CAPITAL
ET GEMEINWESEN
IV
- TRAVAIL PRODUCTIF ET IMPRODUCTIF
Nous avons vu que pour qu'il y ait capital, il faut
qu'il y ait
échange d'argent
contre une valeur d'usage particulière; une valeur d'usage vis-à-vis de laquelle
il ne peut
y avoir
indifférence:
c'est la force
de
travail. Car au cours du procès de production, elle νa
être consommée productivement et
engendrer la plus-value. Comment se présente donc le travail au cours des différentes périodes de domination du capital. Ι1
faut donc aborder la question du travail productif et
improductif. K. Marx 1'a fait dans la V°
section du premier livre du Capital, dont
nous
avons déja parlé.
Ι1
y est simplement donné une définition
et affirmé que la notion
de travail
productif a une autre signification lorsque le capital est pleinement développé
(c'est-à-dire en domination réelle; ce qui montre que la périodisation
du
VIèmeChapitre
soustend en fait tout le premier livre). La question est amplement
traitée dans le
VI° Chapitre ainsi que dans le livre IV, lorsqu'il est question d'A. Smith
ainsi
que de
ses adeptes et contradicteurs qui les premiers posèrent le problème. Enfin, on
trouve dans
l'appendice qui figure dans le
tome 2 de
l'Histoire des doctrines économiques (Ed. Costes), un
exposé presque
en tout points
identiques à celui du VIème Chapitre
sous le
titre «L'idée du travail
productif ». Nous indiquerons brièvement les points
essentiels.
A.
- Travail
productif et
improductif en domination formelle.
Il
ne faut pas se
laisser
leurrer par la forme
salariale. Ce n'est pas parce
qu'un homme
touche un salaire qu'il
est - pour le capital - un travailleur
productif. En effet, un travailleur est productif lorsque son «travail s'objective immédiatement pendant le
procès de production en tant que grandeur de valeur fluide»
(VIème, p.
227). Ι1
permet
un procès
de valorisation et donc le
cycle A-M-A' Le travail improductif est un
service; ce qui intéresse, dans ce cas, c'est la «valeur d'usage particulière du travail pour autant qu'il
est utile
comme activité et non
en tant qu'objet». (ibid.). Le travail est alors «
acheté pour sa valeur d'usage et
non pour sa valeur d'échange». Autrement dit, le
travail productif est celui qui s'échange contre de l'argent en tant que capital et de ce fait, il produit
de la plus-value, le travail improductif est celui qui s'échange
contre de
l'argent en tant
qu'argent ».
(ibid.).
«Avec
le développement de la production capitaliste, tous 1es
services se transforment en travail salarié et tous ceux qui les exercent en travailleurs salariés»
(Idem). Ι1
en est ainsi parce que le capital tend à s'assujettir toutes les valeurs d'usage et,
tout ce qui était pour l'homme
doit devenir pour le capital. C'est alors la période de domination réelle du capital. De là, deux autres caractéristiques du travail productif:
1)
«L'expression:
le travail productif
est
celui
qui s'échange
immédiatement contre
du
capital
englobe tous
ces moments et n'est qu'une formule dérivée de 1a suivante: c'est
le
travail qui transforme l'argent en capital, qui s'échange contre les conditions
de production en tant que capital,
qui ne se comporte en aucun cas en tant que simple travail,
vis-à-vis d'elles, en tant que
simples conditions de production, sans, dans les deux cas, une détermίnité sociale
spécifique. » (L. IV
t.
2, p.198).
2)
«On peut donc dire que la caractéristique des ouvriers productifs,
c'est-à-dire des ouvriers produisant du
capital, c'est que leur travail se réalise en marchandises
(produits
du travail), en richesse matérielle».
(L. IV, t. 2, p. 211).
Enfin
il
est des
secteurs de l'activité humaine où le capitalisme n'arrive
pas à s'implanter et où donc la notion de
travail productif n'a pas de sens. L'exposé de la question se termine dans le VIème Chapitre comme dans l'Appendice
sus-indiqué par une même remarque:
«Nous n'avons affaire ici qu'au capital productif, c'est-à-dire au capital
directement occupé dans le procès de production immédίat. Nous nous occuperons plus loin du capital
dans le prorès de
circulation. Et c'est seulement plus tard, au sujet de la
forme particulière que prend le capital en tant que
capital marchand (merkantίles) qu'on pourra répondre à la question jusqu'à quel point les ouvriers qu'il occupe sont-ils
productifs οu
improductifs? (L.
IV, t.
2, p. 215).
Que
devient donc
le travail lorsque le capital s'aιιtonomise,
donc
qu'il tend à se libérer de plus en plus de la valeur
d'usage qui est le fondement de son
être, puisqu'elle permet la valorisation:
la force de travail? Pour pouvoir répondre à cette
question, il nous
faut
analyser auparavant quelle est la- tendance
générale du capitalisme
vis-à-vis des
prolétaires. C'est ce que K. Marx
analysé
dans le VIème chapitre, dans 1a rubrique: «produit
brut et produit net
».
Β.
- Produit brut
et produit
net.
Ι1
faut
remarquer que:« Parallèlement à l'augmentation
relative du produit
net (plus-value n.d.r:) l'idéal suprême de 1a production capitaliste
est de
diminuer le plus possible
le nombre
de ceux
qui vivent du salaire (ici les travailleurs
productifs n.d.r.), et d'augmenter le plus possible le nombre de ceux qui vivent du produit net ».
(VIème
Chapitre, p. 245).
Ceci
est en parfaite concordance avec
ce qui a été dit au sujet de la dévalorisation
et de l'autonomisation.
C'est en même temps une réfutation de tous ceux qui
déclarent que la
diminution relative
οu
même absolue, constatée dans certaines zones (Etats-Unίs,
par
exemple),
du nombre des prolétaires est une infirmation du marxisme. Mais
ce que nous venons
de citer
n'est pas
une remarque isolée, sans conséquence. Car, dans le Livre IV, tome 5, dans le chapitre « Mélanges »,
K.
Marx arrive à la même conclusion lors de son analyse des
contradictions du capital dans sa relation au travail.
«Deux tendances s'entrecroisent
sans cesse: celle d'employer le moins de travail possible pour produire autant ou plus
de marchandises, de
produit net,
plus-value, revenu net, et celle
d'employer le plus grand nombre d'ouvriers
possible
(bien que le moins
possible en rapport au quantum de marchandises produit par eux), parce que pour
un certain degré de
la force
productive, la masse
de 1a
plus-value et du surproduit
augmente avec celle du travail employé.» (ibid.,
p. 161).
Voici
donc 1a même
affirmation que dans
le VIème chapitre, mais,
ici, K. Marx ajoute:
«La
première
tendance jette l'ouvrier sur le pavé et
crée de la surpopulation;
l'autre réabsorbe ces ouvriers et ne cesse d'élargir le
salariat, si bien que
l'ouvrier balloté sans
cesse, né
peut jamais sortir de sa misérable condition.
C'est pourquoi
l'ouvrier considère avec raison que
le développement des forces productives de son propre travail lui
est hostile, tandis que le
capitaliste le traite comme
un élément à éloigner constament de
1a production. Voilà les
contradictions dans lesquelles se débat
Ricardo dans ce chapitre. Ce qu'il oublie
de mettre en évidence, c'est
l'augmentation continuelle
des classes moyennes qui
se tenant au milieu entre les
ouvriers d'un côté, les capitalistes et les propriétaires fonciers de
l'autre et vivant, dans une
proportion
croissante, d'une
grande partie du
revenu,
pèsent
comme un
fardeau
sur 1a classe travailleuse et
accroissent la puissance et la sécurité sociale des dix
mille éléments les plus aisés ».
(ibid., ρ:
161). K.
Marx précise donc qui
est le sujet
de la consommation du revenu net dont il a
été question plus
haut.
Ι1
s'agit de déterminer maintenant quelles sont ces classes
moyennes et selon quelles modalités elles consomment 1a plus-value.
Les classes
moyennes, voilà
encore une
pierre
d'achoppement pour l'opportunisme.
Le
marxisme serait faux, â cause non seulement
de leur
existence, mais, surtout, en vertu
de leur accroissement. K. Marx aurait tout simplement proclamé que
1a société capitaliste verrait
leur disparition et ne serait plus
formée
que
de capitalistes et de
prolétaires. Or, tout cela, comme
les deux
citations précédentes le prouvent, est
un tissu d'erreurs mensongères. Nous allons rétablir les véritables affirmations
marxistes.
a)
Disparition du
capitaliste en tant que personnage.
K.
Marx a
expliqué la disparition,
au sein de la société bourgeoise, de
certains individus qui en étaient pourtant des défenseurs acharnés: les capitalistes
individuels. «D'une part, le simple propriétaire
de capital, le capitaliste
financier, s'oppose
au capitaliste
actif et
le capital
financier lui-même, avec l'extension du
crédit, revêt un caractère social concentré dans les banques qui lui
prêtent désormais au lieu
et place de ses propriétaires
immédiats; d'autre part le simple directeur qui n'est à aucun titre possesseur de capital, ni
comme emprunteur, ni autrement, remplit toutes les fonctions effectives
que
nécessite le capital actif en tant que
tel;
il s'ensuit que seul
le fonctionnaire
demeure, le capitaliste disparaît
du procès
de production comme superflu
». (Livre
III, tome 7, pages 52-53).
Ι1
y a de plus en plus tendance
à l'apparition de gens
se caractérisant non par la possession directe
d'un capital, mais par la détention de droits sur l'exploitation
du travail d'autrui, exploitation opérée
par le capital social.
C'est pourquoi ils doivent gérer
au mieux la production afin d'avoir toupours la
possibilité de
s'approprier une partie
de la plus-value. C’est ce que l’on appelle,
par exemple, à l’heure
actuelle, les technocrates[1]
b)
Quelles sont les classes moyennes qui disparaissent?
Pour
répondre à cela, il est
nécessaire
de revenir à
notre formule qui indique le mouvement
du capital de A en A':
et
de voir à
travers elle les caractéristiques
du capitalisme
et ses tendances en fonction du sujet qui
nous
intéresse.
1. A
Μ
(ν)
Le
capital se présente tout
d'abord
comme
diminuant le gaspillage de temps de travail, puisqu'il rassemble les producteurs
autrefois dispersés (coopération).
Ι1
élimine, d'autre part,
le marchand qui allait prendre la
production de
ces derniers
et la vendre
sur le marché. Le capital s'incorpore le commerce
et devient capital
commercial.
Dans
l'agriculture, il exproprie
les petits
paysans parcellaires
qui sont remplacés soit par des
salariés
travaillant sur
de grandes
exploitations
agricoles, soit par les fermiers exploitant
intensivement une parcelle
de dimension moyenne. Cette
expropriation rencontre de nombreux freins mais
dans tous les cas, il y a une diminution absolue
de la population agricole.
2.
M' A'
Ι1
élimine
les
artisans
dans 1a mesure où ceux-ci lui faisaient concurrence, car
l'artisanat peut ressurgir sur une base capitaliste, tout comme le travail à domicile.
Et,
comme c'était inclus dans le premier point, il évince les petits commerçants au fur et à mesure de l'accroissement de la concentration.
Ainsi, les antiques classes moyennes, reliquats de modes de production antérieurs, son détruites parce qu'elles étaient un obstacle à la
valorisation du capital. Au cours de son développement, le mode capitaliste de production devient, par suite de leur élimination,
de plus en plus pur. Nous avons, en fonction de cela, défini un indice de pureté du capitalisme (Réunion d'Asti,
1954) [2]
C.
- Les
classes moyennes, produits du capital.
La tendance du capitalisme est de
remplacer les ouvriers par des machines, ce
faisant, il augmente la productivité du travail et donc, l'échelle de 1a production. D'autre part,
tout produit contient de plus en plus de plus-value, du travail non-payé. Comment va-t-elle se réaliser? Ce problème a été confondu avec celui
de sa création. D'où
1a remarque de K. Marx
dans le Livre Ier du
Capital :
« Les
défenseurs conséquents de cette illusion, à savoir que la plus-value provient d'une surélévation nominale des prix, ou du privilège qu'aurait le vendeur de vendre trop cher sa marchandise, sont donc forcés d'admettre une classe qui achète toujours et ne vend jamais, ou qui consomme sans produire. Au point de vue où nous sommes arrivés, celui de la circulation simple, l'existence
d'une pareille classe est encore
inexplicable.»[3](Tome
Ι,
page 165). K.
Marx affirme donc que sur la
base de
1a circulation simple elle ne peut pas apparaître, mais il ne nie pas qu'elle puisse
se développer. D'autre part, elle
n'aura pas
le rôle que lui voudraient ses apologistes. Enfin,
une considération d'ordre méthodologique nous permettra, en outre, de
saisir le surgissement d'une telle couche d'hommes. «
La
consommation est immédiatement, aussi, production, comme dans 1a nature, 1a consommation des éléments et des
substances chimiques est production de la plante. »
(Introduction de 1857, in Fondements,
t. 1, ρ.
19) K.
Marx indique
plus
loin:
«
La production est consommation; la consommation est production. Production consommatrice.
Consommation productive. Les économistes les appellent toutes deux consommation productive. Mais ils font encore une différence. La première figure en tant que production; la seconde en tant que consommation productive. Toutes les recherches sur la première sont des recherches au sujet du travail productif et du travail ίmproductif; les recherches sur la seconde portent sur la consommation productive et
improductive.» (Ibid., p. 21).
Nous avons analysé le travail productif et improductif (avec la
restriction indiquée plus haut) de même que la consommation productive: l'utilisation de la force de travail (donc le rôle du prolétariat à
l'échelle sociale, dans le procès de production du capital); il nous reste donc à voir 1a consommation improductive. Les classes moyennes sont le sujet de celle-ci. En
effet, la plus-value qui existe sous forme de marchandises doit se transformer en argent, il faut qu'elle soit consommée. Qui peut le faire? Ce ne peut-être le cas des
capitalistes, s'il en était ainsi, nous l'avons vu, ce serait la production pour 1a
jouissance, l'inexistence du capital donc. Cela ne peut pas être non plus le cas du prolétariat. Si les prolétaires consommaient la totalité de 1a plus-value, ce serait 1a négation du salariat. Reste le cas d'une couche d'hommes qui seraient consommateurs improductifs. Ι1
faut qu'ils aient ce caractère, car s'ils produisaient quoi que ce soit, ils entreraient en concurrence avec la production spécifiquement capitaliste. On voit ainsi que ces classes
ne peuvent plus
être
les antiques couches sociales
dont nous avons parlé, puisqu'elles doivent
être liées au capital de la manière suivante: elles doivent permettre la réalisation de son incrément, celle de la plus-value.
K.
Marx aborda
cette question
dans L'Histoire des Doctrines Économiques,
lorsqu'il
traita de Th. Malthus, dans le Chapitre: «Surproduction
et surconsommation ». Comme dans le Second Livre du Capital, il envisage
les deux section: 1) celle produisant les moyens de production; 2) celle produisant les biens de consommation. Ι1
considère
de même des sous-sections telle que celle qui
produit les moyens de production pour fabriquer les produits de luxe
et celle produisant ces objets de luxe.
Après
avoir analysé en détail les
échanges entre ces différentes sections, il écrit: «
Ι1
est difficile
de comprendre comment un profit peut ainsi surgir puisque les
échangistes se vendent réciproquement
leurs marchandises à
un taux supérieur, qu'ils se dupent dans le même rapport.
On
remédierait à
cette anomalie
si,
outre
l'échange entre
les diverses
classes
capitalistes,
survenait
encore
une
troisième
classe d'acheteurs,
un deus ex-machina; une
classe qui paierait les marchandises à leur valeur nominale, mais sans, de son côté,
les revendre, sans recommencer 1a plaisanterie; une classe qui parcourait le cycle A-Μ
mais non le
cycle A-Μ-A,
non pour remplacer avec profit son capital, mais pour consommer les marchandises, une classe qui achèterait sans vendre. Dans ce cas les capitalistes ne réaliseraient aucun profit en échangeant leurs marchandises entre eux, mais ils le réaliseraient: 1°) par l'échange avec les ouvriers en leur revendant pour la somme que leur a coûté le produit total (déduction faite du capital constant), une partie seulement de ce produit total; 2°) grâce à la portion de subsistances aussi bien que d'articles de luxe vendue à la troisième sorte d'acheteurs. Ceux-ci payant
110 pour
100, sans revendre
100 pour
110, il
y aurait en réalité et non seulement nominalement réalisation d'un profit de 10%. Le profit se réaliserait doublement en revendant le moins possible du produit total aux ouvriers et en vendant le plus
possible à 1a troisième classe qui paie en argent comptant, sans vendre elle-même, achète pour consommer.
Mais des acheteurs qui ne sont pas en même temps des vendeurs doivent être des consommateurs qui ne sont pas en même temps des producteurs -
des consommateurs improductifs -
et
c'est précisément cette classe de consommateurs
improductifs qui,
chez Malthus, solutionne le conflit. »
(Livre IV, t. 6, pp. 76-77).
C'est
1a classe dont parlait K. Marx
qui
ne peut se manifester qu'à partir du moment où le
capital s'est réellement développé; elle est donc impossible sur la base
de 1a production simple des marchandises, ou bien, ce serait une classe de parasites du capital,et non une classe permettant 1a réalisation de 1a plus- value. C'est
,ce que nous allons voir.
Tout d'abord, K. Marx
caractérise cette
classe de façon plus précίse: « Mais il faut, en outre, que les consommateurs improductifs soient des consommateur solvables et constituent une réelle demande: il faut que les sommes (Wertsummen) qu'ils possèdent et qu'ils dépensent annuellement suffisent à payer non seulement la valeur de 1a production des marchandises qu'ils achètent et consomment, mais encore l'augmentation nominale du profit, la plusvalue la différence entre 1a valeur de vente et la valeur de production: Dans 1a sociétét,
cette classe représentera la consommation pour 1a consommation, comme 1a classe capitaliste représente la production pour la production; l'une incarne la «
passion de la dépense »,
l'autre la « passion de l'accumulation » (p. 77).
A
ce stade
de la démonstration, K. Marx
n'affirme
pas
encore que
cette classe existe, qu'elle a effectivement un rôle à jouer. Ι1
demeure au stade de la réfutation de Th. Malthus, car, nous l'avons
dit, cette classe ne peut qu'être produite par le capital, et non léguée par le mode de production antérieur. Nous voyons seulement, pour 1e moment, se manifester sa nécessité. «
Nous avons donc, d'une part la classe ouvrière qui d'après le principe du peuplement, et parce que toujours trop nombreuse, proportionnellement aux
subsistances qui
lui sont destinées, constitue la surpopulation par sousproduction, puis la classe
capitaliste qui,
d'après le même principe, est toujours capable de revendre aux ouvriers leurs propres produits à des prix tels qu'ils ne peuvent acquérir que juste assez pour ne pas mourir de faim [4],
ensuite,
l'énorme catégorie
des parasites et des frelons jouisseurs, maîtres et valets, qui s'approprient gratuitement sous l'appellation de rente ou d'autres titres, une masse considérable de la
richesse, tout en payant ces marchandises au-dessus
de
leur valeur avec l'argent enlevé aux mêmes capitalistes; et la classe
capitaliste, poussée à 1a production, représente l'accumulation, tandis que les improductifs ne représentent au point de vue économiqque, que le simple instinct de 1a consommation, du gaspillage ».
(Livre IV, t. 6,
pp. 80-81).
Voilà
donc ce que veut Th. Malthus! Mais
une classe de ce type produite par le développement du capital, une classe qui ne fixe
pas la valeur (puisqu'en prenant la rente, par exemple, les composants de
cette classe entraveraient le mouvement de valorisation du capital. C'est d'ailleurs pour cela que les capitalistes ont lutté
contre les propriétaires fonciers) mais qui permette au
contraire son mouvement en lui facilitant sa métamorphose de marchandise en argent, n'existe-elle pas en société capitaliste? Nous approchons de 1a solution, lorsque K. Marx
fait un parallèle entre D. Ricardo et Th. Malthus, en mettant en évidence deux aspects complémentaires et contradictoires du capitalisme (il indique en
même temps ce que Th. Malthus apporte de réalité dans
l'exposé). « Ricardo est le représentant de la production bourgeoise dans la mesure où, sans 1e moindre égard, elle signifie le développement effréné des forces
productives sociales, quel que doive être le sort des producteurs capitalistes ou ouvriers. Ι1
a maintenu le droit historique
et
la nécessité de ce degré du développement. Autant ί1
manque de sens historique quand il s'agit du passé, autant i1 en montre pour son époque. Malthus, lui aussi, veut le développement aussi libre que possible de la production capitaliste, dans 1a mesure où la misère des classes ouvrières, celles qui assurent cette production, en est la seule condition: mais il demande que cette production s'adapte en même temps aux besoins de
consommation de l'aristocratie et de
tout ce qui 1a complète dans l'Église et l'État,
(sa classe de consommateurs improductifs chargée de résorber la surprodution! n.d.r.)
qu'elle serve de base matérielle aux prétentions surannées de
ceux qui
représentent les intérêts légués par la féodalité et la monarchie absolue. Malthus veut la production bourgeoise dans 1a mesure où elle n'est pas révolutionnaire, ne constitue pas un
moment historique mais crée simplement une base matérielle plus large et plus commode pour l'ancienne société» (ρ.
79-80). Voila
donc son aspect réactionnaire. «Mais dans 1a mesure où il décrit un mouvement réel, il a un intérêt, car
cette surproduction existe, et la
nécessité de
cette classe
se fait
sentir au fur et
à mesure du développement du capitalisme».
(C'est
nous qui soulignons, n.d.r.).
Ainsi,
c'est la surproduction croissante (niée par Th. Ricardo) avec le devenir du capital qui
crée une classe surnuméraire. Elle représente l'aspect subjectif du gaspillage social qui s'exprime objectivement par l'existence d'une quantité énorme de
marchandises inutiles.
K.
Marx ajoute: «Nous avons vu combien Malthus est puéril, faible, trivial et vide, quand, appuyé
sur le côté faible d'A. Smith, il essaie
d'édifier une théorie opposée à celle que Ricardo avait construite en s'appuyant sur le côté fort d'A. Smith. Son traité de la valeur nous montre probablement le comble des efforts que peut faire l'impuissance. Mais, dès qu'il arrive aux conséquences pratiques et qu'il se retrouve sur le terrain économique, (...)
il est absolument dans son élément. Il ne peut cependant renoncer à son vice inné, le plagiat ».
(L.
IV, t. 6, ρ.
81). K.
Marx le
prouve
ensuite
en
citant et commentant des œuvres
de
Sismondi. Cela est intéressant pour montrer que la question n'est donc pas actuelle et que K. Marx lui avait accordé (comme ses prédécesseurs) une grande importance. Th. Malthus envisage donc de façon correcte les
conséquences du
système
capitaliste, du
procès de valorisation toujours poussé à l'extrème. Le capital s'il ne veut pas que la valeur se fixe et que la valorisation soit enrayée, doit
réaliser une augmentation de la surface d'échange sur laquelle pourra se faire la métamorphose de la valeur, de ce fait, il faut qu'il y ait multiplication des
individus ne
produisant pas, mais consommant. Pour Th. Malthus, c'est une occasion de défendre l'existence d'une classe léguée par un mode de production antérieur. C'est pourquoi il est réactionnaire. Mais, encore une fois, cela n'empèche pas que les bases pour 1'existence d'une telle classe se vérifient. «
Son plus grand espoir (de Th. Malthus, n.d.r.) où il voit du reste lui-même plus ou moins d'utopie[5],
c'est que la
classe moyenne grandisse sans cesse et que le prolétariat (la classe travailleuse), malgré son accroissement absolu,
constitue une portion toujours moindre par rapport à la
population totale. C'est en effet la marche de la sociétét
bourgeoise.» (ibid,
p. 93).
K.
Marx affirme ici tout le
contraire de ce que ses adversaires présentent comme étant sa position:
l'accroissement de la classe moyenne. Seulement la question théorique délicate n'était pas tant la mise en évidence de celle-ci, puisque l'observation permettait de
l'individualiser, que l'explication de son rôle dans 1a société.
Le point de départ de 1a
polémique Th. Malthus-D. Ricardo était celui de savoir s'il pouvait y avoir ou non surproduction dans la société capitaliste. Th. Malthus l'affirmait, et K. Marx
est
d'accord avec lui. Mais 1a surproduction existe non pas
parce qu'il y a
sous-consommation de la part des ouvriers comme l'affirment beaucoup, puisque cette
sous-consommation est déjà incluse dans les caractéristiques du travail salarié, (Cf. Le
Capital, Livre Trois, t. 6, pp. 262 et 269-70). Ι1
y
a
surproduction parce qu'il y a production en vue de 1a
production et non en vue de 1a
consommation de
qui que ce soit. La production est production de plus-value.
Les marchandises ne sont que les
vecteurs de
celle-ci et n'ont
d'intérêt que dans la mesure où elles gardent ce caractère dans le procès total du capital. Dans ce cas,
on peut parler de
consommation, mais par le capital. À 1'origine du capitalisme,
ce phénomène n'apparaissait que faiblement parce que les fondements de la nouvelle société n'étaient pas encore assurés. Ainsi, le développement du capital fixe, qui peut absorber une grande partie de la
surproduction, était à son début. Mais, à partir du moment où celui-ci domine la
société, la surproduction se manifeste de
façon chronique et se pose, alors, la nécessité d'une classe d'hommes consommant sans produire. Seulement, il ne s'agit pas de n'importe quelle consommation;
il faut qu'elle soit utile au capital et non pas,
comme le voulait Th. Malthus, qu'elle satisfasse une foule de parasites légués par la société antérieure. Elle νa
se faire par l'intermédiaire du travail salarié, qui est un des fondements du capitalisme.
Pour comprendre cela, ί1
nous faut
individualiser de
façon plus précise les bases sur lesquelles
cette classe se manifeste.
1.
- Les
classes moyennes -
parce que situées entre
prolétariat et capital - sont
les représentants vivants du
surtravail social. Cette affirmation découle de
l'analyse théorique de la plus-value: «
Lorsque la productivité sociale du
travail est peu développée, que le surtravail est donc relativement
petit, la classe des individus vivant du travail d'autrui sera peu nombreuse par rapport à la totalité des
ouvriers. Elle peut s'accroître dans des proportions considérables avec le développement de la productivité, de la plus-value relative ».
(Livre IV, t. 3, p. 155) [6].
Plus
les
forces productives sociales s'accroissent, plus augmente la plus-value relative et donc 1a quantité des individus qui vivent à ses dépens. Dans le
capitalisme, cette couche d'hommes ne semble pas, -
prima facie - intervenir par suite de la mystification du capital.
2.
- L'existence de
ces classes est liée à 1a diminution du temps de travail nécessaire qui s'exprime corrélativement par celle du nombre des
producteurs. Ceci, on 1'a déjà vu a
un aspect contradictoire: « Le
capital est lui-même la contradiction en procès puisqu'il gène la réduction à un minimum du temps de travail tandis qu'il pose,
par ailleurs, le
temps de
travail comme la
seule mesure et seule source de la richesse. Ι1
diminue donc le temps de travail sous sa
forme nécessaire pour
l'accroître sous sa forme de surplus; dans une proportion croissante, il pose donc le surtravail comme la condition -
question de vie ou de mort -
du travail nécessaire ».
(Fondements,
t.
2, p. 222). L'ouvrier ne peut prétendre à un salaire,
c'est-à-dire au minimum qui
lui est
nécessaire pour entretenir sa vie matérielle, qu'à 1a condition de fournir le maximum de sur-travail. Or, en diminuant toujours plus le temps de travail nécessaire à la production de tous les produits, le capital crée du temps disponible. Mais il est évident qu'à la limite, ce serait sa propre négation, puisque il n'y aurait plus de possibilité de
valorisation parce
que plus
besoin de
travail vivant. « Mais sa tendance est
toujours de. créer du travail
disponible d'un côté et de le transforrrιer en
surtravail de l'autre. S'il réussit trop bien à créer du temps disponible, il souffre de surproduction; et le temps nécessaire est interrompu parce que le capital ne peut plus valoriser aucun surtravail
». (Ibid, pp.225-226). En d'autres termes, la tendance du capitalisme est de réduire le prolétaire dans une dépendance telle que le maximum de son activité
se réalise en
surtravail. Malgré ce, il arrive que le capital le trouve encore superflu. L'ouvrier est chassé de la
production. Ιl
faut alors, pour ce
capital variable libéré, trouver de nouvelles branches de production, non
seulement pour lui soustraire
de la plus-value, mais
aussi pour l'empécher de se révolter. Le capital se trouve obligé
de créer des industries artificielles afin d'assurer un procès de production. «La
tendance du capital est de soustraire à chaque industrie son fondement naturel,
de transférer des conditions de production en dehors de celui-ci, dans un ensemble de rapports, avec la transformatίon de
ce qui apparaissait superflu en quelque chose de nécessaire,
affecté d'une nécessité produite
historiquement. » (Fondement,
t.
2, p. 19). C'est ainsί que
le
capital s'annexe un
très grand nombre de
branches de production qui aupauavant étaient de luxe et non régies par lui. Seulement,
1à encore, la loi de réduction au
minimum du
temps de travail nécessaire νa
s'accompagner
d'une
libération
des
travailleurs. Ce sont ces éléments
qui
pourront
être
utilisés par une autre grande fonction du capital: la circulation.
3.
- L'augmentation du temps de
circulation, donc de la période de
réalisation de la valeur est une autre base favorisant le surgissement des
classes moyennes.
En effet, ceci se présente
sous deux aspects: augmentaton du nombre des marchandises capital, et
augmentation du
nombre d'hommes
dont
l'activité est de
permettre la transformation, la métamorphose
du capital de la forme marchandise en 1a forme argent.
(a)
Le capital produit une
telle quantité de
marchandises
qu'elles encombrent le marché. De ce fait,
parallèlement,
augmentation de la concurrence pour
les faire
consommer. D'où
l'accroissement des
points
de vente,
des
circuits de
distribution qui doivent faire connaître la
marchandise. D'autre
part,
développement énorme de la publicité qui prend,
dans les investissements, le relai du capital fixe en tant que moyen
d'enlever au prolétariat une partie du
produit. On a le gaspillage d'une fraction de capital afin de faire
circuler l'autre (comme K.
Marx l'indiquait,
d'ailleurs
dans le passage
cité à propos de
la protection de l'autonomie de la valeur d'échange). Le capital s'est assujetti la
science pour
l'incorporer dans
le procès de production; il en fait autant de l'art pour
l'incorporer dans
le procès de
circulation. Toutes
les formes
artistiques sont utilisées pour faire circuler le
capital. C'est l'expression même de Ι'inessentialité
de ces productions. Tous les hommes
adonnés à ces activité vivent donc de la circulation
de la plus-value.
Ils touchent un
salaire d'autant plus élevé que la situation
économique est plus prospère.
(b)
Pour accomplir les multiples fonctions
de son
procès total, le capital a
besoin d'un appareil qui rentre dans
les faux-frais
de
la production: la
comptabilité, le système bancaire, une grande fraction du service des Postes,
etc... Nous avons là tout ce que l'on appelle aujourd'hui le secteur
tertiaire. Une grande partie des
hommes qui s'y trouvent
et qui sont des
salariés, sont surexploités parce que le capital ne peut pas laisser s'immobiliser une
trop grande
partie
de la
plus-value. Ce serait encore une
expression de la jouissance
pour l'homme,
si la plus-value
en sa totalité pouvait
être pâture
d'une
couche sociale. Le
capital demande pour un temps de travail nécessaire donné, le maximum
de surtravail; ce n'est qu'à cette condition que la plus-value ne se
fixe pas.
Le mode selon lequel leur salaire
est payé
est déjà
une indication de
cette nécessité:
elle s'effectue par
le compte chèque postal.
Par ce
système, on tend à
ce que peu
d'argent soit retiré
à la fois.
Le
contraire pourrait provoquer des troublés dans 1a
circulation monétaire épiphénomène de la
circulation dé la valeur et donc
de la plus-value. On remplace les entrées et sorties d'argent par des opérations d'écriture, ce qui permet
à celui-ci de
rester sous forme de capital, à la disposition de l`État, et donc; des capitalistes:
Arrivé
à
un certain
stade
de développement, le capital ne peut plus se permettre une telle fixation partielle de valeur [7],
et i1
remplace les hommes par les machines, augmentant à nouveau le travail disponible. Mais c'est comme toujours pour mieux accaparer du sur-travail en
augmentant la dépendance des hommes vis-à-vis de lui
et en favorisant la concurence entre eux. Tout comme il s'était formé dans l'industrie une armée de réserve, il s'en
constitue une, actuellement, dans ce secteur. En période de prospérité, un nombre croissant d'hommes peut avoir un emploi; avec la
crise, ceux-ci tombent dans le chômage: ce sont des marchandises qui
n'ont plus cours. D'autre part, la tendance du capital à réduire le travail complexe au travail simple se
vérifie à nouveau à ce stade. Le développement de 1a cybernétique est en tout point comparable à celui de la
machine. Ι1
y
eut dans les deux cas: 1)
intense division du travail et augmentation de la population; 2) étude des mouvements élémentaires auxquels étaient
réduits les hommes; 3) production de machines capables de les exécuter et même de les intégrer dans un tout plus vaste. L'origine sociale de la cybernétique est donc 1a même que celle de 1a machine [8].
D.
Théorie des besoins
et des loisirs
L'augmentation
de la
productivité du
travail s'est traduite par l'augmentation du temps
disponible, mais aussi par celle toujours plus importante de la masse
des
produits engendrés. Ce
temps de travail social
disponible a été absorbé par les besoins de la circulation du capital. Mais, à son tour, dans ce domaine, il y a eu production de temps disponible, de telle sorte que toujours deux problèmes se posent: 1) comment consommer tous ces produits; 2) comment utiliser le temps disponible. Cela veut dire que le capital régénère perpétuellement les couches sociales qui vivent de 1a circulation de 1a plus-value. Elles s'accroissent même au cours de ce processus. Ces deux éléments ont engendré deux théories complémentaires: celle des besoins et celle des loisirs.
Elles semblent toutes deux en contradiction avec les exigences du capital. En effet, celui-ci apparaît, comme nous l'avons
indiqué, en proclamant l'abstinence et le travail forcé. Cela correspondait à la période où il avait encore à se former, à assurer sa domination. Ι1
fallait sacrifier la valeur d'usage afin d'avoir la valorisation la plus grande possible [9].
Actuellement, la production en est arrivée au point suivant: la quantité de valeurs est telle qu'elle
inhibe les nouveaux mouvements de valorisation; la masse
des marchandises est telle que se pose la consommation à tout prix pour permettre la valorisation.
Les
adeptes de
1a théorie des besoins la justifient en proclamant qu'ils ont en vue la jouissance de l'homme. C'est en fait une doctrine du capital. En
effet, les objets
proposés à la consommation humaine sont de moins en moins nécessaires à l'espèce parce que artificiels ou nocifs, tandis que ceux qui sont réellement nécessaires sont de plus en plus chers. Le capitalisme sort de 1a sphère de 1a
satisfaction des besoins matériels de l'homme: « À
notre époque, le superflu est plus facile à produire que le
nécessaire. » (Misère de la Philosophie, ED. Sociales, p.53).
Ceci est logique puisque le capital est la négation du temps de travail nécessaire, donc de ce
temps de travail au cours duquel le prolétaire produit pour remplacer la valeur qui représente son
salaire.
C'est
parmi les classes moyennes que l'on trouve les plus ardents défenseurs de cette théorie. C'est pourquoi, corrélativement, ils demandent une planification démocratique,
c'est-à-dire une plus grande partie de la plus-value sociale afin de satisfaire à leurs besoins. Ces classes
vivant de la réalisation
de la plus-value manifestent
ainsi leur réalité en réclamant un partage qui leur soit plus favorable. En ce sens, les
adeptes de
cette théorie son des malthusiens. Comme Th. Malthus,
ils
veulent
que la production bourgeoise assure une « base
plus large et plus
commode à leurs
classes ». Ils polémiquent avec les défenseurs de la production capitaliste
intégrale qui veulent, eux,
que la plus-value soit utilisée pour produire à nouveau de la plus-value et
qui savent bien que si on enraye ce mouvement, on met en cause tout le système.
Ils sont partisans, en conséquence, de l'utiliser dans les
branches de production où la
consommation est directe, où la circulation est réduite à zéro: l'industrie de guerre. D'où tous les
anathèmes lancés par
les porte-parole des classes moyennes contre 1l course aux
armements, les
diverses forces de frappe.
Nos malthusiens modernes
ne
s'attaquent jamais
au rapport capitaliste fondametnal: le salariat. Ils veulent la production
bourgeoise
sans les graves conséquences qu'elle implique et qui conduisent à 1a crise, substrat de la révolution. Ce sont les valets de la réaction,
même
s'ils s'élèvent, s'ils murmurent contre le pouvoir du capital. Ils voudraient embrigader le
prolétariat dans
cette veule
contestation. Ils trouvent, il est vrai, une base à leur manœuvre: une apparente similitude de situation devant le
capital, prolétaires et hommes des
classes moyennes
sont tous des
salariés. Ils ont enfin, devant 1a surproduction, la même
attitude que Th. Μa1thus. Celui-ci
disait
que pour la résoudre,
il fallait une classe d'oisifs; eux, considèrent le développement de la population comme la panacée. Ι1
faut plus d'hommes
pour
consommer les surplus agricoles, par exemple.
Mais le capital n'a cure de leurs
remarques.
De même
qu'il a éliminé les antiques classes moyennes,
il n'hésitera pas à sacrifier les
nouvelles à son procès de valorisation et à la garantie de 1'autonomisatίon
de
celui-ci. En effet, en dernier ressort, il règle
les problèmes
comme nous
l'avons vu dans la longue citation de K. Marx à
propos de la baisse tendancielle du
taux de profit: par la guerre.
Ι1
est à noter qu'au cours de la crise leur caractère inessentiel réapparaît. Le capital les
sacrifiera à son autonomie. En revanche,
l'attitude du
capital vis-à-vis du
prolétariat est différente étant donné que c'est lui qui apporte l'incrément de valeur qui est source de vie
du capital. Au cours de la crise, c'est
plutôt le prolétariat qui peut
menacer le capital: 1a révolution.
Si
donc, la crise est trop
forte,
il
ne
reste
que la guerre pour sauver le capital. Celle-ci se présente à la fois comme une branche de
production et, la consommation par excellence. Non
seulement des marchandises inutiles
sont consommées, mais le sont aussi des hommes devenus à leur tout inutiles, produits sur le temps de surtravail de l'espèce; ce qui veut dire qu'ils ne lui sont pas nécessaires. Les classes moyennes seront donc sacrifiées.
D'où leur terreur devant 1a guerre; terreur qu'elles
essaient de faire partager au
prolétariat. Or, celui-ci sait, par
toute l'histoire de l'affrontement
de classe avec la bourgeoisie, que la guerre peut faciliter l'acte libérateur, l'explosion
révolutionnaire. Il en fut
ainsi
en Octobre 1917.
Ε.
Travail
productif et classes moyennes.
Parvenu à ce
stade de la généralisation du salariat, et donc de la domination de la valeur d'usage, de l'homme -
tous le services étant
transformés en services pour le
capital - la différence entre travail productif et improductif tend à s'estomper, non pas
en ce qui concerne
le prolétariat, car pour lui, il ne
fait aucun doute que seul son travail est
productif, mais,
vis-à-vis du capital et des classes moyennes. En effet, le travail qui permet la réalisation de la plus-value se présente
comme utile et donc
productif puisque grâce a lui un autre cycle de production devient possible.
Dans son analyse du «travail productif chez Storch: la production
intellectuelle »,
K. Marx écrit: «
Un
philosophe produit des idées, un poète des vers, un pasteur des sermons, un professeur des manuels. Un criminel produit
des crimes. Si l'on considère d'un peu plus près le rapport qui existe entre cette dernière branche de production et l'ensemble de la société, on reviendra de bien des préjugés. Le criminel ne produit pas seulement des crimes, mais encore le droit criminel, le professeur qui
fait des
cours sur le droit criminel, et jusqu'au manuel inévitable où ce professeur condense son
enseignement en vue de la vente. Ι1
y a donc augmentation de la richesse
nationale, sans compter le plaisir
de
l'auteur du manuel».
«
Le
criminel
produit
en
outre toute l'organisation de la police de la justice criminelle, les agents, les juges, le bourreaux, les jurés, etc...;
et les
diverses professions qui
constituent autant de
catégories de la division sociale du travail, développent les diverses facultés de
l'esprit humain, créent de nouveaux besoins et de nouvelles manières d'y
satisfaire (voici définie de façon lapidaire la théorie moderne des besoins, n.d.r.). La torture, à elle seule, a donné lieu aux inventions mécaniques les plus ingénieuses et occupé toute une foule d'honnêtes ouvriers à la production de ses
instruments.
Le criminel produit
une impression soit morale, soit tragique et rend ainsi «service »
au mouvement des sentiments moraux et esthétiques du public. En dehors des manuels sur le droit criminel, du code criminel et des législateurs, il produit de l'art, de
1a littérature, des romans, voire des tragédies comme le montrent Les
Brigands de Schiller ou
Oedipe et Richard III. Le criminel interrompt 1a monotonie et la sécurité quotidiennes de la vie bourgeoise. Ιl la défend ainsi contre le marasme et fait naître cette tension inquiète, cette mobilité de l'esprit, sans quoi le stimulant de la concurrence elle-même finirait par s'émousser. Ιl
donne donc une nouvelle impulsion aux forces productives. Le crime enlève au marché du travail une partie de la population en excédent, diminue la concurrence entre les ouvriers et empêche, dans une certaine mesure, le
salaire de tomber au-dessous du minimum;
et
d'autre part, la lutte contre le crime absorbe une autre partie de la population. Le criminel apparaît donc comme un de ces facteurs qui établissent
l'équilibre salutaire et ouvrent toute une perspective d'occupations utiles.
Nous pourrions montrer en détail les influences du criminel sur le développement des forces productives. L'industrie des serrures connaîtrait-elle son actuelle prospérité s'il n'y avait pas de voleurs. La fabrication des billets de banque en
serait-elle arrivée à la perfection d'aujourd'hui s'il n'y avait pas de faux-monnayeurs. Le microscope aurait-il pénêtré
dans les sphères commerciales (cf. Babbage)
sans 1a fraude commerciale? La chimie pratique ne doit-elle pas autant à la falsification des marchandises et
aux efforts faits pour la découvrir qu'au
zèle ingénieux des
honnêtes gens? Par des attaques
sans
cesse renouvelées contre la propriété, le crime provoque de nouvelles mesures de défense et a la même influence productive que les grèves qui font inventer les machines. Et, si l'on quitte 1a sphère du crime privé, aurions-nous un marché mondial, s'il n'y
avait pas eu des crimes nationaux. »
L.
IV, t. 2, pp. 162-63).
Ce
fragment réfute
de façon
ironique 1a prétention des
intellectuels
à produire des valeurs supérieures
ou des valeurs tout court.
Ι1
s'adapte - mutatis
mutandis -
à
tous les
apologistes actuels du capital qui justifient toutes les
manifestations de celui-ci par
une
théorie des besoins. D'autre part dans un
autre
passage du livre IV, K. Marx expose
quel
est le devenir de certains
travaux que
l'on présente comme nécessaires:
«Si l'homme a autonomίsé
sous
une forme
religieuse son
rapport à
sa propre nature, à la nature extérieure et aux autres hommes,
à tel
point qu'il est
dominé par ces représentations, on
a alors
besoin des prêtres et de leur
travail. Mais
avec 1a
disparition de la forme religieuse de la conscience et des rapports, le travail
du prêtre cesse aussi d'entrer dans le procés
social de production.
Le travail du prêtre cesse avec
le prêtre; de même cesse avec
le capitaliste le travail qu'il
accomplit en
tant
que capitaliste ou qu'il
fait accomplir
par un
autre.» (t. 8, ρ.
175). Ι1
en est
de même du capital
et des classes
moyennes.
Le
capital produit une quantité énorme de marchandises.
Toute activité qui sera apte
à les écouler, à les faire consommer,
sera productive [10].
La
production crée des besoins, mais non de façon immédiate. Ιl
faut des
intermédiaires entre
les consommateurs potentiels
et
les marchandises accumulées
sur le marché;
il faut un entremetteur qui excite
chez
l'homme le désir
de consommer,
lequel
asservit
à ses exigences la vie
privée elle-même.
Ι1
faut donc des hommes
pour assurer toutes ces fonctions:
c'est une autre genèse,
complémentaire, des classes
moyennes.
Ι1
ne suffit pas de faire acheter, il faut que l'achat
se renouvelle souvent. Car
il est
nécessaire
d'entretenir une propension à la consommation. Ici, la
théorie des besoins
se mue en théorie du progrès
(notre
entremetteur
se mue en progressiste)
indéfini
qui ne peut se réaliser qu'en l'augmentation
indéfinie d'une richesse matérielle continuellement renouvelée.
Ce qui est
en même temps,
le mépris
du passé et de 1a richesse matérielle [11]
(c'est l'autre aspect
subjectif de la dévalorisation que nous avons précédemment analysée). L'homme est transformé en un thésaurisateur d'une richesse évanescente, à peine acquise, dévalorisée. S'il n'en était pas ainsi, cela
voudrait dire que la production serait encore -
en
une faible mesure, il est vrai -
pour l'homme. Or, on ne
demande pas à
celui-ci de consommer des valeurs d'usage, mais de réaliser des valeurs d'échanges, de permettre leur valorisation. Elle ne le peut que si elle se métamorphose de marchandice, où
sa valeur d'usage freine son mouvement, en argent où elle retrouve toute sa mobilité. «Dans
le capital, la consommation de la marchandise n'est pas une fin; elle fait partie du procès de production; elle apparaît comme moment de la production,
c'est-à-dire de ce qui pose la valeur (Wertsetzens). » (Fondements, t. 2, pp. 28-29).
C'est
pourquoi si, comme dit K. Marx,
« derrière l'invisible mesure des valeurs, le dur agent est là qui guette »,
derrière la consommation des marchandises, le dur capital est là qui guette. Cela se manifeste clairement lorsque
l'homme ne
veut pas consommer. Le capital recourt alors à des moyens violents -
économiques évidemment (il agit selon
son être) -
pour le contraindre. C'est le
cas de
1a construction, de nos jours; on oblige les hommes à dépenser un tant pour cent de
leur salaire pour le loyer ou pour l'achat d'un appartement. Le capital ne peut pas accepter que la valeur se fixe; il
ne peut pas accepter que le prolétariat puisse avoir à sa
disposition une certaine réserve même sous un aspect fallacieux: monétaire. Aussi cherche-t-il tous les moyens pour lui arracher ce qu'il lui a donné en salaire.
Augmenter la consommation
pour
accroître
la vitesse de circulation des marchandises, donc du capital, tel est le «travail» auquel s'adonnent les individus qui «vivent du
produit net». K. Marx
raillait les intellectuels en leur montrant que le crime aussi était
productif. Les
apologistes
actuels du
capital en
défendant une illusoire
productivité des classes moyennes défendent le crime
lui-même. Car n'est-ce
pas un crime contre
l'humanité que de la condamner à vivre dans une telle société ?
F.
Productivité -
Temps
disponible -
Loisirs.
Le
capital produit du temps libre, disponible; c'est en définitive du
temps dédié
à la consommation du capital. L'ouvrier
qui produit pendant
onze mois
ou onze
mois et
une semaine de
l'année, accumule plus ou moins bien une certaine
quantité d'argent
pour
le mois
ou les trois semaines de congé. Durant cette
période, il va se comporter comme n'importe
quel consommateur improductif
et νa
perdre
l'apparence de
réserve
qu'il aura acquise dans les mois antérieurs. Mais cela a d'autres
conséquences:
(a)
Planification de 1a production. Pendant une période
donnée,
celle-ci est ralentie.
Cela permet
de
diminuer la tension qui
peut se manifester sur le marché, en
même temps, les ouvriers ne peuvent pas
intervenir, revendiquer,
etc... puisque dispersés.
C'est pendant ce laps
de temps que le capital recourt à des
transformations, réorganisations de
l'entreprise qui, dans
1a plupart
des
cas, sont défavorables aux prolétaires.
(b)
Possibilité
de faire fonctionner des
«industries» qui sont totalement parasitaires comme le tourisme
ou la culture
de masse. L'ouvrier comme l'homme
des
classes moyennes
devient la proie
docile
des
idéologues du capital.
(3)
Au cours de ce congé, l'ouvrier devient perméable à l'idéologie de la classe
dominante.
K. Marx disait dans les Manuscrits
de 1844:
tout
le désir
des
bourgeois est de
voir
l'ouvrier mettre
de
l'argent à la caisse d'épargne, afin
qu'il se comporte comme un bourgeois, ait des réflexes de bourgeois; non pas remettre
en cause la production de plus- value,
mais défendre 1a valorisation du
capital [12].
Le capitalisme veut plus, à l'heure actuelle.
Ι1
veut noyer le prolétariat dans les
classes moyennes
et proclamer, ainsi qu'il n'existe plus. La
base de
cette négation,
c'est 1a généralisation du salariat.
À
vrai dire, cette tendance n'est pas nouvelle. Elle se manifeste, seulement, avec
plus de
virulence, étant donnéee la domination réelle du capital.
En effet, les
économistes bourgeois du siècle
dernier vantaient le développement du machinisme qui, en augmentant la productivité du travail, aurait l'heureux effet suivant: «Le
propriétaire foncier
et le capitaliste profiteraient non pas de l'accroissement de leurs rentes
ou de
leur profits, mais
de la
répartition des
mêmes revenus
sur des marchandises
d'une valeur
considérablement réduite. Quant à 1a condition des classes laborieuses,
elle se
trouverait aussi considérablement améliorée, 1° par une demande plus considérable de domestiques; 2° par le stimulant
que les revenus nets,
abondants,
communiquent toujours
à l'épargne, et
3° par
le bas prix des
articles de
consommation que payent
leurs
salaires. » (D. Ricardo, Principes
de
l'économie politique et de l'impôt,
Ed. Costes, 1934, t. 2, p. 218).
K.
Marx commente
ce passage de la façon
suivante:
«Jolie perspective
que cette transformation d'une certaine partie des ouvriers en
domestiques! Quelle consolation
également pour
les ouvriers que de se
dire que l'accroisssement du
produit net
ouvre au travail improductif de nouvelles
sphères qui vivront du produit des
ouvriers et dont
l'intérêt se lie plus
ou moins
directement à celui des
classes exploiteuses.» (Livre
IV, t.
5, p. 158).
Propriétaires
fonciers et capitalistes
en tant que personnages
ont été
balayés de
1a production, mais la tendance est la même: faire des ouvriers des domestiques du Capital. C'est en quoi consiste
l'activité des
classes moyennes
qui accomplissent des
services pour
le capital, mais
n'effectuent aucun travail productif. L'intérêt de ces classes se lie à
celui du capital: transformer des ouvriers en domestiques, c'est détruire la force révolutionnaire
du prolétariat.
On
comprend alors pourquoi la question des
loisirs octroyés revêt
une telle
importance de
nos jours.
Bien qu'il faille ici encore faire remarquer que les nécessités du devéloppement du
capital peuvent le conduire à renier
ce qu'il proclame aujourd'hui et donc,
à réduire
de nouveau
ce temps libre, parce
qu'il aura
besoin - dans des domaines donnés - d'une plus grande
quantité de plus-value. Les loisirs ne sont intéressants que s'ils
sont une affaire pour
le capital, ce qui implique que l'ouvrier ne peut pas se reposer
librement: son temps de repos doit
être celui de consommation pour le
capital. Le
jour où
ceci n'est plus possible,
le capital essaiera de reprendre
ce qu'il a, auparavant,
accordé.
G.
Mouvement du
Capital -
Fixation
des hommes.
On
voit ainsi comment
l'augmentation
de la
productivité du travail,
l'augmentation du temps disponible avec
leurs corollaires, la dévalorisation
de la force
de
travail et la diminution
du
nombre des
prolétaires, s'accompagne d'une généralisation du
salariat. Le
capital reproduit artificiellement le rapport sur lequel il est fondé, parce
qu'il ne peut
pas détruire
l'appropriation privée. D'autre part, l'activité humaine assujettie au capital s'ordonne maintenant de
1a façon suivante:
A. Un groupe d'hommes productifs: les prolétaires. Β. Un autre lié au capital de la façon suivante:
(a)
Une partie directement
intéressée au développement de celui-ci, parce qu'elle touche un
quantum de plus-value sociale. Elle gère le capitalisme; elle
est en fait la classe
des
capitalistes.
(b)
Ceux qui vivent
aux dépens
de la plus-value, parce
qu'ils permettent
sa réalisation:
ce sont les classes moyennes.
(c)
Ceux qui
défendent l'appropriation du travail non-payé
(ils
vivent aussi aux dépens
de la
plus-value) et en garantissent 1a perpétuation: la police, les gendarmes,
l'armée, etc... en un mot, l'État.
Ceci
est
compréhensible parce que nous
avons vu comment le capital domine d'abord
dans le procès de production immédiat: despotisme de fabrique (Livre Premier), puis comment il s'est assujetti toutes les valeurs d'usage (étude du capital
fixe dans
le Livre Deux
et dans
les Grundrisse), s'est emparé du commerce et
est devenu autonome
sous la forme
de
capital financier (Livre Trois et les Grundrisse). De même
qu'il en
arrive à
présupposer les νaleurs individuelles
(prix de
production), il tend à présupposer toutes les activités qui les
produisent ou permettent
leur
réalisation. Cela veut
dire que le
capital s'est assujetti la société dans
son ensemble
et a conquis l'État, instrument
de domination
de celle-ci et donc
du prolétariat. Tout
homme
a une fonction
qui doit
être utile
au capital; elle est donc médiatisée par lui, ce qui est la
généralisation de 1a forme salariale. « On
comprend maintenant l'immense importance que possède dans
1a pratique ce
changement de forme qui fait
apparaître 1a
rétribution de
1a force
du travail
comme salaire du travail,
le prix de la force
comme prix de
sa fonction.
» (Livre Ι,
t. 2, p. 211). Ι1
y a donc mystification généralisée
et masquage
du rapport social fondamental, créateur de
plus-value: celui entre
ouvriers et
capital. « Cette forme qui n'exprime que les fausses apparences du travail salarié, rend invisible le rapport réel
entre
capital et travail et en montre précisément le contraire; c'est d'elle
que dérivent
toutes les notion
juridiques
du salarié et
du capitaliste, toutes les mystifications de la production capitaliste,
toutes les illusions libérales et tout les faux-fuyants apologétiques de
l'économie vulgaire». (Ibid.). Mais une
telle généralisation de la forme salariale
est dans le même temps une
affirmation négative,
mystifiée, du
communisme.
Elle exprime, par ailleurs, une autre contradiction: le capital, valeur
en procès perpétuellement en mouvement, a
besoin de
fixer les hommes en des situations données afin de garantir
l'autonomie de
son procès.
Ainsi, i1 tend à se comporter comme les sociétés anciennes caractérisées par leur propension à «rendre les métiers héréditaires, à
les pétrifier en castes ».
(Ibid., page
31). C'est un aspect du féodalisme industriel dont parlait Fourier. Ιl
est l'affirmation de la domination absolue du capital sur la société humaine. Dans la même mesure où il tend à nier la valeur, il tend à nier les
classes, mais il ne peut
pas les détruire. C'est dans
cette tentative que réside la plus haute expression de la mystification du capital, laquelle est la base de la démocratie sociale actuelle,
c'est-à-dire le fascisme. S'il n'y a plus de classes, la démocratie pourra se réaliser; pour les marxistes, c'est le moment où elle disparaît. (Cf. Lénίne: L'État
et la
Révolution).
Note
à propos de salariat et fonction.
Dans le texte allemand il n'est
pas question, dans la phrase reportée ρ.
132, de fonction: «
On conçoit l'importance de la transformation de la valeur et du prix de la force de travail dans la forme du travail salarié ou dans la valeur ou prix du travail lui-même ».
(Werke,
t.
23, p. 562). En conséquense il semblerait que nous ayons fait dire à K. Marx,
par Roy interposé, plus qu'il n'aurait voulu expliciter. Or, comme ceci a une très grande importance pour la suite de
cette étude, il est bon de vérifier s'il y a eu ou non distorsion de la pensée de K. Marx. À
1a page
suivante (563) on peut lire: «Enfin, 1a valeur d'usage que l'ouvrier fournit au
capitaliste, n'est pas en réalité sa force de travail, mais sa fonction (souligné par nous, n.d.r.)
un
travail utile, déterminé... ».
Ceci
est absolument
logique
puisque
ce
qui interesse
le
capital
dans la force de travail, c'est sa valeur d'usage, son aptitude à être consommée et elle ne peut l'être que si elle entre en fonction. Page suivante encore (564, p.
212 dans le texte francaίs): « Le mouvement réel du salaire présente en outre des phénomènes qui semblent prouver que ce n'est
pas la valeur
de la force
de
travail, mais la valeur
de sa fonction,
du travail
lui-même, qui est payé».
À
ce sujet -
en élargissant le champ
d'investigation - nous
ferons remarquer qu'il est possible de présenter 1a théorie de K. Marx
non
plus réductible à un structuralisme, mais
à un fonctionalίsme.
On
pourait étayer cette « présentation
» avec les argument suivants: K. Marx considère
le capitaliste comme ayant une fonction
à remplir dans le procès de production
puis, quand il y a séparation entre propriété du capital et fonction du capitaliste, il
décrit le ravalement
de
ce dernier au rang
de fonctionnaire;
il envisage
les différentes figures du
capital: capital-marchandise,
capital-argent
etc..., comme ayant des fonctions dans
le procès de
production total, etc...
Ι1
est bien vrai
qu'une telle entreprise théorique témoignerait d'un crétinisme certain,
tout
aussi affirmé
que celui de ceux qui immergèrent K.
Marx dans le structuralisme.
Cependant toute démarche,
même si
elle aboutit à la démence,
repose
sur une donnée
réelle.
En tant qu'être,
le capital a une structure déterminée,
le mode
de
production capitaliste -
l'efficace de
cette
structure c'est le capital lui-même -
et
il est un ensemble de fonctions.
La pensée rackettiste
a
besoin d'originalité et d'aliénabilité (il ne suffit pas de produire, i1 faut vendre); elle autonomise,
pour
ce faire,
des particularités
sur lesquelles elle
fonde un
discours apte à concurrencer
les autres, taxés alors d'idéologie, dans «l'espace théorique », l'espace de la folie du capital. (Note
de
mai 1972).
[1]
Les opérateurs économiques, les promoteurs et divers
spéculateurs qui ne possèdent pas le capital, puisque celui-ci est
social, mais
qui ont une participation à l’exploitation. Ce sont eux qui forment en
réalité
la classe capitaliste en domination réelle du capital.
[2]
Le compte-tendu de cette réunion rédigé par A.Bordiga est Volcan de la production ou marais du marché? Cf. Ι1
programma comunista 1954,
numéros 13 à
19, (republié en volume avec Proprieté et capital en février 1972
à Turin par
le groupe Sinistra
comunista (note de mai 1972).
[3]
Souligné
par nous n.d.r.
[4]
« Um
Leib
und
Seele
zusammenhalten
» afin de maintenir corps et âme unis.
[5]
En français
dans le texte.
[6]
(1)
Cf. 1a
même affirmation
Livre IV, t.
8, pp.
121-22.
[7]
Ι1
y a fixation, puisqu'une
fraction
de la plus-value est consommée
pοιιr
payer
le travail nécessaire de ces
hommes. Nous laissons de côté
le rôle que peuvent jouer, ici, les impôts.
[8]
Cette
analyse
de la formation de nouvelles classes moyennes n'est valable qu'à un moment donné de 1a vie du capital. À
l'heure actuelle, en pleine domination réelle du capital sur 1a société, ceci est totalemente dépassé. (Note de mai 1972).
[9]
Ensuite
tout
n'est que
valeur, même l'homme puisqu'il est une marchandise. S'il garde l'aspect de valeur d'usage
pour le capital, il est bien une valeur dans le plein sens du terme. Seulement sa valeur se réalise dans une production, donc dans un usage.
Les
autres ne
peuvent se
réaliser qu'au travers de 1a circulation. Par là-même, toute différence tend à s'estomper Les
valeurs apparaissent comme ayant des fonctions différentes. On peut dire que 1a force de travail n'apparaît
plus que comme valeur, son aspect
humain a disparu à force d'avoir été
assujetti à cette dernière.
[10]
K.
Marx montre
dans les
Grundrisse
que tout travail qu'il faut dépenser pour
faire circuler la valeur est
du temps
de travail nécessaire, qui diminue le temps
de sur-travail. Donc nouvelle contradiction
du capital
qu'il surmonte
en apparence en faisant du travail
humain
du travail nécessaire
pour lui.
Mais cela
n'enraye par 1a dévalorisation. Nous
ne faisons que signaler le fait,
celui-ci demandant de
trop longs
développements.
[11]
«L'industrie
moderne ne considère et ne traite jamais comme définitif le mode
actuel d'ιιn procédé». (L. Ι,
t. 2, p.
165). C'est la base du renouvellement
constant des produits et donc d'une
consommation répétée.
[12]
Pour
les bourgeois: «L'ouvrier doit
avoir juste
assez pour vouloir
vivre et ne
doit vouloir vivre que pour posséder »:
(Manuscrits de 1844, p.
103).