SUITE POUR UN OUBLI

Il nous faut revenir sur le contenu de Gloses en marge d'une réalité V parce que nous avons oublié un anniversaire, 1'écrasement du prolétariat allemand en 1919. Soixante et dix ans après, cet  événement se révèle comme  déterminant fait tout le devenir historique ultérieur. Car il provoqua non seulement le blocage de la révolution en .Allemagne,mais en Russie (avec dans l'immédiat l'impossibilité d'une transcroissance) et, par là, tout le procès de la révolution mondiale. L'échec 1'année suivante de 1'armée rouge devant Varsovie fonda l'enraiement définitif du procès révolution. En Russie au lieu de la transcroissance nous avons un repli de celle-ci sur un mouvement de luttes à contenu bourgeois,comme cela tendit à s'affirmer à partir du congrès de Bakou (1920) dans une perspective toutefois encore internationaliste. Dés lors, tout 1e mouvement révolutionnaire était placé dans la situation devoir espérer une radicalisation à 1'échelle mondiale afin de relancer la dynamique en Occident. Ceci n'advint pas.

 


Il est inutile de revenir sur les évènements qui nous séparent de cette terrible période du début 1919 et qui marquèrent les moments de 1'élimination du  prolétariat, du triomphe du capital.

 

On a souvent dit que cette défaite de 1919 fut la conséquence de 1'Union Sacrée de 1914 et, à propos de cette dernière, il fut souvent question d'une trahison de la social-démocratie. Si la première affirmation est vraie, bien qu'insuffisante la seconde est absolument fausse. Qu'elle ait pu être formulée indique le degré de faiblesse du .mouvement révolutionnaire, en même temps qu'il témoigne de sa volonté de trouver un bouc émissaire.

 

 

Nous avons montré dans d'autres travaux que 1'insuffisance d'une délimitation rigoureuse d'avec tout le courant social-démocrate fut une des causes fondamentales de la faiblesse du mouvement révolutionnaire après 1914, Mais à son tour cette faiblesse découlait de l'affirmation susmentionnée au sujet de la trahison de la social-démocratie. Ici encore nous avons déjà démontré à quel point cette dernière était devenue un centre d'intégration dans la société capitaliste et que ceci était lié à une tendance réelle effective de 1'intégration du prolétariat dans la société du capital. L'existence de cette dernière possibilisant la social-démocratie dans la dimension sus indiquée, nécessitait une dynamique de distanciation, séparation essentielle. Sur le plan théorique cela impliquait en particulier de devoir préciser la séparation du marxisme en tant que théorie du prolétariat vis-à-vis de 1'illuminisme, du scientisme. Car, avec 1'oeuvre de K. Marx, nous avons l'amorce d'une rupture de vaste amplitude, mais elle n' est pas effective. Nous reviendrons ultérieurement sur ce point. I1 convient de noter pour le moment que le comportement de Marx et d'Engels inhiba une telle démarche. Ceux-ci tolérèrent toutes les faiblesses de la social-démocratie. On peut objecter qu'ils firent souvent de sévères critiques. Mais, critiquer inféode dans un certain devenir. C'était celui-ci qu'il fallait rejeter, ce qui aurait nécessité une rupture. Là nous nous heurtons au mythe de 1' unité et probablement à l'idée que la théorie du mouvement social ayant été découverte, il ne s'agissait plus que de l'appliquer ce qui postulait avant tout un effort intense de propagande afin de la diffuser dans les masses. On était ramené à des problèmes de tactique. En outre, on ne doit pas sous-estimer l'importance du désir qu'ont eu la quasi totalité des révolutionnaires d'être reconnus et ce, d'autant plus qu'ils firent oeuvre théorique.

 

La théorie du devenir social exposait que la révolution était un phénomène inéluctable. Cette conclusion était acceptée par tous dans des déterminations diverses qui fondaient en réalité des prise de positions fort divergentes. Dans tous les cas le  dogme de 1'inéluctabilite de la révolution engendrait également 1'idé que quoi qu'on fasse le résultat serait le même et en définitive le problème revenait à se positionner au sein de ce phénomène. Á la limite la révolution était perçue en tant que telle et non incluse dans tout un devenir historique.

 

Ainsi la position de R. Luxembourg considérant la révolution comme in vaste mouvement surgissant des contradictions de la société bourgeoise, spontané, irrépressible, put coexister avec la conception évolutionniste, gradualiste de E. Berstein. Celle-là s'épuisa en quelque sorte à réfuter celui-ci, à vouloir critiquer et maintenir 1'unité. Elle n'était plus, comme tant d'autres, réceptive aux mouvements profonds affectant 1a société. Or sans une telle réceptivité il n'est pas possible de faire une œuvre théorique. La conséquence en fut 1'inadéquation de la représentation par rapport aux bouleversements se réalisant au début de ce siècle. Encore une fois, il nous faut y insister, 1 'œuvre de K.Marx anticipait sur le mouvement; elle opérait une réflexion sur 1'activitê de l'espèce dans une aire géo-sociale bien déterminée. Elle pouvait valoir en tant que réflexivité non seulement pour le prolétariat mais pour tout 1'ensemble humain de cette aire. Il aurait fallu demeurer au niveau de cette anticipation, en développant les éléments fondamentaux, pour tendre réellement à une représentation universelle apte à intégrer le divers du devenir de 1'espèce, la multiplicité des comportements au sein de chaque aire géo-sociale.

 

 

Au lieu de cela on s'est contenté de maintenir une théorie d'un devenir social, la plupart du temps réduite à sa dimension économique. I1 aurait fallu réfléchir de plus en plus sur l'activité intégrale de l'espèce, dans ses dimensions contradictoires, c'est-à-dire a travers - tout au moins dans l'aire occidentale - la lutte des classes.

 

 

Ceci concerne le mouvement en amont de 1919. Pour ce qui s'est produit en aval, nous avons également donné des explications mettant en évidence la faiblesse théorique extraordinaire de tout le mouvement international. Manifestement 1'oeuvre de réflexivité essentielle ne fut pas accomplie. On n'a pas cherché à comprendre que le phénomène révolutionnaire prévu avait bien lieu, qu'il avait eu lieu, selon le moment où devait se placer cette réflexion. La révolution conservatrice, le mouvement nazi en Allemagne n'ont pas été étudiés en liaison avec tous les phénomènes de rupture qui s'opéraient dans la dynamique sociale (sur le plan des moeurs), dans celle artistique, scientifique etc. On peut dire d'ailleurs que ceci doit être encore effectué (nous avons commence une telle étude dans Mai-Juin 1968. le dévoilement).

 

 

L'œuvre réflexive globale n'étant pas actualisée, on eut un développement théorique extraordinaire dans divers secteurs séparés, autonomisés. Ce qui préfigure le procès de dissolution actuel.

 

 

De là nous pouvons rappeler que toute faiblesse théorique se paie par un marasme ultérieur ou par 1'enrayement d'un mouvement de remise en cause. C'est ce qui est advenu pour celui de Mai-Juin 1968. Nous ne voulons pas dire par là qu'il aurait failli à cause de cela. Nous affirmons seulement que sa caractéristique d'être uniquement un dévoilement est déterminé par toutes les insuffisances théoriques antérieures.[1]

 

 

Il est clair qu'il y a de multiples causes à ces dernières Nous voulons uniquement mettre ici en évidence que le refus de réaliser une ample œuvre réflexive inhibé toute possibilité d'intervention conséquente au moment où un ébranlement affecte l'ensemble  la société capitaliste.

 

 

Prenons rapidement l'exemple de la Gauche communiste d'Italie. Apres la seconde guerre mondiale A. Bordiga considéra que l'on devait effectuer une vaste réflexion au sujet de tout ce qui était advenu; que pour ce faire il ne tallait pas un parti, mais un regroupement de ceux qui étaient décidés à opérer une telle réflexion qui produiraient, comme il disait, des travaux de groupe semi élaborés Au fond il s'agissait de favoriser 1'installation d'une organisation informelle2]à 1'échelle internationale, apte à percevoir les divers courants affectant la société capitaliste, parce que non rigidifiée dans un règ1e, ce qui conduit souvent à exalter 1'organisation en tant que telle qui devient un but en soi. Cette préoccupation rencontra un faible écho et, au lieu de produire une revue théorique internationale à ample perspective historique, le petit mouvement se structurant en parti, s'épuisa dans la publication de feuilles d'agitation stupides (ne serait-ce qu'à cause de leur inadéquation à la situation): Le Prolétaire en France et Spartaco en Italie. On sombrait dans l'immédiatisme. Or la caractéristique de ce dernier n'est pas tant sa capacité à se modeler en fonction de la réalité, mais celle de lui plaquer des schémas représentationnels antérieurs, à l'affronter avec des comportements du passé. Dés lors le passé mythologisé de la classe devenait slogan et opérateur de conduite. Ce qui aboutit inévitablement au crétinisme actuel où sont plongés les divers groupes issus du parti communiste international.

 

 

Il est clair que 1e triomphe de la position de A.Bordiga n'aurait pas inversé le cours des choses. Ce n'est pas pour cela qu'un vrai parti se serait constitué, et qu'une certaine intervention aurait pu avoir lieu dans le mouvement de Mai-Juin 1968 (d'autant moins que la question qui se posa alors fut celle d'une non intervention), etc.. Mais une œuvre de clarification aurait pu être conduite plus à fond, maintenue à une échelle internationale. Elle aurait permis de conduire avec une immense ampleur la réflexion, que nous jugeons vitale, au sujet de tout le devenir de l'espèce.

 

 

Nous devons ajouter que A.Bordiga lui aussi est également responsable de l'échec de sa perspective. Comme K.Marx, comme F.Engels, il toléra diverses pratiques qui étaient en fait en rupture avec le comportement que nécessitait 1'œuvre réflexive. C'est ainsi que le centralisme démocratique, la nécessité de chefs, etc.. furent revendiqués au sein d'une organisation qu'il considérait devoir rejeter tout démocratisme, toute référence aux chefs, etc. On comprend qu'à partir de là, 1'oeuvre réflexive de A.Bordiga put être délayée dans une théorie immédiatiste à prétentions réflexives qui devint vite un immédiatisme prétentieux, arrogant et stupide. Voilà pourquoi, nous l'avons expliqué, il fut nécessaire de rompre 1'anonymat où A.Bordiga s'était plongé en espérant qu'allait réellement se constituer une communauté fonctionnant avec un cerveau communautaire (il disait social). Ce qui veut dire que cet anonymat  n'était pas revendiqué seulement en  réaction au culte débile des chefs, mais en tant que moment  de réalisation de la communauté à venir. C'est pourquoi, paradoxalement, rompre l'anonymat eut une importance afin de signaler cette tentative de dépasser la thématique organisationnelle classique et de chercher, a partir des apports théoriques liés à cette pratique, à porter à bout une œuvre réflexive concernant l'espèce toute entière.

 

 

Ce qui s'impose actuellement n'est plus simplement de savoir si 1'œuvre de Marx est encore valable ou pis, mais de montrer que ce fut une immense erreur de se limiter et de se fier uniquement a un mouvement intermédiaire. Il ne s'agit pas de produire une théorie, etc.. Nous l'avons amplement exposé. ce qu'il faut c'est rompre aveu une vaste errance, en mettant en évidence les divers moments forts de celle-ci. Il faut éliminer les antiques représentations qui inhibent toute capacité d'investigation, c'est pourquoi nous aborderons l'étude de l'art, des religions, etc. Il nous faut préciser en nous efforçant de répondre à la question . qu'est-ce qui englue hommes et les femmes dans des représentations inhibant tout procès d'instauration d'une communauté humaine, de réinsertion de l'espèce dans la nature, sans éliminer le phénomène réflexif dont elle est l'agent au sein du procès de vie?

 

 

Ce ne sont plus les contradictions au sein d'un mode de production déterminé, d'une société donnée, qui sont déterminantes, mais l'opposition entre Homo sapiens et l'ensemble du monde vivant. Nous sommes parvenus au bout du phénomène de sortie de la nature. Il est question à nouveau de se positionner par rapport à elle et par rapport au cosmos. Or, il est particulièrement remarquable de constater que tout le développement scientifique depuis le début de ce siècle met en évidence que, d'une part, la science est une représentation de l'espèce et n'est pas une connaissance absolue en dehors du référent Homo sapiens,détruisant, par là toute transcendance virant facilement à un mysticisme occultant 1 importance de l'activité humaine, ce contre quoi s'éleva le mouvement prolétarien -(avec la contrepartie de sombrer facilement dans le scientisme) que, d'autre part, 1e cosmos en sa totalité,1`univers, est un être vivant, et qu'il n'y a pas un intérieur irrémédiablement séparé de l'extérieur, retrouvant par là le contenu du vieil animisme3], ressuscitant le vieil ennemi du judaïsme, du christianisme et de l'Islam. Or, nous le montrons dans notre étude Emergence de Homo Gemeinwesen, la séparation de l'espèce vis-à-vis de la nature s'est accompagnée de la mise en place de la représentation selon laquelle il y a une matière vivante et une matière inanimée, ce qui fut d'ailleurs mis en place grâce à 1-essor de la science. Nous verrons que ce n'est pas pour rien que celle-ci est en crise. L'aboutissement de l'investigation conduit a la remise en cause totale des prémisses. nous étudierons cela de façon conséquente. Pour le moment, nous affirmons simplement qu'il est nécessaire de percevoir tous les phénomènes de remise en cause du devenir jusqu'à nos jours de Homo sapiens, tant au sein de l'espèce elle-même qu `au sein de la biosphère. A partir de ces perceptions, il nous est possible d'élaborer une représentations portant sur les milliards d'années du procès vie, dont nous sommes, rappelons-le, le 'phénomène réflexif qui risque de perturber momentanément le devenir. Perturbation qui sera simultanément élimination du phylum Homo, si une nouvelle espèce, Homo Gemeinwesen, ne parvient pas à émerger nous tentons de le démontrer.

 

 

Pour en revenir aux évènements marquants de 1919, il nous -faut -signaler la fondation de la Troisième internationale qui eut lieu cette année là. Il est clair que nous sommes amenés, à son propos, à produire les mêmes observations que pour 1a défaite du prolétariat allemand. Nous devons même être plus catégorique, plus tranchant. Car avec la formation d'une organisation il s'agit d'un acte d'intervention de vaste amplitude qui nécessite une prise en considération fort rigoureuse étant données toutes les conséquences que cela implique. En outre c'est de cet acte qu'il fut longuement débattu au sein des divers courants se réclamant du marxisme, du communisme (ce qui inclut certains groupements anarchistes) et que cela continue de l'être, à 1'heure actuelle, au sein de groupes toujours plus réduits. Nous renvoyons à nos études antérieures en ce qui concerne tout ce débat.

 

 

Ce qui nous semble déterminant soixante et dix ans après l'ultime vaste tentative de conduire un bouleversement social à 1'échelle planétaire, c'est que l'essai de résoudre les difficiles problèmes qui dérivent de la dynamique que 1'espèce a empruntée en se séparant de la nature, non en affrontant le phénomène en sa totalité, mais en essayant d'opérer sur la médiation, sur le phénomène intermédiaire, sur la production.

 

 

On peut dire que cette approche de la question, ce comportement s'est mis en place avec le mouvement hérétique, approximativement, au XV° siècle en Occident. Autrement dit, cela signifie que hommes et femmes décidèrent à ce moment-là de résoudre leurs problèmes dans les limites de leur monde immédiat et non plus en essayant d'opérer sur un monde extrasensible, au-delà, comme nous le montrerons dans le chapitre concernant les représentations qui facilitèrent le développement du mode de production capitaliste de notre étude Émergence de Homo.

 

 

Ainsi notre prise de position par rapport- au phénomène prolétarien, à la théorie de K.Marx, nous conduit â rejeter la dynamique de vouloir résoudre à partir du mouvement intermédiaire (par exemple opérer en fonction d'un développement des forces productives, thème que nous avons amplement traité). Voilà pourquoi avons-nous proclamé qu'il fallait quitter ce monde, non pour fonder un courant mystique, ésotérique mais pour faire comprendre qu'il fallait tenir compte du phénomène de séparation originel et du but qui est la réconciliation avec la nature. A propos de ce dernier point, il est important de rappeler que le moment du triomphe le plus net de 1'immétiatisme et de 1'immersion dans le mouvement intermédiaire fut celui où fut proclamé: le but n'est rien, le mouvement est tout. Nous avons, antérieurement fait remarquer qu'il ne suffisait pas de,renverser l'ordre des termes pour parvenir à une représentation adéquate mais qu'il fallait abandonner la dichotomie elle-même Mais ceci était encore insuffisant dans la mesure où l'on ne mettait pas en évidence qu'il fallait abandonner ce monde. Ce faisant on était amené également à préciser ce qu'est le but: non plus seulement l'être humain en tant que véritable Gemeinwesen de l'homme, mais le vivant.

 

 

L'étude de la situation actuelle nous conduit également a la même affirmation: on ne constate plus seulement la misère au sens de K. Marx, l'absence de toute réserve qui engendre l'incertitude de la vie, mais un au-delà de celle-ci en ce sens  que hommes et femmes sont dépossédés (et le phénomène ne fait que s'amplifier) ce qui les réduit à des opérateurs vivants sur lesquels sont greffés, à divers moments, un certain nombre de prothèses.

 

Marx, rappelons-le, a posé la nécessité de ne pas se limiter à ce mouvement (particulièrement dans les Manuscrits de 1844) ; mais cette transcroissance dans l'ordre de la représentation a été enrayée et nous avons eu le marxisme en tant que matérialisme le historique et matérialisme dialectique [4]

 

 

La fin du mouvement prolétarien et celle du procès révolution sont contemporaines de ce moment de remise en question, provenant de divers horizons, de la place de et du rôle de Homo sapiens dans la nature. Nous avons signifié notre prise de position en affirmant 1a nécessité du surgissement d'une autre espèce: Homo Gemeinwesen.

Mars 1989

 



 

[1] Notre comportement théorique par rapport au phénomène insurrectionnel dont la crête fut Mai-Juin 1968 a été déterminé par notre maintien, dans un premier temps, de la perspective de A.Bordiga à propos du surgissement de la révolution vers 1975 qui postulait que vers 1965 devait se produire une crise intermédiaire devant permettre 1'enclenchement d'un procès de détachement du prolétariat des organisations intégratives, syndicats, partis, constituant la base pour la formation d'un parti révolutionnaire qui pourrait ensuite intervenir lors de la crise catastrophique prévue, rappelons-le, pour 1975.

 

 

Toutefois nous avons mis en évidence, dés 1968, que les conditions pour l'affirmation d'un parti révolutionnaire n'étaient pas encore réunies et que nous avions seulement le début d'un nouveau cycle, c'est-à-dire que nous mettions en évidence que le phénomène prévu se produisait mais ne se manifestait pas à la façon dont on 1"avait espéré. En outre, il était nécessaire de mettre en évidence que les évènements de Mai-Juin 1968 ne constituaient pas la révolution.

 

 

Ultérieurement la réflexion sur un phénomène se poursuivant jusqu'en 1973 en France, jusqu'en 1977 en Italie, conduisit à considérer que non seulement on n'avait pas la révolution, _mais qu'on avait assisté à la fin du procès révolution. En revanche à travers ces mêmes événements s'étaient dévoilés des phénomènes de plus grande amplitude que  ceux socio-économiques, parce que l'espèce dans sa totalité c'est-à-dire sociale, affective, intellectuelle, mais également organique. Voilà pourquoi à partir de ce moment-là, nous avons affirmé: 1° nécessité de sortir de ce monde (1974), 2° celle de comprendre sa, dimension paléontologique, en connexion avec tout le phénomène vivant le devenir de Homo sapiens

 

 

Autrement dit, c'est à partir de 1'étude du phénomène que nous avons caractérisé comme étant le second ébranlement fondamental ayant opéré dans la société capitaliste au cours de ce siècle, que nous avons abandonné  une représentation directement en continuité avec celle de A.Bordiga et de K.Marx pour, en intégrant celle-ci, tenter d'exposer et d'expliciter une représentation qui soit en mesure de faire comprendre ce qu'il advient â 1'espèce quand le phénomène capital s'est pleinement réalisé, qu'il disparaît en tant que tel, ce qui conduit à un vaste procès de dissolution qui ne concerne pas- seulement l'espèce, mais la biosphère

 

Ces quelques .remarques sont une approche… Le lecteur pourra se faire une idée plus exacte de tout ce qui se pose à partir d'elles lorsque nous aurons porté à bout notre étude sur Émergence de Homo Gemeinwesen

 

 

 

[2] En fondant Invariance, début 1968, nous avons maintenu cette perspective. En conséquence, il n'y eut jamais de groupe communiste mondial qui aurait publié cette revue. Que ceux qui actuellement se réclament d'une telle organisation veuillent récupérer Invariance, c'est leur affaire, mais ils ne doivent en aucune façon donner à penser que celle-ci ait existé en 1968-69 (puisqu'ils limitent la durée d'existence d'Invariance à ces deux années, cf. Le programme de la révolution communiste, février 1989). Nous avons toujours refusé de nous enfermer dans une organisation et nous 1'avons amplement expliqué.

 

 

 

 

[3] Notons que c'est au moment où la science entre en crise, où elle parvient à 1a fin de son opérationnalité qu'elle acquiert la plus grande percutance puisqu'elle ébranle toute la représentation sur la base de la séparation d'avec la nature, et sape sa propre existence. Toutefois sa disparition serait catastrophique pour toutes les représentations que, pour simplifier, nous définirons religieuses. En effet elles opèrent en tant que compensation à la première. Voilà pourquoi de tous côtés on veut la sauver et qu'on fait appel pour cela à des représentations qui naguère étaient tenues en piètre estime surtout dans les milieux scientifiques. On a une union sacrée entre savants de tous acabits et théologiens de toutes religions, ou représentations posées en tant que telles, pour tenter de récupèrer-sauver la science. En ce qui concerne le christianisme cela correspond bien avec sa dimension illuministe dont nous avons souvent parlé. Et, à ce propos, nous pouvons ajouter qu'il y a toujours un illuminisme qui opère contre la représentation ancienne, concurrente, etc.. On constate souvent que les paL'i_1Saï1s de représentations à contenu fidéiste, font appel a la science pour se justifier. Historiquement, le cas le plus admirable fut celui des chrétiens contre les représentants du paganisme.

 

 

La tendance à réaffirmer une représentation animiste ou vitaliste de tout le cosmos nous semble plus essentielle dans 1'appréciation qu'hommes et femmes  peuvent se faire de la science, particulièrement en ce qui concerne sa place dans 1e procès de connaissance, et la découverte de son aspect maléfique, destructeur tel qu'il s'est manifesté lors du lâchage nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki (cf à ce sujet. Hiroshima et la presse: quand la science révèle son image, in La Recherche n° 208). Dans ce cas il y a seulement amplification d'un thème présent depuis de nombreuses années.

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Une représentation "animiste" aboutit à l'élimination de toute médiation justifiant l'existence d'opérateurs tels que dieu ou la science. Nous expliciterons cette approche dans une prochaine étude, où nous exposerons en même temps à quel point ceci est en connexion avec le mouvement de la valeur.

 

 

 

[4] Le développement de la science n'aboutit pas à l'élimination du matérialisme historique. En effet on constate que de plus en, plus les savants accordent une grande importance à la dimension historique des phénomènes. Ainsi les découvertes scientifiques alimentent les diverses représentations et même les revigorent. C est une autre expression du procès de dissolution en acte.