.

 

2.3.10. - Après 1e ΧΧΙ° et 1e ΧΧΙΙ° congrès du PCR, on constate que l'URSS est de plus en plus une société capitaliste mais toujours retardataire sur les EU qui demeure le centre de la ntre-révolution mondiale. La gauche démontra dès le début des années 50 à quel point l'agriculture était un handicap pour 1'I7RSS et prédisait en 1954 (in Question agraire) que l’URSS devrait dans 10 ans acheter du blé, ce qui advint effectivement en 1964. Elle insista d'autre part,de façon précise, sur le caractère social de la crise agraire russe, dûe fondamentalement à la structure du kolkhose. Le kolkhosien réunit en lui les trois personnages fondamentaux de la société capitaliste : il est salarié en tant qu'il touche un salaire pour son travail sur le champ commun; propriétaire foncier puisqu'il a une jouissance héréditaire de la terre; il est capitaliste en tant qu'il vend ses produits sur un marché. La forme kolkhosienne a enchaîné la lutte de classe à la campagne, elle est un compromis entre 1e passé communautaire et le capitalisme. Elle est donc, sur 1e plan politique, fort intéressante pour 1'État capitaliste, mais sur le plan économique elle est désastreuse parce qu'elle s'oppose à une conduction rationnelle de l'agriculture, d'où les crises périodiques de sous-production.

Le kolkhose comme la petite paysannerie en France ne peut être éliminé qu'à la suite de crises importantes. En France ce ne fut possible qu'après la seconde guerre mondiale et la perte des colonies, et grâce à la défaite du prolétariat qui était embrigadé dans des partis qui l'immobilisaient en totalité. Maintenant que le capital s'est assez développé en URSS pour être à même d'assurer, comme en occident (mais dans une moindre mesure), une certaine réserve aux prolétaires, il pourra tendre à remettre en cause 1a structure du kolkhose afin de pouvoir résister à la pression américaine d'abord, chinoise ensuite.

 

2.3.11. - Ainsi, donc, il était stupide de vouloir prouver que la Russie retournait au capitalisme ουu même qu'elle était capitaliste, puisque la société russe n’a jamais connu une forme de production communiste. En revanche, il a été nécessaire de démontrer que 1'État russe, à l'origine État de classe au service du prolétariat, était devenu un État de classe au service du capital. La question était donc celle de 1'État. Une fois démontré que celui-ci - avec l'abandon de la révolution mondiale pour la "construction du socialisme en un seul pays" - n'avait plus rien de commun avec la position prolétarienne, la question était réglée. S'il fut nécessaire de faire une étude, maintes fois.. reprise, afin de montrer-comment, dans la réalité concrète, la Russie.était capitaliste et ne pouvait être.qué cela, çà découlait de la faiblesse du mouvement de la gauche, faiblesse reflétant le désarroi total.de la classe. Dès 1953, pourtant, on pensait que la,question était réglée :` "Le camarade prévint.que cette réunion comporterait une partie dédiée aux problèmes de l'Anêrique et des pays capitalistes occidentaux en néral, étant donné qu'un travail anrieur notable, a cristallisé en des lignes suffisantes, une définition générale de notre mode de consirer la Russie et son économie sociale. Ι1 a mis en évidence le concept marxiste de double révolution, l'une greffée sur l'autre, ourévolution impure (en donnant au terme nonune portée morale, mais historique). Le Dialogue avec Staline et autres textes ont suffisamment stystématisé cette partie, nous devons étudier maintenant une révolution pure, c’est-à-dire seulement anti-capitaliste et prolétarienne dont l’histoire a fourni un seul exemple : la Commune de Paris, aussi grande dans sa victoire que dans sa défaite. Il faut donc déclarer pourquoi nous affirmons possibmle et inévitable la révolution anti-capitaliste aux EU et dans le pays qui leur sont liés. " I1 programma comunist, n°9, 1953.

 

2.3.2. - En fait beaucoup de camarades considèraient la Russie comme une énigme si ce n’est pour eux du moins pour les autres. Il fallait la déchiffrer afin de pouvoir trouver audience auprés du prolétariat. C’était encore remettre cette question au centre des préoccupations. Dans une première phase il fut possible de résister à elurs sollicitations et le mouvement aborda les Facteurs de raceet de nation dans la théorie marxiste, la question agraire, l’étude théorique de l’économie et sa phénoménologie (Volcanisme de la production ou marasme du marché), mais à partir de fin 1954 et durant trois ans tous les efforts  furent portés sur la Russie. L’étude théorique des questions fondamentales: mystification démocratique, question philosophique, développement du capitalisme, histoire du mouvement communiste mondial, fut escamotée et 1e mouvement se contenta de sa solution de l’énigme russe qu'il rabâcha et rabâche depuis. Le parti communiste inrnational:se trouvait lui aussi résorbé dans l’immédiat.

 

 

2.3.13. – Le prolétariat a fait la révolution au profit de la bourgeoisie. Le capitalisme est fils de la révolution.prolétarienne. Ce n'est que lorsque le capital aura, aussi, dans l'aire, slave produit l'autre forme sociale : le communisme, que le prolétariat retrouvera sa mission historique et réimposera une révolution qui-fut escamotée, non à cause dé la défaite du prolétariat rμsse, mais du prolétariat d'occident.

On a longuement démontré que l’augmentatinn de la production tant dans sa masse que dans ses rythmes annuels; n'était pas une preuve de socialisme. Cependant, nous ne pouvons:pas,nous réjouir si  l'URSS , ne; parvient pas à rattraper les EU. Au contraire; car un tel résultat aurait une conséquence révolutionnaire indéniable, à brève échéance cela impliquerait la crise du s.ystème capitalise: guerre: ou révolution. De plus, l’URSS au même stade que les EU, cela veut dire que le communisme, est-aussi prisonnier de la société capitaliste dans l’aire slave, donc proximité immédiaté de.la société  communiste.

Dans tous 1es cas, οn ne peut attendre la reprise révolutiorinaire que de faits matériels: la crise du capîtalisme.

 

2.3.14. - Depuis 1956,.la sainte-alliance russo-américaine est pleinement visible, contre la révolution communiste et contre les mouvements de libération nationale ne dépassant pas 1e cadre bourgeois. Ils se sont entendus pour arrêter l'onde révolutionnaire anti-coloniale et intégrer, par l'intermédiaire de 1'ONU les différentes nations parvenues à l'indépendance. Cependant, chaque fois qu' il y. eut conflit, entre les deux, c'est toujours 1'URSS, qui dut céder. Le capitalisme américain reste bien le centre fondamental de la contre-révolution.

 

 

 

 

2.4. - Attitudes d'autres courants vis-à-vis de la révolution russe.

 

 

2 4.1. - Ce qui est important c'est non seulement la position au moment de la révolution, mais, ensuite, au cours des années qui. nous séparent, â 1'heure actuelle, de cette révolution.

Étant donné que la gauche communiste d'Italie a considéré le phénomène révolutionnaire russe dans son devenir, il a fallu donner les différentes proches théoriques de celui-ci. Pour le mouvement trotskyste au contraire, la position s'est rapidement figée. C'est celle formulée par Trotsky après 1927 : en URSS on a un État ouvrier dégénéré. Cependant il est inressant de voir comment Trotsky est arrivé à cette caractérisation. Pour cela il faut envisager sa théorie de la révolution permanente contestable (2.4.4 et 9.2.) sa position exacte lors de la NEΡ, sa lutte tardive contre la contre-révolution stalinienne, enfin sa retrouvaille avec la théorie de la révolution permanente qu'il érige en système.

En ce qui concerne la position des différents courants trotskystes, l’inconsistance de leur position a déjà été mise en évidence (1.4.10 à 1.4.13.).

 

 

2.4-2. - La position anarchiste est aussi une position figée, encore plus tôt que celle de Trotsky. La contre-révolution date de 1921 (Cronstadt ) et, en fait selon eux, elle était déjà potentielle dans le parti bolchevik. Car, selon leur "doctrine", la contre-révolution ne dépend pas de rapports de force défavorables mais de principes d'organisation erronés. Or les bolcheviks revendiquaient centralisme, autorité, nécesside 1'État transitoire, etc... donc ils étaient contre-révolutionnaires.

La position des anarchistes s'est nourrie de celle de l'opposition ouvrière (Kollontal, etc.). Or l'erreur de celle-ci était immédiatiste puisqu'elle reprochait à nine de ne pas appliquer des mesures socialistes οu y allant directement. Pourtant celui-ci avait bien expliqué qu'avec 1e recul de la révolution en Occident, seule l'édification du capitalisme était possible, en attendant la révolution communiste occidentale. Sinon on en revenait à la vieille théorie populiste dont l'erreur avait été prouvée au cours du siècle précédent.

 

 

2.4.3. - La position de R. Luxembourg n'est pas seulement intéressante d'un point de vue historique mais aussi à cause de son influence actuelle bien qu' il n'y ait jamais eu qu'un très faible courant (luxcmbourgiste) revendiquant ses positions.

 

R. Luxembourg glorifie tout d'abord l'action des bolcheviks :

 

"C'est ce qui est l'essentiel et ce qui reste de la politique des bolcheviks ( le fait d'avoir osé; n.d.r.). En ce sens, il leur reste le mérite impérissable dans l'histoire d'avoir pris la tête du prolétariat international en conquérant le pouvoir politique et en posant dans la pratique 1e: probme de la réalisation du socialisme, ainsi que d'avor puissamment avancé la liquidation entre le Capital et le Travail dans le monde. En Russie, le problème ne pouvait être que posé - il ne pouvait pas être résolu en Russie. Et c'est en ce sens que l'avenir aρρartient partout au "bolchevisme". (La Révolution Russe. Examen critique)

 

"Ils ont ainsi acquis dans l'histoire le mérite impérissable de proclamer pour la première fois le but final du socialisme comme programme imdiat de politique pratique. Ce qu'un parti peut, à une heure historique, fournir de courage, de force d'action, de coup d'oeil révolutionnaire et de logique, les Lénine, Trotsky et leurs camarades, l’ont donné largement. Tout l'honneur révolutionnaire et la capacid'action qui a manqué à la démocratie socialiste en Occident, se sont trouvés chez les bolcheviks. Leur soulèvement d'Octobre n'a pas seulement sauvé effectivement la Révolution russe, il a aussi sauvé l'honneur du socialisme international." (Ibid)

 

Cependant, elle fait de virulentes critiques sur trois points

a) Question agraire

"Or le mot d'ordre donné par 1es bolcheviks: prise immédiate et partage de la terre par les paysans devait précisément opérer dans 1e sens contraire. Non seulement ce n'est pas une mesure socialiste, mais elle coupe le chemin qui y mène, elle accumule, devant la transformtion des conditions de l'agriculture dans le sens socialiste, des difficultés insurmontables." (Ibid)

R.Luxembourg oublie que ceci ne correespond en aucune façon au programme agraire des bolcheviks. Les bolcheviks ne firent que reconnaître un état de fait. Οu ils acceptaient cela et les paysans devenaient réellement les alliés du prolétariat, οu ils s'opposaient, au nom d'une vision socialiste pure, et ceux-ci entraient en contraste avec le prolétariat. Ces mesures étaient révolutionnaires car elles correspondaient à la destruction de l'antique sociéteé ; c'était le programme des socialistes-révolutionnaires qui était actualisé, mais ceux-ci n'avaient même pas eu la force révolutionnaire de la défendre et de l'imposer. R.Luxembourg critique la révolution russe comme si celle-ci, dans les limites de la seule Russie, pouvait être autre chose qu'une révolution bourgeoise.

b) Question des nationalités.

"Ce sont d'ailleurs les bolcheviks eux-mêmes qui ont, dans une forte mesure, accentué les difficultés matérielles que leur présentait la situation par un mot d'ordre qu'ils ont mis au premier plan-de leur politiqu: à savoir ce qu'on appelle le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, ou pour dire ce qui se cachait en réalité sous cette formul: 1e morcellement de la Russie comme État, (Ibid)

 

"Au lieu de viser, selon l'esprit même dé la nouvelle politique internationale de classe, qu'ils représentaient ρar ailleurs, à rassembler en une masse compacte les forces révolutionnaires sur tout 1e territoire de l'Empire russe comme étant la terre de la révolution; au lieu d'opposer, comme loi suprême de leur politique, la cohésion et l’union inparable des prolétaires de toutes les nationalités sur le territoire de la Révolution russe à toutes les tendances de séparatisme nationaliste, les bolcheviks, par leur phraséologie retentissante du "droit de libre disposition allant jusqu'à la séparation des États" ont tout au contraire fourni à la bourgeoisie de tous les pays limitrophes le prétexte le plus spécieux et le plus souhaité, constituant le drapeau qu'il fallait à leurs menées contre-révolutionnaires." (Ibid)

 

R.Luxembourg ne se rend pas compte que 1'affirmation du principe de "libre disposition", dans .la période où se plaçait la lutte des bolcheviks, était 1e meilleur moyen pour enlever l'obstacle national à la constitution du prolétariat en tant que classe ; le fait national a toujours permis à la bourgeoisie de dévier le prolétariat d'un pays donné et de 1e mobiliser contre celui d'un autre pays. Elle oublie d'autre part que si, en Finlande par exemple, la révolution fut battue, ce ne fut pas à cause du principe défendu par les bolcheviks, mais à caude l'illusion démocratique.

 

"La faiblesse de la bourgeoisie nous laissait sous le charme de la démocratie et nous décidâmes de marcher vers le socialisme par l'action parlementaire et la démocratisation de la représentation nationale."

" .... ne désirant pas risquer nos conquêtes démocratiques et espérant d'ailleurs franchir, grâce à d'habiles manoeuvres parlementaires, ce tournant de l'histoire, nous décidâmes d'éluder la révolution... Nous ne croyions pas à la révolution; nous ne fondions sur elle aucune espérance, nous n'y aspirions point." (Kuusinen)

c) Assemblée constituante.

"Tout cela est fort bien dit et très convaincant. Seulement, on ne peut que s'étonner que des gens aussi malins que Lénine et Trotsky ne soient pas arrivés à la conclusion tout indiquée qui ressortait des faits ci-dessus. Comme 1'Assemblée constituante nommée longtemps avant 1e tournant décisif d'Octobre présentait dans sa composition l'image du passé dépassé et non l'état de choses nouveau, la conclusion s'imposait, d'elle-même pour eux de casser précisément cette Constituante surannée, donc mort-née, et d'organiser sans tarder de nouvelles élections pour une nouvelle Constituante! Ils ne voulaient pas, ils ne pouvaient pas confier le sort de la révolution à une Assemblée qui représentait la Russie contemporaine de Kérensky, la période d'oscillations et de coalition avec la bourgeoisie. Bon! il ne restait qu'à convoquer tout de suite à sa place une Assemblée de la Russie rénovée et allant de l'avant." (La Révolution russe. Examen critique.)

Ici, R.Luxembourg escamote la question essentielle des Soviets. Ceux-ci représentait la démocratie prolétarienne (tout en dépassant ce cadre, d'ailleurs) qu'elle revendiquait. Elle ne comprend pas la trancroissance de la révolution russe. La revendication de la convocation de l'Assemblée constituante était en liaison avec le mot d'ordre de dictature démocratique des ouvriers et des paysans. Une fois les soviets formés, le prolétariat conquérait le pouvoir et les deux mots d'ordre était dépassés par le mouve:l?ent réel La dispersion de l'Assemblée était une nécessivitale, sinon c'était le recul. Convoquer une autre Assemblée, c'était rejeter la transcroissance faire de nouveau appel au passé, et donc nier le rôle des soviets. Ici R.Luxembourg entre en contradiction avec toute sa vision du rôle des masses et de l'importance de leur mouvement spontané. En effet, elle nie implicitement le travail des masses russes et veut leur substituer une mesure d'ordre étatique, et une forme particulre d'organisation.

 

Tout ceci découle en fait de la non rupture d'avec la vieille vision du socialisme réalisation de la démocratie, vision que Marx et Engels avaient dépassée dès 1844 en concevant 1e communisme comme la formation de la vraie Gemeinwesen (communauté)humaine. L'erreur de R.Luxembourg est de ne pas avoir perçu la transcroisμance de la révolution et la discontinui qu'impliquait la guerre de 1914. Ι1 fallait en finir avec la démocratie. Cette erreur transposée dans la société actuelle est un ferment réactionnaire au soin du mouvement ouvrier.

 

2.4.4. - Les Tribunistes hollandais (Pannekoeck, Gorter) saluèrent eux aussi avec enthousiasme la révolution russe. Gorter y vit le triomphe du marxisme. Cependant il eut le tort de considérer le socialisme comme instauré.

 

"Ils ont commencé l'échange socialiste et le commerce socialiste. En un mot la société socialiste a été établie." (La révolution mondiale) " Le communisme débuta en Russie, il y existe à cette heure." (Ibid) " Pourquoi ces deux classes (paysans et prolétaires) ne fonderaient-elles pas une société socialiste? Pourquoi ne pourraient-elles pas régler,sur une base socialiste, toutes les entreprises.de l'industrie, du commerce, des banques." (Ibid)

 

Ι1 est évident qu'après, avec le reflux de la vague révolutionnaire, lorsque le caractère bourgeois de la révolution russe (lors de son repliement dans les limites de l'ancien empire des tsars) se révèla pleinement, Gorter et ses camarades reprochèrcnt vivement à Lénine de ne pas appliquer des mesures communistes, de faire un recul, etc... Alors qu'il n'y avait jamais eu de socialisme en Russie. On relève la même confusion au sujet de la question nationale.

 

"Ι1 est évident que sous l'impérialisme, le droit des nations de disposer d'elles-mêmes ne peut être en aucun cas une préparation au socialisme, qu'il ne peut en être que la conquence." (Ibid)

 

A la différence de R.Luxembourg, ils reconnurent l'importance des Soviets. " Le système soviétique, cette nouvelle démocratie " (Pannekoeek) et, finalement, avec 1e KAPD ils ne retiendront de la révolution russe que cet aspect, comme étant essentiel. Cependant, Pannekoeck donna plus tard une bonne définition de la révolution russe : une révolution bourgeoise faite par le prolétariat. Une définition valable pour indiquer le résultat final, mais non pour indiquer la totalidu mouvement car elle escamote la transcroissance originelle sans laquelle même la révolution bourgeoise n'aurait pas pu triompher.

 

Ι1 est un point où la critique de Gorter et Pannekoeck est juste; c'est celui qui concerne la généralisation du schéma de la révolution russe à l'occident.

 

"Vous avez tort, selon moi, au sujet du parallélisme entre la révolution en Europe de l'ouest et la révolution russe, au sujet des conditiohs de la révolution dans l'Europe de l'ouest, autrement dit du rapport des forces de classes, et à cause de cela, vous méconnaissez 1e terrain de développement de la gauche, de l'opposition." (Gorter, Réponse à Lënine.)

 

2.4.5. - Avec Lukacs on a une tentative à la fois de saisir dans sa réalité la révolution russe et en même temps de poser les données de celle d'occident. Ι1 fit une oeuvre de clarification doctrinale remarquable avec la revue Kommunismus publiée à Vienne en Ι920-21. Malheureusement, il succomba à la contrerévolution et ne put continuer ce travail.

 

2.4.6. - Ainsi, la plupart des courants sus-indiqués ne parvinrent pas à comprendre 1e caractère double de la révolution russe. Ce qui amena dans un premier temps à surestimer les mesures socialistes appliquées en Russie et dans un deuxième temps à nier le caractère prolétarien de 1'État et du pouvoir en Russie et, maintenant, à nier 1e caractère prolétarien de la révolution d’octobre 1917. De cette incompréhension découlent les deux courants : 1es communistes de conseils pour qui la révolution échoua parcequ'οn n'avait pas appliqué les mesures socialistes et en particulier parce qu'on n'avait pas accordé assez d'importance aux soviets; les trotskystes,qui pensent qu'il y a quelque chose de communiste en Russie et qu'il suffit de faire une révolution politique. Pour les uns, l'aspect socialiste est inaperçu, pour les autres, les caractères capitalistes sont niés.

 

 

 

2.5. - Données essentielles mises en évidence par le phénomène révolutionnaire dans l'aire slave.

 

2.5.1. - Le socialisme est impossible à l'échelle d'une seule nation. La révolution russe est née en affirmant cela; elle est morte en le niant. La seule concession que les révolutionnaires aient faite à la thèse opposée est celle de Trotsky qui pensait qu'il y avait quelque chose de socialiste dans l'économie, dans la gestion (planification). Cette concession coûta cher à tout 1e mouvement qui se réclame de ses thèses : es militants s’engluèrent dans cette parcelle imaginaire de socialisme.

 

Cependant cela n'implique pas acceptation de la thèse social-démocrate contre laquelle s'élevait Lénin: pour que le socialisme triomphe il faut simultanéide la révolution dans tous les pays; une révolution isolée est inévitablement battuc. Cette thèse revenait à théoriser l'abandon de la lutte dans une zône déterminée. À l'heure actuelle, dans un pays capitaliste évolué, une fois que la révolution prolétarienne a triomphé, il est possible d'appliquer les premières mesures socialistes, mais ceci ne peut avoir un développemont ulrieur qu'à la condition de la généralisation de la révolution dans les autres pays. En un mot, dans un pays isolé, peut commencer à se manifester la domination formelle du communisme, sa domination réelle dépend du renversement du capitalisme à l'échelle mondiale.

 

2.5.2.- La révolution ayant triomphé dans une zone donnée du globe, l'État prolétarien édifié se posa (en Russie) et pourra se poser la nécessité de résister aux attaques des troupes réactionnaires et, une fois le triomphe assuré résister aux pressions économiques. Mais ceci ne peut pas se faire indéfiniment. Ι1 ne peut pas y avoir de distorsions indéfinies. Un État rant une économie capitaliste ou 1e devenant, un Etat ayant assules premières mesures du socialisme, sera, tôt ou tard, en absence de volution mondiale, réabsorbé. De cela on ne peut en déduire qu'il faille remettre en vigueur la théorie menchevique (théorie des étapes et du mûrissement) car cela revient à refuser l'éventualid'une résistance dans une zone donnée en attendant la généralisation de la révolution dans le monde.

 

2.5.3.- La révolution russe dès la fin de la période du "communisme do guerre" mit en évidence la question de la νaleur. Le pouvoir prolétarien devait construire le capitalisme et 1e contrôler, donc il fallait contrôler la loi de la valeur. Or pour accroitre la production il fallait l'accumulation d'un sur-produit et d'une plus-value. Celle-ci ne pouvait se prélever que sur les paysans, 1e prolétariat ayant pour ainsi dire disparu après 1921. Boukharine voulait aller doucement afin de ne pas heurter ces derniers; Préobrajenski à la suite de Trotsky voulait une accumulation dirigée par 1'État (une accumulation socialiste) qui pourrait contre-balancer l'économie privée. Mais dans les deux cas la thèse centrale de Marx était perdue de vue : le socialisme est négation de la loi de la valeur. Cette faiblesse ne fit que faciliter la parution de la théorie stalinienne sur l'existence de cette loi et des marchandises dans le socialisme inférieur. "Par conquent, notre production marchande n'est pas une production marchande ordinaire, elle est d'un genre particulier, c'est une production marchande sans capitalistes, se préoccupant pour l'essentiel des marchandises appartenent à des producteurs socialistes associés......" (Staline)

Tous les théoriciens actuels du socialisme conçu comme ayant besoin, dans sa phase inférieure, de la loi de la valeur, restent sur les faiblesses des bolcheviks qui n'eurent pas la force de reconnaître ouvertement l'existence de cette dernre et la difficul de la contrôler, οu bien ils théorisent les stupidités staliniennes.

 

 

2.5.4 - En Russie la question de 1'État s'est posée de la façon suivante. Avant 1917, Lénine et les bolcheviks pensent que 1e triomphe de la révolution en Russie pourra conduire à la formation de la dictature démocratique des ouvriers et des paysans, c'est-à-dire qu'on aura affaire à un État s'appuyant sur deux classes. Entre février et novembre 1917 se produit la transcroissance. On a la dictature du prolétariat ; mission des socialistes révolutionnaires de gauche qui abandonnent 1e pouvoir en même temps qu'ils furert incapables d'exécuter leur programme, agraire, que les bolcheviks réalisèrent. L'intervention des bolcheviks tendra à corriger ce partage en formant les soviets de paysans pauvres.

 

Avec le recul de la révolution mondiale, 1'État tend de plus en plus à s'appuyer sur deux classes comme Lénine le reconnut lui-même. La dictature démocratique des ouvriers et des paysans se réalisait en fait. Cependant ces derniers n'étaient pas représentés par un parti déterminé, comme ce fut le cas avec les socialistes révolutionnaires dans la période précédente. C'est le parti bolchevik lui-même qui assuma cette tâche, d'où évidemment la dualide cc parti. Étant dοnnί qu'il s'appuyait sur deux classes s'équilibrant, l’État put à un certain moment apparaître comme au-dessus des classes: le stalinisme. (5.4.8.)

 

2.5.5.  L'erreur de Trotsky est d'avoir toujours refusé la possibilité de la dictature des ouvriers et des paysans. La transcroissance semblait lui donner raison (c'cet pourquoi affirma-t-il à tort que Lênine était venu sur ses positions) mais la réalisation de la dictature démocratique par la suite prouva qu'il n'avait vu dans le schéma de la révolution qu'une phase certes essentielle, mais unique, privilégiée, celle οù 1e prolétariat pouvait diriger la totalides forces révolutionnaires. C'est pourquoi Trotsky en est resté à sa théorie de la révolution permanente. Ι1 est évident, ensuite, que 1e seul moyen d'avoir permanence dc la révolution, c'est que perdure d'une façon ou d'une autre un phénomène révolutionnaire (cela implique qu'il n'y ait pas de discontinuité). Or, si, selon Trotsky, dans un premier temps l’État est vraiment resté ouvrier celui-ci peut dégénérer et si, en même temps, l'économie est restée révolutionnaire (puisque socialiste) alors la révolution peut redémarrer à la faveur de la moindre secousse (cf.9.2.).

 

2.5.6. - Le malheur pour les révolutionnaires c'est de ne pas percevoir les discontinuités ou de ne les percevoir qu'imparfaitement. Avec la NEP il y avait reconnaissance de la rupture de la trancroissance qui s'était déjà produite. L'État s'appuyant sur deux classes, on ne pouvait plus parler d'État ouvrier. Cependant la ppondérance du prolétariat n'était pas encore trop entamée pour que la volonté d'un parti resté sur des bases programmatiques correctes et lié aux forces internationales du prolétariat, ne puisse pas tendre à infléchir cette situation. Cela ne pouvait se faire qu'en favorisant d'autre part le veloppement du capital dans la Russie et en essayant de le contrôler, D'οiι les immenses difficultés de la révolution prolétarienne dans cette zone que l'on escamote avec la théorie de 1'État ouvrier dégénéré.

 

2.5.7 - La révolution russe apparaît comme le triomphe de la volontê, de celle d'un parti. Certes dans un telle révolution, l'intervention volontaire devait jouer un grand rôle: le prolétariat était une infiιne minorité dans le vaste pays, il devait profiter à fond de l'accélération de la lutte de classe liée à la défaite militaire pour greffer sur la série des révolutions se che­auchant, celle prolétarienne. D'οù l'erreur de Gramsci et autres qui ont vu le triomphe de l'esprit sur 1e déterminisme. En fait le champ des possibilités de l'action de la volonté était déterminé par les données historico-économiques et sociales.

 

La volondevait intervenir encore après la victoire de la révolution, car il fallait pousser au maximum les transformations qui ne pouvaicnt se produire spontanément étant donné le caractère arrièré de la société russe, il fallait tout contrôler, tout diriger à cause de l'immaturité de l'immense population paysanne. Toute la question était de savoir dans quelle limite cette volonpouvait agir. D'où l'intervention de Lénine rappelant qu'il ne fallait pas s'exagércr l'importance du parti (ne pas 1e prendre pour un deus exmachina); il fallait lutter contre la maladie de la volonté.

 

La faiblesse numérique de la classe prolétarienne, l'état arrièré de la masse paysanne, la nécesside sauter les étapes, tout cela explique le rôle important de la volonté, mais aussi celui des chefs. Car comme le dit Gorter avec juste raiso: " Dans la mesure οù l'importance de la classe augmente, baisse en proportion l'importance des chefs." (Réponse à Lénine.)

 

2.5.8. - Le phénomène bureaucratique russe est un phénomène indéniable clairement individuali par Lénine lui-même. La bureaucratisation dérivait du retard de la société russe qui en était encore à la production marchande simple, οù il n'y avait pas de concentrations (en dehors de quelques usines ne fonctionnant d'ailleurs plus durant les années révolutionnaires). L'État prolétarien doit contrôler tout cet éparpillement ainsi que 1e développement du capitalisme. Pour accomplir cela 1'État s'hypertrophie. Cette bureaucratisation était l'indice que la révolution ne pouvait se développer on révolution communiste que s'il y avait aide de l'extérieur. Ensuite l'immense État servit directement à contrôler toute la société pour la formation du capital. Et celui-ci une fois édifié dans l'URSS, le phénomène bureaucratique prend une autre signification. Dans un premier temps la bureaucratisation est une pathologie de toute la société, dans le second cas, c'est celle de la classe capitaliste et ceci se trouve tel que en Occident.

 

2.5.9,- Au cours de la révolution russe deux formes d'organisation de la classe se manifestent : une médiate, le parti, l'autre immédiate, les soviets. Les divers courants du communisme se divisent sur cette question, les uns revendiquant le parti comme essentiel, les trotskystes, les autres, les soviets, le parti n'ayant qu'un rôle simplement idéologique (tribunistes et kapedistes). Or, ces deux positions réintroduisent la dualité, la coupure, que la révolution avait surmontée un moment parce qu'elles n'envisagent pas la classe dans son processus de vie. Les soviets sont des organes imdiats engendrés dans une phase révolutionnaire; le parti est lui aussi lié à une telle phase, mais il peut la précéder et la suivre parce qu'il est une forme diate et résulte d'un phénomène réflexif. Seule la gauche communiste d' Italie affronta correctement ce problème.

 

En fait ces deux visions unilatérales dérivent d'une déformation volontariste. On ne crée pas les soviets, ni le parti (comme Lénine le disait déjà), on ne peut qu'accélérer un mouvement déjà en acte.

 

 

2.5.10.  Intimement lié à ce qui précède se présente le faux problème mis sous forme d'alternative : dictature de la classe ou dictature du parti. Il implique encore une dualité. S'il peut arriver que 1e parti, en tant que forme produite, s'autonomise ne serait-ce que parce que la contre-révolution provoque une coupure dans l'ensemble organide la classe, alors il peut y avoir une opposition. Mais c'est un phénomène de crise qui, s'il persiste, implique soit élimination du parti de façon violente, soit sa réabsorbtion. Cependant dans la mesure οù le parti peut se limiter à un moment donné à la portion la plus consciente de la classe - il apparaît alors comme étant seulement un organe de celle-ci - il y a effectivement dictature du parti, mais ceci ne peut être que passager, car cela veut dire que le phénomène rêvolutionnaire ne se développe plus, a été enrayé. Si cela perdure, ça signifie que la contre-révolution l'emporte momentanément avant de triompher.

 

 

2.5.11. - Les masses paysannes ont joué un grand rôle au cours de la révolution russe. D'un point de vue théorique, le problème de la révolution paysanne et celui de la révolution agraire ont été au centre des débats non seulement avant, pendant, mais après la victoire de 1917. Dès 1907, Lénine avait de façon absolument nette, précisé tout cela :

" Toute révolution paysanne dirigée contre la féodalité, le caractère de l'ensemble de l'économie sociale étant capitaliste, est une révolution.bourgeoise. Mais toutes les révolutions bourgeoises ne sont pas des révolutions paysannes. Si dans un pays οù. l'agriculture serait organisée sur le mode entièrement capitaliste, les agriculteurs capitalistes accomplissaient à l'aide d'ouvriers salariés, une révolution agraire, en abolissant par excmple la propriété privée du sol, ce serait une révolution bourgeoise mais pas du tout une révolution paysanne. Si une révolution éclatait dans un pays dont 1e régime agraire serait fondu avec l'économie capitaliste au point qu'il serait impossible d'anéantir cc rêgime sans anéantir 1e capitalisme, et si, disons, cette révolution mettait au pouvoir la bourgeoisie industrielle à la place de la bureaucratie autocratique, ce serait une révolution bourgeoise mais pas du tout une révolution paysanne. Autrement dit : un pays bourgeois est possible sans la paysannerie et une révolution bourgeoise est possible dans un tel pays sans la paysannerie. La révolution bourgeoise est possible dans un pays avec une forte population paysanne cette révolution, toutefois, n'est nullement paysanne c'est-à-dire qu'elle ne révolutionne pas les rapports agraires touchant spécialement la paysannerie et ne la fait pas intervenir comme force sociale tant soit peu active et créatrice de révolution. Par conséquent l'idée marxiste générale de "révolution bourgeoise" comporte certains éléments obligatoirement applicables à toute révolution paysanne dans un pays de capitalisme en développement; mais cette idée générale ne dit absolument rien sur la question de savoir si oui ou non la révolution bourgeoise d'un pays donné doit (dans le sens d'une nécessité objective) se transformer en révolution paysanne pour remporter une victoire complète." (Lénine. Œuvres Complètes. Tome 13, pages 368-3b9.)

 

 

2.5.12. - La révolution russe a marqué une profonde discontinuité non seulement dans l'histoire de l'aire slave mais dans celle mondiale. La destruction de l'empire des tsars, des rapports sociaux pré-capitalistes et, sur le plan théorique, le rejet de la théorie menchevique de la révolution à étapes d'abord la révolution bourgeoise, puis celle prolétarienne, sont autant d'éléments de la discontinuité. Pour l'histoire du mouvement ouvrier mondial il en est de même, c'est 1e triomphe de la théorie de la catastrophe de Marx, de la révolution, de 1à doctrine de l'État, de l'importance des masses dans le processus révolutionnaire, la nécesside leur organisation en parti. Cependant la transcroissarice opérée dans la lutte et dans la clardoctrinale, fut enrayée et, de l'ouest, ne vint pas l'aide qui aurait permis sinon le saut par-dessus le capitalisme, du moins la réduction de la phase capitaliste.

 

 

2.5.13. - L'intervention du prolétariat a déblayé tous les obstacles au développement du capital. Mais celui-ci pour réellement triompher dût enrayer 1e mouvement prolétarien et pour ce faire détruisit non seulement la force prolétarienne mais tenta de freiner la lutte de classe. D'où la structure du kolkhose qui est un compromis entre la forme capitaliste et les anciennes formes de production. Cela veut dire que la puissance d'une révolution (si elle n'arrive pas à triompher totalement) peut engendrer des formes qui deviennent des obstacles au développement ulrieur. Autrement dit, la transcroissance prolétarienne fut un frein pour la révolution bourgeoise.

 

 

2.5.14. - Comme toute révolution radicale elle a provoqué un grand mouvement de convergence et de formation d'une vision globale, totale, d'un processus révolutionnaire et vital humain. Nous avons signalé le cas de Lénine et de Trotsky (1.2.2.). Ceci se fit dans l'aire slave. Mais en occident elle permit la convergence de courants qui se retrouvèrent dans 1e rejet commun de la démocratie et du parlementarisme.(gauche italienne, allemande, hollandaise, anglaise, etc...).

 

Si les bolcheviks ne comprirent pas les caractères spécifiques de la lutte en occidcnt, les communistes de gauche (en dehors de ceux d'Italie) ne comprirent pas le problème russe. D'où la non fusion entre les deux phases révolutionnaires.

Des divergences devaient apparaître ensuite, au sein de ce mouvement convergent, dès le reflux de la vague volutionnaire. Cependant la plupart des Gauches se retrouvèrent dans la revendication du "Communisme de Conseils"

(en dehors de la Gauche d'Italie.)

Ainsi, contre la II` Internationale, le mouvement révolutionnaire issu de la secousse de la révolution russe et de celles autochtones de la société capitaliste occidentale, tendit à une totalité qui marqua une discontinuité avec la social-démocratie. Ce fut de courte durée et le mouvement se dissocia. D'un côté ceux qui voulaient le parti (généralisation extrapolatrice): 1e parti substitut de la classe; de l'autre> ceux qui affirmaient les soviets:néralisation du mouvement spontané immédiat de la classe et escamotage du mouvement réflexif, le parti. La classe fut appréhendée, fixée dans sa détermination historique immédiate. Voilà les termes de l'opposition de la dernière vague révolutionnaire. Maintenant que la reprise s'amorce, qu'un nouveau cycle se dessine, ces termes réapparaissent et c'est pourquoi la question syndicale passe obligatoirement au second plan.

 

Cependant revendiquer le parti en opposition aux soviets (même si l'on accepte l'existence de ceux-ci) ou ces derniers à l'exclusion du parti, conduit encore au triomphe de Berstein qui dissocia un tout. C'est raisonner sur la dissociation de la classe, sur sa fragmentation, alors que sa réunification s'impose.

 

2.5.15.- En Russie par suite de la contre-révolution stalinienne et par suite de l'assise sociale actuelle (fascisme sous une forme inférieure), il est évident que le mouvement ouvrier en Russie (comme l'attestent d'ailleurs les mouvements dans les pays de l'Est européen) aura un caractère initial de communisme de Conseils. Ce sera le premier temps de la reformation de la classe en tant que classe.

 

2.5.16. - Toutes les questions posées par la révolution russe ont été soit résolues par le mouvement réel ulrieur (question paysanne par exemple, avec les révolutions anti-coloniales), soit elles apparaissent en tant qu’aberrations dues au retard du ρays (question de la valeur), soit, enfin, elles correspondent à de faux problèmes (parti et soviet par exemple) que le mouvement réel de la classe dépassera immédiatement. Autrement dit il n'y a plus de question russe. La révolution russe ne peut pas être, en quoi que ce soit, un modèle pour celle future. Tous ceux qui affirment le contraire fendent en fait une théorie stalinienne même lorsqu'ils croient lutter contre elle.

 

 

2.5.17. - Le léninisme ou bolchevisme est la doctrine née et développée après la mort de nine. Tous les groupements et théoriciens russes ont contribué à son édification, que ce soit Staline, Zinoviev, Boukharine, Trotsky, etc. Elle est la fixation d'un certain nombre de positions de Lénine, mais il n'est pas possible d'écrire 1'équation: Léninisme = théorie défendue par Lénine. Celui-ci se considérait continuateur de Marx, le restaurateur de sa doctrine.

 

C'est au travers de 1'œuvre de restauration de la doctrine du prolétariat que l'on doit apprécier 1'activide Lénine. Or, celle-ci est directement liée au processus révolutionnaire de la fin du ΧIX° et du but du Χsiècle. Ce n'est que lorsquc la révolution affirme sa transcroissance qu'il retrouve réellement l’être même de la théorie (L’État et la révolution) sinon il subit tout le poids du retard non seulerιcnt de la Russie, mais de toute 1' Asie.

 

Lénine ne put qu'affirmer une partie du marxisme correspondant à un moment donné de 1a vie de la classe. Celui où elle doit lutter aux côtés du capital contre les antiques formes sociales et οù elle peut aller jusqu abattre le capital (double rêvolution). Mais il n'y a pas une restauration intégrale parce que le mouvement réel, le substrat de celle-ci fut détruit par la démocratie en occident. En rester a Léninc, c'est s'arrêter à une affirmation fondamentale mais unilatérale de la théorie du prolétariat.

 

Le. léninisme est fondamentalement la généralisation du schéma russe à. la révolution occidentale. Il contient la théorisation du parti deus-ex-machina avec la conscience venant du dehors, le culte de la volonté et de la manœuvre  tactique, le fétiche de 1'organisation avec le culte du chef, une sophistique en guise de dialectique qui permet de tout justifier; plus préciment qui permet à la direction du parti de se justifier. Le léninisme pousse 1e dualisme au sein de la classe et dans la doctrine jusqu'aux plus extrêmes conquences et, en ce sens, il est bien l'expression théorique de la défaite prolétarienne. Or, la défaite est fragmentation de la classe.

 

Le léninisme conserve le: schéma international de la révolution mais de façon abstraite : litanies sur l'internationalisme prolétarien. C'est un internationalisme qui se pose simplement en négatif du nationalisme. Or, étant donné la prépondérance de l'URSS au sein de l'I.C., le contenu de cet internationalisme s'est restreint rapidement à la défense de l'URSS. On arrivait progressivement à l'affirmation nationaliste.

 

Le léninisme est 1e fondement théorique du stalinisme. Celui-ci est une affirmation nationale du premier. Il est aussi le fondement du trotskysme. Ce dernier conserve la vision internationale en greffant sur le léninisme la théorie de la révolution permanente. D'autre part, stalinisme et trotskysιτιe se rétrourent et se retrouvent toujours dans la défense de l'URSS. De même, au siècle dernier, la totalides courants du mouvement ouvrier, en dehors de quelques éléments autour de Marx et d'Engels, se retrouvaient toujours pour proclamer la défense de la France terre de la liberté!

 

me si dans 1'œuvre de Lénine il ne reste pas baucoup dléments valables pour la révolution future, elle se situe toute dans une phase et une optique réellement révolutionnaires. Elle représente le dépassement réel d'une situation historique dans une aire géo-sociale donnée. En revanche, léninisme trotskysme et stalinisme - à des titres divers - sont des expressions de la réabsorption de la révolution prolétarienne par le milieu capitaliste environnant. Ils n'ont donc aucun rapport avec la révolution prolétarienne future et doivent donc être proclamés contre-révolutionnaire.

 

 

 

 

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" Depuis des decennies et des decennies, la gauche communiste d'Italie a expliqué que le parti contingent, lui aussi, n'était pas infaillible. Ι1 se ressent, dialectiquement, dans sa structure, des effets de ses actions vers l'extérieur. Ι1 subit maladies et crises. Ι1 paie de scissions régénératrices et de longues attentes historiques, le fait d’avoir dévié de la doctrine classique invariante, d'avoir corrompu son organisation interne et sa manœuvre  stratégique; d'où notre condaranation des blocs, fronts, fusions, réseaux édifiés dans d'autres partis." A. Bordiga, il programma comunista n° 22. 1958

 

 

 



[1] A. Bordiga, Il programma comunista, n° 21, 1957.