9.3. Valeur et procès de connaissance










La connaissance est la présentation-exposition de la réalité affectant l'être humain, l'espèce. Elle est donc modifiée en fonction des bouleversements que celle-ci subit. Elle s'effectue selon le procès suivant: la personne présente au monde, ce qui n'implique pas une dépendance par rapport à lui mais une participation, perçoit les affects, les émotions, les pensées qui en découlent, tout d'abord simplement, de façon immédiate, absorbée dans une simple contemplation de ce qui est, avec intégration des souvenirs afférents au vécu, ou devient réflexive, se repliant sur elle-même, sans perdre la continuité avec le monde, pour mieux opérer l'investigation simultanée de soi et de ce dernier.



Le phénomène de la valeur qui englobe toutes les valeurs, et pas seulement celle économique, s'est imposé, comme nous l'avons vu au 9.1, au cours du néolithique en rapport principalement avec la coupure de continuité d'avec la nature, la séparation des hommes et des femmes (brisure de la dyade), l'asservissement de ces dernières, la séparation mère-enfant ce qui induisit la transformation de la réalité affectant hommes et femmes. En conséquence pour que le procès de vie puisse continuer à s'effectuer une multitude de médiations durent se mettre en place grâce aux valeurs en relation aux diverses activités de l'espèce avec un bouleversement du procès de connaissance. En définitive il ne s'agissait plus d'être, déjà une réduction de la manifestation d'émergence de la personne, mais de valoir. La valeur s'imposant comme opérateur fondamental de réalisation de la substitution d'un monde naturel en un monde en voie d'artificialisation. Désormais il s'est agi de penser en fonction du discontinu, de la séparation, tant au niveau de la recherche investigatrice, qu'au niveau de l'exposition.



Ces transformations eurent lieu en même temps que surgissait un autre comportement des êtres humains entre eux et avec la nature, celui d'une concurrence, forme d'inimitié, lestée de l'incertitude et surtout de l’inquiétude accentuée avec le surgissement de la propriété privée ce qui ne put être surmonté que par la mise en place de la technique de la mesure permettant d'évaluer l'importance des uns par rapports aux autres ainsi que des risques encourus inhérents aux nouvelles relations. On peut dire que toutes le actions furent mesurées et que donc la mesure n'intervient pas seulement dans le monde des marchandises mais qu'il y a un isodynamisme, car c'est à travers le mouvement des marchandises que les êtres humains exprimèrent la mise en place de leur nouvelle réalité venant recouvrir leur naturalité primitive. Autrement dit la mesure devient le concept central pour exprimer les divers éléments du procès de vie car elle permet d'évaluer les êtres et leurs actions et donc leur compatibilité avec ce dernier. En effet pour lutter contre l'incertitude et l'insatisfaction qui lui est connexe, surgit la nécessité de valoir toujours plus avec le danger d'atteindre la démesure, la mégalomanie



En définitive on est passé de la présentation à la représentation qu'on peut définir comme un ensemble de techniques permettant d'actualiser la réalité non plus envisagée à travers la participation et l'immédiateté et dans la concrétude. Ce qui est, devient ce qui est représentable, qu'on peut délimiter, mesurer donc évaluer, entraînant une régression de la concrétude Toutes les manifestations de la vie ne peuvent plus se réaliser qu'à l'aide de techniques en lesquelles on peut placer l'inimitié, technique opérant dans les relations entre les humains en même temps que principe explicatif de leur comportement et du fonctionnement du cosmos. Précisons: la représentation implique le surgissement de la coupure de continuité entre l'être et sa réalité et la mise en place de diverses médiations pour la retrouver, instaurant une dépendance par rapport au discontinu, source d'inquiétude, d'instabilité, objets de techniques thérapeutiques



Le procès de connaissance devient un procès pour gérer des techniques nécessaires pour la réalisation du procès de vie d'où l'accroissement énorme des connaissances. La vie elle-même devient un procès à gérer et est transformée en connaissance, remplacée par elle, devenant son substitut d'autant plus que connaître toujours plus permet de se rassurer (dimension thérapeutique) car c'est un moyen de se faire valoir donc d'exister réellement.





Il ne nous importe pas d'envisager l'accroissement énorme des connaissances car ce qui importe c'est le changement dans le procès de connaissance qui devient un procès d'engendrement de connaissances dont le surgissement est conditionné par le triomphe du discontinu car pour rétablir le continuum sans lequel il n'est pas possible en définitive de vivre il faut produire des éléments cicatriciels qui pansent en comblant les vides.





Nous en resterons à l'essentiel: le phénomène de la valeur a imposé le discontinu, la séparation, au procès de connaissance parce que c'est avec eux qu'elle s'est manifestée et a façonné la réalité. Cela n'empêche pas que l'intuition ne puisse pas opérer, mais elle apparaît comme une remontée, un retour du refoulé, c'est-à-dire de la naturalité