3.-
LE MOUVEMENT PROLÉTARIEN DANS LES AUTRES AIRES : LES RÉVOLUTIONS ΑΝΤΙ-COLONIALES.

 

"Vouloir lier la réalisation du programme communiste, aux vicissitudes du cours historique d'une seule des grandes races de l'espèce humaine, c'est-à-dire des blancs caucasiens, οu aryens οu indo-européens, en concluant que si ce rameau se trouve désormais au terme du cycle, plus rien de ce qui se passe au sein des autres races n'offre d'intérêt; c'est, comme il est facile de le démontrer, le genre d'erreur grossière qui réunit en elle, bien plus que toutes les pires dégénérescences révisionnistes, toutes les erreurs anciennes et possibles de tous les anti-marxistes."

Ι1 programma comunista, n° 3. 1958

3.1.- Luttes contre les anciennes métropoles coloniales.

 

3.1.1.- Dans l'aire occidentale, la succession des modes de production a été la suivante: le communisme primitif, sa phase de dissolution, la société esclavagiste antique, 1e féodalisme, 1e capitalisme.

En Asie, ce fut: communisme primitif, forme asiatique, développement actuel du capitalisme.

En Afrique, il en est de même. Cependant il y a des variations secondaires importantes liées à des données géographiques et historiques.

Εn Amérique du nord lors de l'arrivée des européens les divers peuples se trouvaient dans une société de dissolution du communisme primitif. Seulement étant donné 1immensité du pays et la variété du peuplement, nous ne pouvons pas préciser. Avec Morgan, nous notons la similitude de la phase où se trouvent ces peuples avec celle traversée par les grecs avant la fondation de la cité-État.

En Amérique centrale et du sud, il y avait une forme de dissolution du communisme primitif qui s'apparente très bien avec la forme asiatique de production. Là encore l'immensité du pays et les différentes conditions de vie qu'il offre font qu'on ne peut que schématiser ici un phénomène certainement plus complexe.

Cependant ce qui fut important et l'est encore, dans la mesure οù 1e capitalisme ne s'est pas pleinement développé, c'est de savoir comment a pu s'effectuer 1e passage de la forme asiatique de production au capitalisme, quel rapport ceci peut-il avoir avec la révolution communiste ?

 

3.1.2. - "L'humanité peut-elle accomplir son destin sans une profonde révolution en Asie? " La réponse à cette question de Marx a été donnée par le développement de ce continent au cours des 50 dernières années. La révolution a non seulement touché l'Asie mais l'Afrique. Ce qui importe c'est de savoir quel débouché pourrait avoir cette révolution, et où en est-on maintenant ?

 

 

3.1.3. - Le mode asiatique de production a offert une résistance énorme au développement du capitalisme. En Chine, la pénétration cornnιence avec la guerrc de l'opium, mais le triomphe du capitalisme ne se fait qu'en 1949 en Inde le cycle est encore plus long.

En Afrique, 1e communisme primitif et la traite des noirs qui a ruiné tout le continent africain sont causes d'un retard qu'il y a encore quelques années tout le monde imputait à une soit-disant infériori de la race noire.

En Afrique nous avons trois aires: aire arabe qui νa de l'océan atlantique au golfe persique et qui, de ce fait, déborde sur l'Asie.

Au sud du Sahara : l'aire équatoriale οu aire de l'Afrique Noire; l’aire de l'Afrique du Sud (sud-africaine) caractérisée par un fort peuplement, blanc, (Afrique du Sud, Rhodésie et petits Etats noirs enclavés dans l’Afrique du Sud).

Pour l'Asie comme pour l'Afrique, étant donnée la persistance des forme sociales communautaires, se posait la question du saut par-dessus la phase capitaliste. Cette question avait déjà était abordée pour la Russie au milieu de ΧΙΧ° siècle.

La condition de ce saut était un fort mouvement prolétarien en Occident et une faible pénétration de la valeur d'échange dans ces pays.

 

 

3.1.4. - Pour comprendre le mouvement, il faut comparer avec le cycle du mouvement bourgeois et prolétarien en Europe occidentale.

En Angleterre, on a eu une participation fort importante de la bourgeoisie dans le phénomène révolutionnairo et au cours du XVIII° siècle la bourgeoisie anglaise, à la suite de deux révolutions s'empare du pouvoir.

En France la révolution arrive en retard. Elle est plus radicale et réalise en même temps une néralisation de la révolution anglaise. Llément nouveau c'est que cette révolution bourgeoise est grosse d'une révolution prolétarienne (hébertistes, enragés et surtout 1e mouvement babouviste) et, qu'en définitive, elle ne triomphe réellement qu'en 1871 avec l'écrasement du prolétariat, après avoir connu des transcroissances prolétariennes communistes en 1848 et en 1871. La France est le pays de l'émancipation progressive.

En Allemagne par suite de la faiblesse de la bourgeoisie, la révolution se présente comme une révolution absolument radicale une révolution qui doit être faite par la-classe la plus révolutionnaire car l'émancipation progressive n'est pas possible (elle peut etre appelée révolution permanente - à condition de bien la circonscrire dans le temps - οu révolution double). La défaite du prolétariat et de la bourgeoisie amène la révolution par 1e haut.

En Russie, la révolution est une révolution radicale, une double révolution, "Mais par suite de la réabsorption de la révolution prolétarienne elle se développe comme une révolution bourgeoise et donc.comme une émancipation progressive. En définitive la révolution russe (de 1917) fut une révolution prolétarienne grosse d’une révolution bourgeoise.

En ce qui concerne les E.U, leur phase révolutionnaire se situe lors de la guerre de sécession.

Le cycle du mouvement bourgeois et prolétarien de l'Asie et d'Afrique s'apparente plutôt à celui de la Russie, mais il y a encore quelques nuances, quelques différences à souligner.

 

3.1.5. - Le développement du capitalisme dans ces pays a détruit les antiques rapports sociaux et a développé un capitalisme appendice de celui des métropoles (exemples les plus suggestifs: Alrie et Inde). D'où :

- formation d'un fort prolétariat avec une bourgeoisie à peu près inexistante.

- formation de partis prolétariens avant ceux de la bourgeoisie. Ceci est un élément commun avec la Russie (le POSDR est crée avant le parti bourgeois, le parti cadet). Οu bien lorsqu'il se forme avant il emprunte au socialisme une part importante de l'idéologie prolétarienne (ainsi du omingtang avec Sun-Yat-Sen). Ι1 est fortement imprégné de socialisme et reconnaît implicitement la nécesside celui-ci pour la libération de la zone geo-sociale il se développe.

 

 

3.1.6. - Tout ceci a facilité en 1919 le lien avec l'I.C. L'appel lanpar les chefs de l'Internationale rencontra un profond écho. Des partis communistes se formèrent en Chine, en Inde, en Afrique du Sud. De telle sorte que si nous appelons n 1e nombre de révolutions qui amenèrent l'humanité jusqu'au moment.du passage au capitalisme, ces pays étaient prêts (grâce au mouvement mondial) a passer à n+1 révolutions et donc à voir s'effectuer en eux la même transcroissance qu'en Russie en 1917.

 

3.1.7. - La défaite, du prolétariat occidental battu par la démocratie amena la faillite de 1'I.C.,et la défaite des mouvements prolétariens dans les aires les plus avancées d'Afrique et d'Asie (Canton et Shangai); le prolétariat de ces pays est isolé. C'est le repli sur des bases purement nationales (ainsi le mouvement algérien devient le MTLD et le PCC devient un parti dirigeant une révolution paysanne.)

La construction du socialisme on un seul pays s'accompagne donc de la rétrogradation de la révolution dans les deux grandes aires de n+1 à n : la révolution capitaliste. Le mouvement devient uniquement anti-impérialiste et le mouvement prolétarien se développe sur une base économique comme 1e mouvement anglais lors de la lutte pour la journée de 10 heures..

Avec la guerre de 39-45 il y a élimination totale du prolétariat. Nous avons un cycle bourgeois qui commence, en lequel le prolétariat est englobé en tant que classe mobilisée.

 

3:1.8. - Dans les pays où un État existait depuis longtemps et où des élément, capitalistes autochtones avaient pu se former, il y a développement dé la révolution bourgeoise classique: Chine. Mais dans d'autres pays où 1'État n'existait pas et où il n'y avait pas de bourgeoisie> la seule classe anti-impérialiste fut le prolétariat industriel (faible en nombre) et celui agricole (Algérie et Cameroun) soutenu par les paysans,pauvres; par les prolétaires virtuels, les expropriés de la terre (les damnés .de la terre. F. Fanon) nοn encore embrigadés dans l'entreprise capitaliste.-industrielle ou agraire (Kenya, Congo-Kinshasa). C'est pourquoi dans tous les pays africains, les syndicats ont joué un rôle dans la lutte anti-coloniale (Union des travailleurs de l'Afrique noire par exemple, mais de même en Tanzanie, au Kenya etc..).

 

 

3.1.9. - Ainsi apparait la différence avec l'occident. Là, le prolétariat a aidé la bourgeoisie à prendre le pouvoir et cette dernière s'est ensuite retournée contre le prolétariat et a assuré sa domination. En Asie et en Afrique, comme en Russie, le prolétariat se manifesta d'abord; d'où, pour qu'il y ait triomphe de la révolution bourgeoise, nécessité de détruire la transcroissance prolétarienne. En Russie on a eu réabsorption des quelques mesures communistes et destruction de toutes les forces prolétariennes. En Chine, il fallut la destruction des communes de Canton et de Shanghai, En Alrie, il fallut l'élimination de toutes les forces prolétariennes, même si elles ne se manifestaient pas sur le plan du programme intégral, pour que triomphe une solution petite-bourgeoise, c'est-à-dire un compromis entre les exigences du capital détenu par les français et celles dès masses prolétariennes et paysannes pauvres. Là-bas la petite bourgeoisie (surtout une intelligentsia) s'est faite nationale pour détruire le mouvement prolétarien.

Tout cela donne un caractère un peu indéterminé à ces révolutions, avortées en tant que n+1. Elles ont été arrêtées au stade bourgeois et ce à des niveaux différents, par suite de la contre-révolution.Ceci ne veut pas dire que le point d'arrêt soit absolument fixe, que les pays οù ces révolutions se sont plus οu moins figées ne puissent pas connaître de nouvelles transformations.

Dans les pays οù le mouvement prolétarien et celui des masses paysannes a été le plus durement touché, où la saignée a été encore plus profonde, le recul est net. Ι1 y a indépendance mais le pays est souvent presque autant lié qu'auparavant à l'ancienne métropole  coloniale (Caméroun, Kénya, Madagascar, etc. ).

 

 

3.1.10. - La position du prolétariat révolutionnaire au sein des pays exploiteurs fut la même que celle de Marx vis-à-vis de l'Irlande. Dans un premier temps, de 1919 (Bakou) jusqu'en 1928, le mouvement prolétarien devait aider (et a aidé) les mouvements coloniaux, dans la perspective de la double révolution. Les divers pays d'Afrique et d'Asie ne peuvent acquérir leur indépendance qu'avec l'aide du prolétariat mondial.

Au cours d'une deuxième période (1945-1962) ces pays accédent par leurs propres forces à l'indépendance. On a considéré alors la lutte de ces pays du point de vue du contre-coup qu'elle pourrait avoir sur les centres capitalistes d'occident: relancer la révolution. C'est dans la même perspective que Marx et Engels étudièrent les luttes des hindous et des chinois contre l'intrusion du capital européen en Asie.

 

 

3.1.11. - Le prolétariat a fait la révolution pour la classe capitaliste puisque le mode de production qui s'instaure dans toutes ces nouvelles aires, c'est le mode de production capitaliste. Apparemment la révolution est vaincue. Cela fait prés d'un siècle et demi qu'il est ainsi. En effet, il en fut de même au XIX° siècle :

"À l'exception de quelques chapitres, chaque section importante des annales de la révolution de 1848 à 1849 porte le titre de : Défaite de la révolution! "

"Mais dans ces défaites, ce ne fut pas la révolution qui succomba. Ce furent les traditionnels appendices ρré- révolutionnaires, résultats dès rapports sociaux qui ne s'étaient pas encore aiguisés jusqu devenir des contradictions de classes violentes : personnes, illusions, idées, projets dont le partivolutionnaire n'était pas dégagé avant la révolution de Février et dont il ne pouvait être affranchi par la - victoire de Février, mais seulement par une suite de défaites." (Marx. Les luttes de classes en France.)

La révolution prolétarienne a été escamotée comme elle la fut en 1830. En 1848, les ouvriers parisiens tentèrent d'empêcher que cela ne se renouvèle; ils furent battus (juin 1848). Elle le fut à nouveau en septembre 1870 mais elle triomphe en mars 1871, jusqu'au mois de mai. En février 1917 elle fut encore escamotée, mais elle triomphe en octobre pour être réabsorbée ensuite. Cela implique que finalement après ce vaste escamotage doit venir le triomphe à l'échelle mondiale.

 

 

3.1.12. - Toutes ces révolutions sont les exécuteurs testamentaires de Bakou. Cela confirme la justesse de !a position affirmant la nécessité d'appuyer la lutte d'indépendance des pays coloniaux. Cela montre aussi à quel point la révolution prolétarienne d'occident, même battue, leur a été un facteur d'accélération. Leur triomphe, même limité, est indirectement celui du prolétariat. Ιl a été totalement battu en occident, en orient il n'en est pas de même. Dans tous les cas, on ne peut nier un recul profond parce que si en 1917 on espérait une émancipation radicale, on ne voit se développer actuellement qu'une émancipation progressive,

 

 

3.1.13. - Toutes ces révolutions sont la généralisation de celle russe:

a - possibilité d'une transcroissance,

b - intervention essentielle des masses paysannes et ce surtout à partir du moment οù la transcroissance ne fut plus possible.

Ainsi la révolution chinoise qui triomphe en 1949 est une révolution paysanne qui n'est pas la première de l'histoire, mais est la première qui ait vaincu. En effet, la grande guerre des paysans en Allemagne fut battue en 1525. Elle marque cependant le début de l'époque moderne. Toute l'histoire de l'Europe fut conditionnée par cet échec.

Cette importance des masses paysannes avait été soulignée par Marx dés 1849.

 

 

3.1.14. - Un autre aspect de la néralisation de la révolution russe se retrouve dans la question que se posent la plupart des courants de gauches : "Quelle est la classe au pouvoir, après l'indépendance?" Comme on ne peut pas transposer purement et simplement les données du passé dans le présent, car il est difficile de déceler un Robespicrre, un Danton οu un Cromwell africain οu asiatique, alors on recourt au même subterfuge de la bureaucratie classe.

C'est le capitalisme mondial qui a pris le pouvoir dans ces pays et en foncction ce qui a été dit (3.1.9.), c'est après la victoire que la classe bourgeoise se développera effectivement dans ces pays, dans la mesure où un capitalisme autochtone arrivera à s'implanter. Sinon on aura toujours une clique (on peut l'appeler une bureaucratie) au service du capital international,tout au moins au service d'un secteur de celui-ci.

 

 

3.1.15.  Dans tous ces pays on a assisté à un développement dilaté (c'est à dire s'accomplissant sur un long espace de temps, comme ce fut le cas de la France) par opposition à un développement condensé (espace de temps court, comme en Russie).

En Inde, par exemple, dès le milieu du ΧΙΧ° siècle, les luttes contre le capitalisme anglais constituent les prerniers éléments de la révolution d'un fort prolétariat, mais dès la fin du siècle et 1e début du ΧΧ° siècle un phénomène inverse se produit, affaiblissμnt le prolétariat hindou qui se trouvera noyé dans l'immense masse paysanne. L'appel â l'aide qu'il lancera au prolétariat anglais et européen n'aura pas 1'écho voulu. Tout cela explique le développement du gandhisme qui sera un frein énorme.au développement de toute la société hindoue et du prolétariat. Si l’Inde a un État capitaliste, elle est encore, par sa structure économique ct sociale, bien au-dessous de la forme d production capitalistc. En Inde, comme dans la France de 1789 on a'eu une néralisation de rapports politiques, on a eu une volution politique, sans avoir, comme en France, une révolution sociale. Dans ce dernier pays, cette révolution fut enrayée en 1795 et, surtout, en 1815, puis ravivée en 1848 et 1871. Au milieu du siècle dernier, Marx signalait que l'Angleterre était en train d'accomplir en Inde la seule révolution sociale de 1'Asie, en détruisant les antiques rapports sociaux et en développant les rudiments d'un capitalisme industriel. Cependant, cette révolution fut enrayée. On eut même un recul: diminution.du nombre de prolétaires, non liée, comme en Occident, à un accroissement énorme du machinisme. Mais cette fois la valeur d'échange introduite au sein de la société hindoue, celle-ci ne pouvait plus se perpétuer comme auparavant. De telle sorte que 1'expropriation dcs campagnes se poursuivit, provoquant un gigantisme urbain, consistant en un amoncellement d'hommes en quête d'un travail οu mourant de faim, tandis que les lopins de terre durent nourrir une population croissante dont une partie, parfois, refluait de la ville.

Le bouleversement même limité (renforpar ailleurs par les conséquences de la 2° guerre mondiale) était trop fort pour laisser intact le système de l'empire britannique, trop faible pour permettre une révolution bourgeoise à fond. Celle-ci est encore à faire et, en l'état actuel des choses, elle devra partir des campagnes, comme cela se produisit en Chine.

En ce qui concerne la Chine, la révolution bourgeoise y triomphe déjà en 1911 c'est la première phase : la destruction de l'antique empire. Les transformations sociales sont assez limies. Elles seront accélérées par l’intervention des prolétaires après 1919. La défaite de ceux-ci (1927) enraye le mouvement. La révolution repartira des campagnes. La guerre sino-japonaise qui se prolonge en la guerre mondiale accélère le mouvement. La révolution triomphe réellement en 1949.

Cependant pour apprécier correctement cette dilatation du phénomène révolutionnaire, on doit tenir compte qu'en 1927 finit en fait un cycle historique, celui lié directement à 1a révolution russe en tant qua révolution double. Ensuite, on a une riode de gestation et démarrage dun nouveau cycle qui s'achève en 1949 (triomphe de la révolution paysanne). La transcroissance ayant été détruite, on peut alors (en mettant cette dernière entre paranthèses) considérer un cycle qui va des premières réactions à la pénétration étrangère incluant la grande révolte des Taipings, celle des Boxers, et se termine en 1949. Οn constate alors qu'il a fallu un siècle pour que le capital triomphe alors qu'en Occident ceci en nécessita plusieurs.

 

3.1.16. - Dès le premier après-guerre, le mouvement de libération nationale prit une certaine ampleur : Irlande (1921), Egypte (1922) Turquie (1918-20),  Afghanistan (1921) ; d'autre part sous l'action du prolétariat il y a une radicalisation importante en Chine et en Inde. Cependant, c'est surtout après la 2° guerre mondiale que la lutte anti-coloniale revêt toute son importance. On a deux grandes périodes :

a. 1945-54. Elle triomphe en Asie en tant que révolution populaire en Chine, par le haut en Inde, en Indonésie, aux philippines (ce qui n'empêche pas la révolte des Huks ), En Afrique 1e mouvement avait pris un grand essor dès 1946 avec la formation des principaux partis réclamant l'indépendance en Afrique noire, au Maghreb reprise du MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques). Mais le mouvement subit une terrible répression (1945 Sétif. 1947 répression à Madagascar), Le mouvement est enrayé. Cependant en 1952 se développe une vaste agitation en Afrique occidentale pour l'obtention d'un code du travail, tandis que la lutte des ouvriers agricoles de la Sanaga maritime se prolongeait et que commençait celle des Mau-Mau; elle devait durer jusqu'en 1954.

b. 1954-62. Le développement de la révolution alrienne radicalisa tout le mouvement d'indépendance africaine : Le Ghana obtient son indépendance en 57, la Guinée en 58. Afin d'isoler l'Algérie, la France est d'abord obligée d'accorder l'indépendance à la Tunisie et au Maroc (1956) puis aux pays d'Afrique Noire. 1960 fut l'année de l'indépendance africaine: Cameroun, Congo Brazzaville, Congo Kinshasa, le Niria, le Gabon, la République centre-africaine; bref presque tous les pays de l'Afrique Noire sauf les colonies portugaises. L'Afrique entrait réellement dans 1'histoire.

La contre-révolution ne pouvait pas abolir le mouvement, elle ne put que le canaliser. Devant la montée révolutionnaire, 1e capitalisme mondial n' a pu qu'essayer de l'englober, d'où finalement l'acceptation de l'indépendance et en définitive, pour briser 1a force révolutionnaire, il a multiplié les nations afin de mieux diviser les peuples.

La phase se clôt avec l'indépendance de l'Algérie en 1962.

 

3.1.17. - Les diverses fédérations qui se formèrent dès l'accession â l'indépendance furent des tentatives de riposte à cette manoeuvre du capitalisme mondial. Mais elles n'ont eu qu'une durée très courte, sauf celles directement liées à l'ancienne métropole coloniale. Cependant pour détruire le mouvement révolutionnaire, le capitalisme ira jusqudémembrer un État : le Congo. En effet 1e mouvement de Lumumba avait amené ce pays à l'indépendance, pas du tout concédée, mais obtenue par une poussée de la base. Le Congo pouvait parvenir à un grand développement et devenir un centre d'attraction pour toute l'Afrique Noire. C'en était fini de la main-mise des entreprises capitalistes. L'assassinat de Lumumba, l'intervention des belges, celle de l’ONU et surtout la sécession katangaise, cassent le mouvement. Cette sécession avait aussi l'intérêt de créer un état tampon -me provisoire - pour empêcher le lien avec les états à fort prolétariat, les deux Rhodésies et l'Afrique du Sud. Une victoire du mouvement lumumbiste aurait pu être le point de départ pour une croisade de libération des noirs horriblement exploités et parqués d'Afrique du Sud.

Ultérieurement des intérêts divergeants des différents centres capitalistes amenèrent une réunification du Congo, mais par le haut et sous leur tutelle. D'autre part 1e capitalisme mondial octroya l'indépendance à une rie de petites nations africaines noires enclavées dans l'Afrique du Sud et donc dépendantes d'elle, Le capitalisme avait réussi à enrayer la vague révolutionnaire, bien que même la victoire plus complète de celle-ci - par exemple la destruction du régime d'apartheed en Afrique du Sud - ne signifierait pas encore le socialisme.

 

 

3.1.18. - Etant donné que la révolution radicale ne put réussir, tout le vaste mouvement révolutionnaire aboutit en définitive au renforcement du capital. De me que la défaite partielle du mouvement de la réforme s'est traduit, au ΧVΙ° siècle, par la balkanisation de l'Europe, la défaite partielle de la révolution anti-coloniale dans les années 60, aboutit à la balkanisation de l'Afrique.

Beaucoup de pays d'Asie οu d'Afrique, par suite du mode de production asiatique οu de formes affines, pouvaient difficilement voir se former un capitalisme. On y avait une société pré-capitaliste détruite, mais étant donné qu'à l'échelle mondiale le capital n'était pas encore une communaumatérielle, il n'y avait rien pour remplacer l'antique communauté. Au contraire, ces sociétés pouvaient plus facilement tendre vers le communisme. Mais, pour maintenir l'humanité dans la sujétion, pour fixer le mouvement, le capital a ét amené à créer des États capitalistes artificiels sur des bases non réellement capitalistes. L'exemple d'un tel État non lié à une communauté nationale dont il aurait été l'expression nous est fourni par celui de l’État belge au siècle dernier. La majorité des États africains sont de tels États produits de la contre-révolution, Ce fut un bon moyen d'englober des contradictions mais non de les résoudre. D'où l'instabilité de ces pays.

 

 

3.1.19. - Ces révolutions ont profité de l'affaiblissement du capitalisme mondial consécutif à la seconde guerre mondiale. Elles l’ont accentué, mais ensuite, étant donné leur point d'impact limité, elles ont contribué à son renforcement. Une des causes des difficultés que rencontra la révolution alrienne pour triompher, c'est qu'elle se développa lors de la deuxième vague anti-coloniale.

 

 

3.1.20. - C'est encore faire du racisme que de dénigrer systématiquement ces révolutions à cause de leur instabili politique, que l'on peut constater en Afrique noire surtout. Les difficultés politiques sont directement liées à l'inadéquation de la solution imposée par le capitalisme mondial et contre laquelle les masses tentent de lutter. Pour avoir une certaine stabilité, il faudrait un grand développement économique qui permette de reιnρlacer l'antique économie détruite. Or, comme ces pays sont producteurs de matière premières, le capitalisme mondial n'a pas inrêt à leur développement qui provoquerait un renchérissement de ces dernières.

Ces pays demeureront longtemps des points faibles, des failles dans le système capitaliste mondial, Ces dernières joueront très facilement lors de la crise. D'autre part, la destruction du vieux colonialisme est un fait absolument positif. Ι1 impliqué le développement du capitalisme avec mise à leur vraie place dans le système mondial des nations secondaires telles que la France, l'Angleterre ou la Belgique.

 

3.1.21. - En ce qui concerne la Chine, on ne peut nier l'importance de la révolution chinoise à cause des difficultés économiques de ce pays. En ce cas, il faudrait viser l'importance qu'on a accordé à la révolution française de 1789 puisqu'il aura fallu attendre, en France, le second après-guerre pour aνοir un développement effectif du capitalisme avec expropriation des petits paysans parcellaires. Dans tous les cas, pour juger du caractère radical d'une révolution, il faut tenir compte de la destruction des antiques rapports sociaux.

 

3.1.22.- La révolution prolétarienne n'a pas pu se lier organiquement à d'autres phénomènes révolutionnaires.

En 1848, les mouvements d'indépendance nationale n'ont pas pu relayer le mouvement prolétarien trop faible (mouvement prolétarien de France et mouvements nationaux d'Eurορe).

Dans la période qui suit, les mouvements dans les zones pré-capitalistcs ne sont pas assez puissants pour relancer lc mouvement européen, bien qu'ils aient eu une influence certaine.

Au cours de la phase révolutionnaire qui commence en 1917, les mouvements des peuples coloniaux ne sont pas arrivés â temps. Lorsqu'ils se manifestèrent, la vague de reflux se faisait déjà sentir sur l'Europe. Cela facilita la tâche de la classe capitaliste: endiguer le phénomène révolutionnaire.

Dans la période 1945-1962, la révolution anti-coloniale n'est en finitive pas assez puissante pour redonner vie au mouvement prolétarien.'

Dans la phase révolutionnaire future, il ne s'agira plus que de la liaison entre mouvement ouvrier parvenu à un stade de maturité et mouvement ouvrier commençant son grand cycle historique. Ce sera le moment de la révolution pure à l'échelle mondiale.

 

3.2.- Les luttes contre le capitalisme américain.

 

3.2.1. - Ι1 n'est pas possible de faire une coupure nette avec le phénomène analysé dans les thèses précédentes. Les E.U. ont connu une phase coloniale identique à celle de l'Europe occidentale ; conquête de Cuba, des Philippines et-de diverses îles au voisinage des E.U. D'autre part la lutte contre les anciennes métropoles coloniales continue avec celle du Mozambique et de 1' Angola contre le Portugal.

 

3.2.2. - On a le début d'un nouveau cycle, avec fin de la secousse de la révolution russe. L'URSS forme avec les E.U. la nouvelle sainte alliance qui tend à limiter tous les phénomènes révolutionnaires. Dans beaucoup de cas, l'intervention des E.U. dans d'autres pays n'a plus le caractère de vouloir accaparer des matières premières οu de défendre les inrêts américains en place, mais est une nécessité pour 1e procès de valorisation total du capital américain, partie aliquote du capital mondial. Ceci s'est manifesté lors de la guerre de Corée et, à nouveau, de façon encore plus aigüe avec l’intervention au Vietnam depuis 1964.

 

3.2.3. - L'engagement des E.U. dans 1e sud-est asiatique a aussi d'autres caractères : contre-balancer l'influence de l'URSS et l'expansion chinoise ainsi qu'empêcher toute révolution en Inde, sans parler de l'opposition à l’antique adversaire le Japon. Ceci explique l'énorme déploiement de forces depuis la Thailande jusqu'à Formose, sans oublier l'intervention camouflée (CIA) en Indonésie qui modifia le rapport des forces en faveur des E.U.

En conquence toute rupture dquilibre dans le sud-est asiatique profitera obligatoirement à la révolution, pas immédiatement à celle communiste, mais, encore, à celle bourgeoise (par exemple en Inde). C'est pourquoi une: victoire du Vietcong aurait des répercussions immenses.

 

3.2.4. - La lutte du Vietcong est une lutte nationale. Elle s'est développée comme toutes les autres (Chine, par exemple). Au départ, on a un certain programme de classe, même s'il n'est plus prolétarien, puis progressivement au cours de la lutte, il devint, en vue d'attirer 1e maximum de couches sociales, de plus on plus un programme d'uni nationale, de front populaire. Cependant cette lutte détruit les antiques rapports sociaux restés encore intacts aρrés la guerre d'Indochine. À la suite de celle-ci on eut un recul pur et simple. Ι1 fallait donc que la révolution reparte à nouveau des campagnes pour en finir avec la vieille société et avec la pourriture y greffée par la France, puis par les EU.

 

L'effet destructeur de la guerre est complété par celui de l’économie. Les paysans fuyant la guerre s'entassent dans les villes et grâce à la présence américaine arrivent à vivre. Le dollar cause la ruine de l'ancienne société. La même chose se produit - avec la guerre en moins - en Thaïlande. Le dο1lar triomphe partout. Ι1 en est ainsi en Corée du sud où, pour contrebalancer l’influence du nord, les américains ont facilité une industrialisation et un développement économique général.

 

 

3.2.5.- La lutte du Vietcong liée à celle du Vietnam du nord a pour but la réunification du pays. Là encore, ce n'est pas un élément du programme communiste, mais il est indéniable que si cette réunification s'effectuait, elle permettrait un développemanc de toute l'ancienne Indochine qui aurait de grandes répercussions sur tout le reste du sud-est asiatique, et donc sur l'Inde en particulier.

 

 

3.2.6. - Le capital a consolidé sa domination après la guerre en divisant certaines nations: Allemagnc, Corée, Vietnam, et tenta de le faire pour la Chine (pour l'Afrique, il empêcha la reformation des antiques unités préexistant à l'arrivée du colonialisme); la lutte pour la réunification de ces pay peut être 1e premier stade de la reprise révolutionnaire. Car elle ne peut se faire, surtout pour l'Allemagne, que contre le capitalisme mondial. C'est un donnée qui montre à quel point la lutte contre les E.U a un autre contenu que celle contre les antiques métropoles coloniales. D'autre part, dans 1'appréciation de cette lutte, on doit faire intervenir les caractéristiques du cycle historique en lequel elles se placent. À l'heure actuelle nous n'en sommes plus à liquider une phase du développement du capital; ce sont les contradictions du nouvel être capital qui sont en cause.

 

3.2 7. - Au cours de la phase de décolonisation, les E.U. s'étaient présentés comme 1e champion de la libération des peuples. maintenant ce sont eux qui interviennent partout, relayant l'Angleterre, la France, etc. La grande mystification de l'Amérique libératrice - mystification à laquelle les staliniens ont contribué puissament - est détruite par ces luttes. La révolution cubaine fut un des meilleurs de ces agents destructeurs.

 

 

3.2.8. - Ces luttes, en définitive, ne sont que le prologue de la 3° guerre mondiale οu de la future révolution. Tout dépend de la radicalisation qui se produira en occident au sein du prolétariat. En affaiblissant le centre capitaliste fondamental ces luttes favorisent celles du prolétariat noir américain, relancent celles des ouvriers d'Europe. À son tour, étant donné que dans les pays d'Amérique latine, Cuba, Vietnam, les rapports de production ne se sont pas encore structurés mais sont instables, toute lutte dans l'aire euro-nord américaine peut y faciliter une certaine transcroissance. C'est pourquoi il n'est pas possible de condamner arbitrairement la guérilla latino-américaine sous prétexte que la guérilla est une forme inférieure da lutte. En fait, comme pour Lénine après 1905, on doit tout simplenent déplorer qu'elle ne soit pas guidée par un parti de classe effectif à l'échelle mondiale.

 

 

3.2.9. - En définitive toutes ces luttes contre les E.U. n'ont pas un intérêt parce qu'elles pourraient se traduire par 1e triomphe imdiat du socialisme dans l'un quelconque des pays οù elles sont en cours ; elles ont un intérêt stratégique pour 1e nouveau cycle révolutionnaire commençant en 1968. Tout affaiblissement du centre mondial de la contre-révolution est une victoire du phénomène révolutionnaire tendant au communisme soit parce qu'il accélèrera la νenue de la crise, soit parce qu'il radicalisera la lutte à l'échelle mondiale.

 

3.3.- Dans quelle mesure la classe prolétarienne a-t-elle été produite?

 

3.3.1.- Les révolutions anti-coloniales constituent le phénomène le plus grandiose, 1e plus important depuis la révolution russe. On a eu la série suivante, pas tout le temps linéaire: double révolution (échouée), tentatives de transcroissances, révolution populaire, révolution par 1e haut. Dans tous les cas, on a défaite de la révolution prolétarienne, mais triomphe de la révolution. Le programme immédiat à l'échelle planétaire de 1919 a été réalisé: l'émancipation de tous les peuples (sauf quelques excnptions) assujettis à la domination des métropoles capitalistes. Sans la grande poussée de 1917, sans l'espoir de conduire une révolution double à l'échelle mondiale, qui amène 1e prolétariat à construire 1e capitalisme en Russie, à faire une révolution bourgeoise dans les autres pays, le monde entier n'aurait jamais été bouleversé à ce point. Cortes au début de la phase historique 1e prolétariat intervenait en tant que sujet historique, parce que constitué en parti et, à la fin de cette phase, il a été éliminé en tant que tel. Mais ce qui a été réellement éliminé ce sont toutes les faiblesses, toutes les tares historiques. Pour toute la. planète la question actuelle est la constitution du prolétariat en classe et donc en parti. La conjonction des forces ne se pose plus entre celles qui doivent conduire la n-1 révolution et celles qui doivent achever le cycle des n révolutions, puisque toutes sont au niveau n + 1. La liaison devra se faire entre le jeune et le vieux prolétariat.

 

3.3.2. - Tous ceux qui théorisent l'arrêt du mouvement de constitution du prolétariat en classe dans les aires asiatique et africaine, en ironisant sur la faiblesse dé ces révolutions qui se "prétendent socialistes" ne font que théoriser leur propre incompréhension, leur démission théorique devant les investigations à faire pour comprendre les grands bouleversements sociaux de l'humanité et, enfin, ils se font les défenseurs du capitalisme, en engendrant un immense défaitisme. Ι1 s'agit de voir ce que les révolutions ont éliminé et ce qu'elles ont posé.

 

3.3.3. - Leur développement est la fin du mythe du socialisme en un seul pays, de celui des peuples élus οu des peuples nécessaires. Pendant 8 ans (1954-1962) le peuple algérien fut un peuple nécessaire car, sans sa lutte héroique, non seulement l'indépendance de l'Algérie ne se serait pas produite mais celle de toutes les nations noires. Maintenant, au sein du peuple alrien, la lutte doit polariser les classes, et celle prolétarienne doit se relier au prolétariat de tous les pays.

En détruisant 1e mythe russe et celui chinois cnsuite elles ont mis réellement au passé toute une phase qui veut se survivre dans notre présent. D'autre part, 1'Asie, l'Afrique, l'Amérique latine sont en mouvement alors que l'Europe retarde et est pour ainsi dire asiatisée. Une telle constatation n'induit pas à dire que le centre de la révolution se trouve dans ces pays mais conduit à reconnaître toute l'importance des révolutions qui s'y sont développées Ces pays auront une importance dans 1e retour de la révolution dans l'aire euro-nord-américaine.

 

 

3.3.4.  Beaucoup restent obnubilés par la mystification: les mouvements d'indépendance d'Asic ou d'Afrique se disent socialistes alors qu'ils n'ont qu'un programme bourgeois. Cependant les dénigreurs systématiques sont eux-mêmes victimes de la mystification des rapports sociaux. Ils ne comprennent pas que cclle-ci est une réaliqu'elle indique en même temps cette transcroissance potentielle et cette proximité de la société communiste. Le but historique réclamé par la situation est une société sans classes. Mais les bases réelles de celle-ci n'existent pas dans ces pays qui sont fortemcnt liés aux données du passé. D'autre part la persistance de la contre-révolution à l'échelle mondiale les amène de plus en plus à composer avec les principaux centres capitalistes.

 

Ces mouvements sont dans la même situation que ces économistes russes qui, après 1921, croyaient pouvoir domestiquer la loi de la νaleur et s'illusionnaient d'avoir échappé en une quelconque mesure à sa domination.

 

3.3.5.- La révolution de 1789 et celle de 1917 ont toutes deux été des révolutions néralisatrices. La première,  révolution bourgeoise grosse d'une révolution prolétarienne, la seconde, prolétarienne grosse d'une révolution bourgeoise. Le cycle est bouclé; toutes les possibilités ont été épuisées.

Les révolutions d'Asie et d'Afrique sont donc incluses dans ce cycle. Les directions qui prévalent dans la plupart de ces pays sont totalement vouées au capitalisme mondial. F.Fanon a décrit leur lâcheté, leur vilénie ct leur mesquinerie nationales. Elles sont filles de la contre-révolution mondiale. Celle-ci a pu enrayer la formation du prolétariat et la transcroissance révolutionnaire en Afrique mais elle ne peut le faire indéfiniment. E11e doit réaliser par le haut - très lentement - ce que la révolte de la base aurait accompli en l’espace de quelques années. La solution de la création d'États capitalistes plaqués sur des sociétés accédant tout juste à la phase-initiale du déve loppement du capitalisme a permis de résorber la vague révolutionnaire,  mais maintenant elle doit obligatoirement donner vie au rival du capital: le prolétariat. Ceci se voit dans le vaste mouvement d'expropriation des hommes en acte dans toute l'Afrique; mouvement qui est à la base de la formation du prolétariat.

 

3.3.6. - En dehors de la formation d'États capitalistes greffés sur des sociétés plus οu moins archaïques le blocage du mouvement économique est une mesure efficace contre des mouvements révolutionnaircs' même s'ils ne sont pas prolétariens. Cela contribue à donner aux sociétés de ces pays une physionomie monstrueuse.

L'État tend à s’enfler et passe, dés le début de son procés de vie, aux mesures auxquelles recourt 1'État des pays européens à la fin de ce même procés  intégration des syndicats (Maroc, Alrie, Tunisie, Guinée, etc.) et parti unique. Ceci étant une preuve, à contrario, de la force du prolétariat. De même cela montre que ces États sont des machines oppressives, implantées dans des zones données, afin de tenir en laisse le prolétariat parce que l'ancienne forme coloniale ne pouvait plus le faire. La nation créée artificiellement (très souvent) sert de moyen pour maintenir les hommes en esclavage. D'où le double caractère de la lutte nationale: du fait de la puissance du prolétariat elle est la ressource fondamentale utilisée pour dévoyer sa lutte et la fragmenter, en ce sens elle est réactionnaire ; du fait qu'elle aboutit (οu a abouti) à 1'eviction des métropoles coloniales et permet, ensuite, le dévelppement (même s'il est freiné par la contre-révolution mondiale) d'une société capitaliste base de la prochaine révolution, elle est révolutionnaire. Cependant la première affirmation pourrait avoir toute sa force, sa puissance, si en occident existait réellement un mouvement prolétarien apte à soutenir ceux d'Asie et d'Afrique. Mais soutenir cela et uniquement cela quand il n'y a pas, à. l'heure actuelle, un mouvement prolétarien en occident, cela revient finalement à oublier 1e second aspect et, de ce fait, à refuser tout caractère positif à ces révolutions. De 1â à les traiter de mouvement réactionnaire il n'y a plus qu'un pas, souvent franchi...

L'idéologie bourgeoise, en parlant de nations prolétaires, reconnait l’importance du prolétariat. Une lutte (tout à fait hypothétique) de ces nations contre l'occident super-capitaliste ne pourrait être envisagée qu'avec faveur en espérant la victoire des "barbares".

Enfin, on reproche souvent aux divers courants se développant dans ces pays de lutter uniquement contre le capitalisme américain et de ne pas assez lutter contre leur propre État, or dans ces pays celui-ci n'est qu'un sous-produit de celui-lâ (cf. 3,1.18.).

 

 

3.3.7. - Le soutien du prolétariat aux directions révolutionnaires bourgeoises était nécessaire pour que la révolution triomphe. Soutien mais non fusion dans un mouvement unique tel que cela se produisit avec 1e Küomingtang, le FLN etc... Mais il n'en est plus de même après le triomphe de ces directions liées comme on 1'a vu avec les différents centres capitalistes. De tels soutiens à des directions présentées coιnme soi-disant plus révolutionnaires ne fit que mener la catastrophe. Les cas les plus typiques se produisirent en Irak et en Indonésie (1965). La répression qui fut faite sur les prolétaircs constitue, dans ces pays, un gros handicap pour la constitution de la classe en parti.

 

 

3.3.8. - Pour comprendre en est 1e mouvement prolétarien dans ces aires, il est nécessaire de comparer avec le stade auquel il était arrivé on occident au milieu du siècle dernier. On le trouve pris dans le compromis (dans 1e bloc des classes) : "Le gouvernement provisoire qui surgit des barricades de février reflètait nécessairement dans sa composition les divers partis qui se partageaient la victoire. Ι1 ne pouvait être qu'un compromis entre les différentes classes qui avaient renversé le trône de juillet, mais dont lcs intérêts s'opposaient avec hostilité." (Les luttes de classe en France,.Ed. Sociales. p.44).

 

"Ce qu'il avait conquis, c'était le terrain en vue de la lutte pour son émancipation révolutionnaire, mais nullement cette émancipation elle-méme." (ibid.p.45,) N'est-cepas le stade où il en est dans les aires asiatique et africaine ?

La faiblesse du prolétariat dans ces aires est la même que celle en Allemagne au milieu du ΧΙΧ° siècle :

"En Allemagne, la classe ouvrière se trouve dans son développement social et politique, aussi arrrée sur celle de France et d'Angleterre que la bourgeoisie allemande est en retard sur celle de ces deux pays. Tel maître, tel valet. L'évolution des conditions d'existence, pour une classe intelligente, νa de pair avec 1e développement des conditions d'existence d'une classe moyenne nombreuse, riche, concentrée et puissante. Le mouvement de la classe ouvrière n'est jamais indépendant, il ne présente jamais de caractère exclusivement prolétarien, tant que les diverses fractions de la classe moyenne et particulièrement sa fraction la plus progressiste, les grands industriels, n'ont pas conquis le pouvoir politique et remodelé l’État suivant leurs besoins. C'est alors que le conflit inévitable entre employeurs et employés devient imminent et ne peut être ajourné davantage; c'est alors que la classe ouvrière ne peut être plus longtemps bernée d'espoirs illusoires et de promesses qui ne se réaliseront jamais; c'est alors que le grand problème du ΧΙΧ° siècle, la suppression du prolétariat, est enfin complétement mis au premier plan et apparaίt sous son vrai jour.

 

"Cette absence générale de conditions d'existence modernes et de modes de production modernes s'accompagne évidemment d'une absence tout aussi générale d'idées modernes. Faut-il donc s'étonner qu'aux premiers jours de la révolution une fraction importante de la classe ouvrière ait à. cors et à cris réclamé le rétablissement immédiat des jurandes et des corporations privilégiées du Moyen-Âge? " Révolution et contre-révolution en Allemagne (p. 11-13)

En conquence critiquer la faiblesse des mouvements prolétariens dans les aires asiatique et africaine, leur nier une importance révolutionnaire, sans opérer une confrontation avec le cycle historique de la classe prolétarienne, cela aboutit finalement à du racisme car c'est nier aux prolétaires noirs οu jaunes ce que Marx et Engels reconnurent à ceux de l'Europe occidentale. C'est d'autant plus du racisme que dans l'occident héritier de la grande tradition révolutionnaire, le mocratisme le plus plat triomphe.

 

3.3.9. - Le mouvement prolétarien dans ces aires en est arrivé maintenant au stade de celui européen en 1851 lorsque Marx écrivait sa circulaire à la ligue des communistes.

a- " Les rapports du parti ouvrier révolutionnaire avec la démocratie petite-bourgeoise devront être les suivants : il collaborera avec elle contre la fraction qu'il se propose de renverser, mais il s'opposera à elle pour tout ce qui concerne les inrêts particuliers," (Adresse du Comité central de la ligue des communistes, 1850).

 

On peut, dans des limites très strictes, concevoir une aide accordée par le prolétariat de ces pays à leur État, uniquement lorsque'celui-ci s'oppose réellement aux anciennes métropoles coloniales οu aux E.U. Ι1 est évident d'autre part qu'il doit constament s'opposer à ce même État afin de fendre ses inrêts et se constituer en classe et donc en parti indépendant.

 

"Ils doivent s'efforcer de diminuer l'ivresse de la victoire et 1'enthou.siasme pour le nouvel état de choses qui se produisent après chaque combat victorieux, par leur façon calme de comprendre la situation et par une attitude de méfiance ouverte vis-à-vis du nouveau gouvernement. À côté des organes de gouvernement officiel, ils doivent établir leurs propres organes ouvriers, soit sous la forme de conseils de district, soit sous la forme de clubs οu de comités ouvriers, de manière à ce que les organes du gouvernement démocrate, bourgeois, non seulement perdent tout appui chez les ouvriers mais soient soumis au contrôle et à la surveillance d'organes s'appuyant sur les masses ouvrières. En un mot dès le lendemain de la victoire, la méfiance des ouvriers ne doit plus être dirigée contre le parti révolutionnaire vaincu, mais contre son ancien allié, contre le parti qui prétend exploiter à son profit exclusif la victoire commune."

 

On voit, ici, la difficulté énorme pour le prolétariat d'Afrique et d'Asie parce qu'il se trouve devant des Ètats très modernes, très forts, qui ne sont pas nés, comme ceux de 1'Europe, en luttant et en interdisant les coalitions, ce qui eut pour effet de radicaliser la lutte, mais sont nés sous la forme fasciste : ils intégrent les syndicats à l’État et ils font un parti unique.

 

"Ι1 ne devront pas se laisser égarer par les objurgations des démocrates leur reprochant, par exemple, de diviser le parti démocrate et de faciliter la victoire de la réaction. Toutes ces phrases n'ont d'autre but que de duper les ouvriers

c - "Le premier point à propos duquel les démocrates bourgeois entreront en conflit avec les ouvriers sera la question de la suppression de ls féodalité. De même que lors de la première Révolution française, les petits-bourgeois partageront les terres féodales aux paysans, en toute propriété, c'est-à-dire qu'ils laisseront subsister le prolétariat rural et créeront une classe de paysans petits-bourgeois, qui connaîtra la même pauvreté et le même état d'endettement que la paysan français d'aujourd'hui.

"Les ouvriers devront s'opposer à ce plan, dans l'intérêt du prolétariat rural et dans leur propre inrêt. Ils devront exiger que les terres confisquées restent biens d'État et soient tranformées en colonies ouvrières, que 1e prolétariat agricole associé exploitera en employant les méthodes de la grande culture, ce qui aura en même temps le résultat de donner tout de suite une base solide au principe de la propriété commune au milieu des formes de propriété chancelantes. Les ouvriers devront s'unir avec le prolétariat agricole comme les démocrates s'unissent avec les paysans."

 

Ceci est pleinement valable. Ι1 suffit de changer féodalisme par formes précapitalistes puisque les pays dont il s'agit n'ont pas connu ce dernier. Ceci implique encore la lutte contre les anciennes métropoles coloniales et contre les E.U. Ce sont eux qui sont en fait l'appui des antiques rapports sociaux, ce sont elles qui ont le plus grand inrêt à leur maintien afin qu'il n'y ait pas radicalisation de la lutte.

 

d - "Mais ils doivent faire eux-mêmes 1e maximum pour leur propre victoire en prenant conscience de leurs inrêts de classe, en adoptant; aussi rapidement que possible, un point de vue politique indépendant et en ne se laissant pas arrêter un seul instant par les discours hypocrites des démocrates petits-bourgeois, dans l'organisation indépendante du parti politique de la classe ouvrière. Leur mot d'ordre doit être : LA REVOLUTION EN PERMANENCE ! "

 

En 1850, Marx.prévoyait la prochaine révolution pour dans deux ans. Ι1 est donc évident qu'il termine son texte par la revendication de la révolution en permanence. À l'heure actuelle, elle est encore lointaine. Cependant la nécessité de l'indépendance du mouvement prolétarien est plus que jamais nécessaire. Parallèlement doit se vérifier la liaison avec le mouvement mondial qui seul pourra à son tour proclamer la permanence de la révolution quand les conditions en seront réalisées,

 

3.3.10. - Sur le plan numérique la classe prolétarienne est très importante dans les aires africaine- et asiatique. Elle regroupe non seulement ceux qui, en un certain sens, sont intégrés dans un système, mais ceux qui ont été expropriés et n'ont rien, absolument rien. Là-bas il n'y a pas de classes moyennes comme en occident. Plus exactement, la vieille classe moyenne, relique de la société coloniale (intelligentsia, petits boutiquiers, artisans, petits propriétaires fonciers) est au pouvoir. C'est d'elle que sortent les fonctionnaires de l’Ètat capitaliste qui re le pays pour le compte du capital mondial; les moyens de production étant restés, la plupart du temps, aux mains des anciens maîtres du,pays.

Sur le plan organisatif, la classe prolétarienne ne s'est pas encore délimitée et sur le plan Programmatique, elle pâtit de la régression de la classe l'échelle, mondiale. Cependant, pour l'aider dans son développement théorique, il ne sert à rien de nier toute son intervention dans les phases précédentes ni de décalquer purement et simplement la situation occidentale. En fait il est nécessaire de mettre en évidence les caractéristiques spécifiques de la lutte de ces pays, seul moyen pour que le prolétariat parvienne à la vision unitaire universelle.

 

 

3.3.11. - Le devenir de la classe prolétarienne est devenir mondial. Objectivement il y a unification sur toute la planète. Ι1 faut la mettre en saillie afin que cela devienne subjectivement ressenti. Notre histoire séparée de la classe se finit, maintenant que, potentiellement, son histoire mondiale, unifiée, commence. En 1858, Marx écrivait à Engels :

" Pour nous la question difficile est celle-ci: sur le continent le révolution est imminente et prendra tout de suite un caractère socialiste mais ne sera-t-elle pas étouffée dans ce petit coin, puisque sur un terrain beaucoup plus grand, le mouvement de la société bourgeoise est encore ascensionnel? "

À l'heure actuelle, les révolutions anti-coloniales ont rendu imminente partout dans le monde, la révolution communiste.

 

 

3.4. - Remarques sur la révolution chinoise.

 

3.4.1. - K. Marx se préoccupa du développement de la révolution en Chine tout de suite après la révolution de 1848. Ι1 prévoyait que la pénétration des européens en Asie provoquerait une révolution bourgeoise de type 1789. Son espoir était qu'une telle révolution relance le mouvement en Europe.

La ΙΙ° Internationale délaissa l'étude des aires extra-européennes. Elle se développa en tant que phénomène européen et nord américain et, très tôt, se replia sur cette aire géo-sociale. En dehors de R. Luxembourg qui s' occupa de la pénétration du capital dans divers pays, et de Lénine, qui s'occupa des révolutions turque, perse, chinoise (1911), et enfin de la gauche d'Italie qui s'opposa vigoureusement à la guerre de Libye, il n'y eut rien de sérieux de fait sur cette question. L'étude de l'Asie, de l'Afrique et des civilisations qui s'y étaient développées en reste là en était arrivé Engels; quant aux travaux de Marx, ils étaient inconnus.

 

La III° Internationale s'occupa activement des pays coloniaux cependant, elle ne parvint jamais à reposer de façon claire et nette les données théoriques définies par Marx au sujet du mode asiatique et donc à comprendre les particularités historiques des luttes sociales en Asie.

 

3.4.2. - Lorsque la question chinoise se pose dans l'I.C., la faiblesse doctrinale mentionnée ci-dessus se manifesta clairement. Elle facilita la théorisation de Boukharine : faire alliance avec la bourgeoisie, donc avec le Κüomingtang, pour lutter contre un prétendu féodalisme.

 

"La différence fondamentale entre la situation existant en Russie entre février et octobre 1917 et la situation actuelle de la révolution chinoise; c'est que Kérensky conduisait une politique impérialiste, tandis que l'armée révolutionnaire et le gouvernement national chinois, pratiquent objectivement, en ce moment, une politique anti-imrialiste." (Boukharin: Les problèmes de la révolution chinoise).

" Mais 1e parti du prolétariat doit et peut soutenir Tchang-Kaï-Tchek dans la mesure où celui-ci conduisit et conduit la guerre contre les grands gouverneurs militaires et contre les impérialistes, jusqu'à ce qu'il ne trahisse pas, bien que par sa nature de classe, il soit, abstraitement parlant, plus à droite et pire que Kérensky." (Ibid)

" Sur le plan organisatif, le omingtang n'est pas un parti au sens habituel du terme. Sa structure permet de le conquérir à la base en effectuant un regroupement de classe, et en chassant les éléments "kémalistes" de droite qu'il serait absurde de confondre avec la totalidu omingtang. Devons-nous, au cours de la révolution chinoise chercher à exploiter cette particularité, οu devons-nous nous en foutre? "

" Nous pensons que la tâche des communistes en Chine est de tenir compte de cette particulari et de l'utiliser. De quelle façon? Ι1 faut transformer toujours plus le omingtang en une organisation élective de masse.." (Ibid)

Après la défaite et le massacre de prolétaires et de paysans de la part de Tchang-Kaï-TChek, Boukharine remarqu: " La fraction de Tchang-kaï-Tchek fusille déjà les paysans et les ouvriers, mais combat encore les chefs militaires féodaux." (Ibid)

Ι1 conclut :

" C'est pourquoi aujourd'hui encore, surtout aujourd'hui, la tactique de sortir du omingtang est absurde." (Ibid)

L'erreur théorique de caractérisation de la société chinoise, conduisit à faire lutter le prolétariat contre un ennemi imaginaire et à le faire massacrer par un ennemi bien réel, qu'on ne voulait pas reconnaitre.

 

3.4.3. - Trotsky, Zinoviev et en général toute l'opposition de Gauche s'opposèrent à la politique de la ΙΙΙ° Internationale en Chine. Ceperιdant, la question de la définition de la société chinoise, la caractérisation des couches sociales luttant en elle, des classes, n'est pas réellement affrontée. On reste seulement sur une appréciation du rapport des forces, sur une question de tactique. L'affiliation du PCC au omingtang fut abordée non d'un point de vue de principe mais d'un point de vue circonstanciel.. En Chine, les circonstances pour une fusion des deux organisations n'étaient pas favorables et, d'autre part, les conditions "d'inpendance d'organisation du PCC vis-à-vis du Κüomingtang" n'auraient pas été réalisées. Zinoviev qui affirme cela dans ses thèses sur la révolution chinoise se refère, pour soutenir son argumentation, à la question du parti communiste de Grande-Bretagne dans 1e Labour Party. Or, dans ce cas, ce fut une erreur (ce fut Lénine qui, à 1'époque, prôna une telle fusion!). Trotsky lui aussi n'aborde pas la question d'un point de vue théorique, mais pragmatique. En conquence il ne tire pas complètement les leçons de la défaite. Ιl déclare :

"Il faut :

a - Déclarer funestes les formes de bloc dans lesquelles 1e parti communiste sacrifie les inrêts des ouvriers et des paysans dans l’intention utopique de garder la bourgeoisie dans le camp de la révolution nationale,

b - Repousser purement et simplement les formes de bloc qui, directement οu indirectement, entravent l'initiative du parti communiste en le soumettant au contrôle d'autres classes.

c - Renoncer catégoriquement à des formes de bloc qui obligent 1e parti à rentrer son drapeau et à. sacrifier le progrès de son influence et de son autorité aux inrêts de son allié

d - Fonder le bloc sur une communauté d'objectifs nettement formulé: et non sur dos malentendus, des manœuvres diplomatiques et des faussetés.

e - Déterminer les conditions et les limite; du bloc avec une parfaite exactitude et les faire connaître à tous.

f - Conserver au parti communiste sa pleine liberté de critique, le droit de surveiller son allié avec non moins de vigilance qu'un ennemi sans oublier un instant qu'un allié s'appuyant sur d'autres classes οu dépendant d'autres classes n'est qu'un allié temporaire, et peut, en raison des circonstances, se changer en adversaire et en ennemi.

g - Préférer la liaison avec les masses petites-bourgeoises à la liaison avec les dirigeants de leur parti.

h - En fin de oompte, ne se fier qu'à soi-même, à son organisation, à ses armes et à sa force.

L'observation de ces conditions rendra possible un bloc véritablement révolutionnaire, et non une alliance hésitante, soumise à toutes sortes de péripéties entre dirigeants; elle seule permettra de s'appuyer sur l'alliance de tous les opprimés des villes et des campagnes sous l'hégémonie politique de l'avant-garde prolétarienne." (Trotsky. La révolution chinoise et les thèses du camarade Staline.)

 

 

3.4.4. - Dans toutes les oeuvres traitant de la révolution chinoise, Trotsky défend donc correctement la nécessité d'une politique plus autonome du parti communiste, mais il n'arrive jamais à faire une étude exhaustive de la société chinoise et de la révolution qui la travaille. Ce manque d'étude en profondeur devait empêcher de voir le nouveau cycle révolutionnaire qui se forme après 1927. Ι1 continue à analyser la révolution en Chine à l'aide du schéma bolchevik ,et en fonction de sa théorie de la révolution permanente en omettant totalement que le prolétariat a été battu à l'échelle mondiale.

"Aujourd'hui personne ne peut encore dire dans quelle mesure les reflets de la seconde révolution chinoise se combineront avec l'aube de la troisième révolution chinoise. Personne ne peut prédire si les foyers de soulèvements paysans se maintiendront sans discontinuer pendant toute la période prolongée dont l'avant-garde prolétarienne aurait besoin pour se renforcer, pour engager dans la bataille la classe ouvrière et accorder sa lutte pour le pouvoir avec les offensives paysannes généralisées contre ses ennemis les plus immédiats." (Aux communistes chinois et du monde entier ! Sur les perspectives et les tâches de la révolution chinoise. La Vérité, n° 53. 1930).

 

" Ce qui caractérise le mouvement actuel des campagnes, c'est la tendance des paysans à lui donner une forme soviétique - οu tout au moins un nom soviétique - et à assimiler les détachements de partisans à l'armée rouge." (Ibid.)

 

" Nous sommes sur la voie de la dictature prolétarienne sous la forme soviétique." (Ibid.)

Cependant 1e caractère de révolution paysanne, bourgeoise et nationale devait s'accuser avant la mort même de Trotsky. Celui-ci était trop imprégné de son schéma de révolution permanente, de son idée de l'impossibilité d'une révolution paysanne, pour reconnaître les faits.

 

 

3.4.5 - La Gauche communiste d'Italie fut d'accord avec l'opposition de gauche mais s'opposa au mot d'ordre de Trotsky de convocation de l'Assemblée constituante. Elle sut, après la guerre, reconnaître le nouveau cycle révolutionnaire : un cycle bourgeois.

"Pour la Chine ,le capitalisme privé est un pas en avant; si Liu-Chao Chi le dit, il en a le droit..."

"La révolution chinoise bourgeoise est une révolution arrivée au juste moment de son aire continentale, comme ce fut le cas pour la révolution française. "Ayant vécue (la Chine) des millénaires fragmentée en unités economiques, sociales et administratives multiples, elle a pris l'élan formidable de la construction du marché interne capitaliste en s'érigeant en un État unitaire et Maο serait un grand symbole s'il se tenait à la hauteur, non de Bonaparte, mais de Louis XIV." (Ι1 programma comunista. n°6 1953.)

À la même époque il était affirmé que Maο était en règle avec le marxisme en défendant son bloc des 4 classes.

Au sujet du mouvement des communes populaires de 1958, considéré comme étant toujours dans le cycle bourgeois, il fut affirmé ceci:

"Ι1 semble que le problème qui a provoqué la "reforme" soit, dans un pays si peuplé, une crise de pénurie de main-d’œuvre . Les hommes passeraient dans une plus grande mesure de l'agriculture à l'industrie et les femmes les remplaceraient dans l'agriculture." (Il programma comunista, n° 20.1958.)

 

 

3.4.6. - Après 1960, 1e travail fait sur la révolution chinoise n'a plus aucun lien avec le précédent. Le mode d’appréhender la question change totalement. Il n'a d'ailleurs aucun rapport avec la théorie marxiste. Tout ce qui fut publié dès lors est une simple ressucée des positions de Lénine et de Trotsky. On se contente de dire que le marxisme a toujours raison et on commente quelques citations des auteurs sus-nommés. Du dernier, on accepte intégralement sa position de la révolution permanente. Chez Trotsky, c'était une erreur, dans ce travail cela devient une bouffonerie. On ne peut pas critiquer une telle chose. On peut seulement dire qu'elle est un des signes les plus manifestes du recul théorique de la gauche, et de sa résorption dans la déliquescence trotskyste.

 

 

3.4.7. - De l'appréciation de la révolution chinoise de la part de la gauche d’Italie (avant 1960), émergent deux affirmations importantes bien que contradictoires en apparence.

a - La Chine sera conquise par le dollar américain. (1950)

b - En Chine peut naître une école marxiste apte à faire la critique du mouvement russe (1953). La Chine est une Allemagne du XX° siècle et verra naître un vrai mouvement communiste qui pourra apporter au mouvement prolétarien actuel une contribution comparable à celle fournie par le prolétariat allemand au XIX° siècle. (1958)

 

3.4.8. - La affirmation est liée à l'étude des rapports entre États. La Russie n'a jamais soutenu la révolution chinoise mais a essayé de l’étouffer et de diviser la Chine. En 1950, la gauche affirma que la Russie ne soutiendrait pas la Chine et, en 1953. "L'histoire n'exclut pas, elle présente comme probable un pacte entre la Chine de Maο et les impérialistes d'occident, et n'exclut pas, quson tour, la Chine ne soit pas parmi les bigs en guerre contre la Russie..." (il programma comunista n°23. 1953)

Or, la Chine abandonnée par la Russie (1960),  se trouva isolée, livrée à ses seules forces. L'État chinois ne peut maintenir le vaste mouvement révolutionnaire qui la travaille qu'en facilitant l'instauration d'institutions, de structures, en édifiant le capitalisme. Pour cela, inévitablement, elle entre à la fois, en conflit et en conjonction avec les E.U.

 

La 2° aftirmation est en liaison étroite avec la 1° en ce sens que le vaste mouvement révolutionnaire peut, tant sur le plan de-la lutte que sur le plan théorique, déborder la direction du parti et de 1'État chinois. Après les troubles de 1961, on a l'offensive sur l'Assam. Mais une intervention chinoise en Inde entrait obligatoirement en oppositon avec les E.U.. D'où le recul des troupes chinoises et, de ce fait, une occasion de relancer le processus révolutionnaire dans l'Inde immobilisée, perdue. Le mouvement put être dévié ensuite dans la lutte contre l'URSS (lettre en 25 points et rupture avec ce pays 1963). Puis avec la guerre du Vietnam. Cependant en 1966 commence la grande révolution culturelle qui a manifestement été engendrée par un vaste mouvement des masses. La direction maoiste a tenté et à réussi à le canaliser. La terreur des gardes-rouges est comparable à celle des plébiens dont parlait Marx pour la révolution française, terreur qui avait permis d'en finir avec l'ancien régime. Mao apparait alors comme un Robespierre qui parvient à utiliser ces masses, à se mettre à leur tête tout en ne satisfaisant qu'un certain nombre de leurs revendications. Dans tous les cas ce captage de direction n'a pas pu se faire sans heurt avec des éléments plus à gauche (comme ce fut le cas au cours de la révolution française). D'autre part, nous l'avons vu, la république bourgeoise ne triomphe qupartir du jour οù elle a éliminé provisoirement la puissance du prolétariat.

La non-intervention américaine en Chine peut s'expliquer par la peur d'accélérer, de radicaliser le phénomène qui pourrait bouleverser l'Asie et le monde.

 

3.4.9. - Ι1 y a donc un double mouvement : une d'intégration de la Chine dans le système mondial. Pour cela il faut que les masses chinoises soient domestiquées; un autre révolutionnaire dû justement à la non-fixation de la révolution, au fait qu'elle n'a pas donné naissance à une société stable, structurée. L'orientation à gauche de la direction actuelle de 1'État chinois peut être comparée à celui de la direction stalinienne en 1929 qui illusionna tant de révolutionnaires.

La volution culturelle représente peut-être la fissuration du bloc des quatre classes, le mouvement de délimitation de celles-ci et leurs oppositions. Elle marquerait la fin de la phase de révolution populaire et le début de celle de classe. Le triomphe de Maο représenterait alors le "blocage" de la lutte du prolétariat et le triomphe de la classe capitaliste.

 

 

3.4.10. - Le phénomène révolutionnaire n'est donc que freiné en Chine. Ι1 y a une course de vitesse entre les deux phénomènes indiqués plus haut. Cependant pour discerner quelles sont ses possibilités réelles de donner naissance à un véritable mouvement communiste, il faudrait avoir fait au préalable une étude exhaustive de l'évolution de la société chinoise depuis au moins la révolution de 1911. Or, un tel travail est absolument inexistant. D'où toutes les confusions qui règnent au sujet de la Chine. En 1958, la gauche avait repris la position de Marx sur le mode de production asiatique et avait commenune étude sur l'histoire de la Chine depuis ses origines mais, on 1'a dit, le travail qui a suivi n'a aucun intérêt.

 

 

3.4.11. - L'idéologie maoïste a un caractère révolutionnaire en Chine en tant qu'elle se présente comme un substitut à l'antique civilisation chinoise (elle détruit donc les anciennes superstructures), au culte des ancêtres. Celui de Mao constitue un pendant à celui de la Raison, puis de l'empereur en France. Le vieux culte unitaire ne peut être détruit que par un autre culte unitaire. Si la société capitaliste chinoise assure son assise, il n'est pas improbable que l'on ait une démaoïsation comme l'on eut une déstalinisation.

 

En Occident cette idéologie avec sa déification du peuple représente un recul de près de deux siècles. Sa vogue actuelle ne fait que traduire l'absence de la classe prolétarienne en tant qιe classe sur la scène de l'histoire et donc l'absence de la théorie du prolétariat[1].

 

 

 

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"Récemment on a lancé avec beaucoup de fatuité 1e mot d' ordre d'une certaine participation des ouvriers au profit ô nous en parlerons dans la section du salaire. Les primes particulières n'atteignent leur but que comme exception à la régle elles ne servent en fait qu acheter tel οu tel contre-maίtre, etc,. dans l'intérêt du patron contre l'intérêt de sa classe, οu elles s'appliquent à des commis, etc., bref  à des individus qui ne sont plus de simples ouvriers, et ne participent pas au rapport néral. C'est enfin un procédé spécial pour escroquer les ouvriers en retenant une partie de leur salaire sous la forme précaire d'un profit lié à la marche des affaires." K. Marx. (Fondements de la critique de l'économie politique)

 

 



[1] Complément  sur la question chinoise.