CAPITAL
ET GEMEINWESEN
VII. COMMUNISME ET
STADES INTERMÉDIARES
ENTRE
CAPITALISME ET CELUI-lÀ
Le capital tend à nier la base sur laquelle il s'est édifié, la valeur, à nier les classes en noyant le prolétariat, le producteur de la plus-value, dans la masse de ceux qui la réalisent; il tend à s'autonomiser et, dans sa domination, à faire croire que c'est l’homme le but de la production (théorie des besoins). C'est la mystification totale où l'homme esclave productif et consommant est présenté comme le maître, mais c'est, en fait, parce que le maître réel, le capital, ne peut pas se libérer, se rendre complétement autonome vis-à-vis de la force de travail. D'où les crises. Au cours de celles-ci, le capital bute contre sa base étroite et fait ainsi rejaillir la réalité qui avait été mystifiée: le prolétariat seul est producteur de plus-value. Celui-ci peut alors retrouver sa force révolutionnaire et, conduit par le parti de classe qui a su déchiffrer depuis longtemps toutes les péripéties du procès vital du capital, passer à l'offensive: destruction du capitalisme, expropriation des expropriateurs... C'est la révolution communiste. Mais cela ne peut faire accéder du jour au lendemain au communisme. Ι1 est donc nécessaire d'indiquer les phases entre capitalisme et celui-ci.
La transition de l'un
à l'autre ne
peut être représentée par une formule, comme pour le capital, parce que la transformation suppose la
destruction d'une formule même; le communisme étant
réalisé lorsque
l'espèce humaine unifiée exploite la planéte. Toute formule serait formule en devenir, c'est-à-dire une
contradiction dans les termes.
Ι.
Caractères généraux de la transition entre les deux formes de
production.
Au
cours
de la phase qui suit immédiatement la
victoire de la révolution (la dictature du prolétariat), le communisme ne peut pas librement se développer parce que le prolétariat doit lutter contre la réaction capitaliste. Il
devra mener des guerres plus οu
moins longues. Seulement, dés cette époque; le communisme peut se manifester d'autant plus que nous avons affaire à une zone géosociale où le
capitalisme aura été fortement développé. Ainsi, il est évident qu'aux Etats
Unis le capitalisme réalise déjà un certain nombre de mesures qui devaient être auparavant effectuées par la dictature :du prolétariat à une époque où
le mode de production capitaliste était moins développé. En revanche, dans les zones où ce dernier a seulement affecté
une partie du pays (les Indes; par exemple) où les formes
économiques capitalistes n'ont pas été généralisées, les mesures de dictature du prolétariat seront différentes, mais tendront vers le même but. D'autre part, et ceci, dans
n'importe quelle zone, il pourra se produire une plus ou moins
grande accélération des processus en fonction de la situation internationale. Une victoire rapide sur la
réaction capitaliste permettra d'abréger la phase transitoire par apport massif d'éléments: venant des
pays avancés. Le
communisme est un phénomène mondial
et
non national.
Le
cοmmunisme est non seulement la négation du capitalisme, mais aussi celle de toutes les
sociétés de classe qui le précèdent. De ce fait, le
mouvement libéré des
entraves de la société actuelle, mouvement impulsé par le parti, se présente comme
l'inversion de celui qu'a connu la communauté humaine depuis sa sortie du communisme primitif. L'expropriation des hommes et leur atomisation est remplacée par
l'unification de
ceux-ci et par l'appropriation de la part de l'espèce humaine unifiée des produits de son activité,
espèce humaine non autonome, mais réconciliée avec la nature; la
valorisation de tout par 1a destruction de la valeur: les produits reprenant leur caractère d'éléments nécessaires à l'homme social et ils
sont à sa disposition. L'homme n'est plus une marchandise; fin de la préhistoire humaine. De ce fait, la plus grande force productive est libérée, l'espèce. Actuellement, elle est en jachère, gaspillée οu
détruite.
Ce
mouvement s'embraye sur celui déjà en action dans cette société et qui
est freiné par le capital. La politique étant à
l'heure actuelle le moyen de contenir le communisme. En conséquence l’accession à celui-ci se présentera lié à ces deux éléments: la destruction des entraves à son développement et son développement lui-même. Au
cours de la phase de dictature du prolétariat et du socialisme inférieur, c'est surtout
l'aspect destructif,
d'érosion de la forme ancienne qui apparaît. Dans 1a dictature du prolétariat l'action politico-militaire
= libération du communisme, sera prédominante, comme
l'expliqua L. Trosky (après les autres théoriciens du marxisme) dans son fameux discours de 1922 à propos de la
nouvelle politique économique [1].
II.
Domination formelle
du
communisme.
A.
La dictature du prolétariat.
La mystification du capital consiste à masquer toutes les contradictions, donnant ainsi l'impression qu'elles ont été surmontées. Nous l'avons vu, il tend à nier les classes et
le communisme présent dans ses flancs. La période qui s'ouvre avec la grande crise et la révolution prolétarienne se présente au contraire comme une époque où les
contradictions apparaissent dans toute leur intensité. Ι1
faut en effet les pousser jusqu'au bout, les généraliser pour les supprimer.
Le prolétariat prend le pouvoir et détruit 1'État
capitaliste
mais celui-ci n'est que
l'expression
superstructurelle de la communauté
matérielle en quoi le capital s'est constitué au cours du dernier développement historique. Cette communauté, être impersonnel, est renouvelée gràce au procès vital qu'est la valorisation de la valeur. C'est
ce dernier qu'il
faut détruire si l'on veut débarasser l'humanité
du capital. En effet, 1a destruction de l'État,
l'expropriation
d'une classe ne seraient par suffisantes dés lors qu'on
laisserait intact le mécanisme que nous avons étudié et qui fait qu'une somme de valeur x a la
possibilité de
se transformer en x +
Δx.
La prise du pouvoir νa
permettre d'enrayer la
régénération de cette communauté et faciliter le développement de ce qu'il y a de communisme en la société. Mais il
n'est pas possible
immédiatement de la remplacer par une communauté humaine. D'où la nécessité d'un organe
transitoire, l'État
prolétarien
exerçant sa dictature. Cet État
est
dirigé par le parti communiste, détenteur de la solution historique: donner forme humaine à la société.
Le prolétariat s'érige donc en État
prolétarien.
Du
jour au lendemain, les fondements de la société ne sont pas
modifiés, mais tout le mouvement économico-social qui normalement tend vers le communisme a maintenant une direction qui νa
faciliter son développement et non l'inhiber. C'est la phase de domination formelle du communisme qui commence.
Domination formelle, parce que pour que la communauté humaine domine réellement, ί1
faut un bouleversement
total des fondements de la société[2].
Pour le
moment, la
communauté représentée par
le parti remplace celle du capital qui garde encore des assises profondes.
En
dehors des mesures immédiates liées à la lutte armée due au retour offensif des classes dépossédées pour reprendre le
pouvoir οu
freiner le mouvement dont il
a été question, toutes
les autres
sont
prises
en
fonction
du
communisme
pleinement
développé, qui est
le but final. Pour l'instant, ce n'est que formellement qu'il domine étant donné qu'on a simplement détruit les entraves les plus importantes à son dévéloppement. Mais cette
domination s'exprime aussi dans
l'inversion suivante: la socialisation de la production et des hommes était le résultat, toujours remis en cause, du développement capitaliste, maintenant, elle νa
devenir
présupposition
de la nouvelle forme sociale. C'est
elle qui s'impose comme force dominante et qui
doit modeler à son image le reste
du procès social. Cela implique en même temps que le gouvernement se fasse
non plus au nom de
l'individu ancien, esclave de la communauté matérielle, mais en fonction de la communauté humaine saisie dans son devenir:
l'espèce qui
ne peut
évidemment au début être réprésentée que par le parti.
Nous avons dit que le point essentiel était la destruction du procès
de
valorisation. La dictature
du prolétariat s'attaque à celui-ci en prenant deux mesures absolument liées:
a
- Tout le monde doit travailler; qui ne travaille pas ne mange pas;
c'est la généralisation de 1a condition du prolétaire, ainsi que celle du travail manuel.
b
- Diminution
de
1a journée de travail.
La nouvelle société affirme par là même que n'est homme que celui qui travaille. Ainsi, le travail reprend sa place fondamentale, et
l'homme redevient sujet de la production. Le capital au contraire -
sous forme de capital fixe surtout -
élimine l'homme et le refoule dans le domaine du superflu.
La
dictature du
prolétariat n'a pas
de
constitution, d'institutions, de règles pour définir l'homme comme ce fut le cas au cours de la révolution bourgeoise. Mais c'est
l'acte productif, la participation à 1a
production humaine, parce que pour l'homme, qui
définit celui-ci dans la société qui vient de subir
l'acte chirurgical essentiel, la révolution communiste.
Seulement l'homme ne peut être enfermé
dans une définition, ni dans un acte déterminé, dans un procès de production, surtout lorsque
celui-ci ne s'est pas encore
débarrassé
des limitation et du
caractère étriqué à lui légué par
le capitalisme
(la société
communiste
commence à peine son émersion et repousse
l'ancienne). Elle ne connaît
que le
travailleur et
refoule
l'oisif comme
non-humain parce qu'inessentiel à
sa transformation même.[3]
Nous
avons
en quelque sorte formation
d'une
communauté fondée sur le travail. Sous le capitalisme,
c'était
le capital qui médiatisait
l'existence de l'homme, maintenant, c'est le travail.
Arriver à
ce stade,
c'est porter un coup décisif à la
communauté capitaliste,
mais ce
n'est pas encore
saper
ses fondements, parce
que le
travail lui-même est encore porteur des
stigmates
de 1a société
classiste antérieure [4].
Pour arriver à ce résultat,
il faut
que le
travail n'ait plus un caractère antagonique, qu'il
ne renferme plus l'opposition
travail nécessaire surtravail. Pour le
moment, la mystification a été détruite, mais ce qui apparaît,
c'est encore un procès aliéné
et contradictoire. C'est à partir de la diminution de 1a journée de travail et
sa généralisation, qu'il
est possible
que le
travail
perde
son
caractère forcé et antagonique.
Mais revenons
à la mesure
obligeant tout le monde
à travailler. Elle
mine
de fond en comble l'ancien ordre des choses. «Lorsque
le prolétariat dénonce la dissolution de l'ordre social actuel,
il ne fait qu'énoncer le
secret
de sa propre existence; car
il constitue
lui-même la dissolution de cet ordre social... ». (Contribution
à la
critique de la Philosophie du Droit de Hegel). Le
capitalisme avait
bien
saisi
cet aspect
révolutionnaire du prolétariat,
d'où sa tentative
de lui donner une réserve,
si minime soit-elle,
et, avec
elle, la
mentalité bourgeoise;
essayer même
de le nier comme nous l'avons vu précédemment.
En revanche, ici 1a situation du prolétaire
réapparaît et est généralisée à
l'ensemble social.
D'où la dissolution du capitalisme. C'est en même temps la destruction d'un gaspillage énorme -
qui se perpétue journellement sous le capitalisme -
de force de travail, puisque cela suppose 1a négation d'une foule d'activités inutiles οu nocives pour l'homme.
Mais cette
généralisation reste encore dans la forme salariale. Elle implique qu'il y a toujours un intermédiaire entre le
produit et celui
qui le consomme. Mais cela n'a pas la même base.
En société capitaliste, le salaire est un moyen de ne pas donner à l'individu producteur, la
totalité du produit. Dans 1a phase de transition, il résulte du fait qu'on ne peut pas du jour au lendemain détruire l'économie de marché.
Sous
le capitalisme, le travailleur considère
sa propre force de travail comme une valeur d'échange; elle lui permet d'acquérir un salaire avec lequel il pourra obtenir des valeurs d'usage. Pour le capitaliste au contraire cette force est valeur d'usage, et il
s'en sert pour engendrer des produits devenant de plus en plus inessentiels pour l'homme.
Le capitalisme sort de 1a sphère de 1a satisfaction des besoins matériels de l'homme, le communisme y rentre. Cela implique dans ce cas que tout le travail de
l'homme est utile à l'espèce, mais il n'est pas possible encore d'empêcher que cette activité se présente à l'individu comme une activité pour l'échange (Erwerbstätigkeίt). Mais c'est le point de départ de la destruction de la loi de la valeur [5].
Dès la prise du pouvoir, la Révolution Communiste manifeste son âme sociale, c'est-à-dire que ce qui compte, ce ne sont pas les mesures politiques, mais le but de celles-ci: l'unification de l'espèce
et l'abolition des
anciens antagonismes. En édictant et en faisant respecter la loi «
qui ne
travaille pas ne mange pas », la
concurrence entre les hommes tend à être détruite. Il en est de même lors de
l'abolition de
l'antagonisme travail manuel-travail
intellectuel, ce qui
suppose la généralisation du premier liée à celle de la réduction de 1a journée de travail: «Dans ce sens, le raccourcissement de la journée de travail trouve sa dernière limite dans la
généralisation du
travail manuel».
(Livre Ι,
tome
2, page 201. [6]
Nous voyons par là-même se détruire la mystification du capital et le vrai acteur du procès de production, le travail, revenir au centre du phénomène. Seulement la destruction de la mystification n'abolit
pas automatiquement le caractère mercantile que porte le travail depuis la naissance du capital. D'autre part, il y a une autre mystification liée au salariat lui-même qu'il faut détruire. En effet, le capitalisme le généralise. Ce
n'est plus uniquement le prolétaire -
celui qui produit 1a plus-value -
qui est un
travailleur salarié, c'est vrai aussi de ceux qui la font circuler. Or, ceux-ci n'effectuent pas un travail productif pour l'espèce humaine, mais seulement pour le capital. En généralisant le travail manuel, le travail réellement utilisé à la production, on redonne un contenu réel au salariat. Celui-ci perd sa mystification et 1a généralisation de la condition de prolétaire à l'ensemble de la société est une réalité.
Nous
avons
maintenant une société cractérisée par la communauté travail qui n'est pas
encore une société humaine; dans ce cas, c'est l'espèce émancipée qui
médiatise la vie de chacun de ses composants [7].
Pour qu'il n'y ait plus besoin d'intermédiaire autre que l'Être
humain
lui-même,
il faut
que
le
travail
redevienne
l'activité vivifiante
et
non aliénante
de l'homme; il
faut donc qu'il perde les derniers caractères mercantiles qui lui ont
été imprimés par la société bourgeoise.
B.
Le
socialisme inférieur.
«
Ce
à quoi
nous
avons
affaire
ici,
c'est
à une
société
communiste
non pas telle qu'elle s'est développée sur des bases qui
lui sont propres, mais, au
contraire, telle qu'elle vient de sortir de la société capitaliste; une société, par conséquent qui, sous tous les rapports économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l'ancienne société des flancs de laquelle elle est issue».
( K.
Marx, Critique
du Programme de Gotha).
Nous n'avons encore qu'une domination formelle du Communisme.
Dans le socialisme inférieur, i1 y a une production sociale
comme dans le cas du capitalisme,
mais l'appropriation tend elle aussi à le devenir de plus en plus. Les moyens de production sont pleinement socialisés; les moyens de circulation sont contrôlés par l'État
prolétarien
de
telle
sorte
que
le
prolétariat
par l'intermédiaire
du Parti tend à faire fonctionner la machine économique au profit de
l'ensemble des
travailleurs. Donc, le
premier acte s'accomplit: la réunion de la machine collective à l'ouvrier collectif pour une production collective et qui profite à
l'ensemble des
hommes.
Le capital en tant que valeur d'échange parvenue à l'autonomie totale peut être facilement détruit. Ι1
l'est déjà (acte de la dictature du prolétariat) lorsqu'on invertit le but de 1a production. Elle n'est plus en vue du profit, mais pour satisfaire la consommation de l'homme. Seulement, tant que l'on demeure à ce stade, il est évident que la valeur peut tôt οu
tard
régénérer
le
capital.
Ι1
faut donc s'attaquer aux formes inférieures de la valeur, les déraciner toutes pour enlever au capital toute chance de réapparaître.
Les socialistes anglais qui demeuraient sur le terrain de D. Ricardo voulaient que la loi de la valeur jouât réellement, et ce,
en faveur du prolétariat. D'où
leur proposition du bon de travail [8].
K.
Marx démontre en quoi résidait l'utopie d'une « monnaie οu
bon
de
travail
dans
le milieu
actuel
de
production
».
Car
pour
Gray « les produits doivent être fabriqués comme marchandises, mais non être échangés comme des marchandises ».
(Contribution,
page
57). Dans le socialisme, les produits doivent être fabriqués non comme des marchandises et ne peuvent pas être échangés. Le bon de travail peut donc
avoir une fonction
historique.
1.
Bon
de travail et production.
Pour
que les produits ne
soient plus fabriqués
comme marchandises,
i1 faut
détruire
le procès de
valorisation,
donc
enlever à la force
de
travail son caractère de marchandise
et, ceci, est possible:
«
Nous savons qu'au
contraire la conservation, donc aussi la reproduction
de la valeur
des produits du travail passé, est en fait seulement le résultat
de leur
contact avec le travail vivant
et que, par
ailleurs, la domination
des produits du travail
passé
sur le travail vivant dure
seulement ce que dure le rapport
capitaliste, le rapport
social
déterminé dans
lequel le travail passé
s'oppose, indépendant et tout puissant, au travail vivant ». (Livre
III, t. 7, p. 63).
Pour que l'homme ne soit plus une marchandise, il
ne faut plus qu'il soit contraint
de se vendre,
d'aliéner
sa force
de
travail pour avoir
« droit
à la vie ». Pour cela il ne faut plus que:
les
moyens de production soient détenus par une classe, ni même par l'État,
mais
par la
société.
Nous
l'avons vu, dès
le début de la phase de
dictature du prolétariat, tous les hommes doivent travailler, l'État contrôle
toutes les branches de la production. Ιl
prévoit ce qu'il faut pour la consommation, il y
a établissement d'un plan de
consommation. En fonction de celui-ci, il
y a production et en fonction de celle-ci le temps de travail social (nécessaire)
est calculé. Tout
homme
doit en accomplir une fraction. «Le temps de travail règle d'abord le rapport exact des diverses fonctions aux divers
besoins; de
l'autre il mesure la part individuelle de chaque
producteur dans le
travail commun ». (Livre Ι,
t.
Ι,
p. 90).
Les moyens de
production ne se présentent plus comme des instruments pompant 1a
plus-value, aspirant le travail humain pour en faire du surtravail. Ils servent à
accomplir un procès de travail nécessaire à la
production d'une certaine
quantité de
produits dont la société a
besoin.
La
transformation porte sur les deux
termes: le travail et les moyens de production. Car, nous l'avons vu, le travail
n'est travail salarié que parce qu'en face les moyens de production sont détenus
par une
classe. Les
moyens de production
ne sont capital que dans la mesure
où existe le
travail salarié,
c'est-à-dire une force
de travaiι
dont
1a consommation productive permet d'une part de restaurer la valeur avancée avec le moyen
de production, mais
aussi de créer un
incrément, la plus-value qui, réifiée, deviendra capital et
s'opposera aux prolétaires comme puissance ennemie, dans d'autre
procès de
production. Détruire
le
salariat, c'est ôter aux moyens de production leur caractère de capital.
En
conséquence, il
nous faut
noter
ici la différence
avec le
salaire. La
mesure
qui tend à réunir les deux
phases séparées force de travail et moyens de
production par la prise en charge
définitive par
l'homme de la machine
productive, abolit l'échange entre travail vivant et travail mort. Ne s'opposant plus comme
puissances antagoniques, mais étant réunies en un procès de travail
harmonieux,
leur
union, dans
tous les
cas nécessaire
pour
que la production s'effectue, n'a plus besoin d'un moyen terme: l'échange. Ι1
y a accomplissement d'une fonction. La
base n'est plus le
minimum nécessaire
à l'entretien de la vie de
l'individu, mais
elle part
de données d'ensemble:
assurer à l'homme la vie la plus adéquate à sa nature. Ce temps de travail
représente une contribution individuelle au travail nécessaire pour le fonctionnement
de la
société. Cela suppose que tout le travail est nécessaire pour l'espèce.
Autrement
dit,
avec le
bon de travail, le
travailleur semble
encore subir la loi
de l'échange, mais
celui-ci n'a plus le même
contenu que sous le
capitalisme. Ce
n'est plus la condition pour travailler le temps nécessaire, c'est une
quote-part d'un travail social total. D'autre
part, le bon indique en même temps dans
quelle mesure
(même si c'est encore
sous un aspect uniquement quantitatif) l'activité de l'homme particulier est utile. On lui demande une participation au procès
productif social et on n'a
que celui-ci en
vue de
telle sorte que se manifeste -
de façon encore
embryonnaire - la possibilité pour tout homme de considérer son travail non plus comme une
activité qui permet une valorisation, mais comme une valeur d'usage directement utile à la société. Les barrières posées par l'existence de l'individu indépendant
commencent à tomber. Mais ceci est un résultat long à atteindre. Au
stade où nous
raisonnons, pour
l'individu, au contraire, le temps de
travail peut s'opposer au temps libre (aspect social opposé à celui individuel). Ι1
nous faut
donc pousser plus à fond notre
analyse des caractères du travail.
1° La
détermination du
temps de
travail est sociale.
«
Si on présuppose une production communautaire (Gemeinschaftliche), la détermination du temps demeure, bien entendu, essentielle. Moins il faut de temps à la
société pour produire du blé, du bétail, etc., plus elle gagne de temps pour d'autres productions matérielles
οu
spirituelles. De même, chez un individu particulier, l'universalité
de son développement, de sa jouissance et de
son activité dépend de l'économie
de temps: Economie de temps, voilà à quoi se réduisent, en dernière analyse, toutes les économies. La société doit répartir également et
judicieusement son temps afin d'obtenir une production conforme
à la totalité de ses
besoins. (...)
Economie de temps ainsi que distribution planifiée du temps de travail entre les différentes branches de production, telle demeure donc la première loi économique sur 1a base de la production communautaire ». (Fondements, t. 1, pp. 110-11).
2° Pour accéder au Communisme, il faut:
a
- Réduction de tout le travail au travail abstrait. Ce n'est qu'ainsi que 1a société peut comptabiliser les efforts nécessaires pour produire. Le capital tend d'ailleurs à réaliser une telle réduction.
b
- Création du temps disponible: le capital le réalise encore: «La création de
beaucoup de
temps disponible en dehors du temps de travail pour la
société en
général et pour chaque membre de celle-ci
(c'est-à-dire d'espace pour le développement de toutes les forces productives de l'individu, donc aussi de la société), cette création de temps de non-travail apparaît du point de vue du capital, comme à toutes les époques antérieures, en tant que telle, comme du temps libre pour un petit nombre». (Fondements, t. 2,
pp.
224-225).
On
a ainsi les deux éléments pour que le bon de travail puisse être opérant. Une mesure de
l'activité que l'homme doit développer pour produire les éléments nécessaires à sa vie. Une augmentation importante des forces productives qui diminue le temps de travail, créant ainsi le temps disponible. Car c'est grâce au développement de ce
dernier que l'homme pourra se transformer et tendre à échapper à la sphère de la nécessité en la dominant.
« Le
temps de
travail en tant que mesure
de la richesse implique que la richesse, elle-même, soit
fondée sur la pauvreté, que le
temps disponible existe
dans et
par la
contradiction
au temps
de surtravail, οu
qu'on pose tout
le temps
d'un individu comme
temps de
travail,
d'où dégradation de celui-ci au rang
de simple travailleur, domination par le travail ». (ibid., p.
226).
Dans le socialisme
inférieur, cette nature contradictoire est détruite
en généralisant le temps
disponible, donc
en émancipant
l'homme de l'esclavage salarié. Mais c'est,
il faut le rapeller, le
capital qui créé
lui-même cette base. Nous avons précédemment montré
que les
classes
moyennes ne sont que les représentants
vivants de ce temps
disponible et
personnifient donc
le surtravail de 1a
classe ouvrière" Mais sa tendance (au capital,
n.d.r.)
est
toujours de créér du
temps
disponible, d'un côté, de le transformer en surtravail de l'autre. S'il
réussit
trop bien à créer
du temps disponible, il souffre de
surproduction, et le travail nécessaire
est interrompu parce que le capital
ne peut
plus valoriser aucun surtravail. Plus cette
contradiction se développe et plus il se révèle que la croissance
des forces
productives ne
peut plus être
condamnée
à l'appropriation du
travail d'autrui, mais
que la
masse ouvrière doit s'approprier elle-même son surtravail. Ceci
réalisé,
le temps
disponible cessant
d'avoir une existence
contradictoire, alors, d'un côté
le temps
de travail
nécessaire
aura sa mesure dans
les besoins
de l'individu social,
d'un autre côté le développement de la force
productive sociale
s'accroîtra à un point tel que le temps
disponible croîtra pour tous, bien que la
production sera calculée en vue de la richesse
de tous.
Car la richesse
effective
est la force
productive développée
de tous
les individus. La mesure de la richesse n'est plus du tout le temps
de travail, mais le temps
disponible. » (Ibid., pp.
225-26). [9].
Le
travail doit perdre tout
aspect antagonique pour ne plus être
qu'activité humaine: Ι1
a le premier caractère tant
qu'il doit être mesuré
en temps
de travail et, ceci doit se
faire
tant
qu'on doit imposer aux hommes une activité. Activité sociale qu'ils jugent
extérieure à eux
et dont ils veulent
différencier la leur propre se développant dans le temps
disponible. Mais déjà sur la base du
mode de production capitaliste la mesure de 1a richesse par le temps de travail apparaît comme une base mesquine pour le développement social.
«Dés
que
le
travail
sous
sa forme immédiate a cessé d'être la grande source de la richesse, le temps de travail cesse et doit cesser
d'être sa mesure, et la valeur d'échange celle de la valeur d'usage. Le
surtravail de la masse a cessé d'être la condition pour le développement des puissances universelles du cerveau humain. La production fondée sur la valeur d'échange s'effondre de ce fait, et le
procès de
production matériel immediat parvient à se dépouiller de la forme de la nécessité (Notdürftίgkeit)
et
de la contradiction (Gegegensätztlichkeit). Ce n'est pas la réduction du travail nécessaire pour créer plus de surtravail, mais 1a réduction à un minimum
du travail nécessaire à la société, qui correspond au libre développement des
individualités, donc à
l'éducation artistique, scientifique, etc.,
des
individus, grâce au
temps devenu libre
et aux moyens
créés.» (Ibid., p.
222).
Sous
le capitalisme,
le travail
immédiat,
celui
des
vivants entre
dans la production dans une proportion de plus en plus faible, celui
des morts dans la proportion inverse. Ce dernier est médiat ou social; il est dévalorisé et ne peut réacquérir valeur qu'à l'aide du premier. C'est pourquoi ce qui intéresse le capital, c'est le travail vivant car lui seul est valorisation, création de plus-value. «La production de plus-value n'est
donc pas autre chose que la production de valeur prolongée au
delà d'un certain point. Si le procès de travail ne dure que jusqu'au
point où la valeur de la force de travail payée par le capital est remplacée par un équivalent nouveau, il
y a simple production de valeur; quand ί1
dépasse cette limite, il y a production de
plus-value». (Livre Ι,
t. 1,
p. 195).
Le capital en développant les forces productives fait qu'une faible portion de
travail vivant rappelle à la vie une grande quantité de travail mort. C'est
son aspect social et contradictoire: «
Nous savons qu'au contraire, la conservation, donc aussi la reproduction de la valeur des produits du travail passé
est en fait seulement le résultat de leur contact avec le travail vivant; et que, par ailleurs, la domination des produits du travail passé
sur le travail vivant dure seulement ce que dure le rapport capitaliste: le rapport social déterminé dans lequel le travail passé
s'oppose, autonome et tout puissant, au travail vivant».
(ΙΙΙ, 7.63).
La
source
de la richesse n'est plus immédiate, mais médiatisée par le capital, dans le socialisme inférieur, c'est la société qui la médiatise; tout le produit des
générations passées
est offert à la
collectivité. Le Communisme est la résurrection du travail mort. L'activité humaine non seulement immédiate mais passée
est
reconnue comme seule nécessaire. Ιl
y
d'abord
destruction de la mystification, domination formelle du communisme, puis acheminement vers une affirmation de plus en plus prépondérante de l'activité humaine. Ceci est possible dans lla mesure où les moyens de production ne sont plus séparés des forces de travail; autrement dit, quand le procès de travail est unitaire. Ici encore, le capitalisme crée la base d'une telle situation.
«
Dans les sociétés par action, la fonction est séparée de la propriété du capital; pourtant, le travail est, lui aussi, totalement séparé de la
possession des
moyens de production et du surtravail. Ce résultat du développement suprême de la production capitaliste est le point par où passe
nécessairement la reconversion du capital en propriété des producteurs, non comme propriété privée des producteurs particuliers, mais en tant que propriété des producteurs associés, propriété sociale
immédiate. Par ailleurs, c'est le point par où passe la transformation de toutes les fonctions du procès
de reproduction encore rattachées à la propriété
du capital en simples fonctions des producteurs associés, en fonctions sociales ».
(Livre III, t. 7, pp. 102-103).
Ι1
n'y a plus,
alors,
d'échange entre
travail
vivant
et
travail
mort.
Ι1
ne reste plus qu'un procès de travail, car celui de valorisation a disparu: «Le capital argent disparaît en production socialisée. La société répartit la force de travail et les moyens de production entre les diverses branches d'industrie».
(Livre II, t. 5, p. 14). Cela implique que les moyens de production ne peuvent plus apparaître sous la forme de capital fixe.
Destruction
du
capital
fixe.
« La forme capitaliste de la reproduction une fois éliminée, le problème se ramène à ceci: la grandeur de la fraction du capital fixe qui disparaît et qui doit donc être reproduite en nature (il s'agit ici de la fraction servant à la production des moyens de consommation) change d'année en année. Si elle est très grande une certaine année (au-dessus de la mortalité moyenne, comme pour les hommes), elle est certainement d'autant plus petite l'année
suivante. La
masse des matières premières, des
produits semi-finis et des matériaux
auxiliaires, nécessaires pour la production annuelle des
articles de
consommation -
toutes choses restant égales par ailleurs -
ne diminue pas pour autant; la production devrait donc augmenter dans un cas
et diminuer dans
l'autre. On ne
peut remédier que par une surproducton relative
continuelle; il
faut, d'une part, une certaine quantité de capital fixe qui produit davantage qu'il
n'est directement nécessaire; d'autre part et surtout, une production de
matières premières, etc.,
dépassant les besoins immédiats actuels (ceci vaut surtout pour les moyens de subsistance). Une telle sorte de surproduction équivaut
au contrôle de la société sur les moyens matériels de sa propre reproduction. Mais dans 1e cadre de 1a société capitaliste, elle est un élément d'anarchie ».
(Le Capital, L. II,
t. 5,
pp. 116-17).
Ce
contrôle
est possible au moment où
l'échange est supprimé, quand les moyens de production ne sont plus capital fixe.
Ces derniers serviront « à former des objets usuels sans servir à former des valeurs ».
(Livre Ι,
t: 1,
p. 203). Au niveau
de la reproduction actuelle, le sujet d'échange c'est l'entreprise. Ιl
faut donc détruire les entreprises: la société communiste n'ayant plus à restaurer les limites entre capitaux privés, se libérera de toute une gamme de gaspillages sociaux. Abolition de la répartititon du
capital entre entreprises -
postulat du communisme (tout en détruisant le capital social. Voir Il programma communista, n° 13; 1963).
«
Supposons qu'au lieu d'être capitaliste, la société soit communiste: tout d'abord, le capital argent disparaît, et avec lui les déguisements des transactions qui s'imposent grâce à lui. La chose se réduit simplement à ceci: il faut que la société calcule d'avance la quantité de travail, des moyens de
production et de
subsistance qu'elle peut, sans aucun dommage, employer à des entreprises comme par exemple la construction des chemins de fer, qui, pendant un temps assez long, un
an ou même davantage, ne fournissent ni moyens de production ni moyens de subsistance, ni effet utile quelconque, mais enlèvent à 1a production annuelle totale du travail des moyens de production et de subsistance. Au contraire, dans la
société capitaliste, où le bon sens social
ne se fait valoir qu'après coup, ί1
est possible et inévitable qu'il se produise sans cesse de grandes perturbations ».
(Livre II, t. 4, pp. 292-93).
Temps
de travail et valeur.
Ι1
semble
qu'on ait
toujours affaire à des valeurs, mais à ce moment,
c'est bien, à nouveau, le temps de travail qui les définit. Mais puisque le but n'est plus son accroissement, cela veut dire que le temps de travail n'a plus besoin de se
manifester sous l'enveloppe valeur pour avoir une fonction sociale; il assure d'emblée son rôle. Ce qui intéresse,
c'est son caractère utile. On peut dire ici qu'il ne joue que le rôle d'étalon. Ι1
mesure les produits de l'activité humaine et celle-ci dans son mouvement actuel. D'ailleurs K. Marx
fait remarquer: «Le temps de travail ne peut pas être lui-même immédiatement
l'argent, cela reviendrait à exiger que chaque marchandise soit immédiatement son propre argent. »
(Fondement, t. 1,
p. 106). Ι1
ne peut le devenir qu'au travers de l'échange qui en faisant affronter les marchandises entre elles, le fait parvenir à la détermination de la valeur et donc de l'argent. «La
marchandise n'est valeur d'échange que dans la mesure où elle s'exprime dans une autre, bref, en tant que rapport ». (Ibid, p. 147).
Dans le socialisme inférieur, la détermination sociale se fait avant, tandis que dans le capitalisme, elle se fait après coup
(cf. citation ci-dessus) c'est
pourquoi dans cette dernière société, le temps de travail a
besoin de
l'échange pour devenir social, d'où sa métamorphose valeur. La transformation vient du fait qu'on ne
part plus de données particulières, mais sociales. La présupposition est sociale, c'est la communauté qui détermine les quanta de temps qu'il faut mettre en mouvement.
D'emblée le caractère communautaire de la production ferait du produit un produit général et
communautaire. L'échange se produisant originellement
dans la production ne serait pas
un échange de valeurs, mais d'activités déterminées par les besoins et les buts communautaires, il engloberait d'emblée la participation de l'individu au monde communautaire des produits. Sur la
base des valeurs d'échange, le travail doit être d'abord posé par l'échange
en
tant que travail général. Sur l'autre
base il
le serait avant l'échange, c'est-à-dire que l'échange
des produits ne serait pas du tout l'intermédiaire (médium) grâce auquel la
participation des individus serait medίatisée. Ι1
faut naturellement une
médiation. Dans le premier cas, on part de la production autonome des individus
particuliers, qui est déterminée et modifiée post-festm par des rapports complexes: la médiation s'effectue par l'échange des marchandises, la valeur et
l'argent, autant d'expressions d'un
seul et même rapport. Dans le second cas, c'est la présupposition
elle-même qui est médiatisée; c'est-à-dire qu'est présupposée une production communautaire,
l'aptitude à 1a formation de la communauté (Gemeinschaftlichkeit) en tant que base de la production. Le travail de l'individu est d'emblée posé comme travail social. (...)
Dans le premier cas, le caractère social de la production n'est obtenu post festum qu'en érigeant les produits en valeur et en les échangeant. Dans le second cas le
caractère social de la production est présupposé
et la participation au monde des produits et à la
consommation n'est pas médiatisée par l'échange de travaux ou de
produits du
travail
indépendants les uns des autres.» (Fondements, t. 1, pp.
109-110).
Ainsi donc, il
n'est plus question de coût de production, puisqu'il ne
s'agit plus de profit; il ne s'agit plus de valeur puisqu'il
n'y a plus d'échange, parce que d'entrée les produits ont un caractère
social car produits pour 1a société et par
l'ouvrier collectif utilisant la machine productive sociale. On
n'a affaire qu'à des produits qu'il faut créer selon certaines quantités. On
se préoccupe de
l'utilité pour l'homme.
Seulement il faut connaître l'effort social et individuel à fournir. Le temps de travail permet de le mesurer.
Nous avons donc vu qu'avec le bon de travail, le temps de travail devenait temps nécessaire à la
société. Ι1
ne s'oppose plus qu'au temps disponible. Mais pour être sûr que ce temps ne recèle pas une nature double, qu'il
s'oppose uniquement à quelque chose qui est
au-delà de lui et que donc l'opposition
ne lui soit pas constitutive comme cela se produit pour la journée de travail sous le capitalisme qui renferme 1a dualité: travail nécessaire, surtravail, il nous faut savoir comment sont consommés les produits engendrés au
cours d'un laps de temps dont la mesure est inscrite sur le bon de travail.
2.
Bon
de travail et consommation des produits.
La consommation est sociale, déterminée par 1a société: « À
toute
époque, la répartition des objets de
consommation n'est que la conséquence de la manière dont sont distribués les conditions de la production elle-même. Cette distribution est un caractère du mode de production lui-même. Le mode de production capitaliste, par exemple, consiste en ceci que les conditions matérielles de propriété sont attribuées aux non-travailleurs sous forme de propriété capitaliste et de propriété foncière tandis que la masse ne possède que les conditions personnelles de production: la force de travail. Si les éléments de la production sont distribués de la sorte, la répartition actuelle des objets de consommation s'ensuit d'elle-même. Que les conditions matérielles de la production soient la propriété collective des travailleurs eux-mêmes, une répartition des objets
de
consommation différente de celle d'aujourd'hui s'ensuivra pareillement
». (Critique au Programme de Gotha,
pp. 25-26). [10]
Puisqu'on
a produit
pour une certaine consommation, on a produit ce qui était nécessaire. Le monde de 1a nécessité ne peut être dominé que lorsque la production peut satisfaire -
avec un minimum d'effort humain -
un ensemble de besoins qui ne sont pas immédiats. Le bon de travail νa
donc jouer un second rôle: mesurer la portion qui revient à
l'individu « dans 1a partie du produit commun réservée à 1a
consommation ».
(Livre Ι,
t. 1,
ρ.
90).
Tout d'abord une remarque qui se relie de manière organique à tout ce qui précede:
«
Au
sein
d'un
ordre
social
communautaire,
(genossenschaftlichen),
fondé sur la propriété commune des moyens de production, les producteurs n'échangent pas leurs produits; de même, le
travail incorporé dans des produits n'apparaît
pas davantage ici comme valeur de ces produits, comme une qualité réelle possédée par
eux,
puisque désormais; au rebours de ce qui
se passe
dans la société capitaliste, ce
n'est plus par la voie d'un détour, mais directement (c'est nous qui soulignons, n.d.r.)
que les travaux de l'individu deviennent partie intégrante du travail de la communauté ».
(Ibid, , p. 23).
De
même qu'on avait déterminé la journée de
chaque individu
à partir
de la journées sociale de travail, on νa
déterminer à partir du produit
total la fraction qui revient à chacun. Mais on ne
peut pas simplement diviser la totalité du produit
social par le nombre d'individus comme le voudraient les immédiatistes partisans du produit intégral du travail.
«
La-dessus, il
faut
défalquer:
Premièrement:
un
fonds destiné au remplacement des moyens de
production usagés.
Deuxièmement:
une
fraction
supplémentaire pour accroître 1a production.
Troisièmement: un
fonds de réserve ou d'assurance contre les accidents, les perturbations dues à des phénomènes
naturels, etc. ».
«
Ces
défalcations sur le « produit intégral du travail » sont une nécessité économique, dont
l'importance sera déterminée en partie, compte tenu de l'état des moyens et des forces en jeu, à l'aide du calcul des probabilités; en tout cas, elles ne peuvent être calculées en aucune manière sur la base
de
l'équité. »
«
Reste l'autre partie du produit total, destinée à la
consommation. »
«
Mais
avant
de procéder à la répartition
individuelle, il
faut encore
retrancher:
Premièrement:
les
frais généraux d'administration qui
sont
indépendants de la production.
Comparativement
à ce qui
se
passe
dans la société actuelle, cette
fraction se trouve d'emblée réduite au maximum et elle décroît à mesure que se développe 1a société nouvelle.
Deuxièmement:
Ce qui
est
destiné à satisfaire les besoins de la communauté: écoles,
installations
sanitaires, etc. Cette fraction
gagne
d'emblée en importance, comparativement à ce qui
se passe dans la société actuelle, et
cette importance s'accroît à mesure que se développe la société nouvelle.
Troisièmement:
le fond nécessaire à l'entretien de ceux
qui sont
incapables de travailler, etc.,
bref, de ce qui relève et qu'on
nomme aujourd'hui l'assistance publique
officielle». (Ibid.,p.
22).
Le bond de travail sert de moyen de répartition, il est un droit à une participation
à la consommation.
« Le
producteur reçoit
donc individuellement -
les défalcations une fois faites -
l'équivalent exact de ce qu'il a donné à la société. Ce qu'il lui a donné, c'est son quantum individuel de travail. Par exemple, la journée sociale de
travail représente 1a
somme des
heures de travail
individuel; le temps de travail individuel
de chaque producteur est la
portion qu'il a fournie de la journée sociale de travail, la part qu'il y a prise. Ι1
reçoit de la
société un bon constatant qu'il a fourni tant de travail (défalcation faite du
travail
effectué pour des fonds collectifs),
et, avec ce bon, il retire des réserves sociales d'objets de consommation autant que coûte une quantité égale de son travail.
Le même quantum de
travail qu'il a fourni à 1a
société sous une forme, il le reçoit d'elle, en retour, sous une autre forme ». (Ibid.,p. 23).
Deux
choses sont à
considérer ici. Une juridique: 1a question du droit égal, et une économique: 1a
question de l'échange.
a)
Le droit égal.
Avec
plus
de détermination que celle qui
s'opère dans la dictature du prolétariat, le
bon de travail implique encore une médiation entre l'individu
et la société. Le travail et non
plus le capital est la présupposition. Le bon de travail est la reconnaissance de la participation à la vie sociale. Ιl
dérive d'un partage mais celui-ci est secondaire, lié au caractère limité
de la production. Ce
n'est pas un avoir qui
présuppose, mais un acte; une manifestation. De
l'accomplissement de
cet acte découle l'obtention d'un certain nombre de produits. Le droit égal dérive d'une participation égale.
Ι1
semble
que
le
socialisme
inférieur
ne
soit
donc que la réalisation de la démocratie. En effet, telle est l'apparence. Mais c'est une réalisation qui dans tous les
cas ne
serait que transitoire; elle découle d'une limitation imposée
par la faiblesse du développement des forces productives et de la conscience des producteurs. C'est
une étape qu'il faut franchir. Sa disparition est liée au dépérissement de l'État prolétarien: Car, qui peut faire respecter ce droit égal, sinon lui? Dans le communisme pleinement développé, il n'y aura plus de droit, ni de problème de répartition, de partage. Les Sociaux-démocrates aux nuances diverses ont insisté sur un stade du mouvement et l'ont fixé comme but, alors que celui-ci est bien au-delà d'une telle société étriquée [11].
Mais cette mesure égalitaire tire son importance non de son contenu immédiat, mais du résultat qu'elle doit permettre d'atteindre: la destruction de la concurrence entre les hommes. Nous avons déjà fait allusion à cette question lors de
l'étude de la dictature du prolétariat. Ici, elle revêt une dimension exceptionnelle parce que sont réalisées les
conditions de sa réalisation. Or la disparition de
cette concurrence est la base même de
l'unification véritable de l'espèce, laquelle est incompatible avec la démocratie que ne peut fleurir que sur sa division, étant donné que même sous sa forme la plus éthérée, elle n'est
qu'une conciliation de contraires.
b)
L'échange.
K.
Marx écrit
après la citation reportée plus haut: «
C'est manifestement ici le même principe que celui qui règle l'échange
des marchandises pour autant qu'il est échange de valeurs égales. Le fond et la forme différent, parce que les conditions étant différentes, nul
ne peut rien fournir d'autre que son travail et que, par ailleurs, rien ne peut entrer dans la propriété de l'individu que des objets de consommation individuelle ». (Critique du Programme
de Gotha, p. 24). Ι1
est donc nécessaire d'analyser de plus près le rapport entre bon de travail et quantité de produits, non pas de façon figée,
c'est-à-dire en le considérant comme une donnée immuable, valable sous cette forme pour toute une phase de la vie de l'humanité, mais dans son
devenir.
Une remarque s'impose à ce propos. À
l'origine,
le capitalisme se caractérise par 1a mise en mouvement des rapports sociaux qui perdent ainsi leur rigidité. Ι1
les fixe ensuite
afin d'assurer la valorisation de 1a valeur (capital) et l'autonomisation de celle-ci.
En domination formelle du communisme, le mouvement reprend non plus pour faciliter l'accession à l'autonomie de la valeur mais pour mener l'humanité
à sa libération totale.
Le rapport peut
se présenter de la façon suivante:
Bon
de Travail Quantum de produits
(Quantum
de
travail)
(Aliquote
de 1a quantité sociale).
Ceci
semble être la formule simple de la valeur, telle qu'elle s'est
manifestée à l'origine du mouvement économique qui a vu le développement de la valeur d'échange. Elle était accidentelle, ici, la relation serait transitoire. Ι1
convient de préciser cette forme valeur simple apparente. Le bon de travail y joue plusieurs rôles
1
Mesure.
Mais celle-ci est
déterminée d'emblée par la société et non à la
suite d'un
mouvement de médiation plus ou moins long après une série d'échanges. C'est ce qui limite la ressemblance avec la forme simple de la valeur. « La première forme de l'argent correspond à un faible niveau de
l'échange et du
troc où
l'argent se manifeste
bien plus dans sa détermination d'étalon qu'en tant qu'instrument
d'échange effectif»
(Fondements, t. 1,
p. 104).
Seulement,
ici
encore, on voit que la présupposition du socialisme réside dans le plus haut développement de la valeur d'échange, sa
socialisation.
2
Il est équivalent.
Mais
son rôle en tant que tel est strictement limité en
ce sens qu'il est déterminé par la société d'une part et que, d'autre part, il n'a pas d'autonomie, car
l'essentiel est la forme relative: la quantité de produits. Ι1
y
a
une
équivalente
qui se
développe comme inéquivalence. En effet, au fur et à mesure de l'augmentation de la production, pour un même quantum de travail, l'individu pourra recevoir une quantité plus
grande du produit social
- caractère distinctif d'avec
le salaire - jusqu'au moment où, par suite de
l'abondance, le bon de travail n'a plus
de raison d'être.
3
Ι1
permet une
seule
transaction.
« Ces
bons ne sont pas de
l'argent, ils ne
circulent pas
». (Livre Il, t. 5, p. 14). Ainsi la relation que nous avons écrite entre le bon
de travail et la quantité de produits à
laquelle il donne droit n'est qu'en apparence
forme
simple de la valeur.
Le bon
permet un échange et un seul.
La forme développée de 1a valeur
est bien détruite. Mais K.
Marx a démontré que la forme simple de la valeur contenait tout le développement ultérieur de
celle-ci. Ι1
est donc évident qu'il faille la détruire aussi pour que le
capital ne
puisse pas
réapparaître.
Cela veut
dire aussi que même la ressemblance
avec cette forme
simple doit
disparaître. Or, le bon n'est pas accumulable,
de
ce fait
aucun mouvement de
valeur
ne peut
se faire
à partir
de lui. D'autre
part,
nous l'avons vu, le
capitalisme n'a pu apparaître que dans
une société ou un certain quantum de valeur
devenu autonome
s'était accumulé;
quantum capable d'acheter,
de se
soumettre la force
de
travail afin de permettre la réalisation
du
procès de
valorisation qui est celui du capital.
Le
bon de travail est valable pour une certaine période. À la fin de celle-ci, s'il n'est pas consommé, il est perdu. Ainsi aucune puissance monopolisatrice ne peut apparaître dans la société. Puissance qui
en s'assujettissant
d'abord
une certaine quantité de produits pourrait ensuite s'emparer des
moyens
de
production et restaurer
le capitalisme.
En
conclusion, la relation indique qu'il y a
équivalence (avec 1a
précision sus-indiquée), mais non réversibilité et donc, en ce sens, c'est
surtout une forme
relative.
En effet, il est
impossible d'écrire:
Quantum
de produits Quantum
de travail (bon).
On
ne peut pas
l'assimiler à la forme
simple de la valeur qui implique la polarité: forme
relative,
forme
équivalente. Elle indique surtout un rapport qualitatif. La quantité dépendant
uniquement de la production elle-même. L'équivalence
est donc
déterminée
extérieurement et non pas par
l'affrontement de
deux
éléments comme les marchandises dans la forme simple de la valeur.
C'est l'État qui détermine, impose
quelle
est la quantité de produits à laquelle donne droit le
bon. Ce
n'est donc
pas un échange, mais une assignation autoritaire de produits. La
quantité variera au cours
du temps jusqu'à se nier. La dernière
apparence de valeur a disparu, le
bon de travail réalise la destruction de la valeur. La société,
comme
le dit F. Engels dans 1'Anti-Dühring, n'accorde
plus
de valeur aux produits. La
loi de la valeur est enterrée.
Socialisme
et loi
de
la valeur
[12].
Si l'on dit,
au contraire, que la
loi de
1a valeur
sera opérante dans
le socialisme inférieur, comme
le font
certains
théoriciens analysant
superficiellement les phénomènes, cela
revient à poser la démocratie
comme forme nécessaire pour toute
cette même
période. Or, nous l'avons fait remarquer, ce
n'est qu'apparemment que le
socialisme inférieur a un contenu démocratique. D'autre part,
faire une telle affirmation
c'est prendre la position
des socialistes français qui considéraient que le capital faussait la loi de 1a valeur, empêchant
son fonctionnement, détruisant par
la-même Égalité
et Liberté. Ι1
fallait, selon eux,
l'éliminer pour
que ces dernières
puissent agir véritablement dans
la société.
« D'où l'erreur de ces
socialistes, des Français en
particulier, qui voulaient prouver que le
socialisme était la réalisation
des idées
bourgeoises, qui n'avaient
pas
été découvertes, mais historiquement mises en
circulation par la Révolution française et qui s'échinaient à démontrer que la valeur d'échange
initialement
(dans le temps) ou d'après son
concept (dans sa forme
adéquate)
était
un système de liberté
et d'égalité
pour tous,
mais qui aurait été
faussé
par
l'argent, le capital, etc. Ou
encore
que
jusqu'ici l'histoire
n'avait fait
que des tentatives
avortées
de réaliser ces idées dans leur forme véritable et qui
voulaient alors,
tel
P.J. Proudhon, avoir découvert
une
panacée
qui permettrait
de fournir,
à la place
de leur
histoire
falsifiée,
l'authentique histoire de ces rapports ». (Version primitive, p.
224).
Nos théoriciens n'ont pas le même point de
départ, mais en définitive, même point d'arrivée [13].
En
effet, dire
que la
loi de la valeur fonctionne sous le socialisme implique la reconnaissance que le capital la fausse -
sinon ce ne serait pas une caractéristique de cette période
historique. La dictature du prolétariat, le parti auraient donc pour mission historique de faire respecter la loi de la valeur. Belle perspective en vérité! D'autre part, c'est revendiquer un état antérieur au
capitalisme; c'est donc être réactionnaire. Le capital s'est édifié sur la base de la loi de la valeur. C'est
ce que ne comprenaient pas les socialistes français: «Le système de la valeur d'échange, et plus encore le système monétaire, est en réalité le système de la liberté et de l'égalité. Mais les contradictions qui surgissent dans son développement sont des contradictions immanentes, des implications de cette propriété, de cette liberté et de cette égalité elles-mêmes qui, à l'occasion, se muent en leur contraire. Et c'est à la fois un vœu pieux et un désir naïvement niais que de vouloir, par exemple,
empêcher la valeur d'échange de se transformer, de marchandise et d'argent, en capital, ou de vouloir empécher le travail producteur de valeur d'échange, d'aboutir, en se développant, au travail salarié ».
(Ibid., pp. 224-25). Ils ne voyaient pas les conditions nouvelles que créait le capital. Celui-ci en niant la loi de la valeur, en essayant de la surmonter, en lui donnant d'autres fondements, d'autres présuppositions formait la base même de sa suppression qui se vérifie avec
l'accession de
l'humanité au socialisme
inférieur.
Nature
double du bon de travail?
En
affirmant
que la
loi de 1a valeur est enterrée, il semble que l'on réponde en même temps à la question: le bon de travail a-t-il une nature double? La
question est d'importance, car la possibilité
de
produire de la plus-value résidait -
sous le capitalisme - dans la nature dualistique de la journée de travail. Mais si la loi de la
valeur est détruite, et
si le bon de travail mesure le temps de travail effectué par chaque individu, celui-ci ne peut en aucun cas recèler une telle dualité. Celle-ci ne réapparaît-elle pas sous une autre forme? La quantité de produits perçue grâce au bon de travail mesurerait le travail nécessaire, celle défalquée, le surtravail.
En
fait, les
choses se présentent ainsi: tout le travail peut être considéré comme travail nécessaire à
l'espèce, ou, dialectiquement parlant, on peut considérer que l'individu
est affranchi du travail nécessaire, il
n'accorde plus à la société que du surtravail. Celle-ci
l'utilise et le répartit.
«
Le surtravail pour autant qu'il est
un travail excédent le niveau des besoins donnés devra toujours exister». (Livre III, t. 8, p. 198). Mais K. Marx
ajoute aussitôt: «
Dans le système capitaliste, comme le système
esclavagiste, etc. il
ne
revêt qu'une forme antagoniste et se complète par l'oisiveté totale d'une partie de la société ». Or, le
socialisme détruit une telle
oisiveté, puisque le temps de travail a été
généralisé à tous. C'est pourquoi il ne peut être, comme le voulait P. Lafargue, la réalisation du droit à la paresse.
L'opposition entre travail nécessaire et surtravail est remplacée -
comme on l'a déjà souligné -
par celle entre temps de travail et temps disponible, dernière forme
antagonique léguéee d'ailleurs par le capital. Le socialisme développe la contradiction de façon totale pour pouvoir l'éliminer. Elle indique
encore dans quelle mesure la
société n'est pas parvenue à satisfaire de façon illimitée les besoins humains; dans quelle mesure
l'homme - individu consommant - se
saisit encore en tant que particule plus ou moins autonome dans le complexe social; lorsqu'il ne ressent pas son activité individuelle comme activité directement sociale, parce que se fondant dans
l'activité générale et élément nécessaire à celle-ci. La contradiction disparaît au moment où le travail perd tout aspect coercitif.
«
La capacité de jouissance est une condition de la jouissance, le premier moyen de celle-ci. Cette capacité est développement d'une aptitude individuelle, d'une force productive
individuelle. Eεonomiser le
temps de travail est équivalent à accroître le temps libre,
c'est-à-dire le temps pour le développement complet de
l'individu qui,
en tant que force productive la plus grande, réagit a son tour sur la force productive du travail. Du point de vue du procés
de
production immédiat, elle peut être considérée comme production de capital fixe, ce capital fixe fait homme (en effet,
ce n'est que par l'accroissement du capital fixe qu'il
est possible qu'une faible quantité de travail vivant permette la production d'une quantité énorme de produits, de telle sorte qu'il semble que c'est le
capital fixe qui produit, tel un immense homme social; c'est l'aspect de dévalorisation et donc de socialisation du capital, n.d.r.). Ιl
va de soi
en outre, que le temps de travail immédiat lui-même ne peut persister dans son opposition abstraite au temps libre, comme cela apparaît du point de vue de l'économie bourgeoise. Le travail ne peut devenir un jeu comme le veut Fourier à
qui revient le grand mérite d'avoir exprimé que le but
suprême n'est pas
seulement la suppression de la distribution mais celle du mode de production lui-même dans sa forme 1a plus évoluée. Le temps libre -
temps aussi bien pour le loisir que pour une activité supérieure -
aura naturellement transformé son possesseur en un autre sujet; celui-ci entrera aussi en tant que tel dans le
procès de production immédiat. Celui-ci est, par rapport à l'homme considéré dans son devenir, simultanément discipline,
exercice appliqué, science expérimentale, par rapport à
l'homme devenu -
dans le cerveau duquel existe le
savoir accumulé de la
société -
il est science matériellement créatrice et s'objectivant. Pour les deux, c'est
en même temps, comme dans
l'agriculture, un exercice, dans la mesure où le travail exige des dispositions manuelles et un libre mouvement. (Fondements,
t. 2, pp. 229-30).
Le socialisme pousse la
contradiction entre temps de travail et temps disponible jusqu'à sa derniere limite; mais par suite du développement social (avec
éducation, instruction en rapport) et du fait que les rapports sociaux apparaîssent maintenant clairs
et nets
aux hommes [14],
sans
mystification,
le
temps
disponible
va entrer lui-aussi dans l'activité productive de l'homme, c'est sa
socialisation. Ι1
n'y a plus
de temps de travail, puisqu'il n'y a plus de limitation, donc de mesure à faire pour le contrôler. L'activité spontanée et consciente des hommes pourvoit à tous les travaux nécessaires, ainsi qu'à toutes les nouvelles productions.
«
La richesse véritable de la
société et la possibilité
d'un élargissement ininterrompu de son procès de reproduction ne dépendent donc pas de la durée du surtravail, mais de la
productivité et des conditions
plus ou moins
perfectionnées
dans lesquelles il s'accomplit. En fait, le royaume
de 1a liberté commence seulement là où l'on cesse de travailler par nécessité et
opportunité imposée de l'extérieur; il se situe
donc, par
nature, au-delà de la sphère
de
production matérielle proprement dite». (Livre III, t. 8, p. 198).
Ι1
y a toujours un procès de travail: «
De
même que
le sauvage doit
lutter contre la nature
pour
pourvoir à ses besoins, se maintenir en vie et se reproduire,
l'homme civilisé est forcé, lui aussi,
de le faire et de le faire quels que
soient la structure de la société et
le mode
de production. Avec son développement
s'étend également le domaine de la nécessité naturelle,
parce que les besoins augmentent; mais
en même temps s'élargissent les forces
productives pour
les satisfaire ». (Livre
III, t. 8, p. 198).
Dans
le socialisme inférieur, le procès de
travail permet de
satisfaire
un nombre
toujours
plus grand de
besoins humains et, d'autre part, il ne domine pas l'homme, mais est dominé
par lui,
il n'en fait
plus son esclave. «En ce domaine, la seule
liberté possible
est que l'homme
socialisé, les producteurs associés réglent rationellement
leurs
échanges organiques avec la nature,
qu'ils la contrôlent communautairement au
lieu d'être dominés
par
sa puissance aveugle, et qu'ils accomplissent ces échanges en dépensant le minimum de force et dans les conditions les plus dignes de la nature humaine ». K.
Marx fait tout de suite remarquer: «
Mais
ceci demeure toujours
un royaume
de la nécessité». Ι1
faut parvenir à dominer
celui-ci donc abolir le temps de
travail, en tant que durée délimitée dans la journée
de
l'homme, opposée au reste de
celle-ci. À ce moment-là,
l'homme
n'est plus assujetti au temps, dans le
sens où K. Marx disait: «Le temps est
tout, l'homme n'est rien; il est tout au plus la carcasse du temps ». En perdant la nécessité de la mesure
du travail,
l'homme retrouve
sa substance, le
travail n'est plus quelque chose qui lui est extérieur, mais est sa manifestation profonde, intime. Ses
activités ne
sont plus séparées en des domaines plus ou moins
antagoniques: sciences, art, etc. Mais s'intègrent en une seule
activité, manifestation
de la nature
humaine dans son devenir.
De ce
fait:
«C'est au-delà que commence le développement des forces humaines comme fin en soi, le véritable
royaume de la liberté qui ne peut
s'épanouir qu'en se fondant sur l'autre royaume, sur l'autre base,
celle de la nécessité». K. Marx conclut
ce magnifique
passage en indiquant la condition primordiale pour que ce mouvement émancipateur puisse se produire; mouvement que nous avons exposé en détail ci-dessus: «La condition essentielle
de
cet épanouissement
est la réduction de 1a journée de travail» (p.
199).
Une
fois atteint ce stade d'épanouissement, la notion de temps de travail n'a plus sa raison d'être, le bon de travail est devenu inutile et l'individu, non plus sujet d'échange, comme dans le mode de production capitaliste, mais d'une assignation, disparaît lui aussi.
3° Faux frais de production et comptabilité sociale. Les formes du travail.
Nous
avons
dit qu'il
faudrait
déterminer les quanta physiques à produire en fonction
de
1a population et de son augmentation et, en liaison
avec cela, la détermination du temp de travail et du bon etc...
Tout cela nécessite une comptabilité. Celle-ci existe de façon hypertrophiée dans la
société capitaliste. Elle enregistre surtout les mouvements de
valeur. Le secteur qui s'est développé précédemment: prévision, planification, programmation a encore alourdit l'appareil
économique. Ι1
naît sur le terrain direct de
l'antagonisme capital-communisme.. Cela a pour résultat d'accroître les faux frais de la production, tel que K. Marx
les
définit dans le Second Livre du Capital.
En
domination formelle du communisme, il y aura un organisme avant tout de
prévision des quantités à produire, à fabriquer, et la détermination des temps de travail qu'il faudra employer pour les engendrer.
«Après
1a suppression du mode capitaliste de
production, mais dans le cas du maintien de la production sociale, la détermination de la valeur restera dominante, parce qu'il sera plus nécessaire que jamais de
réglementer la durée du travail, de
distribuer le travail social entre les différents groupes productifs, enfin d'en tenir 1a comptabilité »
[15]. (Livre
III, t.
8, p. 228).
Ce
travail
sera accompli par une couche
d'hommes
qui au début peuvent être séparés du reste des travailleurs, ceux qui sont réellement productifs.
Eux seront les improductifs comme
ceux du
système capitaliste; ce qui
prouve que nous n'avons
affaire encore qu'à une domination formelle du communisme. Seulement,
étant
donné l'inversion du
but
de la production, leur travail est aussi un
travail nécessaire
à l'espèce. Ils sont des faux-frais
de la production sans
lesquels
celle-ci ne pourrait pas
s'effectuer dans le sens
voulu par
la société.
De plus,
puisque cette dernière n'attribue
plus
de valeurs aux
produits, il ne
peut plus être question de
faux-frais.
Ce qui reste,
ce sont
les différentes formes
du travail, parce
que le
procès
total de celui-ci est encore
fragmentaire,
divisé. Ι1
ne constitue pas encore
un tout
(la division du travail n'ayant
pas encore été surmontée) où
l'activité de l'homme se développe à un moment sur le
plan intellectuel: prévision du
procès,
à un autre sur un plan pratique: expérimentation
et effectuation
de 1'œuvre prévue.
Ι1
n'en demeure pas moins
que «La comptabilité comme
contrôle et résumé
mental
du procès
devient d'autant
plus
nécessaire
que le
procès
se passe davantage
à l'échelle sociale en
perdant le
caractère purement individuel; elle est donc
plus
nécessaire dans
la production capitaliste
que dans 1a production
éparpillée des artisans et des paysans, plus nécessaire
dans la production communautaire
que dans la production capitaliste. Mais
les frais de la
comptabilité se réduisent avec la concentration de 1a production, et à mesure qu'elle se
transforme
en une comptabilité sociale ». (Livre II, t. 4, p.
124).
C'est
à ce moment-là - justement - que l'État
prolétarien s'éteint.
Ι1
n'y a plus de couches sociales
différenciées dans
1a société. Ι1
y a une
espèce
unifiée accomplissant un procès
de travail unifié qui est celui
de sa production et de sa reproduction. Finis le droit égal et
le bon de travail.
Toutes les formes de 1a valeur sont donc entérrées; par là le travail lui-même ne revêt plus de forme déterminée; il n'y a plus d'aliénation. Nous passons dans le socialisme supérieur, le
communisme.
Le capitalisme avait une façon personnelle de nier 1a valeur, c'était d'en devenir la
présupposition; les formes de la valeur étaient alors remplacées par celles de la plus-value. Au cours de la phase de domination formelle du communisme, la mystification s'effondre et
se manifestent alors les formes du travail. Celui-ci n'ayant
plus besoin d'un détour pour manifester son caractère social. Ι1
faut pour ne plus être sur le terrain où la valeur peut à nouveau se
manifester que le travail n'apparaîsse plus en des formes qui
sont toujours des formes antagoniques. Nous avons en effet remarqué que, dans une certaine limite, l'expression de détermination de la valeur est synonίme de
détermination de
quantum de temps de travail. Cela dérive du fait que nous sommes à une époque charnière
où le travail doit perdre son enveloppe valeur, époque inverse de celle historiquement dépassée depuis des millénaires où le travail a acquis cette même enveloppe. Ainsi le moment où la société ne connaît que des formes de travail est-il
celui où finit le mouvement de la valeur et où commence celui
de la libération de l'homme; libération de l'homme parce que libération de son activité
essentielle. En conséquence il est nécessaire de faire un retour sur tout le mouvement historique.
Dans les différentes formes sociales de production, l'activité
humaine subit différentes lois qui lui
donnent justement une forme. A partir d'une certaine époque, on a développement de 1a propriété privée et des classes; le travail est aliéné et 1a valeur apparaît. Nous l'avons montré: auparavant les produits étaient utiles ou non et c'est tout. Le travail humain ne s'était pas encore dégagé
de sa fonction purement biologique d'activité pour entretenir 1a vie. De ce fait, il correspondait à 1a satisfaction de faibles besoins. À partir de ce moment, la valeur νa
avoir des formes différentes; le temps de
travail νa
en être 1a mesure de façon plus ou moins adéquate, plus ou moins sociale; les
lois qui donnent forme à la valeur donnent parallélement forme au travail, se soumettent le travail[16]
Ensuite,
tout
le temps
de travail est dédié à la production de valeurs; il y a coexistence -
comme disait
K. Μarx - au sein de la journée de travail, du travail nécessaire et du surtravail. Originellement, une telle dualité n'a pas de
raison d'être, puisque l'individu
dédie toute son activité à la
production de la vie de la communauté et donc à la sienne; il
n'arrive pas
à opérer une séparation, une division
entre ce travail et une activité autre. Plus tard cette opposition s'approfondit, la marchandise domine l'activité qui l'a produite et confère au travail un caractère mercantile (naissance du capital). À un stade plus évolué de ce dernier, le travail mort, accumulé, devient puissance dominatrice sur le travail vivant et tout travail
devient abstrait et
social. Ι1
n'y a plus
de coexistence entre les deux parties de la journée de travail, mais domination du surtravail sur le travail nécessaire, mais c'est en même temps un aspect civilisateur du capital que la
manière dont il extorque ce surtravail, et les
conditions dans lesquelles il le fait sont plus favorables au développement des forces productives, des rapports sociaux et à 1a
création des éléments d'une structure nouvelle et
supérieure, que ne
l'étaient les systèmes
antérieurs de l'esclavage, du servage, etc.
» (Livre III, t. 8, p. 198).
Dans le socialisme inférieur, la
contradiction travail nécessaire surtravail se mue en celle temps de travail temps disponible; il y a généralisation de ce dernier et
libération de
l'espèce. C'est seulement dans le communisme que le travail n'est plus contraint; il ne subira plus de lois, car il ne s'agira plus d'un problème de production de valeurs. Plus de forme de valeur, plus de forme du travail. L'homme domine le procès de
celui-ci et donc les lois qui régissent son déroulement. Le travail devient
activité qui permet des échanges avec la nature, qui adapte la
matière à telle ou telle fin: « ...l'activité productive de l'homme en
général, par laquelle il médiatise l'échange de matière avec la nature; activité dépouillée, non seulement dé toute forme sociale et de toute déterminité de caractère, mais encore dans sa simple existence naturelle, indépendante de la société, située en dehors de toutes les
sociétés, est. en tant que manifestation et affirmation de la vie, commune à l'homme
encore social et à l'homme socialement déterminé de quelque manière que ce soit. »
(Livre
III, t. 8, p. 194).
Plus
de valeur, et l'homme n'est plus « la carcasse du temps ». Il
n'est plus oppressé par lui, mais le domine. Subjectivement il redevient la durée apparemment non mesurable. Le travail, comme l'a expliqué F. Engels dans la Dialectique de la nature, a transformé l'homme, le travail libéré, émancipé, provoquera une transformation
ultérieure de
l'humanité lui permettant d'entrer de plein pied dans 1a société communiste.
* *
*
L'étude de la
domination formelle du communisme
qui précède n'est en fait valable que pour 1a période où la révolution communiste devait se faire sur la base
de la domination formelle du capital sur 1a société et, dans une certaine mesure aussi, pour la période de transition à la domination réelle. Mais depuis la généralisation de celle-ci à l'ensemble de la planète (1945) ceci est totalement dépassé. Cependant cette étude avait l'avantage de présenter comment le prolétariat devait détruire la
loi de la valeur; comment on pouvait à cet effet utiliser effectivement le bon de travail; elle montrait par là toute l'importance des recherches de K.
Marx sur
les formes de la
valeur. D'autre part, étant donné que le capital est à la
fois un procès qui s'accomplit dans l'espace qui,
une fois parvenu à l'autonomie semble ne plus avoir de présuppositions en dehors de lui-même, et un procès qui a des présuppositions historiques, il fallait précisément mettre en évidence tout ce qu'implique spatialement et temporellement le procès de production capitaliste afin de pouvoir le détruire. Le maintien de formes simples de la valeur peut en effet servir de support à la régénération du mode de
production capitaliste. De là
découlaient les fonctions de la classe
érigée en parti.
Ce
que nous disons de ce chapitre s'applique également à l'étude intéressante des
communistes hollandais (G.I.C.,
groupe de
communistes internationaux de Hollande): Principes fondamentaux de 1a production et de la
répartition communistes
qui
ont été republiés en
version allemande dans le livre «Gruppe internationale
Kommunίsten Hollands » (Rowolht Verlag, 1971) et dont Information et Correspondance Ouvrière (I.C.O.)
a publié des extraits
dans une brochure Fondements
de l'économie communiste, février 1972. Un
exposé
et une critique de l'ouvrage
des communistes hollandais
furent fait
par Hennaut (qui
était
ni un conseilliste ni un partisan
de la
gauche
italienne) dans Bilan (bulletin
théorique mensuel de la fraction de gauche du PCI)
auxquels Mitchell (de la gauche italienne) répliqua par une série
d'articles Problèmes
de la période de transition. Nous reviendrons ultérieurement
sur toutes ces contributions à l'étude du passage au communisme. (note de mai
1972).
ΙΙΙ.
La domination réelle du communisme.
La
domination réelle
du communisme, c'est
le stade
décrit par K. Marx sous
le nom de socialisme
supérieur ou
communisme. Notre
étude
centrée sur le mouvement de la valeur se termine donc
normalement avec l'analyse
du socialisme
inférieur qui
voit la fin de ce mouvement et le début
de celui de réappropriation de
la nature
humaine. Dans
cette société
le but
de la production est l'homme lui-même. Nous
indiquerons tout
de même quelques caractères du communisme, ne serait-ce que pour montrer comment se
présente
une société qui n'est
plus
dominée
par 1a
valeur.
L'accession de l'humanité
au communisme suppose une révolution pacifique [17]
qui change
totalement la base des fondements
de la société
et de la nature
humaine. Ceci est accompli au cours
de la phase
précédente avec le grand développement de la production
pour
l'homme et les modifications apportées à la nature de celui-ci
par suite de la destruction du travail forcé, mercantile.
De même la domination réelle
du capital
supposait une révolution dans le mode
de produire -
une révolution qui se
répétait comme l'indiqua K. Marx - ce qui
veut dire que le capital
tendait
continuellement à bouleverser les
bases sur lesquelles il reposait.
Pour
qu'il y ait communisme, il faut que le monde de la nécessité soit dominé,
car
c'est au-delà de celui-ci que commence
le vrai domaine du développement humain. Alors, l'homme prend en main sa propre
évolution.
La domination du royaume de la
liberté se réalise lorsque, parallélement, les antiques antagonismes sociaux ont disparu:
-
plus
de classes, plus d'Etat, donc plus de propriété privée.
-
plus
d'opposition
« ville-campagne
», l'humanité
est répartie harmonieusement à la surface du globe.
-
disparition de la division
du travail manuel -
travail intellectuel, reflet de la lutte des
classes. L'homme social utilise la machine productive pour créer un produit social.
-
dissolution
de
l'opposition «vie
privée
-
vie
publique».
L'homme social ne connaît pas de politique, puisqu'il n'y a plus d'hommes à gouverner. Ιl
y
a
des choses à dominer. En conséquence, il n'y a plus d'antagonismes entre l'homme social (un être humain)
et l'espèce. L'humanité a retrouvé son unité organique; plus de dualisme «grands
hommes - masses ,
identique à
celui « esprit - matière ».
«
Dans une phase
supérieure de la société communiste quand auront disparu l'asservissante subordination
des
individus à la division du travail
et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera plus seulement le moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital; quand, avec le développement multiple des
individus, les
forces productives se
seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la
richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement
l'horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur
ses drapeaux: «
De
chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins! ».
(Critique du programme
de Gotha, p. 25).
L'horizon borné du droit bourgeois, c'est aussi l'horizon démocratique qui suppose 1'homme divisé, affronté à une richesse qu'il
faut partager. Le communisme n'a rien
à voir avec 1a démocratie. C'est pourquoi il
ne connaît plus d'antagonisme «
entre l'homme
et la nature, entre l'homme
et l'homme, 1a vraie solution de la lutte entre l'existence et l'essence, entre objectivation et affirmation de soi, entre liberté et nécessité, entre individu
et
l'espèce. Il est l'enigme résolue de l'histoire et il
se connaît
comme
cette solution ». (Manuscrits
de 1844, p.
87).
Pour le caractériser de façon plus précise, nous transcrivons trois fragments de l'œuvre
de K. Marx,
éclairant trois de ses
aspects.
1
- La
production.
«
Supposons
que
nous
ayons produit en tant qu'hommes.
Chacun de nous s'affirmerait dans sa production:
soi-même et les autres.
J'aurai 1. Dans ma production
objectivé mon individualité, sa particularité
et
j'aurai tout autant joui,
au cours de l'activité, d'une manifestation de la vie
individuelle, que de savoir affirmée
ma personnalité en tant que
puissance objectivée, sensiblement constatable, élevée au-dessus de tout doute. 2. Dans la jouissance ou l'utilisation de mon produit je
jouirai aussi bien
immédiatement de la
conscience d'avoir satisfait par mon travail un besoin humain que d'avoir
objectivé mon être humain et, par là, d'avoir procuré
à un autre être humain l'objet qui
lui convenait. 3. J'aurais été pour
toi
l'intermédiaire entre toi et l'éspèce,
j'aurais donc été connu et ressenti par toi-même comme le
complèment de
ton être, comme une partie nécessaire
de toi-même; donc de me savoir confirmé dans ta pensé et dans ton amour. 4. J'aurais directement produit dans ma manifestation de vie
individuelle la manifestation de ta vie et j'aurais donc vérifié et réalisé directement dans mon
activité individuelle mon être véritable, mon être humain, ma Gemeinwesen. »» (Commentaires sur
l'ouvrage de James Mill,
Éléments d'économie politique.) [18].
2
- La richesse et les besoins.
«
On
voit comment l'homme riche et le besoin humain riche
prennent la place de 1a richesse
et
de la misère de
l'économie politique. L'homme riche est
en même temps l'homme qui a
besoin d'une totalité
de
manifestations vitales
humaines. L'homme chez qui
sa propre
réalisation existe comme nécessité intérieure, comme besoin. Non
seulement la richesse, mais aussi la pauvreté de l'homme reçoivent également -
sous le
socialisme -
une
signification humaine
et
par conséquent
sociale. Elle
est le lien passif qui fait ressentir aux hommes comme un besoin la richesse la plus grande, l'autre
homme. La domination de l'essence objective en moi, l'explosion sensible de mon activité
essentielle est la passion qui devient par là l'activité
de
mon être. »
(Manuscrits de
1844,
p. 97).
3
- Rapport entre les hommes.
«
Si tu supposes l'homme
en tant qu'homme, et son rapport au monde comme
un rapport humain, tu ne peux échanger que l'amour contre l'amour, la confiance contre la
confiance, etc.
». (Ibid.,p. 123).
Le
communisme
est la véritable communauté humaine où la médiation est
l'homme lui-même. L'être humain est la
véritable Gemeinwesen de l'homme (K. Marx). [19]
Ν Ο Τ Ε
S
Ι.
- La périodisation du
communisme.
Les trois phases post-capitalistes: dictature du prolétariat, socialisme inférieur, communisme, ont été,
au fond, perçues, conçues
successivement par
les différents théoriciens qui ont décrit une société succédant à celle divisée en
classes. Seulement, sauf pour le communisme scientifique, leurs descriptions étaient entâchées d'une erreur fondamentale: la
prémisse égalitaire. Car, pour les
socialistes utopiques,
l'égalité était le but du mouvement social. À ceci s'ajoutait
l'incapacité de
comprendre réellement la valeur. Dans Les
manuscrits de 1844,
K. Marx
présente les différentes positions communistes
en indiquant tout d'abord ce qui caractérise
en général le communisme: «Le communisme, enfin, est
l'expression positive de la propriété privée abolie, et en premier lieu la proprieté privée générale ».
C'est dans le comment de cette abolition que gît la dίfférenεe entre les multiples doctrines, liées à différents moments de l'évolution sociale.
«En
saisissant
ce rapport dans son universalité,
le communisme:
1)
n'est sous
sa première
forme qu'une généralisation
et
un achèvement de ce rapport; en tant que rapport achevé, il apparaît sous un double aspect; d'une part, la domination de la propriété réifiée (sachlίche) est si grande vis-à-vis de lui qu'il veut anéantir tout ce qui n'est
pas susceptible d'être possédé par tous comme propriété privée; il
veut faire de
force abstraction du talent, etc.
La
possession physique immédiate est pour lui l'unique but de la vie et de l'existence; la
détermination de
l'ouvrier n'est
pas supprimée, mais étendue à tous les hommes; le rapport de la propriété privée reste le
rapport de 1a communauté au monde des choses »
(p. 85). Ιl
est indiqué
ici
une
mesure que réalisera effectivement 1a dictature du prolétariat «la
catégorie de
l'ouvrier n'est pas supprimée mais étendue à tous les hommes »,
avec cette précision que le prolétariat se nie en tant que tel en généralisant sa condition de prolétaire à toute la société. Seulement les limitations théoriques dont nous avons parlé font que 1a communauté qu'ils entrevoient n'est en
fait qu'une communauté
du capital (cf. le chapitre sur «Capital et communauté matérielle»).
K.
Marx ajoute d'ailleurs: «La
première abolition positive de la propriété privée, le communisme grossier, n'est donc qu'une forme de manifestation phénoménale[20]
de l'ignominie de 1a propriété privée qui veut se poser comme la communauté
positive». (Ibid., ρ.
87).
«2)
le communisme
(a) encore de nature politique, démocratique ou despotique, »
C'est
par exemple celui préconisé par A. Blanqui, théoricien de la lutte politique et de 1a dictature du prolétariat.
«
(b) avec
suppression
de l'État,
mais en même temps
encore inachevé et restant sous
l'emprise de la propriété privée, c'est-à-dire
de
l'aliénation de l'homme. »
«
Sous
ces deux formes, le
communisme se connaît déjà comme la réintégration ou retour de l'homme en soi, comme abolition de
l'auto-extranéisation humaine; mais du fait qu'il n'a
pas encore saisi
l'essence positive de la propriété privée et qu'il a
tout aussi peu compris la nature humaine du besoin, il est
encore entravé et contaminé par la
propriété privée. Ιl
a certes
saisi
son concept,
mais non encore son
essence». (Ibid., p. 87).
Ici,
c'est au fond le contenu du socialisme inférieur qui est indiqué. Seulement, on le
sait, l'État n'est pas seulement supprimé.
En effet, l'Etat bourgeois est détruit, mais l'État
prolétarien,
lui, dépérira.
Ce qui est essentiel, c'est 1a manifestation de la haine de l'État et 1a nécessité proclamée de sa
disparition.
«
3)
Le communisme,
suppression
positive de la propriété privée (en tant qu'auto-extranéisation humaine)
et
par conséquent appropriation
réelle de
l'essence humaine par l'homme
et pour l'homme; donc retour total de l'homme pour soi en tant qu'homme social. c'est-à-dire humain, retour conscient et qui s'est opéré en conservant toute la richesse du développement antérieur. Ce communisme,
en tant que naturalisme achevé =
humanisme, en tant
qu'humanisme achevé =
naturalisme; il est la vraie solution de
l'antagonisme entre l'homme et la nature, entre l'homme et l'homme, la
vraie solution de la lutte entre existence
et essence, entre objectivation et affirmation de soi, entre liberté et nécessité, entre individu et genre. Ι1
est l'enigrne
résolue de l'histoire et se connaît comme cette
solution». (Ibid., p. 87).
Dans tous les cas, K.
Marx parle de communisme, parce que le but est le même pour tous: destruction de la propriété privée et formation d'une communauté humaine. Les différentes théories ont été des
approximations jusqu'à la solution de 1'enigme. Elles traduisent le stade plus ou moins développé de la société. Les hommes ne pouvant imaginer que ce qu'il y
a de réel dans cette
dernière. Inversement les anticipations ne sont possibles que dans la mesure où i1 y a un substrat réel. C'est pourquoi K. Marx
ajoute : «Le mouvement entier de
l'histoire est donc, d'une part l'acte
de procréation réel de ce
communisme -
l'acte de naissance de son existence empirique -
et, d'autre part, il est pour sa conscience pensante, le mouvement compris et connu
de
son devenir. Par contre, cet autre communisme encore non achevé cherche pour lui une preuve historique dans des formations historiques isolées qui s'opposent à la propriété privée, il cherche une preuve dans ce qui existe en détachant des moments pris à part du mouvement. »
(Ibid., pp. 87-88).
Tant que 1a
solution n'était qu'une approximation, elle avait
besoin
de se justifier.
Ι1
en
est de même
- toutes
proportions gardées - pour
tous les socialismes
naissant sur la base de 1a
mystification du capital et auxquels nous
avons déjà fait
allusion: ils ont toujours besoin de se justifier. Ils reconnaissent, ainsi, par 1à, que malgré leurs grandes
prétentions, ils ne
peuvent
être qu'une solution approchée
d'une
question historique qui ne peut être dénouée
que par
le prolétariat organisé en
parti détenteur de la résolution de l'enigme: le communisme. K. Marx
termine
ce passage
avec la remarque:
«.., par là, i1 fait précisèment
apparaître
que la partie
incomparablement la plus grande de ce mouvement contredit ses
affirmations, et que
s'il a jamais existé, son être passé réfute
sa prétention à l'essence ». (Ibid., ρ.
88). Ιl
serait facile de montrer la validité de
ce mouvement
pour le «communisme
russe»; mais là n'est pas -
pour le
moment -
notre
préoccupation. Nous
voulions simplement souligner qu'il était
absolument juste de
grouper les deux phases
de
la dictature du prolétariat et du socialisme inférieur dans celle -
plus vaste
et qui les englobe - de la domination formelle
du communisme.
Il.
- Communisme
et société
russe.
L'analyse du rapport entre
société russe et
communisme illustre remarquablement le
chapitre précédent, en particulier le point
de
celui-ci où il est traité de la domination formelle du communisme. La
société russe a été marquée par la question suivante:
pourrait-il
y avoir
un bond par-dessus le capitalisme, pourrait-il y avoir une greffe
du communisme scientifique sur le
communisme primitif (mir)? K. Marx
et
F. Engels répondirent à cette question en fonction du développement
historique de
l'aire slave. On sait que dans les dernières années de leur vie, ils considérèrent que la chance historique avait
été perdue:
l'économie marchande était déjà trop développée (elle
pointait, dans
certaines zones,
en un capitalisme puissant) pour que la greffe puisse réussir [21].
Mais le capitalisme lui-même, par suite de l'inertie des formes de décomposition du mίr,
des
contradictions du capitalisme international
ainsi que de la peur
éprouvée
par la
bourgeoisie russe devant
son prolétariat, était trop développé pour qu'il y ait bond,
saut, mais pas assez pour généraliser le capitalisme à toute la société russe et sur
sa base, ensuite, instaurer le communisme. D'où la nécessité de l'intervention du prolétariat.
Vinrent la guerre impérialiste, la révolution, la guerre civile. La production fut anéantie,
l'infrastructure économique démantelée, 1e faible capitalisme détruit. Alors se reposa, dans des conditions différentes, la question du saut par-dessus la forme
capitaliste. C'est de la façon dont elle fut abordée et résolue par les Bolchévίks dans les années qui précédèrent la contre-révolution
stalinienne, que l'on voit
l'adéquation entre théorie génerale du prolétariat, le marxisme, et le cas particulier concret de la révolution russe. Nous allons brièvement illustrer cela.
A.
La Révolution d'Octobre 1917 est une révolution double, bourgeoise et prolétariene, communiste,
car elle s'est effectuée contre le capital international.
Β.
Dans quelle mesure pouvait-on parler de communisme, bien qu'on se trouvât dans une aire fondamentalement précapitaliste?
(a) À cause de 1a perspective
internationale.
En 1919, 1a IIIe
Internationale
est constituée. La Russie est le bastion avancé de la Révolution Communiste.
Si la Révolution éclate en Allemagne, la question
économique est vite règlée. Voir à ce sujet 1a parabole de V. Lénine sur les
deux poussins dans le même oeuf.
(b) En Russie,
il
y a la dictature
du
prolétariat.
Le pouvoir d'État contrôlé par le Parti Bolchévik prend des mesures pour faciliter
le devenir socialiste. Dans les premières années, elles vont même au-delà des possibilités économico-sociales de la société russe (Voir de L Trotsky le
Discours sur 1a Ν.Ε.Ρ.). Nous avons une domination formelle du Communisme.
(c)
Au moment de 1a Ν.Ε.Ρ.
- retraite du communisme devant l'offensive du capitalisme mondial -
cette
affirmation est toujours valable. La société russe doit engendrer un capitalisme à partir des campagnes (comme ce fut le cas pour tous les capitalisme nationaux) [22].
Il
ne peut pas y avoir greffe bénéfique avec l'économie allemande. Mais ce capitalisme est contrôlé par le prolétariat grâce à
son État
par l'intermédiaire
du parti. De plus, l'Internationale, dont le Parti russe
est l'élément fondamental, est
l'expression superstructurelle de force et
d'idée du communisme-phénomène mondial. En Russie, il a sa base de départ et de repli, pour porter l'assaut
au capital. Régénérer
l'économie russe en permettant au capitalisme de se développer, c'est apporter une force - évidemment très dangereuse -
au prolétariat international.
Les bolcheviks et les communistes de l'époque tiennent une des arches du pont par où doit passer la grande transformation
sociale. Seule la force peut les en
déloger. Ils ne
pouvaient pas penser
qu'au bout de luttes plus ou moins longues il n'y aurait pas la victoire finale, et donc la réalisation de quelque chose qu'ils affirmaient alors et en vertu de quoi ils se déterminaient: le communisme.
De 1a domination formelle à 1a mystification.
La force a délogé les communistes, mais elle s'est manifestée dans une situation où elle a pu être masquée. Sauf en Russie, leur liquidation s'est faite par le moyen de la lutte contre le fascisme. D'où un premier élément de mystification. D'autre part, en Russie, on affirmait que l'objectif
n'avait pas
changé: le
communisme, mais qu'on avait seulement modifié les données de sa réalisation: le développement interne propre de la seule
Russie pourrait faciliter celle-ci; le communisme ne serait plus greffé sur la société russe, celle-ci ne serait plus condamnée à laisser développer le capitalisme
en le contrôlant, mais dans ses limites géographiques, le socialisme serait construit et octroyé ensuite au monde. Le véritable bouleversement était dans la direction politique, la perspective historique, et
non pas
dans le développement économique, car 1à il ne pouvait pas y avoir d'inversion [23]:
les
forces productives imposant leur réalités. C'est alors, du fait que le capitalisme et le
communisme ont une base commune, qu'il fut possible
d'opérer la mystification dont nous avons parlé.
En
dehors
de ce
fondement objectif, il y a une autre cause qui explique 1a solide implantation de cette mystification. C'est le fait que le
prolétariat mondial a pris en charge, à un moment donné, le développement de la
société russe. Pour lui, 1a
généralisation du capitalisme à l'aire slave représentait un avantage considérable. De telle sorte qu'il a
été facile, ensuite, à la
propagande officielle, de présenter toutes les améliorations relatives (vis-à-vis de
l'ordre social antérieur) comme des
améliorations absolues (en comparaison avec tous les autres modes de
production, y
compris le capitalisme) et, leur réalisation à une échelle toujours plus vaste, comme devant favoriser le mouvement
d'émancipation du prolétariat.
L'affirmation
du
communisme
après
la prise du pouvoir en Russie
était pleinement justifiée, mais elle ne pouvait être que formelle, ce qui impliquait la
non-existence immédiate du communisme
en Russie, ainsi que son existence potentielle dans les pays occidentaux. La contre-révolution n'a eu qu'à inverser les données pour opérer la
mystification. Elle se condamna par là-même
à devoir
rendre potentiel le communisme en Russie Elle a éloigné la révolution, mais elle doit lui donner des assises plus fortes.
Enfin,
cette
affirmation ne pouvait être valable que parce que le parti, point
d'arrivée de
toutes les forces motrices de la société mondiale, prévoyait clairement
tout le cours historique, parce qu'il tendait à être de plus en plus la communauté d'une forme sociale dont il fallait faciliter la naissance. Il
pouvait y avoir domination formelle tant que le parti formel était l'expression réelle du programme. C'est la meilleure preuve de la fonction fondamentale de
celui-ci, ainsi que de la nécessité de préciser de façon
détaillée les liens dialectiques qui l'unissent à la société future.
III.
Impérialisme et domination formelle
du
communisme.
Ι1
ne s'agit en aucun cas de traiter ici de façon exhaustive le surgissement de l'impérialisme et son expansion mondiale, mais simplement de poser la question: quel peut être le lien avec la forme supérieure, le communisme? Dans son ouvrage fondamental: L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme,V.
Lénine le
caractérise ainsi:
«Mais le capitalisme n'est devenu l'impérialisme capitaliste qu'à un degré défini, très élevé de son développement, quand certaines des
caractéristiques fondamentales du capitalisme ont commencé
à se transformer en leurs contraires, quand se sont formés
et pleinement révélés les traits d'une époque de
transition du capitalisme à un régime
économique et social
supérieur. » (Œuvres, t.
22, p.
286).
L'impérialisme
n'est
pas une phase
transitoire, mais
manifeste
la proximίté de
celle-ci [24].
La première interprêtatίon
fut celle des
sociaux-démocrates qu'accompagnait le corollaire
inévitable: la perspective
évolutionniste.
C'est-à-dire
que selon
eux, cette société transitoire se muerait insensiblement
en
socialisme. La seconde
nie,
donc, ce
gradualisme, mais il n'en reste
pas moins
que l'impérialisme existe quand se
« sont
révélés
les traits d'une époque de
transition. » À dire vrai, V. Lénine n'a
pas tellement approfondi cette
question. Ι1
intitule d'ailleurs son
ouvrage: «Essai
de vulgarisation». Ι1
est resté sur le
plan des phénomènes
apparents, sans
aller
saisir le mouvement
réel qui les détermine.
Celui-ci,
nous
l'avons vu, résulte
des contradictions les plus
profondes
du capital:
valorisation-dévalorisation,
fixation-circulation- socialisation-privatisation. Seulement, V. Lénine les
a ίnterprêtés de
façon magistrale, de telle
sorte que l'explication
qu'il
fournit, si elle
est superficielle -
au
sens littéral
du terme
- n'en demeure pas moins fondamentale. Sa
validité éclate
lorsqu'on considère
les conséquences politiques
qu'il
en tire.
En fait,
on peut
considérer son
ouvrage
comme
restant à 1a surface
des phénomènes parce
que
l'auteur développe une polémique immédiate, et a en vue
une application politique immédiate:
lutte contre le
révisionnisme.
L'impérialisme n'engendre pas la paix, mais la guerre, même
plus:
« Que cet impérialisme ouvre l'ère de la révolution
sociale,
c'est aussi un fait évident pour nous
et dont
nous devons parler clairement ».
(t. 27, p. 130).
Avec
l'impérialisme « l'ère de 1a
révolution sociale a commencé ». Comme il
le proclamera au VIIème Congrès du Parti Communiste (b), de
mars 1918, dans son Rapport sur 1a révision du Programme et le changement de dénomination du Parti (t. 27, pp.
125-139).
Le mérite de V. Lénine fut d'avoir
compris cette grande implication politique et
d'avoir détruit la mystification pacifiste, enfin d'avoir proclamé que la Révolution russe devait être dirigée avant tout contre cet impérialisme personnifié à l'époque
par l'Angleterre, l'Allemagne et les Etats-Unis. En
triomphant en Russie, c'était obtenir une victorie sur ce dernier, parce que la Russie en était le chaînon le plus faible, mais nécessaire. Comment se présentait 1a situation à ce moment-là?
«
Quelles que puissent être les péripéties ultérieures de la lutte, si
nombreux que puissent être les zigzags que nous aurons à parcourir (et
il y en aura beaucoup, nous voyons par expérience quels détours gigantesques fait l'histoire d'une révolution, et seulement chez nous pour le moment; les évènements seront autrement rapides et complexes, leur rythme sera autrement
vertigineux, leurs tournants seront autrement compliqués lorsque la révolution deviendra européenne), il faut pour ne pas nous perdre dans ces zigzags et ces détours de
l'histoire, pour conserver 1a perspective générale, pour apercevoir le fil directeur qui traverse tant le développement capitaliste que 1a route vers le
socialisme, route qui nous apparaît naturellement comme droite, et que nous devons nous représenter comme telle, afin d'en voir le commencement, la suite et la fin
- alors qu'en réalité elle ne sera jamais droite, mais d'une complexité invraisemblable, -
il faut pour ne pas nous perdre dans les détours, pour ne pas être désorientés dans les périodes de recul, de retraite, de
défaites momentanées, quand l'histoire
ou l'ennemi nous rejetterait en arrière, il importe à mon avis, et ce sera la seule attitude théoriquement juste, de ne pas abandonner notre ancien programme fondamental. Car nous n'en sommes encore, en Russie qu'à 1a première étape de transition du capitalisme au
socialisme. » (t. 27, p.
129).V. Lénine voit donc le début d'une phase chaotique où il y
aura des détours, des défaites semeuses de désorientation et de doute mais il assure que si l'ont tient le fil historique
- le fil du temps, comme nous disons - (Sut
Filo del Tempo) on pourra parvenir jusqu'à la
transformation totale de la
société. Ιl
ajoute:
«Les
marxistes ne perdent jamais de vue que la violence accompagne inévitablement le total effondrement du capitalisme et la
naissance de la société
socialiste. Et
cette violence s'étendra sur toute une période
historique, époque de guerres sous de multiples formes: guerres impérialistes (celle de
1939-1945), guerres civiles à l'intérieur d'un pays donné (Finlande, Hongrie et, avec une ampleur sans commune mesure la Russie elle-même et
l'Allemagne); guerres combinant les deux catégorie (guerre d'Espagne qui commença comme guerre civile, guerre de classe et finit comme guerre impérialiste),
guerres nationales
d'émancipation des
nationalités écrasées par les impérialiste (celles qui
se déroulèrent dès l'époque de la Révolution russe et qui échouèrent avant la deuxième guerre mondiale, pour reprendre à la fin de celle-ci et triompher 1945/1962 ),
par des combinaisons variées de puissances impérialistes appellées à
entrer dans diverses coalitions à notre époque d'immenses trusts et cartels du capitalisme d'État et
militaires. Cette époque, époque de
faillites formidables, de violentes solutions militaires de masse, de crises (1929!) s'est ouverte, nous le voyons nettement, mais nous n'en sommes qu'au commencement.» (Ibid., pp. 129-130).
Le diagnostic de V. Lénine était absolument juste: nous avons à
dessein -
entre parenthèses -
illustré ses affirmations. La condition essentielle pour que tous ces évènements puissent
constituer autant de voies directes ou de détours vers le socialisme, c'était le
maintien du pouvoir prolétarien en Russie. Ι1
n'en fut
rien. Mais cette
constatation implique un certain nombre de considérations que nous indiquerons simplement sans explications afin de mettre en évidence le lien entre impérialisme et domination formelle du communisme.
1)
Triomphe total
de
l'impérialisme, lequel
est
généralisation du
capitalisme
à
l'échelle mondiale, même dans les zones qui, autrefois, étaient occupées en vue du pillage: les colonies. Le capital
régnait alors davantage sous une forme «foncière» et donc non en fonction de son être, c'est-à-dire en fonction de
mécanismes économiques. Le monde entier est mûr pour la Révolution Prolétarienne
pure, d'autant plus que la domination capitaliste
s'est approfondie dans les
anciennes métropoles et
l'indice de
pureté du capitalisme a augmenté.
2)
Ι1
réalise, même s'il les mystifie un certain nombre de mesures qu'aurait appliqué la dictature du prolétariat, telle la planification, déjà nécessaire du temps de
F. Engels (Critique du Programme d'Erfurt), la généralisation du salariat, etc.
qui
manifestent avec une rare évidence,
1l proximité de la société future.
3)
L'impérialisme a
triomphé parce qu'il a réussi à empêcher la jonction des deux grande forces à lui antagonistes: le prolétariat et lle
mouvement d'émancipation des peuples
colonisés. 1917-1926, le prclétariat
est battu avant que le second
n'intervienne. Après 1a guerre de 1939-1945,
l'affaiblissement de
l'impérialisme permit au mouvement d'émancipation de reprendre (devenant un éxécuteur testamentaire de 1a IIIe Internationale, Congrès de Bakou et Thèses de 1920). Mais le
prolétariat n'émerge pas de la défaite dont le dernier acte sanglant fut la guerre impérialiste
elle-même. Le mouvement révolutionnaire a été finalement stoppé (1962)
et intégré de plus en plus dans
l'impérialisme. La
révolution ne pourra triompher qu'en tant que révolution
prolétarienne pure.
Lorsqu'on
dresse
le tableau de toutes ces luttes magnifiques qui semblent
pourtant n'avoir aucun résultat positif -
nous sommes toujours sous la
domination du
capital -
l'extraordinaire analyse de K.
Marx du
phénomène révolutionnaire vient automatiquement
à l'esprit:
«
La revolution sociale du XIXème siècle ne peut pas tirer sa
poésie du passé,
mais seulement de l'avenir. Elle ne peut pas commencer avec elle-même avant d'avoir liquidé complètement toute
superstition à l'égard du
passé
(la superstition démocratique,
celle du progrès, par exemple, ndr).
Les
révolutions antérieures avaient besoin de réminiscences historiques pour se dissimuler à elles-mêmes leur propre contenu [25].
La révolution du XIXème siècle doit laisser les morts enterrer leurs morts pour réaliser son propre objet. Autrefois, la phrase débordait le contenu, maintenant c'est le contenu qui déborde 1a phrase. »
(Le 18 Brumai-re et Louis Βοnaparte,p. 175).
Cette
citation
exprime, en
un
autre
langage,
le même contenu que celles de V. Lénine. À leur suite, nous pouvonsr faίr remarquer ceci: les révolutions qui se sont finalement consolidées en tant que révolutions bourgeoises-capitalistes
n'ont pu apparaître
historiquement qu'en tirant leur poésie de l'avenir; aucune qui ne se
soit pas réclamée du socialisme en affirmant par là-même la mort potentielle du capitalisme. Les morts ont enterré leurs morts. Leur reprocher cette mystification serait
vouloir intervertir l'histoire; vouloir rayer du monde 1a puissance du communisme qui fait
que TOUT ce qui se produit à
l'échelle planetaire est commandé par lui (tout le mouvement social est polarisé par sa proximité);
se plaindre d'une telle
mystification serait vouloir ressusciter les
morts!!!
D'autre part, 1a
Révolution prolétarienne a effectivement reculé, mais la contre-révolution en réalisant toutes ses tâches transitoires intermédiaires (le développement du capitalisme en Russie, en Chine, dans les ex-colonies) fait que maintenant la révolution est à nouveau poussée sur l'avant-scène et, cette
fois, elle se trouve dans une situation qui rend impossible «
tout retour en arrière ».
« Les révolutions bourgeoises, comme celle du XVIIIème siècle se
précipitent rapidement de succès en succès, leurs effets dramatiques se surpassent, les hommes et
les choses semblent être pris dans des feux de diamant,
l'enthousiasme extatique est l'état permanent de la société, mais elles sont de courte durée. Rapidement, elles atteignent leur point culminant et un long malaise
s'empare de la société avant
qu'elle ait appris à s'approprier d'une façon calme et posée
les résultats de sa période
orageuse. Les révolutions prolétariennes, par contre, comme celles du XIXème siècle, se critiquent elles-mêmes constamment, interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà être accompli pour le recommencer à nouveau (les reculs et les
détours dont parlait V. Lénine en 1918), raillent
impitoyablement les hésitations, les faiblesses et
les misères de leurs premières tentatives,
paraissent
n'abattre leur
adversaire que pour lui permettre de puiser de
nouvelles forces de la
terre (le renouveau capitaliste
de ces
dernières années, lié
à 1a consolidation du
capitalisme
en Russie, œuvre
du prolétariat, NDR) et se redresser à nouveau formidable en face d'elles, reculent constamment à nouveau devant l'immensité infinie de leurs propres buts, jusqu'à ce que se soit créée enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière, et que les circonstances elles-mêmes
crient: Hic Rhodus, hic salta! » (Ibid.,p. 176).
4)
Paradoxalement, ce recul est le triomphe du révisionnisme, du réformisme de E. Bernstein., puis de K.
Kautsky, O. Bauer et
consorts. La crise de 1914 prit l'impérialisme au dépourvu -
bien qu'elle en fut le produit direct -;
le
prolétariat a une perspective: la révolution sociale dont parlait V. Lénine. Quelle pouvait être la solution pour le capitalisme? Evidemment la destruction de la force
prolétarienne d'où le rôle
de la social-démocratie, puis du fascisme -
c'est son aspect violent, militaire -.
Mais
comment organiser la société alors que celle-ci est manifestement mûre pour passer à un «
régime économique et social supérieur», que la forme sociale future essaie puissament d'émerger? La solution est donnée par les disciples directs ou tardifs de E. Bernstein: O. Bauer, K. Kautsky, Rudolf Hilferding, par
exemple. Ce dernier déclarait
en 1927 [26]:
« Ce
qu'il
y a
de décisif c'est que nous nous trouvons actuellement dans la période du capitalisme où l'ère de la libre-concurrence au cours de laquelle le
capitalisme était purement dominé par la violence des lois aveugles du marché, est essentiellement dépassée; nous parvenons à une organisation capitaliste de l'économie; nous passons donc d'une économie
de libre jeu des
forces à
l'économie organisée. (...) Ce qui est
caractéristique c'est, deuxièmement, que l'industrie capitaliste, dans laquelle une méthode scientifique employée avec une nouvelle énergie devient opérante, s'efforce d'emblée d'utiliser de façon organisée les nouvelles possibilités.
(...) Ι1
est très
intéressant
maintenant de voir que dans le développement de la science de l'entreprise moderne, on cherche des méthodes afin de remplacer la libre concurrence de l'intérêt privé par des méthodes scientifiques, utilisant un plan ».
« Organisation
capitaliste de l'économie »,
c'est juste, c'est même celle de la
société entière, ce qui
signifie fascisme que
R. Hilferding décrit exactement, malgré lui. « Capitalisme organisé, cela signifie donc remplacement principiel du principe capitaliste de
la libre concurrence par le principe socialiste de la production planifiée.
Cette économie
dirigée consciemment, selon un plan, suppose au plus haut point
la possibilité de l'intervention consciente de la société,
c'est-à-dire rien d'autre que l'intervention
de la seule organisation consciente et dotée d'une force contraignante autorisée, l'intervention de l'État. (...) Ce qu'il y a
de nouveau et de plus important,
c'est la réglementation par l'État dans le domaine qui touche le plus immédiatement le sort du prolétariat,
c'est-à-dire le domaine du marché
du travail. Nous avons, grâce à la
révolution, l'assurance
contre le chômage. Ceci signifie une réglementation bien déterminée de l'offre et de la demande sur le marché du
travail. Nous avons, aujourd'hui,
grâce
à nos
conventions
collectives, nos
tribunaux d'arbitrage, une
réglementation
politique du
salaire et une
réglementation politique du temps de travail.
Le sort personnel
de l'ouvrier
est maintenant déterminé par la politique
que mène l'État.
Si on
réussit, avec
en gros
plus de deux millions
de chômeurs, à maintenir le
salaire réel des travailleurs,
nous
pourrons alors par
là-même, réaliser cette garantie du salaire réel, avant tout parce que
l'influence politique de la classe ouvrière est devenue suffisamment grande pour, au moins, empêcher
avec ces méthodes de conventions collectives
et de tribunaux d'arbitrage, devons faire entrer dans la tête de chaque ouvrier
que le
salaire
hebdomadaire est un salaire politique[27])
parce que le montant qu'atteindra le salaire à la fin de la semaine dépend de la force de la représentation parlementaire de la classe ouvrière, de la
force de son organisation et des rapports de force sociaux à l'extérieur du
parlement. On
doit notamment dire aux femmes des ouvriers: quand
vous
allez
voter, prononcez-vous
également au sujet
du pain
et de 1a
viande et au sujet du niveau
des salaires. C'est naturellement quelque chose de nouveau
dans
l'économie capitaliste,
c'est un élément d'une grande
importance économique
sociale et politique. »
Enfin, il définit d'une
façon rigoureuse
1a voie réformiste =
1a voie
fasciste =
le triomphe
de 1a démocratie sociale. «
Cela
ne
signifie rien d'autre que:
il est posé à notre génération le
problème de transformer, avec l'aide de l'État
et
de la réglementation sociale consciente, cette économie organisée
et dirigée
par les capitalistes
en une
économie dirigée par
l'État
démocratique. Ι1
s'ensuit que le problème posé à notre génération ne peut être rien d'autre que le socialisme. Si nous, 1a social-démocratie, nous avons autrefois lutté
pour les droits politiques,
pour instaurer et élargir 1a politique sociale,
c'est par
le développement économique
lui-même que le problème du socialisme est posé.»[28]
Voie fasciste, avons-nous dit! N'oublions pas que le socialisme national triompha en Russie précédant le triomphe du
national-socialisme
en Allemagne. Le premier indique le repli de la révolution dans les frontières nationales, le
second, l'impossibilité de sauver la nation si on ne la colore pas de socialisme. Le premier est porteur d'une
illusion originelle: les formes antagoniques du capital sont des
formes d'association, le second, d'une illusion finale: 1a socialisation de la production, résultat du développement capitaliste, pourrait secréter d'une façon immédiate le socialisme. C'est
pourquoi les théoriciens du fascisme =
démocratie sociale, forme
politique dé
1a communauté
matérielle capitaliste, se trouvent parmi les
sociaux-démocrates.
Dans les années 1925 à 1930, 1a société connut un
moment particulier. Les
mesures économiques et politiques (contrôle draconien de l'économie) furent
utilisées par le capitalisme pour contenir la révolution communiste.
Ce sont les sociaux-démocrates dont il a été question ci-dessus qui effectuèrent ce tour de force. Le
capitalisme par
lui-même ne pouvait pas parvenir à 1a conscience de son être propre et à celle des mesures à prendre pour garantir sa survie. Ιl
a volé les armes de la révolution prolétarienne, uniquement
parce que lui-même,
au stade le plus élevé de son développement, secrète une société transitoire dans laquelle il suffit d'abattre le pouvoir organisé du capital
par une action militaire mûrement préparée et dirigée par le parti de classe, pour qu'automatiquement la domination formelle du communisme s'exerce. Comme le déclara K. Marx,
1la
révolution prolétarienne « paraît n'abattre»
son «adversaire (en Russie de 1917) que pour lui permettre de puiser
de nouvelles forces de la terre (Allemagne des années 1925 à 1933, pour se généraliser à tout le monde capitaliste avec le triomphe du fascisme lors de 1a seconde guerre mondiale) et se dresser à nouveau formidable en face d'elles. »
5)
Que
représente, à l'heure actuelle, l'impérialisme, sinon
cette
communauté matérielle agissante dont nous avons parlé?
C'est elle qui fait pressentir la phase future de domination formelle du communisme. Ι1
faut donc analyser plus en détail comment le mouvement réel de la valeur qui se constitue en cette
communauté engendre le mouvement apparent. En effet,
l'analyse de
V. Lénine reste toujours valable, mais pour, premièrement, surmonter le handicap de cinquante ans de défaite; deuxièmement, intervenir correctement par la suite avec des mesures appropriées dans le mouvement économique, une nouvelle analyse est primordiale. Sans elle, la prévision de la crise est impossible. D'autre part, dans quelle mesure cet être impersonnel n'arrive pas
à se contrôler, ce qui pose 1a nécessité de 1a recherche des contradictions les plus profondes qui feront éclater cette espèce d'auto-régulation qui éloigne la crise. En l'absence d'une compréhension de ce
phénomène, la crise est imprévisible. Or, un parti incapable de prévoir, n'est pas un parti révolutionnaire.
[2]
« Entre la société capitaliste et la société communiste,
se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en
celle-ci.
À quoi correspond une période de
transition politique où l'État
ne saurait être autre chose que la dictature
révolutionnaire du prolétariat ».
(Κ. Marx, Critique du programma de Gotha,Ed.
Sociales, Paris, 1962, p.24).
[3] Du
fait de 1a réalisation, à l'heure actuelle, de la communauté
travail
- autre expression de 1a domination
réelle
effective
du
capital - l'oisiveté prend un autre
contenu,
bien
qu'elle ne soit
qu'une détermination
négative
et non positive du communisme, elle
mérite d'être à nouveau examinée. (note de mai 1972).
[4] On voit toute la différence qu'il y a entre cette communauté qui réalise une certaine égalisation, parce qu'il n'est pas d'autre moyen pour accéder à une phase plus développée, et la communauté du communisme grossier dont il a été question dans le chapitre précédent.
[5]
«
Si l'on ramène toutefois le salaire à sa
base générale, c'est-à-dire à la
fraction du produit de son propre travail qui entre dans la
consommation individuelle de l'ouvrier; si on libère cette part de l'entrave capitaliste et
qu'on l'élargisse jusqu'à atteindre le volume de consommation que, d'une part, la productivité sociale
existante permet
(c'est-à-dire la force
productive sociale de son propre travail en tant que travail réellement social) et que, d'autre part, requiert le plein épanouissement de l'individu; si, en outre,
on réduit le surtravail et le surproduit à la mesure qu'exige, dans des conditions de
production données
de la société, la
constitution d'un fond d'assurances
et de réserve et aussi l'élargissement constant de la
reproduction à la mesure des
besoins sociaux; enfin, si l'on inclut dans la première rubrique
(travail nécessaire) et la
seconde (surtravail), la quantité de travail que ceux qui sont aptes à travailler sont tenus
d'accomplir pour les
membres de 1a société, qui ne sont pas encore ου ne sont plus en état de travailler; en résumé si l'on
dépouille le salaire, aussi bien que la plus-value, le travail nécessaire aussi bien que le
surtravail, de leur
caractère spécifiquement capitaliste, toutes ces formes disparaîssent et il ne reste que leurs bases qui sont communes à
tous les modes de production sociales. (Livre III, t. 8, ρ.
251).
Précisions
que
Erwerbstätigkeit indique
une
activité
en
vue
de
se valoriser.
[6]
À
noter que dans le texte allemand, il est simplement dit: «généralisation du travail». (note de mai 1972).
[7]
Ce
n'est pas un acte particulier de
l'être qui
peut jouer ce rôle, mais la totalité de celui-ci.
[8]
Afin
d'enlever
tout relan
démagogique
à la chose, il serait préférable de parler de carte de
ravitaillement. Voir à
ce sujet la Réunion
de Naples de 1951 (cf. Invariance, série I, n° 4, pp. 30-57).
[9]
Ce
qui veut dire que la sphère
de 1a nécessité a été dominée,
les hommes
sont
obligés
de se retrouver
dans leur temps de travail disponible. Par suite
de la domination réelle du capital qui s'est
anthropomorphosé, les
hommes doivent οu
parcourir le cycle
a rebours
et reconquérir une activité
qui leur
a été dérobée, οu
bien ils
doivent
en créer
une autre
et se créer
en tant
qu'hommes devenus.
La révolution apparaît comme
le début d'une
immense
création humaine. (note de mai
1972).
[10]
Dans le Capital,
K. Marx a
décrit le socialisme inférieur et a
traité la même
question de 1a façon suivante:
«
Représentons-nous, enfin, pour
faire diversion, une union d'hommes libres
qui travaillent avec des moyens de
production communs, et dépensent consciemment leurs nombreuses forces individuelles comme une force de
travail sociale. Toutes les déterminations du travail de Robinson se
répètent ici socialement et non individuellement. Tous les produits de Robinson étaient son produit personnel et exclusif, et, conséquemment, objets
d'usage immédiats pour lui. Le produit total des travailleurs unis est un produit social. Une partie sert de nouveau comme moyen de production. Elle reste sociale. Mais une autre partie, en tant que moyen de subsistance, νa
être
consommée
par les membres de
l'union et doit donc être répartie entre eux. Le mode de
répartition variera suivant l'organisme producteur de la société et le développemnt historique des producteurs. » (Le Capital, L. Ι,
t. 1, ρ.
90)
[11] «Se
représenter la société
socialiste comme
l'Empire de l'Égalité
est une
conception
française trop
étroite et qui
s'appuie sur 1a vieille devise Liberté Égalité Fraternité, conception
qui, en ses temps et lieu, a eu sa raison d'être, parce
qu'elle répondait à une phase d'évolution, mais qui comme toutes les conceptions trop étroites des
écoles socialistes qui ont précédé, devrait à
présent être dépassée,
puisqu'elle ne
crée que de la confusion dans les
esprits et qu'elle a été remplacée par
des conceptions plus précises et répondant mieux aux
réalités (F.
Engels à Bebel, 18-28.04.1875).
[12] «Dans la société
post-bourgeoise, donc,
il ne
s'agira
pas de "mesurer la valeur
selon le temps
de travail ", comme le croient
les nigauds, mais il s'agira d'en
finir avec la mesure
des valeurs
(Wertmass) ». (A. Bordiga, «Ι1
programma communista
»,
n° 20,
1957).
[13] «Ce
qui
distingue ces socialistes des
apologistes de la bourgeoisie, c'est d'une part le sentiment des
contradictions du système, d'autre part leur utopisme qui les empêche de comprendre la différence, la forme réelle et la forme
idéale de la société
bourgeoise et les pousse à se lancer dans cette entreprise vaine, de vouloir réaliser de nouveau eux-mêmes l'expression idéale, l'image transfigurée de 1l
société bourgeoise, qui n'est que le reflet que la réalité donne d'elle-même ».
(Version
primitive, p.
225).
[14]
«Les rapports sociaux des hommes dans leurs travaux et avec les objets utiles qui en proviennent restent ici simples et transparents dans la
production aussi bien que dans la distribution. »(Livre
Ι,
τ.
1,
ρ.
90).
[15] Il semblerait,
d'après ce passage, que K. Marx
considère
que la loi
de la valeur puisse continuer à jouer - ou
jouer plus réellement
- dans
1a société
post-capitaliste. En
fait, il emploie le terme
de détermination de 1a valeur pour détermination du temps de travail. Le reste de
1a citation est d'ailleurs conforme à cette
interprétation. On peut
faire
remarquer,
qu'effectivement, tant qu’on
doit évaluer des quanta de
temps de travail, on fait en quelque sorte une
détermination de valeur. Mais,
premièrement, elle se fait
avant la production,
et non plus
post festum; de
ce fait,
comme nous l'avons indiqué, le temps de travail n'a plus besoin
de son enveloppe valeur
pour
se manifester socialement; deuxièmement, le texte
français est beaucoup plus
affirmatif que l'original. En effet, 1a traduction des Editions Sociales
dit « ...1a détermination
de la valeur restera dominante, parce que...
». Le texte
allemand: « Bleibt... die Wertbestimmung
vorherrschend in
dem
Sinn, dass... wird
». C'est-à-dire, la
détermination de 1a valeur restera prédominante
en
ce sens
que. Ι1
y
a tout de même
une légère nuance.
K. Marx
explicite
à l'aide de sa locution,
le traducteur indique, avec
1a sienne, une conséquence.
[16] «La valeur d'échange et 1a division du travail, plus ou
moins développée en fonction même des échanges, présupposent que
le temps de travail de chaque individu soit consacré uniquement aux
fonctions particulières
nécessaires, au lieu qu'un seul et même individu (société)
effectue les différents travaux et emploie son temps de
travail sous diverses formes. »
(Fondements,
t.
2, ρ.
18).
[17]
Nous voulons
dire par la qu'il y a une transformation
totale qui s'opère
comme
au cours d'une
révolution, mais
elle ne nécessitera
aucune violence, parce que les fondements
de celle-ci
auront été extirpés dans la phase
précédente. Elle nécessitera
un grand
nombre d'années.
[18]
Ce
magnifique
passage a été commenté au
cours d'une réunion générale du parti
communiste internationaliste, qui
avait pour
thème la description de la
société
communiste.
Voir
le compte
rendu in il
programma comunista n°
21.1958. Ι1
a été republié dans A Bordiga: Testi sul comunismo Ed.
Vecchia Τa1ρa - Crimi.
1972, ainsi que
dans
Bordiga et
1a passion du communisme. Ed. Spartacus.
[19] En
revanche
dans
1a société capitaliste:
domination
de la matière inerte sur les hommes. (Manuscrits
de 1844, p.
52).
(Ce
que
nous avons indiqué au sujet de la domination formelle du communisme
est en partie valable ici. Tout d'abord 1a périodisation perd de sa validité de nos
jours; d'autre part 1a vitesse de réalisation du communisme sera plus rapide que l'on ne pensait auparavant. Enfin, il s'agira ultérieurement de préciser que le communisme n'est pas
un mode
de production et n'est pas une société. Note de 1972).
[20]
Erscheinung indique effectivement
l'idée de manifestation d'un phènomène; ce qui en
tant que tel le fait
apparaître. (Note de Mai 1972).
[21] Cf.
Ιl
programma
comunista
» des
années 1954 à 1957: Russie et révolution dans 1a théorie marxiste
- Dialogue avec les morts
- Structure
économique et sociale de la Russie d'aujourdhui
»
œuvres de
A.Bordiga).
[22]
Ι1
nous faudra revenir, ultérieurement, de façon
détaillée
sur cette question agraire russe. En effet, on a passablement falsifié la
position de K. Marx en
ce qui concerne 1'Obchtchina et, d'autre part, on a sous-évalué
l'importance qu'elle avait encore en 1917 -
(note de mai 1972).
[23]
Ceci
fut
fondamentalement 1l position de A.
Bordiga- (note
de mai 1972).
[24] « Ι1
faut considérer les
entreprises capitalistes par
actions et, au même
titre, les usines
coopératives
comme
les formes
de transition du
mode de
production capitaliste au mode
collectiviste, avec
cette différence que dans les premières, la
contradiction est résolue
négativement, et dans les secondes positivement » (L. ΙΙΙ. 7, p. 106). « Ce
caractère social du capital est seulement médiatisé
et réalisé
entièrement grâce
au plein
développement
du
système de crédit
et du
système
bancaire
(...) Par là, ils suppriment le caractère privé du capital et contiennent en
puissance, mais en puissance seulement, la suppression du capital lui-même (...)
le système de crédit
sera un puissant levier lors
du passage
du mode
de production capitaliste au
système
de production fondé
sur
l'association du
travail. » (p. 266). Le système
de crédit
«constitue 1a forme
de transition vers
un nouveau mode
de production. » (p
107).
[25]
C'est
le mouvement économique et social qui commande. Le mouvement politique essayait auparavant de le forcer. Maintenant, c'est lui
qui reçoit
forme du premier d'où la réduction de son importance. La révolution communiste,
c'est la révolution politique à âme sociale.
[26]
Le capitalisme organisé,
Discours au congrès du SPD,
Kiel, 1927.
[27]
Potere Operaio réinventera la formule
avec
un contenu légèrement différent mais avec la même exaltation de la politique.
(note de 1972).
[28] Hilfeτding décrit aussi ce que deviendra sous forme mystifiée le prolétariat classe dominante. « Cela signifie (la politique économique de la classe ouvrière, ndr) : soumettre toujours plus la société capitaliste à l'influence croissante de la classe ouvrière, faire toujours plus triompher le principe politique de la classe ouvrière, c'est-à-dire utiliser l'État comme moyen pour la direction et la domination de l'économie dans l'intérêt général. » (note de 1972)