Réorganisation
de la théorie
Il y a eu quatre
périodes importantes
dans l’activité théorique de S. Freud. La première en rapport avec
l’élaboration de la théorie de la séduction de 1880 à 1896[1].
La
deuxième correspond à celle de la théorie du fantasme et des pulsions
de 1897 à
1905. La troisième que nous allons maintenant aborder, est celle de la
réorganisation de la théorie qui s’effectue de 1915 à 1923; elle est
précédée d’une
phase préparatoire de
1905 à 1915 - cette dernière année étant celle d’une crise - et d’une
phase de
précision qui dura jusque vers 1926. A partir de cette date débute une
autre
période au cours de laquelle la mort de sa mère en 1930 lui provoque
une
intense remontée qui
le conduisit à tenter
une autre réorganisation et à une certaine synthèse qui apparaît
nettement dans
Moïse et le monothéisme, 1939.
En
1905, avons-nous dit, S. Freud accède au statut d’adulte de cette
société. Il a
dépassé ses difficultés liées aux problèmes de son enfance; il a
réalisé un
équilibre, un compromis. De cette date à 1914, il perfectionne la mise
au
point de la théorie
du fantasme et des
pulsions, en lui donnant une assise anthropologique avec Totem
et tabou de 1913. Cela apparaît comme une justification de
grande amplitude réalisée en conquérant d’autres territoires que celui
purement
psychique de la théorie, c’est une sécurisation par rapport à quelque
chose qui
le hante et qui s’imposera à nouveau ultérieurement. Il s’agit bien
entendu du
rapport à sa mère. Là nous voyons que la plupart des articles de cette
période
ont surtout un intérêt pour expliquer l’homme S. Freud,
particulièrement Un souvenir d’enfance de
Léonard de Vinci,
Totem et tabou déjà mentionné et Le
Moïse de Michel-Ange, 1914 . En Anticipant, je voudrais
faire remarquer
qu’à la fin de sa vie, il va retrouver les mêmes thèmes avec L’avenir d’une illusion de 1927, Le malaise dans la culture de 1930 et Moïse et le monothéisme de 1939. A
propos de ce dernier ouvrage il est remarquable qu’il paraisse juste
avant la
seconde guerre mondiale, de même que Le
Moïse de Michel-Ange avant la première. Nous y reviendrons.
Les
dates données sont celles de la parution des articles, ce qui implique
que leur
élaboration est antérieure. Ceci est fort important parce que cela
permet de
comprendre que ceux qui parurent en 1914 ne reflètent pas les
impressions que
la guerre a pu engendrer; en revanche ceux parus en 1915 traduisent
l’impact
qu’eut sur S. Freud le déclenchement de celle-ci. L’étude de ces divers
articles nous permet de comprendre qu’au cours de 1914,
il subit un traumatisme - dont témoigne sa
correspondance et les données biographiques - qui réactiva
inconsciemment celui
originel qu’il pensait avoir conjuré, particulièrement avec Totem
et tabou, en le plaçant pour ainsi dire in illo
tempore[2].
La
réactivation du traumatisme provoque donc une intense régression qui
remet S.
Freud en présence de celui originel. Pour le refouler, une élaboration
théorique encore plus sophistiquée s’avère nécessaire parce que, chaque
fois
qu’il y a remontée liée à une activation de l’empreinte, le phénomène
devient
de plus en plus puissant. L’élaboration théorique marque encore un
recul par
rapport à la théorie de la séduction: recul et sophistication vont de
pair.
Comme nous l’avons suggéré à propos de K. Marx le phénomène se retrouve
au
niveau social: plus l’espèce régresse, retourne à l’état enfantin plus
il faut
un développement puissant de l’appareil économico-technique, ainsi
qu’un
perfectionnement des structures sociales afin de pouvoir prendre en
charge hommes
et femmes régressés, qui deviennent des assistés. Que ce soit le
fascisme, le
nazisme, le new deal, le wellfar state, il y a, dans tous les cas,
assistanat.
Donc régression au niveau de l’espèce et progression au niveau des
phénomènes
économico-sociaux vont de pair. C’est pouquoi j’ai montré que ce qui se
passe à
partir des années vingt c’est la réalisation de la domination réelle (en termes de K. Marx) du
capital sur la
société, qu’il n’y a pas de décadence, de régression, et les forces
productives
ne cessent pas d’augmenter. C’est normal
puisqu’il faut pouvoir
prendre en
charge une humanité infantilisée[3].
Les effets
du traumatisme de 1914 (la guerre et le départ de ses fils pour
celle-ci)
apparaissent donc dans les oeuvres à partir de 1915. Tout
particulièrement avec
les textes regroupés sous le titre de Métapsychologie.
A ce sujet P. Gay écrit: “... l’histoire tortueuse du livre qu’il
projetait
d’écrire suggère qu’il travaillait à quelque chose de considérable - ou
que
quelque chose de considérable le travaillait”[4].
C’est
le 13.02.1896 qu’il fait état pour la première fois de la
métapsychologie[5].
“D’ailleurs il faut que tu me dises sérieusement si je puis donner à ma
psychologie, qui aboutit à l’arrière-plan du conscient, le nom de
métapsychologie”[6].
Cette
dernière vise le même but que l’Esquisse
d’une psychologie scientifique de 1895 qui ne fut pas
achevée, ni publiée.
Dans les deux cas le but ne put être atteint: dévoiler ce qui tend à
émerger,
mais ne parvient pas à se manifester, ce qui cause l’obsession. En même
temps
produire une structure sécurisante
apte
à calmer, à prémunir contre les remontées. En effet sur 12 essais 5
furent
publiés, les sept autres détruits[7].
Ils
sont très importants en ce qui concerne le cheminement de S. Freud,
mais aussi
parce qu’ils préparent ceux des années vingt. Je ne puis passer sous
silence ce
qu’ils témoignent du devenir de cet homme parce que c’est absolument
nécessaire
pour comprendre la réorganisation de la théorie. Ils signalent une
réémergence
puissante des problèmes de l’enfance, un repli sur soi effectué alors
et
répété, un certain refus du monde extérieur source d’agressions, de
dangers.
“... le système nerveux est un appareil auquel est impartie la fonction
d’écarter les excitations à chaque fois qu’elles l’atteignent, de les
ramener à
un niveau aussi bas que possible; il voudrait même, si cela était
faisable, se
maintenir rigoureusement dans un état de non-excitation”[8]. C’est un thème déjà abordé
dans l’Esquisse. La distanciation,
la
séparation conduisent
à autonomiser le système
nerveux, c’est lui le fautif. S. Freud
vit par le système nerveux, il ne le vit pas: “...et attribuons au
système nerveux la tâche
de maîtriser les excitations[9].
Ceci
exprime le repli, la nécessité de s’isoler du monde extérieur afin de
ne pas
souffrir. ”La pulsion, au contraire,
n’agit jamais comme une force
d’impact momentanée mais toujours comme une force constante. Et comme elle n’attaque pas de
l’extérieur mais de
l’intérieur du corps, il n’y a pas de fuite qui puisse servir contre
elle”.
Ceci exprime bien l’enfermement et l’angoisse: aucune
fuite n’est possible.
La dynamique de rejeter un traumatisme
interne le condamne à trouver uniquement en lui la cause de ce qui le
tourmente, il va rendre inné ce qui est acquis, dynamique de
justification. A
partir de là il donne plus d’ampleur à la notion de besoin. “Il existe
un
meilleur terme que celui d’excitation pulsionnelle: celui de “besoin”;
ce qui
supprime ce besoin, c’est la”satisfaction”[10].
On peut
résumer de façon explicite l’exposé de S. Freud en écrivant: l’ennemi
est à
l’intérieur[11].
C’est lui qu’il faudra châtier: dynamique de l’autopunition.
C’est
dans l’essai L’inconscient que se
trouve affirmé ce à quoi tend la métapsychologie. “Je propose de parler
de présentation métapsychologique
lorsque nous
réussissons à décrire un processus psychique sous les rapports dynamique, topique et économique”[12].
Nous
reviendrons sur cette approche, mais pour le moment je me contenterai
d’indiquer qu’elle signale une volonté d’organisation, de
structuration, de
sécurisation comme cela s’exprime également dans l’Esquisse.
Mais cette volonté de fixer ce qui est mouvant, voire
insaisissable, relève de la psychose, rendre permanent, établir des
repères
fixes afin de sortir d’un désarroi. Il est remarquable que la Métapsychologie comme l’Esquisse
subirent un sort similaire. En
effet nous l‘avons dit seule une partie de la première fut publiée. “L’Ics est au contraire vivant, capable
d’évoluer et il entretrient une grand nombre d’autres relations avec le
Pcs parmi lesquelles aussi la
coopération. En une formule condensée, on doit dire que l’Ics
se prolonge dans ce qu’on nomme ses rejetons, il est accessible
à l’action des évènements de la vie, il exerce une action permanente
sur le Pcs et il est même de son
côté soumis
aux influences venant de la part du Pcs”[13]. On doit noter ici que les
organes de
l’appareil psychique, particulièrement l’inconscient, s’autonomisent et
deviennent des entités.
On a la
sensation que là il décrit non seulement le phénomène inconscient lié
au
refoulement, donc ce qui est déterminé par la psychose et le phénomène
inconscient, procès naturel support
du
procès conscient avec lequel il est en continuité. S. Freud tend à
séparer les
deux et à sortir de la confusion où il fut plongé.
Le
repli, l’autorépression le conduisent à généraliser la présence de la
censure.
“En examinant le problème du
refoulement, nous avons été contraints
(qui exerce cette contrainte sur lui? n.d.r) de situer,
entre les
systèmes (à noter un glissement, il ne s’agit plus d’organes mais d’un
0groupement d’organes en quoi consiste justement un système, n.d.r) Ics et Pcs,
la censure qui décide du devenir-conscient”. Mais
- et nous l’avons abordé à propos de la
citation de K. Marx - qui opère la censure? Quelle est la loi qu’il
s’agit de
faire respecter? Ici, évidemment, on ne peut pas oublier la judéité de
S.
Freud. Nous verrons que pour fuir la Torah, il se réfugie dans la
science qui,
en définitive, va opérer comme la première. “Mais nous ferons bien de
ne point
percevoir dans cette complication une difficulté, en admettant au
contraire
qu’à tout passage d’un système dans le système immédiatement supérieur,
donc à
tout progrès vers un niveau plus élevé d’organisation psychique,
correspond une
nouvelle censure”[14].
Le
repli sur soi, le retrait du monde, s’expri
Le
repli est présent également dans la théorisation du narcissisme - Pour introduire le narcissisme date de
1915 également - qui vient compléter celle
de l’auto-érotisme. Dans les deux cas, l’enfant non
accepté, qui n’est
pas en continuité avec sa mère, se replie sur lui-même afin de
survivre. Ainsi
ces deux notions sont nécessaires pour rendre cohérente la théorie au
sujet
d’une sexualité infantile, mais c’est aussi quelque chose qu’il a vécu
et qui
dans une remontée émotionnelle se manifeste à lui.
En
réalité ce qui s’impose à lui de façon inconsciente, c’est l’interdit
de
continuité avec la mère, l’interdit qui l’interdit et induisit un état
hypnoïde
renforcé par divers évènements ultérieurs, comme la circoncision. La
théorisation
du narcissisme vise à expliquer le reflux de l’être originel, de la
pousse,
tendant à se développer et à se déployer. Or, comme l’a fait noter P.L
Assoun,
c’est: “Au même moment - coïncidence qui ne saurait être fortuite -
Freud
rencontre la question de l’interdit.
Virtuellement présent dés l’origine comme la question de la limite du
désir”[18].
Toutefois
il semble que ce qui est devenu conscient en premier lieu, ce fut le
repli. En
effet c’est dans une note de
1910 dans Trois essais sur la théorie de la
sexualité qu’il
mentionne le narcissisme. Il y abordait
la question de l’origine de l’homosexualité, considérant que les
homosexuels
“s’identifient à la femme et deviennent leur propre objet sexuel,
c’est-à-dire
que partant du narcissisme, ils recherchent des adolescents qui leur
ressemblent et qu’ils veulent aimer comme leur mère les a aimés”[19].
Evidemment S. Freud parle de lui-même. On sait à quel point il fut
hanté par
l’homosexualité.
Dans Le Président Schreber. Remarques
psychanalytiques sur un cas de paranoïa, il affirme: “Le
sujet commence par
se prendre lui-même, son propre corps, comme objet d’amour”[20]. C’est finalement dans Pour
introduire le narcissisme
qu’il traite longuement le thème qu’il reprit
dans le chapitre La théorie de la libido
et le narcissisme de l’Introduction
à
la psychanalyse 1916- 1917.
Reportons
tout d’abord une définition importante. Nous avons appelé “libido” les
dépenses
d’énergie que le moi affecte aux
objets de ses tendances sexuelles, et “intérêt”, toutes les autres
dépenses
d’énergie ayant leur source dans les instincts de conservation”[21]. Il mentionne ensuite un article de K
Abraham où celui-ci indique que “le principal caractère de la démence précoce (...) consiste en ce que
la fixation de la libido aux objets fait
défaut dans cette affection. (...) Mais que devient la libido
des déments
du moment qu’elle se
détourne des
objets? A cette question, Abraham n’hésita pas à répondre que la libido
se
retourne vers le moi et que c’est ce
retour réfléchi, ce rebondissement de la libido vers le moi
qui constitue la source de la manie des grandeurs de la
démence précoce”. A
partir de là s’est imposée “l’idée que la libido que nous trouvons
fixée aux
objets, la libido qui est l’expression d’une tendance à obtenir une
satisfaction par le moyen de ces objets, peut aussi se détourner de
ceux-ci et
les remplacer par le moi”22]
.
Mais
pourquoi ce détournement de la libido, détournement qui peut apparaître
comme
une séduction, Verführung, une
autoséduction de la part du moi, au lieu que ce soit celle opérée par
un objet?
La question n’est pas posée. Nous aurons à dire au sujet de cette
absence.
Auparavant j’aimerais signaler que nous trouvons exposé ici en termes
psychologiques la même dynamique que celle mise en évidence par L.
Feuerbach et
K. Marx à propos du rapport à l’objet. L’individu réel, sain est celui
qui a un
objet à l’extérieur de lui. Mais chez eux aussi le pourquoi de la perte
de
relation à l’objet n’est pas perçu.
Ce qui
se produit c’est
qu’il y a rupture de la
continuité du fait du non accueil, de la non acceptation plénière du
nouvel
être en sa propre réalité (la propriété en tant que particularité selon
M.
Stirner). Comme ceci est répété souvent, cela induit l’enfant au repli
sur soi.
Le flux de vie allant de ce dernier à la mère
reflue sur lui en quelque sorte et il s’enfle, d’où la
démesure de
l’enfant qui
traduit une réalité: il
faut qu’il ait une puissance énorme pour affronter
une telle situation, survivre. Il faut qu’il
compense l’absence de sa mère qui n’est pas en continuité avec lui, il
faut que
virtuellement il soit sa mère afin de rétablir cette continuité.
D’ailleurs que
fait-on quand on est amené à imaginer ce qu’est l’autre, ce qu’il
ressent, du
fait qu’il ne se dit pas, ne s’ouvre pas, qu’il y a séparation? Si
l’enfant
apparaît comme n’ayant pas une
représentation correcte de son rapport au monde, qui est toujours celui
de
l’adulte, cela est dû au
processus de
l’ontose qui se met alors en place.
Dans le
passage qui suit S. Freud interprète sans la comprendre la négation de
la
continuité; sa
théorisation est une
justification de la séparation. “On s’était dit que du moment que la
libido est
ainsi capable de se fixer au propre corps et à la propre personne du
sujet au
lieu de s’attacher à un objet, il ne peut certainement pas s’agir là
d’un
évènement exceptionnel et insignifiant; qu’il est plutôt probable que
le
narcissisme constitue l’état général et primitif d’où l’amour des
objets n’est
sorti qu’ultérieurement, sans amener par son apparition la disparition
du
narcissisme. Et d’après ce qu’on savait du développement de la libido
objective, on s’est rappelé que beaucoup de tendances sexuelles
reçoivent au
début une satisfaction que nous appelons
auto-érotique,
c’est-à-dire une satisfaction ayant pour source le corps même du sujet
, et que
c’est l’aptitude de l’auto-érotisme qui explique le retard que met la
sexualité
à s’adapter au principe de réalité inculqué par l’éducation. C’est
ainsi que
l’auto-érotisme fut l’activité sexuelle de la phase narcissique de la
libido”[23].
On peut constater que cela lui permet
de compléter sa théorie sur la sexualité et de la rendre plus
cohérente; cette
théorie qui lui permet d’escamoter le réel.
Cette
mise en évidence du narcissisme le conduit à préciser sa conception du
rêve. A
ce propos il est remarquable
de noter
que consécutivement à l’introduction
d’un nouveau concept, il remanie cette dernière. “Nous plaçant cette
fois au
point de vue de la libido, nous déduisons que le sommeil est un état
dans
lequel toutes les énergies, libidineuses aussi bien qu’égoïstes,
attachées aux
objets, se retirent de ceux-ci et rentrent dans le moi. (...) Le
tableau du
bienheureux isolement au cours de la vie intra-utérine, tableau que le
dormeur évoque
devant nos yeux chaque
nuit, se trouve ainsi complété au point de vue psychique. Chez le
dormeur se
trouve reproduit l’état de répartition primitif de la libido: il
présente
notamment le narcissisme absolu, état dans lequel la libido et
l’intérêt du moi vivent unis et
inséparables dans le moi se
suffisant à lui-même”[24].
Cette
citation révèle beaucoup de choses. En premier lieu S. Freud pense que
la
période de vie intrautérine est une période bienheureuse. Elle l’est à
ses
yeux, parce que dans l’utérus il y aurait isolement, protection. Mais
c’est une
illusion l’embryon, puis le foetus, ne sont pas isolés; ils sont en
continuité
avec la mère et subissent l’influence de son environnement. Dans quelle
mesure
affirmer cela n’est pas, pour lui, sauver un lieu, un temps où il
puisse se
consoler? C’est en même temps un aveu. S’il pense qu’il fut isolé
durant la vie
intrautérine cela signifie qu’il ne s’est pas perçu en continuité avec
sa mère.
Cela ne l’empèche pas de rêver à la symbiose qui doit normalement
opérer lors
de la gestation. Il la rêve à l’état éveillé, et il la rêve en rêvant.
Toutefois cette symbiose il ne la perçoit pas entre l’enfant et la
mère, mais
au sein du moi, une autosymbiose, qui apparaît comme un indifférencié,
une
espèce de ça. Enfin le reflux vers le moi de
toutes les énergies libidineuses,
aussi
bien qu’égoïstes, évoque l’instauration de l’état hypnoïde à
la suite d’un
traumatisme.
Poursuivons.
Il interprète la non continuité. “On dirait qu’au-delà d’une certaine
mesure
l’accumulation de la libido ne peut être supportée. Il est permis de
supposer
que si la libido vient s’attacher
à des
objets c’est parce que le moi y voit un moyen d’éviter
les effets morbides
que produirait une libido accumulée chez lui à l’excès. S’il entrait
dans nos
intentions de nous occuper plus en détail de la démence précoce, je
vous
montrerais que le processus à la suite duquel la libido, une fois
détachée des
objets, trouve la route barrée
lorsqu’elle veut y retourner, - que ce processus, dis-je,
se rapproche
de celui du refoulement et doit être considéré comme son pendant”[25]. Autrement dit la relation aux autres,
aux objets est nécessaire pour décharger une tension. C’est d’ailleurs
à une
telle décharge que se réduit la plupart du temps l’acte sexuel qui, de
ce fait,
apparaît comme une manifestation de violence, ce qui est un
détournement de sa
réalité. Mais c’est ce que S. Freud a interprété. Enfin parler d’une
libido qui
va vers les objets implique qu’il n’y a pas de continuité et que c’est
cet
aller vers l’objet qui tend à la rétablir et met en évidence,
simultanément, un
phénomène de projection. Or celle-ci peut-être au départ d’une
virtualisation.
Le
thème du narcissisme prend
de plus en plus d’importance. Ainsi on
le retrouve dans un autre essai faisant partie de la Métapsychologie: Deuil et
mélancolie qui fut publié en 1917.
Ce
texte, comme les autres, nous renseigne beaucoup sur lui et, surtout, nous signale vers où tend
sa théorisation.
“Nous voyons chez lui ( le mélancolique, n.d.r) comment une partie du
moi
s’oppose à l’autre, porte sur elle une appréciation critique, la prend
pour
ainsi dire comme objet. Nous soupçonnons que l’instance critique, qui
ici est
séparée du moi par clivage, pourrait dans d’autres circonstances
également,
démontrer son autonomie (...) Ce à quoi nous faisons ici connaissance,
c’est
cette instance qu’on
appelle
habituellement conscience morale;
nous la compterons avec la censure[26]
de
la conscience et l’épreuve de réalité
au
nombre des grandes institutions du moi...”[27]
Il y
a une réification, la structuration est nécessaire pour sécuriser et
distancier. L’instance critique nous fait encore penser à la Torah et
nous
percevons ici la genèse du surmoi, le représentant de la loi. En même
temps se
dévoile pleinement le mécanisme pour pouvoir éviter d’accéder à son
immense
souffrance, S. Freud se clive, ce qui donne naissance à de nouveaux
organes, à
de nouvelles instances qui vont faire partie de l’appareil psychique.
Ils
servent alors de support à une théorisation qui est un masquage du
réel. On
peut dire que chaque fois qu’il a une très grande remontée, il produit
une
catégorie.
Mais il
se dévoile pleinement: “Le complexe mélancolique se comporte comme une
blessure
ouverte attirant de toutes parts vers lui les énergies d’investissement
(...)
et vidant le moi jusqu’à l’appauvrir complétement; ce complexe peut
facilement
se montrer résistant au désir de dormir du moi”[28].
Cette blessure c’est sa déchirure originelle, celle qu’il ne peut pas
voir mais
qui l’obsède jusqu’à l’épuisement qu’il connut fréquemment. Ce texte
nous fait
vigoureusement saisir l’urgence qu’il a à produire une théorisation
encore plus
rassurante.
De même
dans ce passage. “Là où la prédisposition à la névrose obesssionnelle
est
présente, le conflit ambivalentiel confère de ce fait au deuil une
forme pathologique
et le force à s’exprimer sous la forme d’autoreproches selon lesquels
on est
soi-même responsable de la perte de l’objet d’amour, autrement dit
qu’on l’a
voulue (...) Les causes déclenchantes de la mélancolie débordent en
général le
cas bien clair de la perte due à la mort et englobent toutes les
situations où
l’on subit un préjudice, une humiliation, une déception, situations qui
peuvent
introduire dans la relation une opposition d’amour et de haine ou
renforcer une
ambivalence déjà présente”[29].
Ici
s’exprime la culpabilité qui habite S.Freud. Or celle-ci est un des
fondements
de la psychose. Pour
l’enfant non
accepté dans sa réalité, la seule explication possible est de se poser
coupable; autopunition, autodépréciation en découlent. Nous reviendrons
sur
cette donnée particulièrement présente chez lui, pour signaler que, par
là, il
est proche de la vision de ce qu’il a vécu et qui l’obsède. D’où,
indiquons-le encore
une fois, s’impose à lui la nécessité d’une théorisation recouvrante
encore plus
importante.
C’est
dans le dernier essai Vue d’ensemble des
névroses de transfert qui a été retrouvé en 1983 que sont
exposées les
formes de son mal: l’hystérie d’angoisse, l’hystérie de conversion, et
la
névrose obsessionnelle[30],
ainsi que le traumatisme qui le hante bien qu’il l’ait rejeté en
abandonnant la
théorie de la séduction. Il ne le place plus au sein du développement
de
l’individu, dans l’ontogenèse, mais à l’aube du développement de
l’espèce, dans
la spéciogenèse, comme l’a bien exposé Ilse Grubrich-Simitis qui
découvrit ce
texte. “L’expérience
traumatique du
réel, telle que Freud la conçoit dans sa jeunesse, lorsqu’il se
représente
l’étiologie de l’hystérie, apparaît dans la théorie pleinement
développée de la
psychanalyse comme rejetée dans la préhistoire de l’espèce, déplacée de
la
dimension ontogénétique à la dimension phylogénétique”[31].
J’ajouterai qu’il a deux modes de fuir et de retrouver le traumatisme:
le rêve
et la reconstitution des premiers moments du développement de l’espèce.
Ceci dit
il est important de noter que cet essai avait été transmis à S.
Férenczi. Or,
celui-ci fut durant un certain temps, à l’instar de W. Fliess, un
support
d’identification, celui qui était capable de produire une “fantaisie
phylogénétique”, celui qui était capable d’aller jusqu’au bout d’une
théorisation de type lamarckienne, en germe chez lui, mais qu’il
n’osait pas
développer dans toutes ses conséquences[32].
En
effet que dit S. Férenczi? Il
affirme la
toute puissance du psychisme. “Ces produits de l’imagination peuvent produire des fonctions
d’organe tout aussi
efficientes et performantes que l’organisme”. Il va plus loin et
affirme: ” A
partir d’un matériau encore inconnu (dans l’extrême détresse), lorsque
les
propres forces de l’organisme sont épuisées: de nouveaux organes sont
formés”[33]
.
Il
expose au fond ce que S. Freud est en train de faire: créer des organes
psychiques afin de pouvoir maîtriser ce qui le tourmente. Toutefois ce
dernier
ne peut pas s’abandonner à “fantasier” parce qu’il a peur d’être
débordé et
qu’ainsi ne se réimpose ce qui le hante, le traumatisme qu’il a subi.
Ce n’est
que lorsqu’il aura produit un organe de contrôle, d’inhibition, le
sur-moi,
qu’il pourra alors s’adonner pleinement, sans plus de restrictions, à
la
fantaisie. Dés lors il n’aura plus besoin de S. Ferenczi en tant que
support
d’identification.
S.
Freud connut quelque chose de similaire avec O. Rank.
Il se reconnut dans l’approche opérée par ce
dernier, sans aller jusqu’au bout de la théorisation tout
particulièrement en
ce qui concerne Le traumatisme de la
naissance. Il écrivit en 1909 un texte - Le
roman familial du névrosé - qui fut inclus en tant que
chapitre
dans un autre livre
de ce dernier: Le mythe de la naissance du
héros. Ce
thème de la création d’une généalogie fictive est très important. En
effet il
participe à la même dynamique qui opère lors de la théorisation du
karma et de
la réincarnation[34].
Revenons
au texte de S. Freud dont l’essentiel est exposé dans une lettre de ce
dernier
à S. Ferenczi. “En revanche, cette succession semble répéter
phylogenétiquement
un développement historique. Les névroses sont des phases d’évolution
révolues
de l’humanité[35].
A
l’apparition des privations de l’époque glaciaire, les hommes devinrent
anxieux; ils avaient toutes les
raisons
de transformer leur
libido en angoisse.
Une
fois qu’ils eurent appris que la reproduction était à présent l’ennemie
de la
conservation et qu’elle dut être limitée, ils devinrent hystériques -
sans être
encore doués de la parole.
Lorsqu’ils
eurent développé leur langage et leur intelligence - surtout les hommes
- à la
dure école des âges glaciaires, la horde originaire se forma, avec les
deux
interdits du père primitif, tandis que
la vie amoureuse devait demeurer égoïste et agressive.
C’est contre ce
retour que se défend la névrose obsessionnelle. Les névroses suivantes appartiennent à
l’ère nouvelle et
ont été acquises par les fils.
Ceux-ci
furent d’abord contraints de renoncer absolument à l’objet sexuel,
peut-être
furent-ils dépouillés de toute libido par la castration: démence
précoce.
Chassés
par le père, ils apprirent alors à s’or
On
constate qu’il justifie l’ensemble des névroses dites de transfert,
c’est-à-dire transmissibles, par la spéciogenèse. C’est une
justification parce
qu’il n’y a aucune remise en question de ce qui est advenu et advient. Cette
construction n’est possible,
en particulier, que s’il y a transmission des caractères acquis. D’où
ce qu’on
a appelé le néo-lamarckisme de S. Freud. Mais ce texte pose d’autres
problèmes.
Les névroses commencent durant la période préhistorique, avant la
civilisation,
avant ce que S. Freud appelle la culture. Comment se situe celle-ci par
rapport
à la névrose. Il y a, contenu en germe, l’idée qu’au fond, à l’origine,
l’homme
est dans la démence et qu’il en sort grâce à la culture, qui se
manifeste comme
son antidote. Donc le progrès ne serait pas seulement le fait de passer
de la
brute au civilisé, mais du dément au raisonnable (celui qui est doué de
raison). En outre, dans la perspective de S. Ferenczi particulièrement,
hommes
et femmes ne sont pas passifs, ils veulent et peuvent créer de nouveaux
organes[37].
Ce
dernier révèle S. Freud à lui-même avec sa dimension spéculative,
celle-là même
qu’il s’interdit de manifester de peur de parvenir jusqu’au traumatisme
initial. Toutefois les diverses remontées qu’il va subir vont tendre à le mettre en sa présence et par là même
avec la réalité de
son individualité, ce qu’on peut désigner comme son être réel, non
domestiqué
doué de cette vaste capacité de penser. Il va le mobiliser pour
l’escamoter à
l’aide d’un compromis effectué grâce au sur-moi.
Dans
une lettre à S. Férenczi, il dit
le
contenu de sa Métapsychologie:”Je
vous révèlerai seulement qu’en
suivant
des chemins depuis longtemps frayés, j’ai enfin découvert la solution
de
l’énigme du temps et de l’espace; ainsi que le mécanisme depuis
longtemps
cherché du déclenchement de l’angoisse”[38].
Ceci nous signale ses préoccupations
profondes. En ce qui concerne l’angoisse son origine est
expliquée grâce
à la fantaisie spéciogénétique qui inclut la dimension du temps. Notons
aussi
cette remarque dans l’essai sur L’inconscient.
“Les processus du système Ics sont
intemporels, c’est-à-dire qu’ils ne
sont
pas ordonnés dans le temps, ne sont pas modifiés par l’écoulement du
temps,
n’ont absolument aucune relation avec le temps. La relation au temps
elle aussi
est liée au travail du système Cs”[39].
Le
thème de l’espace est abordé avec les topiques .Mais cela ne répond pas
pleinement à son questionnement.
Dans le
texte Considérations actuelles sur la guerre
et la mort datant également de 1915, le traumatisme causé
par la guerre
apparaît de façon
encore plus nette
ainsi que l’effort de théorisation pour conjurer l’horreur, effort qui
aboutira
à la réorganisation de la théorie dont nous nous occupons.
Le
traumatisme entraîne une immense désillusion contre laquelle il a
toujours
lutté. En effet une de ses préoccupations essentielles c’est de
détruire les
illusions. Il semblerait que chez lui le refoulement, phénomène
inconscient,
s’accompagne d’une opération consciente d’élimination des illusions.
L’homme
sans illusion serait l’homme civilisé, chez qui la raison est enfin
opérationnelle. “Même la science a perdu son impassible impartialité;
ses
serviteurs profondément ulcérés tentent de lui ravir des armes, pour
apporter
leur contribution au combat contre l’ennemi”[40].
La
puissance du traumatisme conduit en général à faire de l’agent de ce
dernier
une entité “La
guerre, elle, ne se
laisse pas éliminer”[41],
ailleurs “elle intervient”.
Renforcement
de la thèse sur la malignité originelle de l’homme, sur une innéité
perverse
“les mauvais penchants inhérents à l’homme, sont exterminés et
remplacés, sous
l’influence de l’éducation et de l’environnement civilisé, par des
penchants au
bien. En ce cas il est permis, certes, de s’étonner que chez l’homme
ainsi
éduqué le mal réapparaisse dans toute sa virulence”[42].
On
a là l’expression d’un renforcement de la théorie du fantasme et à
nouveau la
théorisation selon laquelle la civilisation est une vaste entreprise
pour conjurer
le mal en l’homme, grâce à une éducation
sévère. Le rôle néfaste de la société dont il est pourtant conscient
est
escamoté.
“Nous
admettons que toutes celles (les motions pulsionnelles, n.d.r) qui sont
condamnées par la société comme mauvaises - prenons par exemple les
motions
égoïste et cruelle - font partie des motions primitives”[43].
Autrement dit la société, les parents ne sont pas responsables! le
progrès est
social, pour les hommes et les femmes ce n’est qu’une apparence.
Anticipation
sur la théorie économique actuelle:” On apprend à voir dans le fait
d’être aimé
un avantage qui permet de renoncer à tous les autres”[44].
Autrement dit, on apprend à choisir donc à calculer. Le calcul
économique est
un rejouement. Il sanctionne la perte
d’immédiateté. L’accès au réel ne
peut s’opèrer que par une opération. L’utilisation de l’ordinateur en
est une
manifestation plénière. Ceci n’implique pas qu’il ne faille pas choisir
au sens
d’affirmer une préférence, ni qu’il ne faille pas calculer. Ce que je veux souligner
c’est que l’être
psychosé opère une computation constante; il doit toujours calculer en
étant
envahi par une angoisse sourde. Est-ce qu’il n’y aurait pas quelque
chose de
plus utile? Est-ce
que je ne pourrai pas
trouver la même chose à un moindre prix? D’ou il ressort que l’utilité
est une
abstraction et que ce qui est essentiel ce n’est pas l’objet, mais une
axiologie en laquelle celui-ci est placé. Les objets,
le phénomène de la valeur (ici avec la déterminité
de l’utilité) sont les supports de processus psychiques. Le calcul vise
à lever
l’incertitude pour parvenir à une stabilité, à un équilibre, tel qu’il
est
représenté par le fléau d’une
balance,
placé à égale distance des deux plateaux, ce qui symbolise en même
temps l’accès
à la voie du milieu[45].
Là
encore nous constatons l’importance du mouvement de la valeur en tant
que
mouvement isomorphe à la psychose. Ces remarques visent à mettre en
évidence
comment celle-ci se greffe sur divers procès naturels.
S.
Freud expose une généralisation de ce qu’avait vu K. Marx. “Au cours de
la vie
d’un individu s’opère une constante transposition de la contrainte
externe en
contrainte interne. (...) On peut finalement admettre que toute
contrainte
interne qui se fait sentir dans
le
développement de l’homme, n’était à l’origine, c’est-à-dire au cours de
l’histoire de l’humanité, qu’une
contrainte externe”[46].
Nous
retrouvons ici l’importance de
l’hérédité. C’est une question qui hante S. Freud. On a vu que c’est
contre la
thèse héréditaire qu’il fonde sa théorie initiale. Il est contre le
fatum, le
destin qui s’exprimerait au travers du phénomène héréditaire. Mais il
ne peut
pas lui échapper lorsqu’il veut expliquer l’existence des névroses,
leur
persistance, leur pérennisation à travers les diverses générations. Il
a bien
affirmé que c’est la société qui contraint les hommes et les femmes à
vivre
dans des conditions asphyxiantes pour leur affectivité, limitée pour
lui à ce
qu’il nomme la sexualité. Mais nous l’avons vu: il a tendance à
l’escamoter lors
des remontées qui l’affectent et qui transparaissent dans ce qu’il
écrit.
Dans
les divers textes que nous avons analysés, on constate que S. Freud
prône un
renoncement aux pulsions primitives. Ceci est en parfaite adéquation
avec son
renoncement à la théorie de la séduction (du traumatisme initial).
A ce
propos on peut noter qu’illusion[47],
renonciation-renoncement parsèment
le
parcours de vie de S. Freud.
“En
général, nous avons tendance à accorder une trop grande valeur à la
partie
innée (de l’aptitude à la civilisation),
de plus nous courons le risque de surestimer l’ensemble de l’aptitude à
la
civilisation dans son rapport à la vie pulsionnelle restée primitive,
c’est-à-dire que nous sommes entraînés à juger les hommes “meilleurs”
qu’ils ne
sont en réalité”[48].
Il sort
d’une illusion pour en entériner une autre: “... notre affliction et
notre
douloureuse désillusion provoquées par le comportement non civilisé de
nos
concitoyens du monde durant cette guerre étaient injustifiées. Elles
reposaient
sur une illusion à laquelle nous nous étions laissés prendre. En
réalité ils ne
sont pas tombés aussi bas que nous le redoutions, parce qu’ils ne
s’étaient
absolument pas élevés aussi haut que nous l’avions pensé d’eux”[49].
Il
les excuse parce que la civilisation exerce une trop forte pression sur
eux,
parce qu’ils les considère trop faibles pour affronter l’épreuve de la
vie (car
c’est ainsi qu’il la conçoit), trop lestés par l’héritage archaïque.
Mais ce
constat ne lui permet tout de même pas d’arriver à comprendre le
comportement
des hommes.
“Pourquoi
les individus-peuples, se méprisent-ils, se haïssent-ils,
s’abhorrent-ils les
uns les autres, même en temps de paix, et pourquoi chaque nation
traite-t-elle
ainsi les autres?, cela certes est une énigme. Je ne sais pas répondre
à cette
question[50].
Ainsi
il se retrouve devant l’énigme qu’il eut à affronter étant enfant:
pourquoi
n’est-il pas accepté, dans sa réalité, par sa mère? Le comportement des
hommes
et des femmes lui est une énigme revivifiée et amplifiée par le
phénomène de la
guerre. Pour la résoudre il met au point des opérateurs; ainsi pour
Eros:
“grâce aux apports érotiques” il y a transformation “des tendances
égoïstes”
“en tendances altruistes et sociales”[51].
Autre
opérateur d’élucidation: “l’ambivalence affective”[52].
“Ce
qu’il y a de plus facile à observer et à saisir par la pensée, c’est le
fait
qu’aimer avec force et haïr avec force se trouvent si souvent réunis
chez la
même personne. La psychanalyse ajoute à cela qu’il n’est pas rare que
les deux
motions affectives opposées prennent la même personne pour objet”[53]
`
S.
Freud accepte l’ambivalence affective comme une donnée naturelle. Or
celle-ci
est une donnée psychotique. La donnée immédiate est celle de la
continuité qui
s’exprime par l’amour. L’enfant non accepté se voit refuser la
continuité. Il
ne peut pas se passer de sa mère, donnée profondément naturelle
enracinée dans
le plan de vie, mais du fait qu’il reçoit une négation en retour de son
élan
d’amour, il est amené à haïr pour pouvoir subsister, maintenir son être
originel, sinon c’est une aliénation totale, une perte de soi, la mort.
Ainsi
la mère est le support fondamental de l’oxymoron qui pourrait
s’exprimer ainsi:
je la hais parce que je l’adore. Donc ambivalence et oxymoron sont
intimement liés.
A ce dernier se rattache également l’ambiguïté qui est un euphémisme de
l’ambivalence[54],
qui apparaît comme une union de deux valeurs qu’il est impossible de
dissocier,
une union où le choix aurait été piégé, montrant par là l’évanescence
de son
opérationnalité. En conséquence elle est en rapport avec la dynamique
des
valeurs qui forment le contenu de ce que j’ai nommé la conscience
répressive.
Or répression et refoulement sont intimement liés.
Tous
ces phénomènes ont également à voir avec le phénomène de la double
contrainte
mis en évidence par G. Bateson et dont voici un exemple: “Sois
autonome”. Dans
la mesure où il y a injonction, attribution, la personne à qui ceci est
signifié ne se sent pas perçue autonome et c’est ce qu’on lui demande
d’être. C’est
comme si la personne qui parle souhaitait la non autonomie de celle à
qui elle
s’adresse afin de pouvoir lui signifier un discours sur l’autonomie. Il
y a une
dissociation, une contradiction qui est à la base, selon G. Bateson de
la
schizophrénie. On comprend que pour sortir de la double contrainte, de
l’ambivalence ou de l’ambiguïté, l’individu recoure à une
identification plus
ou moins rigide qui le sécurise mais l’aliène totalement[55].
Précisons
plus en profondeur. Dans le vécu de l’enfant, la double contrainte
qu’il subit
peut s’exprimer ainsi: tu dois être moi pour être toi; tu dois être toi
à
travers mes désirs ou, sous forme édulcorée, tu dois être par moi.
Comment dés
lors ne pas subir un procès de schizophrénisation[56]
qui
prend plus ou moins d’ampleur chez tout individu. Pour échapper à ce
procès
dilacérant, l’enfant recourt au mimétisme. Il mime le comportement du
parent
(la mère en premier lieu), ce qui de façon mystifiée tend à rétablir
une
symbiose jamais pleinement réalisée. Dés lors c’est la perte de
lui-même qui le
guette, puisque s’opère, en ce cas, une réduction à l’identité avec un
autre,
l’extraénisation, Entfremdung,
totale.
En
présence des puissantes remontées, S.
Freud se rigidifie
sur ses positions en rapport à la
désillusion[57.
Il nous expose aussi le procès d’intégration dans une culture qui ne s’est pas réalisé
parfaitement du fait
de sa judéité, comme nous le verrons mieux ultérieurement.
“Résumons-nous
donc: tout autant que l’homme des temps originaires, notre inconscient
est
inaccessible à la représentation de notre propre mort [58],
est
plein de désirs meurtriers sanguinaires à l’égard de l’étranger, est
divisé
(ambivalent) à l’égard de la personne aimée. Mais comme l’attitude, conventionnelle et liée à
la civilisation,
que nous avons à l’égard de la mort nous a éloignés de cet état
originaire!
Il est
facile de dire de quelle façon la guerre intervient dans ce désaccord.
Elle
nous dépouille des couches récentes déposées par la civilisation et
fait
réapparaître en
nous l’homme des
origines”. On est tenté de dire qu’elle opère comme une vaste
psychanalyse. Par
là même, sur la base de ce que S. Freud vient d’exprimer, elle devrait
permettre d’atteindre l’inconscient. D’après son exposé il semble que
la notion
de mort n’apparaisse qu’à un moment donné, et soit liée à la
civilisation.
“Elle (il s’agit toujours de la guerre, n.d.r) nous contraint de
nouveau à être
des héros qui ne peuvent croire à leur propre mort; elle nous désigne
les
étrangers comme des ennemis dont on doit provoquer ou souhaiter la
mort; elle
nous conseille de ne pas nous arrêter à la mort des personnes aimées”[59].
La
guerre apparaît comme un opérateur mettant en évidence le comportement
ambivalent (refus et désir-acceptation) des hommes vis-à-vis de la mort.
On a encore
un exposé justifiant le
rejet de la
théorie de la séduction tout en maintenant son fondement le traumatisme
reporté
in illo
tempore. La guerre serait un rejouement de ce dernier. Les parents ne
sont pas responsables des
perturbation psychiques de l’enfant qui se répercutent dans la vie de
l’adulte,
de même pour la civilisation, la société; mais il y a quelque chose de
plus
fort : anticipation du ça, du ce qui résiste à toute interprétation. Or
cette
dernière est une composante essentielle de la psychanalyse. Il convient
d’y
revenir et d’y insister. L’analyse dissout la totalité psychique.
Ensuite
intervient l’interprétation des différents éléments résultant de la
dissolution. “Nous avons aussi expliqué la tendance sexuelle à l’être
humain en
la fractionnant en ses composantes, et, lorsque nous interprétons un
rêve, nous
procédons de façon à négliger le rêve comme totalité et c’est de ses
éléments
isolés que nous faisons partir les associations.
“Cette
comparaison justifiée de l’activité médicale psychanalytique avec un
travail
chimique pourrait suggérer une direction nouvelle à notre thérapie
(...) On
nous a dit à l’analyse du
psychisme
malade doit succéder sa synthèse! Et bientôt on s’est montré inquiet de
ce que
le malade puisse recevoir trop d’analyse et pas assez de synthèse et
soucieux
de mettre le poids principal de l’action psychothérapique sur cette
synthèse,
sur une sorte de restauration de ce qui avait
été pour ainsi dire détruit par la vivisection.
“(...)
La comparaison avec l’analyse chimique trouve sa limite en ceci que
dans la vie
psychique nous avons affaire à des tendances soumises à une compulsion
à
l’unification et à la combinaison. Parvenons-nous à décomposer un
symptôme, à
libérer une motion pulsionnelle d’un ensemble de relations, celle-ci ne
reste
pas isolée mais entre aussitôt dans un nouvel ensemble.
“(...)
Ainsi chez le sujet en traitement analytique, la psychosynthèse
s’accomplit
sans notre intervention, automatiquement et inévitablement”[60].
Il
semble qu’il ait observé sur lui-même ce processus de synthèse
spontanée lors
de son autoanalyse. C’est pourquoi il
est amené périodiquement à la reprendre ou, tout
simplement, à
poursuivre son investigation théorique: rechercher la perturbation
initiale
afin d’enclencher une nouvelle synthèse. Ceci justifie également toute
notre
approche au sujet de ses divers efforts de théorisation.
Ceci
précisé, il nous est possible de revenir au thème de l’angoisse de mort
que S.
Freud est en train d’interpréter. Ce qui me semble essentiel au sujet
de
celle-ci c’est qu’il ne la place pas dés l’origine C’est une
acquisition. Or
l’idée de mort dont le contenu consiste en: perte irrémédiable,
cessation de
tout, est ce que met l’enfant sur ce qu’il a vécu sans pouvoir le
comprendre:
un moment où il a risqué de disparaître, de se perdre; ce qui n’est pas
un
fantasme mais un fait
objectif. Il n’y a
qu’à penser aux tentatives ou
aux
souhaits d’avortement qu’il a pu subir. En conséquence la vie va
apparaître
comme une conjuration contre ce risque. On s’organise contre cela pour
éviter
sa réalisation. Donc l’idée de mort empruntée aux adultes recouvre un
phénomène
qui se situe non au terme de la vie mais à son début, de telle sorte
que la
mort effective apparaît comme un rejouement. Pour l’enfant la mort est
un mot
qui lui permet de désigner son angoisse[61].
Le
final du texte indique et réexpose le repli, le défaitisme, le
désarroi, une
immense régression.
“Supporter
la vie reste bien le premier devoir
de
tous les vivants. L’illusion perd toute valeur quand elle nous en
empêche”. La
vie est un devoir et l’illusion est nécessaire pour l’accomplir! C’est
une
vison schopenhaurienne: la vie est un devoir-être sous-tendu par une
volonté
inflexible et inconsciente, représentation métaphysique de la mère. Ce
n’est
pas un hasard si S. Freud a voulu remplacer la métaphysique par sa
métapsychologie. Or,
dans son oeuvre, il
fait souvent allusion à E. Kant et à ses formes a priori de la
sensibilité,
l’espace et de temps qui, selon moi, sont des éléments fondamentaux
dans
l’édification d’une structure apte à piéger l’angoisse, pour s’en
protéger. A
l’instar des philosophes - pour nous limiter au niveau de notre
approche -
n’a-t-il pas théorisé pour se protéger, se sécuriser? En conséquence:
“
Rappelons-nous le vieil adage: Si vis
pacem, para bellum. Si tu veux maintenir la paix, arme-toi
pour la guerre.
Il
serait d’actualité de
le modifier: Si vis vitam, para mortem.
Si tu veux
supporter la vie, organise-toi pour la mort”[62].
Dans ce
cas, la vie est un fardeau à supporter, un peu comme une maladie
chronique. Or,
nous le montrerons, chez S. Freud, cette dernière a pour nom la
culpabilité,
c’est son fardeau. Dés lors la mort ne serait-elle pas plus désirable
qu’une
vie qui ne serait qu’une organisation de la mort? L’organisation ne
serait-elle
pas la mesure préventive de K. Marx, ou ce qui permet de supporter la
vie en
attendant la mort?[63]
Je
cite à nouveau: “La mort n’est-elle pas plus désirable qu’une vie qui
ne serait
qu’une mesure préventive contre la mort?” On retourne dans le monde
dont le
jeune K. Marx sortait. Or ce qui est remarquable c’est que le concept
d’organisation est, je dirai, prépondérant au cours du XX° siècle,
particulièrement
dans les milieux révolutionnaires.
S.
Freud s’est arrêté devant le refoulement le plus puissant, celui de la
souffrance de la non acceptation de la part de sa mère. C’est, je le
répète,
dans le non-voir qu’implique la non conscientisation du refoulement que
s’effectue l’escamotage du réel dont parle J.M. Masson, que s’enracine
l’immense
mystification dont il fut victime. Son oeuvre est parcourue de
refoulements et
de remontées comme ceux de K. Marx que nous avons précédemment
analysés. Allons
plus loin. S. Freud est médecin. Est-il sous sa propre tutelle? Vit-il
une
vaste Spaltung, séparation? Que doit-il refouler pour être médecin et
surtout
pour être psychiatre, psychanalyste? J’essaierai de répondre, ailleurs,
à ces
questions. Pour le moment ceci: toute sa vie il a été son propre
médecin de
l’âme; le médecin permanent dont parla K. Marx.
Un
article de 1919, L’inquiétante étrangeté,
manifeste que le phénomène de la remontée émotionnelle se reproduit et
ce de
façon encore plus puissante, car il s’agit de ce qui est familier, intime. Nous
l’aborderons également
ailleurs. Nous signalerons seulement ce qui est nécessaire pour la
compréhension de la réorganisation de la théorie - théorisation de la
réorganisation qu’il opère en lui, afin de pouvoir endiguer les
diverses
remontées.
“Deuxièmement,
si là est réellement la nature secrète (geheim)
de l’étrangement inquiétant, nous comprenons que l’usage linguistique
fasse
passer le heimlich en son contraire, le Unheimlich, puisque ce Unheimlich
n’est en réalité rien de nouveau ou d’étranger, mais quelque chose qui
est pour
la vie psychique familier de tout temps, et qui ne lui est devenu
étranger que par le
processus du refoulement. La mise
en relation avec le refoulement éclaire
aussi maintenant pour nous la définition de Schelling selon lequel
l‘étrangement inquiétant serait quelque chose qui aurait dû rester dans
l’ombre
et qui en est sorti”[64.
“L’étrangement
inquiétant est donc
aussi dans ce cas le
chez-soi (das Heimische),
l’antiquement familier d’autrefois. mais le préfixe
un par lequel commence ce mot est la marque du refoulement”[65].
Il y a
une ambiguïté qui n’a peut-être pas été perçue: pour éviter l’unheimlich il faut transférer le heimlich passé, dans le quotidien. Dés
lors on se rassure, le cadre familier est restauré, mais par là même
sont
ramenées les antiques émotions paralysantes, obsédantes.
Le
refoulement implique la remontée.
Au
moment où il accepte pleinement la dynamique de la répression
parentale, il
affirme à nouveau l’existence du traumatisme in illo tempore, et
justifie le
refoulement En effet dans un texte de 1919, Un
enfant est battu, qui
expose le
parachèvement de la théorie du
fantasme, et
entérine totalement le
discours parental, il écrit: “Ce qui constitue le noyau de
l’inconscient
animique, c’est l’héritage archaïque de l’être humain, et ce qui
succombe au
procès de refoulement, c’est ce qui doit toujours être laissé de côté
lors de
la progression vers des phases de développement ultérieurs, comme étant
inutilisable, comme étant incompatible avec le nouveau et nuisible à
celui-ci”[66].
Une
fois encore le refoulement apparaît comme le procès fondamental pour
accéder à
la civilisation, on pourrait dire à l’état normal, c’est-à-dire sain
pour la
société.
Pour
bien comprendre les essais de S. Freud publiés à partir de 1919, date à
partir
de laquelle il va connaître divers traumatismes en rapport à des
personnes
chères et qu’il va somatiser, comme cela se révèlera nettement en 1923
avec son
cancer, il convient de faire une incidente théorique. A chaque
rejouement non
compris, c’est-à-dire qui ne conduit pas à l’accès à une perception
consciente
de ce qui se rejoue et donc de ce qui fut, il y a sédimentation d’un
quantum émotionnel
supplémentaire. D’où
la difficulté de plus en plus grande de limiter les remontées car la
masse du
refoulé devient énorme et par, un phénomène d’isostasie, il tend à
remonter. A
un moment donné - cas limite, catastrophe - aucun élément de la
réalité, en
dehors de l’individu, n’est nécessaire
pour activer l’empreinte et
provoquer une remontée du refoulé. Le procès devient
totalement endogène
et autonome. Ce sont les représentations
de l’individu lui-même qui mettent en branle le flot des
émotions. Il
sort du monde immédiat où il vit, ici et maintenant, mais reste englué auprès de soi
(le bei sich de
W. Hegel), c’est le maximum de repli et de
protection (autisme). Il peut mieux dominer son procès de vie puisque
la scène
des rejouements se réduit à lui-même,
devenant le support de la diversité de ces derniers[67].
Dés
lors c’est la folie. L’évocation de W. Hegel nous conduit à une
remarque
importante: dans le dépassement, Aufhebung,
se loge le refoulement.
Un
autre phénomène exprime la puissance des remontées et l’essai de les
enrayer,
de les fixer: la somatisation. Celle-ci indique en fait le résultat,
comme le
cancer de S. Freud, par exemple. Mais le procès par lequel celle-ci est
réalisée je le nommerai somatose qui est le pendant de la psychose. Ce
disant,
apparaît alors
l’inadéquation de ce mot
pour désigner le comportement d’adaptation, de survie des hommes et des
femmes
à la domestication. Psychose ne fait référence qu’à la dimension
psychique.
Nous avons utilisé ce mot pour signifier qu’au départ c’est au niveau
de la
psyché que l’ébranlement se réalise induisant l’état hypnoïde.
Toutefois, en
réalité, il y a simultanément somatose. Dés lors pour indiquer que
l’affection
concerne l’être dans son entier, je préférerai parler d’ontose[68].
Et
en français ce mot évoque la honte qui est comme le voile devant la
culpabilité, fondement de ce que nous avons précédemment appelé
psychose, remplacée
dorénavant par ontose. Pour être complet il faut signaler que le
traumatisme
initial et ses rejouements induisirent
non seulement l’état hypnoïde, dont nous avons parlé et
qui concerne la
dimension psychique, mais un état hystéroïde affectant la dimension
somatique.
Il se caractérise par la manifestation spontanée de troubles somatiques
tels
qu’ils se sont imposés lors du traumatisme.
Revenons
à S. Freud. Avec Au delà du principe de
plaisir 1920, il n’inhibe plus sa tendance à
spéculer[69].
Il
avait fait de même pour la rédaction de Totem
et tabou, mais dans ce cas cela concernait une époque réculée
de la vie de
l’humanité. En revanche il s’est masqué pour Le
Moïse de Michel-Ange qu’il publia de façon anonyme. Dans Au delà du principe de plaisir confluent
tous les apports des textes que nous avons examinés et se manifestent
des
remontées pour ainsi dire personnifiées par Eros: la puissance du
phénomène
vie, et thanatos la mort ou, plus exactement, l’angoisse de la mort
qu’il
connut tout petit enfant. A ce propos disons que S. Freud parle souvent
d’angoisse
de mort. En réalité, il faut y
insister,
au niveau de l’enfant il n’y pas d’angoisse de mort, mais la mort est
le nom
donné à cette
angoisse qui nous[70]
prive de la jouissance du phénomène vie. La non continuité avec la mère
met un
abîme entre nous et ce dernier; et cet abîme est à la fois
représentation et
support de l’angoisse. On trouve également l’interprétation d’un
comportement
contradictoire: la recherche d’un déplaisir, grâce au concept de
compulsion de
répétition.
Pour
comprendre sa démarche il faut rappeler qu’il s’est replié sur
lui-même, comme
pour se mettre à l’abri non pas tellement contre ce qui vient de
l’extérieur,
mais contre ce qui provient de son intérieur: les remontées. Or
celles-ci sont
mises en mouvement par des faits extérieurs: dans la réalité il y a des
éléments qui activent les empreintes internes et provoquent ces
dernières. En
conséquence il retrouve les névroses traumatiques.
“A la
suite de graves commotions mécaniques, de catastrophes de chemins de
fer et
d’autres accidents mettant la vie en danger, on voit survenir un état
qui a été
décrit depuis longtemps et a gardé le nom de “névrose traumatique”. La
guerre
effroyable qui vient de se terminer a provoqué un grand nombre
d’affections de
ce type (...) Le tableau clinique de la névrose traumatique se
rapproche de
celui de l’hystérie par sa richesse en symptômes moteurs similaires;
mais en règle
générale, il le dépasse par
ses signes
très prononcés de souffrance subjective, évoquant par là l’hypocondrie
ou la
mélancolie, et par les marques d’un
affaiblissement et d’une perturbation bien plus généralisée des
fonctions
psychiques”[71].
S.
Freud se sent profondément vulnérable. Il doit se protéger. Pour cela
il opère
de deux façons: le repli sur soi, l’intériorisation qui le conduit à
prévilégier l’innéité et donc à tendre à transformer ce qui est acquis
en inné,
ou une dynamique contraire qui postule une certaine acceptation du
milieu, où
il y a tendance à développer l’acquisition, à se créer des organes.
Mais ces
deux modes d’opérer ne sont pas séparés; ils tendent parfois à opérer
simultanément. En outre le premier mode d’être semble être déterminé
par ce
qu’il appelle le principe de plaisir qui serait immédiat, le second par
le
principe de réalité, impliquant l’existence de multiples médiations.
Quel
est le contenu du plaisir? la stabilité et il affirme ce qu’il avait
déjà écrit
dans l’Esquisse et dans la Métapsychologie: ”... l’appareil
psychique a une tendance à maintenir aussi bas que possible la quantité
d’excitation présente en lui ou du moins à la maintenir constante[72].
Et
il ajoute: “Le principe de plaisir se déduit du principe de constance;
en
réalité le principe de constance a
été
inféré à partir des faits qui nous ont forcé à admettre le principe de
plaisir”[73].
Le
principe de constance, auquel se réfère S. Freud depuis le début de ses
recherches, et qu’il transcrit dans son texte avant les citations
reportées
ci-dessus, a été formulé par G..Th. Fechner[74]:
“Pour autant que les stimulations conscientes sont toujours en rapport
avec du
plaisir ou du déplaisir, on peut aussi considérer le plaisir et le
déplaisir
comme étant en relation psychophysique avec les conditions de stabilité
et d’instabilité.
Ceci permet de fonder cette hypothèse que je me propose de développer
ailleurs:
tout mouvement psychophysique qui passe le seuil de la conscience est
affecté
de plaisir dans la mesure, où, au-delà d’une certaine limite, il se
rapproche
de la stabilité complète, et affecté de déplaisir dans la mesure où il
s’en
éloigne au-delà d’une certaine limite; entre ces deux limites que l’on
peut
caractériser comme seuils qualitatifs du plaisir et du déplaisir, il
subsiste
une certaine zone d’indifférence esthétique...”. La stabilité de G.
Th.Fechner
présente de fortes ressemblances avec la permanence de Bouddha[75].
Par
delà ces deux notions ce qui est probablement visé c’est l’invariance,
celle du
phénomène vie dans le cosmos et qui s’exprime au niveau de chaque
homme, de
chaque femme par la perception d’une présence continue au sein du
continuum qui
n’exclue ni la stabilité-permanence, ni l’instabilité-impermanence - le
changement.
Pour
comprendre ce qui se loge au-delà du principe de plaisir, il faut tenir
compte
de ce que S. Freud appelle pulsions. Ce sont des phénomènes qui
permettent de
comprendre la dynamique psychique et, ce qui est important tout de
suite de
noter, c’est le phénomène de pulvérisation: l’instinct phénomène
unitaire est
remplacé par une série de pulsions regroupées en un dualisme: les
pulsions
sexuelles d’une part et les pulsions de moi ou d’autoconservation de
l’autre.
L’introduction du narcissisme vint compliquer cette théorisation. J’ai
déjà
indiqué le rapport entre ce dernier et la constatation que fit S.Freud
du repli
sur lui, en lui. Le cheminement de ce dernier c’est de tendre à se
dévoiler,
sans jamais s’atteindre. Nous y reviendrons.
Or
cette dualité modifiée par le narcissisme n’est plus suffisante pour
expliquer
ce qui se produit lors des névroses traumatiques. “L’étude du rêve peut
être
tenue pour la voie la plus sûre dans l’exploration des processus
psychiques des
profondeurs[76].
Or la vie onirique des névroses traumatiques se caractérise en ceci
qu’elle
ramène sans cesse le malade à la situation de son accident, situation
dont il
se réveille avec un nouvel effroi. C’est là un fait dont on ne s’étonne
pas
assez. On voit, dans l’insistance de l’expérience traumatique à faire
retour
même dans le sommeil du malade, une preuve de la force de l’impression
qu’elle
a produite. Le malade serait, pour ainsi dire, fixé psychiquement au
traumatisme”[77].
Après
cette constatation, il pose le problème.
“Si
nous ne voulons pas que les rêves de la névrose d’accident viennent
bouleverser
notre thèse de la tendance du rêve à accomplir le désir, il nous reste
peut-être la ressource de dire que dans cette affection la fonction du
rêve,
comme bien d’autres choses, est ébranlée et détournée de ses fins, à
moins
d’invoquer les énigmatiques tendances masochistes du moi”[78].
Ce qui se révèle c’est qu’il y a un état où le principe de plaisir n’est pas opérant. C’est l’état hypnoïde provoqué par le traumatisme et S. Freud note bien que le malade est fixé à lui. Cet état est latent et se manifeste parfois dans les rêves, ce qui explique la récurrence de certains de ceux-ci. Il ne le perçoit pas mais découvre le phénomène qui en découle: la compulsion de répétition. Dit simplement, on peut affirmer que le traumatisme a provoqué un blocage d’un procès et que le patien
t essaie
constamment, au travers d’un revécu, qui demeure inconscient,
d’achever celui-ci, ce qui lui impose de repasser par la phase
douloureuse à
laquelle il semble fixé. Voilà pourquoi S.Freud écrit “que la
compulsion de
répétition doit être attribuée au refoulé inconscient”[79]
. Et
il précise, à la page suivante: “Mais le fait nouveau et remarquable qu’il nous faut maintenant
décrire tient en
ceci: la compulsion de répétition ramène aussi des expériences du passé qui ne comportent
aucune possibilité
de plaisir et qui même en leur temps n’ont pu apporter de satisfaction,
pas
même aux motions pulsionnelles ultérieurement trouvées”.
Après
avoir individualisé la compulsion de répétition chez les névrosés
traumatiques,
il la décèle dans le jeu des enfants - phénomène sur lequel nous
reviendrons -
puis il l’aborde chez des non névrosés. “Ce que la psychanalyse révèle
dans les
phénomènes de transfert chez les névrosés peut être retrouvé dans la
vie de
certains personnes non névrosées. Celles-ci donnent l’impression d’un
destin
qui les poursuit, d’une orientation démoniaque de leur existence, et la
psychanalyse a d’emblée tenu qu’un tel destin était pour la plus grande
part
préparé par le sujet lui-même et déterminé
par des influences de la petite enfance[80].
La
compulsion qui se manifeste là n’est pas différente de la compulsion de
répétition des névrosés, même si les personnes en question n’ont jamais
présenté les signes d’un conflit névrotique aboutissant à la formation
de
symptômes”[81].
Ici,
nous le préciserons ailleurs, S.Freud parle de lui-même, de son destin.
Ce
n’est pas un hasard s’il s’est découvert le complexe d’Oedipe. Le
traumatisme
le poursuit, voilà pourquoi il parle “des influences de la petite
enfance”,
qu’il rappelle son affirmation de 1893 (faite avec J. Breuer): “les
hystériques
souffrent en grande partie de réminiscences”. Sa dynamique est de voir
chez les
autres pour ne pas voir en lui-même et par là parvenir à maîtriser en
le
nommant ce qui l’affecte profondément.. Ainsi se manifeste ce qu’il a
appelé Bemächtigungstrieb, pulsion
de maîtrise
ou d’emprise. Celle-ci se greffe en fait sur la dynamique de
l’intervention
présente chez tous les êtres vivants et particulièrement opérante chez
Homo
sapiens. Cela lui permet de s’oublier, d’où le maintien de sa pratique
psychanalytique jusque dans le tard de sa vie.
La
compulsion de répétition remet donc en cause le principe de plaisir
ainsi que
la dichotomie des pulsions qui lui était liée. En conséquence S. Freud
fonde
une nouvelle dualité: les pulsions de vie et les pulsions de mort et
précise ce
qu’il entend par pulsion: “ une pulsion
serait une poussée inhérente à l’organisme vivant vers le
rétablissement d’un
état antérieur que cet être vivant a dû abandonner sous
l’influence
perturbatrice de forces extérieures; elle serait une sorte d’élasticité
organique, ou, si l’on veut, l’expression de l’inertie de la vie
organique”[82].
Et
il en tire la conséquence: “si chercher à rétablir un état antérieur
constitue
un caractère si général des
pulsions,
nous n’avons pas à nous étonner de voir dans la vie psychique tant de
processus
s’effectuer indépendamment du principe de plaisir”[83].
L’on retrouve ensuite, de façon amplifiée, le thème de la vie en tant
qu’organisation en vue de la mort. “Si le but de la vie était un état
qui n’a
pas encore été atteint
auparavant, il y
aurait là une
contradiction avec la
nature conservatrice des pulsions. Ce but doit bien plutôt être un état
ancien,
un état initial que le vivant a jadis abandonné et auquel il tend à
revenir par
tous les détours du développement. S’il nous est permis d’admettre comme un fait d’expérience
ne souffrant pas
d’exception que tout être vivant meurt, fait retour à l’anorganique,
pour des
raisons internes, alors nous ne
pouvons que dire: le but de toute vie est
la mort[84]
et, en remontant en arrière, le non
vivant était là avant le vivant”[85].
Nous
avons là une autre formulation du principe de constance, fondement de
la
réflexion feudienne, comme il le précise lui-même ultérieurement dans
son
texte. “On sait que nous avons reconnu dans la tendance à la réduction,
à la
constance, à la suppression de la tension d’excitation interne la
tendance
dominante de la vie psychique et peut-être de la vie nerveuse en
général (principe de Nirvana, selon
une
expression de Barbara Low) comme l’exprime le principe de plaisir; nous
trouvons là l’un de nos plus puissants motifs de croire en l’existence
de
pulsions de mort”[86].
Cette référence au bouddhisme signale certes l’influence de A.
Schopenhauer,
mais aussi quelque chose de profond en lui: la tendance au repli, à une
peur de
faire, au désir de rester en soi, de ne pas évoluer, à un certain
autisme. En
effet la pulsion de mort peut être celle de sa propre mort ou celle de
donner
la mort. Or S. Freud parle du désir de tuer le père. La pulsion de mort est justification de ce
désir, d’où
l’affirmation simultanée - ambivalente - de Eros (le plaisir) et de Thanatos. Dés lors pour
ne pas tuer,
rejouement du meurtre originel, il doit mourir. Cela veut dire que la
pulsion de
mort est puissamment lestée du sentiment de culpabilité. Pour abolir
celle-ci
il n’y a que la mort.
Faisons
une pause pour loger une remarque. Il est clair que tout ce qu’il
expose dans
ces pages est,
comme nous le montrerons
et l’analyserons ailleurs, le produit d’une remontée. D’ailleurs, page
84, il
écrit: “Mais reprenons-nous: il ne peut en être ainsi”. Veut-il dire
par là que
ce qu’il a écrit est le produit d’une illusion, particulièrement en ce
qui
concerne l’état ancien, abandonné
qui
pourrait être un paradis perdu?
Or,
brièvement qu’est-ce qui a pu induire cette remontée? “L’absence d’un
pare-excitations qui protège la couche corticale réceptrice contre les
excitations en provenance de l’intérieur entraîne la conséquence que
les
transferts d’excitation interne acquièrent
une importance économique prépondérante et occasionnent
souvent des
perturbations économiques comparables aux névroses traumatiques”[87].
C’est
de constater, à la suite des traumatismes subis qui sapent son édifice
théorique, son édifice de sécurisation, l’absence de protection
efficace qui le
ramène au stade de petit enfant sans défense, à la merci des autres.
C’est,
au-delà de cette saisie immédiate, la désillusion de se rendre compe
qu’il n’a
pas été protégé. Ici s’achève notre pause.
Dans
les pages qui suivent -
après qu’il se
soit ressaisi - il va généraliser le phénomène, ce qui est un moyen de
le
diluer et donc de diminuer la souffrance qui l’assaille. C’est un moyen
également de l’éliminer. Et là nous retrouvons l’importance du langage
verbal.
Dire permet d’éliminer ce qui nous affecte: les déchets de la vie
affective. S.
Freud a été impressionné par les expériences sur les protozoaires qui,
cultivés
sur des milieux renouvelés, peuvent vivre presque indéfiniment.
L’obstacle à la
longévité dériverait de l’accumulation des déchets. Dire permettrait de
confirmer le flux de vie, la continuité.
Dans
cette généralisation se glissent des affirmations qui ne me semblent
pas
valables. Ainsi, il écrit: “... que nous avons dans les faits de
l’hérédité et
les faits de l’embryologie les preuves les plus éclatantes de la
compulsion de
répétition. Nous voyons que le germe d’un animal vivant est obligé de
répéter
dans son développement - ne fût-ce qu’en un rapide raccourci - la
structure de
toutes les formes dont l’animal descend au lieu de prendre la voie la
plus
rapide vers sa confirmation définitive” [88].
Cela ne se fait qu’une fois pour un être vivant donné, donc il ne
s’agit pas de
répétition mais d’une récapitulation, plus précisément d’évocation.
Dans le cas
d’Homo sapiens par exemple, il s’agit en partant du zygote d’utiliser
en
quelque sorte toutes les acquisitions du phylum pour parvenir à
manifester les
caractères fondamentaux de l’espèce qui permettent à chaque membre de
celle-ci
d’accomplir son procès de vie. A la même page, s’affirme une certaine
confusion
en ce qui concerne le phénomène de régénération. “De même, en remontant
dans la
série animale, on retrouve un large pouvoir de reproduction qui
remplace un
organe perdu par la néoformation d’un organe strictement identique”. Un
animal
n’a pas la compulsion à perdre un organe. Toutefois si cela advient il
peut -
tout au moins s’il appartient à certains groupes donnés - le régénérer.
Dans
les deux cas envisagés - surtout dans le premier - nous constatons
qu’il y a
affirmation d’un phénomène de mémoire. Dans le zygote il y a en mémoire
toutes
les phases du procès de vie parcouru par le phylum. On peut avancer
l’hypothèse
qu’elle se trouve dans les introns, segments des molécules d’ADN qui ne
s’expriment pas, à la différence des exons qui s’expriment et dont
l’expression
est l’organisme lui-même[89].
Ce
qui se trouve dans les introns reste inconscient, tandis que ce qui est
inclus
dans les exons en se manifestant parvient à être conscient. Abordé tel
que,
dans une dynamique superficielle, ceci pourrait valider l’affirmation
de S.
Freud, sur laquelle il conviendra de revenir, que mémoire et conscience
s’excluent.
En
mettant en évidence la généralité du phénomène de compulsion de
répétition,
cela lui permet de rejouer, de
revivre,
dans la représentation, le traumatisme afin d’en déjouer le maléfice[90].
Ce
n’est pas un hasard s’il le place
de
plus en plus loin dans le temps. Depuis S. Freud, les hommes et les
femmes ont
eu besoin de l’éloigner encore plus dans le passé. La théorie du
Big-bang le
situe quinze milliards d’années avant nous. Dés lors, on pourrait se
demander
comment l’univers actuel vit le traumatisme
initial, explosif et comment l’état antérieur à celui-ci
tend à se
réaffirmer? De quelle révolution
conservatrice s’agirait-il? En fait, la
théorie du Big-bang n’a d’opérationnalité que par rapport
aux peurs et
terreurs des hommes et des femmes
actuels et ne représente
pas la
réalité du devenir de l’univers. C’est
une sécurisation au coeur de l’incertitude de l’espèce. En effet au
cours de
ces quinze milliards d’années qui
nous
séparent du Big-bang, prévaudrait un principe anthropique qui, dans son
assonance et dans l’écoute qu’on peut lui accorder, résonne comme
principe entropique,
expression du désarroi de celle-ci.
L’exprimé,
dans la théorisation de S. Freud c’est ce qui est affirmé dans L’Ecclésiaste: “Il n’y a rien de nouveau
sous le soleil”[91].
Tout est compulsion de répétition, tout est rejouement. Une seule
action fut
nouvelle et
effectivement réelle: la
création pour Quohélet; quoi pour S. Freud?
Je
devrai revenir sur le contenu de l’avant-dernière citation de l’oeuvre
de ce
dernier. Mais dés maintenant, je puis dire qu’en quelques phrases il
présente
ce qu’on peut nommer la révolution progressiste, c’est-à-dire un procès
au
cours duquel l’espèce revient à un stade antérieur qu’elle avait
abandonné,
mais en intégrant toute une dynamique progressiste qui lui a fait
acquérir des
éléments tels que cet état antérieur, une fois retrouvé, est, pour
ainsi dire,
transmué en un état de positivité totale où l’espèce se réconcilie avec
elle-même et avec le reste de la nature et peut dés lors déployer
toutes ses
possibilités. C’est, définie de façon rapide, la position de K. Marx.
Il expose
de même la révolution conservatrice, procès au cours duquel l’espèce
revient à
un stade antérieur jugé comme celui où elle peut réellement affirmer sa
réalité. Il faut conserver un moment fondateur, c’est-à-dire
correspondant aux
fondements de l’espèce. Tout progrès est une illusion voire même une
perdition.
Il opère un éloignement vis-à-vis de la réalité
de l’espèce qui s’exprimait lors de ce moment antérieur.
C’est ce qu’ont
affirmé en substance tous les théoriciens de la révolution
conservatrice, dans
tous les pays où elle s’est affirmée. Elle apparaît comme une
complémentarité
de l’autre révolution.
S.
Freud prend partie pour la révolution conservatrice[92]
et
il nous présente le devenir historique de l’espèce en fonction de cette
dernière. Son exposition est une interprétation, une explication. A.
Bordiga en
1956 avança la thèse suivante: Une
explication historique est toujours une justification[93].
Que
voulait justifier S. Freud? A
quoi
voulait-il revenir? En ce qui concerne la seconde question, on peut
dire que
dans l’immédiat il désirait retrouver
l’unité supérieure, synthèse et donnée immédiate dont nous avons parlé
précédemment, qui avait été éliminée en 1918. Au-delà il recherchait
une autre
unité, une immédiateté: lui-même. Mais pour cela il devait en quelque
sorte
enjamber un traumatisme et traverser l’angoisse. Et ça, il ne le put.
Dit
autrement qu’est ce qui le poussa à rejouer? Question qu’il se pose en
utilisant la sexualité comme support; c’est toujours ainsi qu’il
l’envisage.
“Mais quel est donc l’évènement important dans le développement de la
substance
vivante que répète la reproduction sexuelle ou son précurseur, la
copulation de
deux individus chez les protistes”[94].
Il veut
voir quelque chose de difficilement perceptible et d’indicible. Chaque
fois il
se trouve placé devant ce qui l’obsède, quelque chose d’indéterminé, ce
qui le
travaille[95],
un ça, qu’il ne peut pas voir mais qu’il essaie de décrire, de
délimiter. C’est
à un ça qu’il fut réduit lorsqu’il subit le traumatisme, qu’il ne peut
pas
revivre, et qui induisit l’état hypnoïde qui, à mesure qu’il vieillit,
devient
plus manifeste. Dans son article il esquisse le dire de cet état
lorsqu’il
affirme ce que nous avons déjà cité: “La compulsion de répétition doit
être
attribué au refoulé inconscient”[96].
En
outre il accuse son dualisme. “ Notre conception était dés le début dualiste et elle l’est encore
aujourd’hui de façon plus tranchée, dés l’instant où les termes opposés
ne sont
plus pour nous pulsions du
moi -
pulsions sexuelles, mais pulsions de vie - pulsions de mort”[97].
Mais ce n’est pas tout.. On
sent qu’il
s’achemine vers un dualisme en ce qui concerne les topiques. Or, chez
lui, un
des fondements du dualisme est l’existence des deux sexes, supports du
père et
de la mère. Il
aimerait comprendre
l’origine de la sexualité.
Reportons à nouveau la citation concernant cette origine. “ Mais quel
est donc
l’évènement important dans
le
développement de la substance vivante que répète la reproduction
sexuelle ou
son précurseur, la copulation de deux individus chez les protistes”[98]?
Et
il se désole à la fin de l’article que: “La science
nous en apprend d’ailleurs si peu sur
l’apparition de la sexualité que l’on peut comparer ce problème à la
nuit
obscure où n’a pas
pénétré le rayon de
lumière d’une hypothèse”. En conséquence il se rabat sur le mythe de
l’androgyne exposé par Platon dans Le
Banquet. Il le fait uniquement parce que cette explication
mythique “fait
dériver une pulsion du besoin de rétablir
un état antérieur”[99].
Ce
qui nous amène à nous questionner à nouveau: que veut-il justifier en
expliquant? quel est l’état antérieur qu’il veut rétablir? Dés lors le
dualisme
de S. Freud résulte peut-être de son incapacité à retrouver l’unité, ce
qui
explique les remontées puissantes qu’opèrent en lui la théorisation de
C. G.
Jung. “La théorie de la libido de Jung est au contraire moniste; en
appelant
libido ce qui est pour lui l’unique force de pulsion, il ne pouvait que
créer
la confusion, sans que cela doive
nous
influencer davantage”[100].
Cette phrase, comme celle qui la précède, fut ajoutée en 1921. Elle
signale une
volonté de délimitation, comme cela apparaît nettement dans celle de la
page
précédente et qui, elle, n’a pas été ajoutée ultérieurement: “ Mais
alors il
faudrait donner raison (...) aux novateurs comme Jung qui, hâtivement
(ce mot
signale sa remontée, n.d.r), ont utilisé le terme de libido dans le
sens de
“force de pulsion” en général.” Mais, en même temps, elle exprime qu’il
a été
influencé. Il reconnaît que l’unicité le préoccupe. Nous verrons que ce
qui le
gène en C. G; Jung c’est quelque chose qu’il a en lui.
D’autres
données opèrent probablement dans le fait qu’il cite le mythe de
l’androgyne.
C’est peut-être une autre façon de parler de la bisexualité,
théorisation qui
tend à conjurer la séparation des sexes, de même que c’est l’expression
de son
désir d’échapper à la mère, comme chez Platon. S’il y a androgynie, il
n’y a ni
père, et, surtout, ni mère.
A
la fin de l’article il est assailli par le
doute. Il cesse de spéculer. “Je crois que le moment est venu
d’interrompre
cette spéculation”[101].
Il
se dit non convaincu du résultat de cette dernière. C’est comme s’il
réalisait
la vanité de l’effort entrepris pour se structurer, se sécuriser, la
vanité de
la spéculation. Puis il se défie de lui-même. Il est donc réabsorbé par
le
doute et à la fin de l’article il exprime son désespoir. “Le principe
de
plaisir semble être en fait au service des pulsions de mort”[102].
Il
se console en citant un poète, Rückert: “Boiter, dit l’écriture n’est
pas un
péché”[103].
Ce qui est, encore une fois fort révélateur de la culpabilité qui le
hante.
Ainsi
en dépit de l’immense construction théorique, refoulante et
recouvrante, la
voix du petit enfant sous terreur se fait entendre. Elle lui devient de
plus en
plus insupportable, comme le sera le cancer qui se déclenchera en 1923,
support
de plusieurs rejouements.
Cette
construction n’élimine pas non plus la grande confusion qu’engendra en
lui le
traumatisme et qu’on sent se manifester dans cet article. Or, la confusion est une
composante essentielle
de l’ontose.
Inlassablement
S. Freud poursuit son effort théorique pour sortir de la confusion, de
l’état
hypnoïde, étant donné que la levée des illusions, l’écroulement des
représentations favorisent la manifestation de cet état. En conséquence
l’importance de l’hypnose va
s’affirmer
de plus en plus. L’essai Psychologie des
foules et analyse du moi de 1921 constitue un exposé sur la
puissance de
cette dernière. On peut dire que ce qu’il ressent chez lui, il le voit
en
action dans la formation des foules[104]. C’est cela qui m’intéresse et dont je m’occuperai et
non du problème des
masses - terme que je préfère à celui de foules
- problème qui préoccupa beaucoup de théoriciens depuis la
fin du
siècle dernier[105]. Le point de départ de l’étude de S.
Freud est l’analyse du livre de G. Lebon Psychologie
des foules. Or que relève-t-il dans ce livre: l’importance de
l’inconscient[106]
et
celle de l’hypnose. Ainsi après la citation suivante qu’il fait du
livre de ce
dernier:
“Donc,
évanouissement de la personnalité consciente, prédominance de la
personnalité
inconsciente, orientation par voie de suggestion et de contagion des
sentiments
et des idées dans un même sens, tendance à transformer immédiatement en
actes
les idées suggérées, tels sont les principaux caractères de l’individu
en
foule. Il n’est plus lui-même, mais un automate que sa volonté est
devenue
impuissante à guider.”
Il
affirme: “ J’ai fait cette citation aussi longue pour confirmer que Le
Bon
définit l’état de l’individu dans la foule comme étant véritablement
hypnotique...”[107].
J’envisagerai l’hypnose, de la façon la plus approfondie qu’il me sera possible, dans Advenir. En prévision de cela je tiens à faire noter que S. Freud a été frappé par la caractérisation de G. Lebon en ce qui concerne l’hypnose: l’automatisme avec perte d’efficience de la volonté personnelle. Or, c’est fondamental, comme l’est l’autre caractère, mis en évidence dans une autre citation: la paralysie. “Le prestige est une sorte de domination qu’exerce sur nous un individu, une oeuvre, une idée. Cette domination paralyse toutes nos facultés critiques et remplit notre âme d’étonnement et de respect. Elle pour
rait provoquer
un sentiment du même ordre
que celui de la fascination de l’hypnose”[108].
Une
autre raison, non manifestée, préside au fait que S. Freud mette en
relief la
question de l’inconscient et de l’hypnose chez G. Lebon ( et chez
d’autres
auteurs d’ailleurs), c’est le fait que le livre de ce dernier date de
1895,
moment où il abandonna la pratique de l’hypnose au profit de la libre
association. A ce sujet voici ce qu’il écrit dans le chapitre au titre
fort
significatif: Suggestion et libido:
“On est ainsi préparé à déclarer que la suggestion (plus exactement
l’aptitude
à être suggestionné) est justement un phénomène originaire qu’on ne peut réduire davantage, un fait
fondamental de la
vie psychique de l’homme. C’est ce que pensait aussi Bernheim, des
étonnants
tours d’adresse de qui j’ai été témoin en 1889. Mais je n’ais pas perdu
le
souvenir d’une sourde hostilité qu’alors j’éprouvais déjà contre cette
tyrannie
de la suggestion. Lorsqu’un malade, qui ne se montrait pas docile,
était
apostrophé: que faites-vous donc? Vous
vous contre-suggestionnez! je me disais que c’était là
injustice patente et
acte de violence. L’homme avait à coup sûr droit aux
contre-suggestions. Ma
résistance s’est alors orientée ultérieurement vers la révolte contre
le fait
que la suggestion, qui expliquerait tout, devrait elle-même être
dispensée
d’explication (...)
“Si
maintenant, après m’être tenu à distance pendant quelque trente ans,
j’aborde à
nouveau l’énigme de
la suggestion, je
trouve que rien n’y a changé”[109]
Cette
citation confirme l’explication que j’ai donnée précédemment au sujet
de
l’abandon de l’hypnose par S.Freud lors de la cure psychanalytique. On
constate
parfaitement qu’il s’identifiait au malade et que c’est lui, petit
garçon, qui
refusait de subir à nouveau une hypnotisation, rejouement de celle
qu’il avait
subie lors du non accueil par sa mère. La réaction des malades lui fut
un
support pour pouvoir revivre quelque chose d’insupportable qu’il put
rejeter en
tant qu’adulte mais qu’il dut subir tout petit enfant. En conséquence
il dut
rejouer.[110]
Cette fois c’est le livre de Le Bon, en particulier, qui lui sert de
support. Il
se justifie et, en même temps, manifeste son regret d’avoir abandonné
l’hypnose
en tant que facteur étiologique. Ceci apparaît bien dans le fait qu’il
mentionne l’hystérie en liaison avec l’hypnose. “Un symptôme hystérique
se
fonde sur un fantasme et non sur la répétition d’une expérience
réellement
vécue, une conscience obsessionnelle
de
culpabilité sur l’existence d’un mauvais dessein qui n’est jamais
arrivé à
éxécution. Et même, comme dans le rêve et dans l’hypnose, dans
l’activité
psychique des foules, l’épreuve de réalité disparaît face à l’intensité
des
motions de désir
investies
effectivement”[111]. Or,
G. Lebon fait appel en plus de la suggestion à la contagion des sentiments et des idées
pour expliquer la
formation des foules. Ce dernier phénomène fut également évoqué à la
fin du
siècle dernier pour expliquer l’hystérie. Mais il dit plus. En effet si nous remplaçons
suggestion par séduction
dans la dernière phrase de l’avant-dernière citation, nous avons: j’aborde à nouveau l’énigme de la séduction. On sent bien
qu’il parle de lui. Il
s’agit toujours du traumatisme qui a induit l’état hypnoïde,
traumatisme qu’il
ne peut voir et qu’il transmue en fantasme comme, et ce n’est pas un
hasard,
cela est exprimé dans la dernière citation. En conséquence la séduction
demeure
une énigme en dépit de tout l’effort théorique qu’il a produit et qui
lui a
permis de mettre au point: complexe d’Oedipe, théorie des puls
Enfin
citons ceci: “Ce que nous enseignent ces trois sources, nous pouvons le
résumer
comme suit: premièrement l’identification est la forme la plus
originaire du
lien affectif à un objet; deuxièmement, par voie régressive, elle
devient le
substitut d’un lien objectal libidinal, en quelque sorte par
introjection de
l’objet dans le moi; et troisièmement, elle peut naître chaque fois
qu’est
perçue à nouveau une certaine communauté avec une personne qui n’est
pas objet
des pulsions sexuelles. Plus cette communauté est significative, plus
cette
identification partielle doit pouvoir réussir et correspondre ainsi au
début
d’un nouveau lien”[112].
Dans le chapitre
Etat
amoureux et hypnose, il décrit bien la relation de dépendance
de l’enfant
vis-à-vis de papa et maman, relation hypnotique déterminée par la
répression
parentale et non pas consubstantielle à l’amour.
“Il n’y
a manifestement pas loin de l’état amoureux à l’hypnose. Les
concordances entre
les deux sont évidentes. Même soumission humble, même docilité, même
absence de
critique envers l’hypnotiseur comme envers l’objet aimé, même
résorption de
l’initiative personnelle; aucun doute, l’hypnotiseur a pris la place de
l’idéal
du moi. Simplement dans l’hypnose les rapports sont encore plus nets et
plus
intenses, si bien qu’il conviendrait plutôt d’expliquer l’état amoureux
par
l’hypnose que l’inverse. L’hypnotiseur est l’objet unique, à côté de
lui nul
autre objet ne compte. Que le moi vive dans un rêve ce que
l’hypnotiseur exige
et affirme, rappelle que nous avons négligé de mentionner que, parmi
les
fonctions de l’idéal du moi, il y avait aussi l’exercice de l’épreuve
de
réalité”[113].
Toujours
à propos du même thème une dernière citation qui montre que la
confusion se
réimpose sous un voile théorique. “Mais d’un autre côté on peut dire
aussi que
la relation hypnotique est - si cette expression est permise - une
formation en
foule à deux. L’hypnose n’est pas un objet de comparaison avec la
formation en
foule parce qu’elle est bien plutôt identique à elle[114].
Si
l’un et l’autre du binôme se comportent comme au sein d’une foule,
c’est que
chacun des composants du couple est le support
d’une foule de transferts et de rejouements. Plus celui-ci est uni, réussi, fermé sur
lui-même, plus
effectivement l’état hypnoïde peut se manifester chez les deux
partenaires.
Mais quel rapport avec la vie naturelle?
S.
Freud a vécu dans la séparation et l’entérine. Or, la séparation
détermine l’état
hypnoïde lequel,
une fois établi, inhibe la perception
de la continuité, et donc empêche de vivre l’immédiateté. C’est
pourquoi l’idée
que tout homme, toute femme est simultanément individualité et
Gemeinwesen lui
est totalement étrangère. Pour expliquer la vie en commun il doit faire
appel à
une médiation: la pulsion grégaire. Or la pulsion est elle-même une
médiation
entre le soma et la psyché[115].
Au
sein des relations humaines, là où il y a médiation, surgit le possible
de la
domination. “Risquons-nous donc à corriger l’affirmation de Trotter:
l’homme
est un animal de troupeau, en
disant
qu’il serait plutôt un animal de horde,
être individuel d’une horde menée par un chef”[116]. Il est évident que le
psychisme d’un tel être
auquel se réfère S. Freud n’a que quelques points communs avec celui
originel,
non infesté par l’ontose, de l’homme, de la femme.
“Il
n’est malheureusement pas facile de suivre l’ontogenèse de la pulsion
grégaire.
L’angoisse du petit enfant, quand il est laissé seul, que Trotter
revendique
déjà comme manifestation de la pulsion, suggère
cependant une autre interprétation. Elle concerne la mère,
plus tard
d’autres intimes, et elle est l’expression d’une nostalgie inassouvie
dont
l’enfant ne sait encore rien faire d’autre que la transformer en
angoisse”[117].
Ainsi c’est la manifestation ontosique qui est présentée comme
fondement des
relations interhumaines. C’est la négation de l’être féminin, humain,
qui est
présenté en tant que positivité. En outre, on constate que réapparaît
le thème
de l’angoisse, thème qui sera encore plus manifeste dans les oeuvres
ultérieures.
Ce qui
est poignant, c’est de se rendre compte que S. Freud sent où est sa
menace
interne, ce qui l’angoisse obsessionnellement: la relation à sa mère,
celle où
se loge le traumatisme initial dont le souvenir le hante et qu’il veut
conjurer[118].
Il
va encore théoriser pour conjurer et ce sera Le
Moi et le Ca, 1923. C’est un texte charnière fondamental dans l’oeuvre de S. Freud
qui donne sa
réalité à la psychanalyse. Je veux dire par là que c’est en général aux
concepts de ça, de moi et de sur-moi, qui y sont exposés, que l’on se
réfère
quand il est question de psychanalyse.
Le premier chapitre s’intitule Conscience et inconscient. “La division du psychique en conscient et inconscient est la présupposition fondamentale de la psychanalyse: elle seule lui donne la possibilité de comprendre les processus pathologiques aussi fréquents qu’importants de la vie de l’âme, et de les faire entrer dans le cadre de la science. Encore une fois[119] et en d’autres termes: la psychanalyse, ne peut situer l’essence du psychique dans la conscience, mais doit considérer la conscience comme une qualité du psychique qui peut s’ajouter à d’autres qualités ou rester absente”[120]. Ce préambule est une profession de foi et un programme: faire entrer dans le cadre de la science. C’est aussi une entreprise de sécurisation. Voyons de plus prés. Le problème n’est pas qu’on ait pensé que l’essence du psychique résidât dans la conscience, mais que l’acte conscient, la conscience fut la forme supérieure de l’expression du psychique; que c’est cela qui caractériserait l’espèce humaine et la distinguerait des autres êtres vivants. De là à penser que vivre, pour l’homme, la femme, était vivre conscient, il n’y avait qu’un pas. De là aussi le délire sur la conscience, particulièrement, après la révolution française, comme nous l’avons noté à propos de l’oeuvre de K. Marx. Mais tout délire appelle en compensation un contre-délire et le mouvement romantique insista sur le côté obscur de l’âme humaine - la clarté étant attribuée à la conscience - sur ce qui est inconscient, entendu comme non conscient, et à exalter même la folie. Dés lors, et le phénomène s’enracine loin dans l’histoire de l’espèce, l’inconscient allait être attribué à la folie. Pour le commun des mortels, dans sa pratique immédiate, être inconscient c’est être fou. Que veut-on dire quand nous nous exclamons: tu es fou? interrogation qui est à la fois
la conjuration
d’une profonde peur. C’est pour
cela aussi qu’il est souvent parlé d’inconscient pour ne pas s’occuper
de la
folie. D’autre part divers théoriciens insistèrent sur la parenté entre
génie
et folie et sur le fait que ce serait dans un état non conscient,
sous-entendu,
non répressif de quelque chose, que tout homme, toute femme, peut
exprimer son
propre génie[121].
Or que dit S. Freud? Il parle des processus
pathologiques aussi fréquents qu’importants de la vie de l’âme.
Donc chez
chacun d’entre nous, normaux, il y a du pathologique et ceci est révélé
grâce à
des processus inconscents[122].
Ce
serait même le pathologique, l’inconscient qui exprimerait le mieux
notre
originalité mais que nous ne pouvons pas manifester. Mais par là il a
entériné
une confusion; il ne l’a pas éliminée. La meilleure preuve c’est la
floraison
des mouvements qui accordent ou accordèrent la prééminence à
l’inconscient, à
la folie après ce que d’aucuns ont appelé la révolution freudienne.
Certes il
n’est pas responsable du mouvement surréaliste,
par exemple, mais l’ambiguïté, la non levée d’un doute
avec
l’interrogation: l’inconscient est-il folie? [123]
que
contient son oeuvre, a favorisé ce délire. Enfin, il y a une dimension
non
perçue: la tentation de la folie, comme tentative de briser un
interdit,
d’aller au-delà, le conscient apparaissant alors comme étant le
conformisme!
Dit autrement il est interdit d’être fou, parce que la folie est la
révélation
la plus puissante de l’aberration d’avoir quitté le reste de la nature.
C’est
une remise en cause qui est insupportable. Cependant, là encore avec le
mouvement du capital, il y a dépassement de l’interdit en l’intégrant
dans la
combinatoire.
Ceci
n’épuise pas, tant s’en faut, la question de la folie. Pourquoi
l’espèce
humaine est-elle tentée par elle, tout particulièrement dans l’aire
occidentale? C’est
certainement en
rapport ave sa dynamique de sortie du reste de la nature. La folie est
un autre
interdit, complémentaire à celui vis-à-vis de la continuité. Il est
interdit de
devenir fou, de se résorber en soi-même, de réaliser ce que j’ai défini
le
solipsisme de l’espèce. Or, comme tout interdit, il engendre le désir
de
l’enfreindre, de le violer. Cela s’exprime par la tendance
irrépressible à
vouloir accomplir à elle seule tout le procès de vie et donc à exclure
de ce
dernier toutes les autres espèces, en
les remplaçant par des machines, ses propres appendices,
et en plongeant
dans la virtualité. A
partir de là, elle
va plus loin: vivre en escamotant le procès de vie. Dés lors, on en
vient à se
demander si, originellement, elle ne s’est pas sentie exclue. Dans ce
cas le
mythe de la mise hors paradis témoignerait bien des racines de sa folie
et, tout membre de
l’espèce recèle,
vis-à-vis d’elle, une fascination; fascination qui, au niveau
spécifique, est
logée en des procès inconscients bien déterminés, mais se manifeste
dans la
réalisation de procès aberrants. La tentative de produire des êtres
transgéniques en est un exemple récent[124].
En
Orient, surtout en Inde, l‘inconscient a plutôt la figure de
l’illusion, de la
maya; ce qui explique la fascination pour le nirvana, le lieu où il n’y
a plus
d’illusion. L’acte conscient suprême est de s’abolir, de s’intégrer en
ce
dernier. A ce propos, il convient de noter
à quel point la réflexion sur l’inconscient, souvent nommé
subconscient,
est très ancienne et d’une grande profondeur en Inde. Cet inconscient
ou
subconscient a été perçu comme étant ce qui, dans l’homme, dans la
femme, empêche
l’accession à l’état de délivré[125].
Or, ceci est en connexion avec le devenir de l’aire hindoue. Là, la
puissance
de l’unité supérieure (communauté abstraïsée), en rapport, en dernière instance, à la
puissance de la
communauté originelle, a bloqué un devenir tel qu’il s’est opéré en
Occident.
En conséquence, en ce monde-là, il n’y avait pas de place pour advenir,
la
seule issue était de sortir de celui-ci, et de parvenir au nirvana. Et
en ce
point nous retrouvons la question de l’inconscient, parce que de
multiples
résistances inconscientes opèrent pour que l’illusion, la maya, ne soit
pas
dévoilée[126].
Revenons
à S. Freud. J’ai explicité, mais n’ai pas montré en quoi il y a
sécurisation.
Pour le faire je dois retourner à Au-delà
du principe de plaisir. C’est
dans
le chapitre 4 qu’il essaie d’expliquer ce qu’est la conscience. Or il
débute
par cette remarque essentielle. “Ce qui suit est spéculation, une
spéculation
qui remonte souvent bien loin et que chacun, selon ses dispositions
personnelles, prendra ou non en considération. C’est aussi une
tentative pour
exploiter de façon conséquente une idée, avec la curiosité de voir où
cela mènera”[127].
Or, nous l’avons vu, il recourt à la spéculation quand il s’assume et
qu’il lui
faut affronter une difficulté importante. En conséquence il est
important de
noter l’incertitude ainsi que la dimension de déculpabilisation que
contient la
seconde phrase. Ceci dit, comment définit-il la conscience? “ ...
on
accordera du moins à notre proposition: la conscience apparaît à la
place de la trace
mnésique[128] le mérite d’être une affirmation
relativement précise.
Le
système Cs se spécifierait donc en ceci qu’en lui à la différence de ce
qui se
passe dans tous les autres système psychiques, le processus
d’excitation ne
laisse pas derrière lui une modification durable des éléments du
système mais
se dissipe pour ainsi dire dans le phénomène de devenir conscient”[129].
Le
système conscient apparaît donc comme un système d’élimination. Dés
lors on
comprend bien la thérapie freudienne: rendre conscientes des émotions
inconscientes afin d’éliminer leur charge négative et c’est là que le
rôle du
langage verbal est fondamental. Dit autrement, la dynamique de S. Freud
est de
devenir conscient pour se libérer de toutes les excitations internes
qui le
menacent de l’intérieur. Or, nous l‘avons signalé toute la partie
spéculative
de Au-delà du principe de plaisir
qui
va de la page 65 à la page 108 consiste en un exposé des mécanismes de
protection psychique avec la mise en évidence des défauts de protection
en ce
qui concerne les excitations internes. La conclusion de cet exposé, qui
nous
reconduit d’ailleurs au préambule du Moi
et du Ca, est qu’il y a du pathologique dans l’homme, la
femme, déterminé,
conditionné par sa constitution naturelle. Grâce à l’intégration de
l’étude de
celui-ci dans le système de la science, opérant dés lors comme un
système
psychique supplémentaire, il est possible de résorber ce pathologique,
de le
dissiper vers l’extérieur. La science est perçue comme une entreprise
de
sécurisation-libération: un garde-fou.
Cette
citation recèle encore autre chose. Il
convient de rapprocher la caractérisation du système conscient: “le processus d’excitation qui se dissipe pour ainsi dire dans le
phénomène de devenir conscient de:
ce
qui supprime ce besoin, c’est la satisfaction”[130].
Autrement dit dans ce cas aussi le processus d’excitation se dissipe
dans la
satisfaction. Donc ce qui est conscient relève de la satisfaction, ce
qui est
inconscient de l’insatisfaction. Par là S. Freud nous révèle que
l’ennemi
intérieur dont nous avons parlé est l’être insatisfait qui ne peut
jamais
devenir conscient, en d’autres termes l’être refoulé, et, plus en profondeur, que ses
besoins fondamentaux
n’ont pas été satisfaits lui causant une immense souffrance qu’il a dû
refouler. Ce qui en dernière instance peut se traduire ainsi: l’ennemi
c’est le
refoulement. Mais ce serait rester dans la dynamique de l’escamotage,
celui de
la répression parentale qui cause l’insatisfaction due à la rupture de
la
continuité.
Voyons
comment il aborde
l’inconscient?
“Notre
concept de l’inconscient nous vient donc de la théorie du refoulement.
Le
refoulé est pour nous le prototype de l’inconscient. Mais nous voyons
qu’il y a
deux sortes d’inconscient: celui qui est latent[131],
tout en étant capable de devenir conscient, et le refoulé qui est en
soi, et
pour tout dire, incapable de devenir conscient. Notre compréhension de
la
dynamique psychique ne peut rester sans influence sur la nomenclature
et la
description. Le latent, qui n’est inconscient que d’un point de vue
descriptif[132],
et
non au point de vue dynamique, nous l’appellerons préconscient;
quant au nom d’inconscient,
nous le réserverons au refoulé qui est inconscient dans le
sens dynamique”[133];
Tout
cela manque de rigueur parce que n’est pas déterminée l’origine: le
refoulement. Il est laissé dans une indétermination qui fait qu’on ne
sait pas
si c’est un phénomène inné, naturel, ou acquis, culturel. Ce concept
signale la
limite de la dimension révolutionnaire de S. Freud. Il se rend bien
compte
qu’en mettant en évidence le refoulement il fait acte d’insubordination
puisqu’il est amené à parler d’un phénomène de répression. Mais il ne
peut pas
aller jusqu’au bout, voir où cette répression opère à l’origine pour
chaque
homme, chaque femme. Il s’est refusé à voir la répression parentale. En
l’admettant, voici comment on peut
concevoir les phénomènes. Les processus inconscients, dans la dynamique
naturelle, innée, se
caractérisent par
leur latence et par le fait qu’ils peuvent devenir - et ce de façon
réversible
- conscients. Il y a effectivement une dynamique, une fluidité. Le
concept de
préconscient ne peut désigner que le moment où ce qui est inconscient
est sur
le point de devenir conscient. Il traduit une idée d’affleurement,
d’émergence.
L’autonomisation du préconscient correspond à une volonté inconsciente
de
prévilégier le conscient. Toutefois en même temps cela traduit une
perception
limitée de ce qui est conscient. On est conscient d’une totalité, d’une
réalité, ce qui peut s’exprimer aussi en disant qu’on est présent à
elle.
Toutefois la motivation fait qu’on focalise notre attention sur des
éléments
déterminés de cette totalité qui
apparaissent en saillie, par
rapport au
reste. C’est le phénomène de forme et de fond analysé par les partisans
de la
psychologie de la forme. Autrement dit ce qui nous intéresse, nous
préoccupe
est pour ainsi dire supporté par le reste de la totalité dont il fait
partie.
Ce qu’on appelle le champ de conscience est pour ainsi dire infini, du
fait que
nous sommes présents à la totalité, mais pour intervenir pratiquement,
ou par
la pensée, nous prévilégions certaines données. Cela n’est pas sans
diverses
conséquences que je passerai sous silence, devant traiter tout cela
dans Advenir. Je ne veux ici
qu’apporter le
minimum de précision pour pouvoir à la fois situer l’apport de S. Freud
et son
rapport à tout ce qui a été produit ultérieurement par divers
théoriciens. En
revanche le terme de subconscient non employé par S. Freud désigne ce
qui forme
le substrat du
processus conscient.
En ce
qui concerne le refoulé c’est un acquis. Je garderai donc ce terme pour
désigner
tout ce qui tendait à devenir conscient et qui ne pouvait pas être
accepté
parce que support d’une
trop grande
souffrance et qui a subi une dynamique de refoulement, ainsi que ce qui
a été
réprimé, soit directement à cause de la répression parentale opérant
dans son
immédiateté, soit indirectement à cause d’une intériorisation de la
répression,
ce qui implique alors que les parents ou leurs substituts n’ont pas
besoin
d’être présents. De ce fait il y a des degrés de puissance dans le
refoulement,
et le refoulé est
plus ou moins éloigné
de l’état conscient. Ce qui le caractérise ensuite c’est comme le dit
S. Freud
l’impossibilité à devenir spontanément, naturellement, conscient, à
cause de
divers phénomènes de résistance. Ceux-ci se définissent comme étant des
phénomènes empêchant ce qui est refoulé de devenir conscient.
L’essentiel donc
c’est que c’est un phénomène acquis à un moment donné de l’évolution de
l’espèce et non quelque chose d’inné. Il a donc un caractère
transitoire et
disparaîtra inévitablement.
La
confusion chez S. Freud réside dans le fait qu’il assimile le refoulé à
l’inconscient puis qu’il affirme que l’inconscient
ne se limite pas à ce dernier. D’où: ”Nous
sommes amenés à reconnaître que l’Ics ne coïncide pas avec le
refoulé; il reste
exact que tout refoulé est ics,
mais
tout Ics n’est pas pour autant
refoulé. Une partie du moi également, et dieu sait quelle importante
partie du
moi, peut être ics, est
certainement ics.
Et cet Ics
n’est pas latent au sens du Pcs[134],
sans quoi il ne saurait être activé sans devenir cs
et on ne saurait
rencontrer d’aussi grandes difficultés pour le rendre
conscient. Nous
trouvant devant la nécessité de poser l’existence d’un troisième
inconscient,
un Ics non
refoulé, nous devons admettre que le caractère d’être
inconscient perd pour nous de son importance”. Il y a une certaine
inconséquence à faire une telle affirmation après avoir tant insisté
sur
l’importance de ce qu’il appelle l’inconscient. La suite du texte
indique une
impasse. “Il devient une qualité (ce
n’est donc plus une topique, n.d.r) aux multiples
significations, ne
permettant pas, comme nous l’aurions fait volontiers, d’en tirer des
conséquences étendues et exclusives. Nous devons pourtant nous garder
de le
négliger, car, en fin de compte, la propriété: conscient ou non, est
notre
unique fanal dans les tenèbres de la psychologie des profondeurs”[135].
Un
fanal qui est un fondement cela me semble assez confus.
Pour se repérer dans la confusion il ne lui
reste, en désespoir
de cause, qu’à se
rattacher à cette distinction. Nous pouvons ajouter que la volonté de
faire de
l’inconscient une topique, fut utopique. L’inconscient, c’est un nulle
part, un
insaisissable. Ce fut de même une uchronie puisqu’il fut impossible de
le
placer en un point quelconque du temps.
Comme
je l’ai déjà indiqué je reprendrai ceci de façon plus détaillée et je
signalerai la présence de phénomènes inconscients
dans le domaine biologique comme fondements
de processus conscients: acte volontaire ou perception consciente par
exemple.
Dans ce cas il y a continuité entre ce qui est inconscient et ce qui
est
conscient; il n’y a
pas réversibilité,
sauf s’il y a refoulement. Mais alors il ne s’agira pas de quelque
chose
d’inconscient, mais de quelque chose de refoulé. Il y a eu blocage d’un
procès
qui tendra constamment à tenter de s’achever; d’où le rejouement. J’ai
déjà
signalé le phénomène de la mémoire qui est complexe parce que la
mémorisation
peut être volontaire et consciente, involontaire et inconsciente; il en
est de même
de l’anamnèse. Dans ce dernier cas lorsque le procès est conscient il
apparaît
que des données conservées (traces mnésiques de S. Freud) dont on n’est
pas
immédiatement conscient, deviennent conscientes grâce à un procès de
conscientisation. Dit autrement, ces données, ces traces, sont
potentiellement
des souvenirs. Ils ne deviennent tels que grâce à ce procès. Et la continuité prévaut
entre tous ces
procès. Ici on
pourrait se représenter
l’ensemble de ces derniers comme ce qui permet de passer du potentiel à
l’acte,
le premier étant le latent ou inconscient, le second le manifesté ou
conscient.
On pourrait de même montrer que l’inconnu a la dimension de
l’inconscient, le
connu celle du conscient. Et, dans cette perspective, le procès de
connaissance
serait la médiation permettant de révéler une puissance plus vaste de
l’être
conscient ou, si l’on veut, l’étendue de la présence au monde. Avant de
clore
cette parenthèse, il est important d’indiquer que l’accès à
l’inconscient biologique
se fait grâce à l’existence de
processus pathologiques. Quand ils n’existent pas les savants les
créent. De
telle sorte qu’ils rejouent en définitive le traumatisme qu’ils ont
subi. La
nécessité de parvenir à sa connaissance les conduit de plus en plus à expérimenter sur l’homme
et,
significativement, sur les embryons. Expérimenter pour comprendre est
rejouer
pour voir.
Il est
difficile de savoir si S. Freud pensait à tout cela quand il parlait de
multiples significations. En
revanche il
semble certain qu’il n’ait pas eu en vue l’inconscient biologique tel
que nous
le présentons ici, plus exactement l’ensemble des phénomènes dont nous
ne
sommes pas conscients (qui
nous furent
inconnus[136])
mais qui sont à la base et en continuité avec ceux dont nous sommes
conscients.
Ce qui est certain aussi c’est que la confusion de S. Freud au sujet de
l’inconscient dérive du fait qu’il n’a pas perçu toute l’ampleur du
refoulement; le corollaire est: il n’a pas reconnu la puissance de la
répression parentale.
A la
fin du chapitre il définit le Moi. “Mais, à mesure qu’on avance dans le
travail
psychanalytique, on découvre que ces distinctions (Ics,
Cs,Pcs) elles aussi sont insuffisantes, insuffisantes du
point
de vue pratique. Parmi les situations qui mettent ceci en évidence,
nous relevons
comme décisive celle-ci: nous nous sommes formés la représentation
d’une
organisation des processus de l’âme dans une personne et nous
l’appelons le moi de cette
personne. C’est à ce moi
que se rattache la conscience”[137]
“Nous
devons substituer à cette opposition (conscient-inconscient, n.d.r) une
autre,
issue des rapports structuraux de la vie psychique: l‘opposition entre
le moi
cohérent et le refoulé qui est séparé de lui par clivage”[138].
C’est
pour expliquer la
partie
inconsciente ( “au
sens propre du terme”[139])
qu’il introduit la notion de Ca emprunté à G. Groddeck. “Je veux parler
de G.
Groddeck qui ne cesse d’insister sur le fait que ce que nous appelons
notre moi
se comporte dans la vie de façon essentiellement passive et que, selon
son
expression, nous sommes “vécus” par
des forces inconnues et impossibles à maîtriser. Nous avons tous
éprouvé de
telles impressions, même si elles ne nous ont pas dominé au point
d’exclure
toutes les autres, et nous n’hésitons pas à assigner aux vues de
Groddeck leur place
dans le corps de la science. Je propose d’en tenir compte en appelant
l’entité
qui part du système Pc et qui est
tout d’abord pcs le moi, et en
nommant, à la façon de Groddeck, l’autre partie du psychisme dans
laquelle le
moi se continue et qui se comporte comme ics,
le ça”[140].
Et
il précise: “Mais le refoulé lui aussi se fond avec le ça, il n’est
qu’une
partie de celui-ci”[141].
Il
y a continuité entre le moi et le ça, mais discontinuité entre le moi
et le
refoulé qui fait pourtant partie du ça. Que peut être la troisième
forme
d’inconscient dont
a parlé S.Freud et
qui elle aussi doit faire partie du ça. Il nous le signale quand, dans
la
citation où il introduit le ça, il affirme: nous
sommes “vécus” par des forces inconnues , et impossibles à maîtriser. Il décrit l’état hypnoïde
où nous sommes
effectivement inconscients. On n’est pas en présence d’un refoulé, mais
d’un
état déterminé par un choc hypnotique. Là tout est indéterminé, flou,
indiscernable, là on opère sous une suggestion que nous ne connaissons
pas.
Dans le ça il retrouve quelque chose qu’il avait provisoirement admis
avec J.
Breuer, puis avait rejeté, mais il ne peut pas le reconnaître en tant
que tel.
Il
donne ensuite des précisions. “Il est facile de voir que le moi est la
partie
du ça qui a été modifiée sous l’influence directe du monde extérieur
par
l’intermédiaire du Pc-Cs, qu’il est en quelque sorte une
continuation de la
différenciation superficielle. (...) La perception joue pour le moi le
rôle
qui, dans le ça, échoit à la pulsion. Le moi représente raison et bon
sens, par
opposition au ça qui a pour contenu les passions”[142].
Le
sur-moi ou idéal du moi est mis en relation avec le devenir du complexe
d’Oedipe. “On peut donc admettre comme
résultat le plus général de la phase sexuelle dominée par le complexe
d’Oedipe,
une sédimentation dans le moi qui consiste dans la production de ces
deux
identifications accordées de quelque façon l’une à l’autre. Cette
modification
du moi garde sa position particulière, elle s’oppose au reste du
contenu du moi
comme idéal du moi ou sur-moi”[143].
Il
précise ensuite que l’idéal du moi dérive du refoulement du complexe
d’Oedipe.
“Le sur-moi conservera le caractère du père; plus le complexe d’Oedipe
a été
fort et plus son refoulement s’est produit rapidement (sous l’influence
de
l’autorité, de l’instruction religieuse, de l’enseignement, des
lectures), plus
sévère sera plus tard la domination du sur-moi sur le moi comme
conscience
morale, voire comme sentiment de culpabilité inconscient”[144].
Ceci c’est ce qu’il a appelé le facteur historique déterminant la
naissance du
sur-moi Il y a en outre un facteur biologique: “le long état de
détresse et de
dépendance infantiles de l’être humain...”[145].En
ce qui concerne le contenu il nous parle d’être supérieur: “... et
voici cet
être supérieur, l’idéal du moi ou sur-moi, la représentance de notre
relation
aux parents”[146].
“ Au
cours du développement ultérieur, maîtres et autorités ont continué le
rôle du
père; leurs ordres et les interdictions sont restés puissants dans le
moi idéal
et, sous forme de conscience morale, exercent
désormais la censure morale. La tension entre les exigences de la
conscience
morale et les réalisations du moi est ressentie comme sentiment
de culpabilité. Les sentiments sociaux reposent sur des
identifications à d’autres sur la base d’un même idéal du moi”[147].
Enfin
il y a continuité entre Sur-moi et ça qui apparaît comme le réceptacle de ce qu’on pourrait
appeler un inconscient
collectif. “ De la sorte, le ça héréditaire héberge les restes des
existences
d’innombrables moi, et, lorsque le moi puise son sur-moi dans le ça,
peut-être
ne fait-il que remettre au jour des figures plus anciennes et les
ressusciter”[148].
On a
l’impression qu’il veut séparer ce qui est de lui de ce qui n’est pas
lui. Ce
processus était déjà en acte dans Deuil
et mélancolie où il nous parle abondamment
de lui à travers les thèmes de détresse (Hilflosigkeit)
de production d’autoreproches, d’autodépréciation
avec perte de respect de soi, de culpabilité. Il écrit, entre autre,
ceci: “Là
où la prédisposition à la névrose obsessionnelle est présente, le
conflit
ambivalentiel confère de ce fait au deuil une forme pathologique et le
force à
s’exprimer sous la forme d’auto-reproches selon lesquels on est
soi-même
responsable de la perte de l’objet d’amour, autrement dit qu’on l’a
voulue”[149].
Ce
détour permet également de montrer à quel point le sentiment de
culpabilité est
un des fondements du psychisme de S.Freud. Dans Le
Moi et le Ca il se rend compte de l’existence d’une
culpabilité
inconsciente. “Mais une nouvelle expérience, celle qui nous oblige, en
dépit de
tout notre esprit critique, à parler d’un sentiment
de culpabilité inconscient, nous déroute beaucoup plus”[150]. Un moyen de décharger le moi de la
culpabilité, ou de lui en diminuer la charge c’est l’instauration des
figures
de l’idéal du moi et du sur-moi. Je dis bien deux figures et non une
parce
qu’en fait l’idéal du moi est bien ce que les parents et les instances
sociales
désirent que le moi soit, et le sur-moi est le représentant critique
qui fait
en sorte que cet idéal soit atteint. Le lien intime entre idéal du moi et sur-moi, c’est la
censure. Celle-ci ne
peut exister effectivement que s’il y a un idéal à faire respecter.
Dans ce
contexte je puis dire: l’idéalisme ne peut s’imposer que s’il y a
répression[151].
Et
justement chez S. Freud la censure opère à divers niveaux.
Le
surmoi qui tend à culpabiliser le moi, diminue l’impact de la
culpabilité en la
rendant consciente, en la fondant en quelque sorte, parce qu’il lui
fournit une
raison d’être; ce qui soulage le moi et le sécurise[152]
Ce qui
n’est pas lui apparaît donc être l’idéal du moi et le sur-moi. Le titre
de son
essai Le Moi et le Ca prévilégie
les
deux parties qu’il pense lui être constitutives et qu’il revendique[153].
En
revanche ce même titre laisse sous silence les deux autres instances
qu’il
refuse inconsciemment. Enfin une autre remarque se révèle nécessaire.
Il pose
qu’il y a un clivage entre le refoulé et le moi ce qui exprime bien
également
son désir de
séparation d’avec cette
forme d’inconscient, qu’il a mis en évidence. En réalité, il n’y a pas
de
discontinuité et c’est ce qui en fait le caractère maléfique. Le
refoulé se
mélange avec, en adoptant momentanément la terminologie freudienne, le
contenu
du moi. Ce qui provoque la confusion dont il souffre d’ailleurs et
contre
laquelle il lutte. Or, la confusion c’est une des caractéristiques
essentielles
de l’ontose. Pour S. Freud un moyen de lutte est de s’organiser en se
créant
des organes, sur le plan théorique des catégories, qui lui permettent
d’endiguer le phénomène. Ce qu’il vient d’exposer dans Le
Moi et le Ca semble déjà l’insatisfaire puisque à la page
256 il
parle de partition du moi. Le chapitre suivant et dernier Les relations de dépendance du moi est un
exposé poignant sur son
angoisse qui est son obsession. Nous l’analyserons ailleurs.
De la
même année que Le moi et le Ca date
Une névrose diabolique au XVII° siècle
(écrit fin 1922). Il n’est pas sans signification qu’à deux moments de
crise
importante: vers quarante ans avec le rejet de la théorie de la
séduction et
vers soixante ans avec la réorganisation de la théorie, il fasse
rencontre avec
le diable et la question de la possession. Or cette dernière est
intimement
liée à l’état hypnoïde. “Les possessions sont les équivalents de nos
névroses,
pour l’explication desquelles nous avons à notre tour recours à des
puissances
psychiques. Les démons sont à nos yeux des désirs mauvais, rejetés, des
descendants de motions pulsionnelles mises à l’écart, refoulées. Ce que
nous
refusons, c’est simplement la projection dans le monde extérieur à
laquelle le
Moyen Age soumettait ses entités psychiques; nous postulons qu’elles
sont le
produit de la vie intérieure des malades, où elles ont leur demeure”[154].
J’insiste
sur la récurrence de la manifestation de l’état hypnoïde pour signaler
la
régression que connaît S. Freud, régression qui lui impose en
compensation une
construction théorique importante, comme celle qui au niveau spécifique
impose
un développement économico-technique énorme: la production de multiples
prothèses et tranquillisants, tout ce qui réalise la
vie en tant que mesure préventive contre la mort. L’état hypnoïde latent se
manifeste d’abord au
travers de toutes sortes de troubles étudiés par la psychiatrie mais,
ultérieurement, par suite de l’incapacité du sujet à se rendre compte
de ce qui
se produit, son inaptitude factuelle à devenir conscient de ce qui fut,
cet
état apparaît manifeste et donne le comportement automate de la plupart
des
vieillards qui sont obsédés par leur passé. Ils le sont tellement
qu’ils
perdent la mémoire à court terme, comme si, inconsciemment, ils se
coupaient du
présent pour accorder toute leur attention aux évènements du passé,
afin d’en
comprendre le sens, d’en devenir conscients. La maladie d’Alzheimer est
significative également de ce phénomène. La régression est tellement
nette qu’
elle donne son contenu à un préjugé populaire: quand on vieillit on
retombe en
enfance. Ce n’est pas un phénomène biologique, naturel, mais un
phénomène
ontosique qui signale à quel point le traumatisme induit par la
répression
parentale bouleverse toute la vie de chacun d’entre nous.
Je
trouve très révélateur que S. Freud lui-même appréhendait de retomber
en
enfance. “En mai 1916, il atteint la soixantaine et, remerciant Max
Etington de
ses bons voeux, il se dépeint comme sur le point de “retomber en
enfance” - en
son Greisenalter”[155].
[1].
Ces dates sont approximatives et ne servent que de points de repère. En ce qui concerne ce
moment, je laisse de
côté la phase antérieure qui peut
se concevoir comme étant celle où il cherche sa voie. Nous aborderons
cela dans
Freud et la mystification.
[2]. C’est très
intentionnellement que
j’emploie cette expression très prisée et très utilisée par M. Eliade.
Avec son
oeuvre d’après la seconde guerre mondiale, celui-ci opère un vaste
rejouement.
“Par ces fantaisies, l’individu se replonge
dans la vie primitive, lorsque sa propre vie est devenue trop
rudimentaire.
Il est, à mon avis, possible que
tout ce qui nous est raconté au
cours de l’analyse à titre de fantaisies, à savoir le détournement
d’enfants,
l’excitation sexuelle à la vue des rapports sexuels des parents, la
menace de
castration ou plutôt, la castration, -
il est possible que toutes ces inventions
aient été jadis, aux phases primitives de la
famille humaine, des réalités, et qu’en donnant libre cours à son
imagination,
l’enfant comble seulement, à l’aide de la vérité préhistorique, les
lacunes de la
vérité individuelle. J’ai souvent eu l’impression que la psychologie
des
névroses est susceptible de nous renseigner plus et mieux que toutes
les autres
sources sur les phases primitives du développement humain”. Introduction à la psychanalyse, p. 350.
Donc l’enfant, grâce aux données du passé, dit la vérité tout en étant
dans le
faux. C’est une forme de double liaison, d’oxymoron. Ceci pourrait
occasionner
une analyse logique. Autrement dit, S. Freud affirme ce qu’il nie: la
théorie
de la séduction. Ce faisant, il se sauve.
[3]. J’envisage ici
l’aire occidentale.
Je préciserai ce qu’il en est alors, et maintenant, en ce qui concerne
les
autres aires. A l’heure actuelle, toujours dans cette aire, la
régression va
jusqu’à la période périnatale.
[4]. O.c. p. 416.
Dans Freud et la mystification je
reviendrai sur ce sujet. Ici je ne
fais que signaler, grâce à cette citation, ce qu’il y a à étudier dans
le
comportement de S. Freud pour comprendre l’oeuvre qu’il réalise.
[5]. Lettre à W.
Fliess, cf. La naissance de la pscyhanalyse, p. 139.
[6]. Idem, p. 218.
[7]. En fait,
seulement six puisque le
dernier,Vue d’ensemble des névroses de
transfert , a été retrouvé en 1983, joint à une lettre à S.
Férenczi.
[8]. Pulsions
et destins des pulsions, in Métapsychologie,
Ed. Gallimard, Folio-essais, pp. 15-16.
[9]. Idem, p. 16.
[10]. O.c, p. 14,
pour les deux dernières
citations. Ici aussi le thème traité a déjà été abordé dans l’Esquisse.
[11]. L’ennemi est à
l’intérieur est une
hantise qu’on voit se manifester à l’échelle sociale et ce de façon
toujours
plus puissante depuis le début de ce siècle. A l’heure actuelle le
support de
cette hantise est placée sur les sectes. Les différents corps sociaux:
école,
institution médicale, etc, se sentent menacées par la pénétration
insidieuse
des sectes. Le corps social en son entier exprime cette hantise en
trouvant
divers supports: racisme, comportement non en adéquation avec celui
dominant,
etc.. cela aboutit à diaboliser tout ce qui est perçu autre. Le corps
social se
sent possédé par des démons dont il doit à tout prix se défaire.
Pourquoi un
individu se sent-il menacé de l’intérieur, pourquoi en est-il de même
pour une
nation, pour l’humanité toute entière? Une telle question n’est pas
envisagée.
[12]. Idem, p. 89.
[13]. Idem, p. 100.
[14]. Idem, p. 103,
ainsi que la citation
qui précède. Tout ceci fait partie d’un même paragraphe.
[15]. Idem, p. 124
pour les deux parties
de la citation.
[16]. Idem, p. 129.
[17]. Idem, p. 123.
Dans une lettre à
S.Férenczi du 23.04.1915, il écrit ceci à propos de cet essai: “Un
quatrième
exposé s’est révélé nécessaire, qui compare le rêve avec la démence
précoce...”, citée par Ilse Grubrich-Simitis: Métapsychologie
et métabiologie, in
S. Freud Vue d’ensemble des
névroses de transfert, p. 103.
[18]. Les
grandes découvertes de la psychanalyse, in Histoire
de la psychanalyse, t.
1, p. 185.
[19]. Trois
essais sur la théorie de la sexualité, pp. 167-168. P.L.
Assoun dans
l’ouvrage précédemment cité, affirme dans une note: “ Il faut noter que
le
terme “narcissisme” a été introduit dés novembre 1909 (comme
l’attestent les Minutes de la société de
psychanalyse de
Vienne)”. p. 182.
[20]. Cité à
l’article Narcissisme du Vocabulaire
de la psychanalyse, p.
261.
[21]. Introduction à la psychanalyse,
Ed. PBP, 1972, p. 391.
[22]. Idem, p. 392.
Dans le Vocabulaire de la
psychanalyse, on trouve ce passage de
l’article de K. Abraham, Les différences
psychosexuelles entre l’hystérie et la
démence précoce: “ La caractéristique
psychosexuelle de la démence
précoce est le retour du patient à l’autoérotisme (...). Le malade
mental
transfère sur lui seul, comme son seul objet
sexuel, la totalité de la libido que la personne normale
oriente sur
tous les objets animés ou inanimés de son entourage”.
S.Freud signale dans son texte que l’idée exposée
résultait d’un échange
entre lui et K. Abraham. Ce n’est pas étonnant parce que, là encore, il
parle
de lui particulièrement dans cette phrase qui fait immédiatement suite
à la
citation. “La manie des grandeurs peut d’ailleurs être comparée à
l’exagération
de la valeur sexuelle de l’objet qu’on observe dans la vie amoureuse.”
On peut lire l’article de Karl Abraham dans Rêve et mythe, œuvres complètes- 1, PBP,
cf. particulièrement
les pages 43 et 44.
[23].
Idem,
pp. 392-393.
[24].
Idem,
pp. 393-394.
[25].
Idem,
p. 398.
[26]. Je reviendrai
sur cette question de
la censure, en particulier en rapport avec les oeuvres du jeune K.
Marx, ainsi
qu’avec l’affirmation historique de ce phénomène.
[27].
Idem,
p. 153.
[28].
Idem,
p. 162.
[29].
Idem,
pp. 158-159.
[30]. Cf. Vue d’ensemble des névroses de transfert, Ed. Gallimard, p. 19.
[31]. Métapsychologie
et métabiologie in
Vue d’ensemble des névroses de transfert, p.141.
[32]. S. Freud écrit à S.Férenczi le 31.07.1915: “A présent vous êtes vraiment le seul qui travaille encore à mes côtés”. Idem, p. 100.
[33]. S. Ferenczi, Journal
clinique, Ed. Payot, p.
209, cité par Patrik
Lacoste in Destins de la transmission
, commentaire
au texte de S. Freud Vue d’ensemble des névroses de transfert
, p. 195.
Suzanne Rutherford et Suzan Lindquist ont mis en évidence
que sous
l’action d’un stress, il peut y avoir production de nombreuses
mutations
héréditaires. Il y aurait alors “mise en défaut du rôle de protection
d’une
protéine (Heat-shock protein) l’Hsp90 particulièrement vis-à-vis
d’autres
protéines liées à la division et au développement cellulaire”. ( Le
Monde,
11.12. 1998.
S. Ferenczi, S. Rutherford, S. Lindquist opèrent au sein
de la dynamique
ontosique. Pour survivre, c’est-à-dire résister au stress, les êtres
vivants
doivent s’adapter en mutant. Ils ne peuvent pas concevoir que ceux-ci
sont
actifs au sein de tout leur devenir qui est conçu par les scientifiques
en tant
qu’évolution. Au niveau des mammifères, particulièrement, l’activité de
leur
encéphale est opérante pour acquérir de nouveaux organes.
Pour l’homme, la femme,
ontosé(e)
rien ne peut advenir s’il n’y a pas eu, auparavant, catastrophe.
[34]. Nous verrons
que le roman familial
de S.Freud est le mythe d’Oedipe. Toutefois nous constaterons que cela
ne sera
pas suffisant pour le rassurer et le positionner dans le phénomène vie.
Il dut
recourir à Moïse et à un Urmensch, un patriarche au pouvoir absolu.
[35]. Je tiens à
noter qu’on est en
présence ici d’une grande imprécision. S. Freud utilise fameuse loi de
récapitulation attribuée à E. Haeckel qui dit que l’ontogenèse
récapitule la
phylogenèse. Mais de quel être s’agit-il? Non pas d’un être individuel,
mais
d’un être
spécifique, tandis que le
phylum (on dit aussi embranchement) est un ensemble de classes. Ainsi
le phylum
des vertébrés comprend les classes suivantes: poissons, batraciens,
reptiles,
oiseaux, mammifères. En conséquence au cours de son développement
embryonnaire
l’espèce Homo sapiens récapitule les phases représentées par les
classes
susmentionnées. Toutefois, dire ceci pâtit d’une imprécision immédiate,
étant
donné que la phase oiseau est absente. Ceci est dû au fait que la
lignée des
oiseaux et celle des mammifères prennent origine, dans une divergence
entre
elles, dans la classe des reptiles. En conséquence pour être correct il
faudrait parler d’une ontogenèse en ce qui concerne l’être individuel,
d’une
spéciogenèse relative
à l’espèce et
d’une phylogenèse relative au phylum. L’affirmation de S. Freud devrait
donc se
libeller ainsi: “... cette succession semble répéter
spéciogenétiquement...”.
Une dernière précision concerne la loi de E. Haeckel
elle-même. Il n’y a
pas de récapitulation en ce sens que l’être humain n’est pas au cours
de son
ontogenèse successivement poisson, batracien, etc...mais il présente des formations
qui évoquent le
stade poisson, batracien, etc. Ces formations témoignent que ses
ancêtres
possédèrent des caractères les faisant participer aux diverses classes
de
vertébrés apparues successivement au cours de l’histoire de la terre. On devrait parler d’un
phénomène d’évocation.
C’est comme une extériorisation d’une mémoire exprimant la phylogenèse
au sein
de l’ontogenèse.
[36]. Lettre du
12.07.1912, citée par I.
Grubrich-Simitis, o.c, pp. 104-105.
[37]. Je reviendrai
sur la question de la
transmission de la
psychose d’une
génération à l’autre. Dans notre perspective celle-ci étant liée à la
répression parentale, la transmission ne pose pas de problème.
Toutefois cela
n’élimine pas la donnée d’une hérédité d’un acquis. En outre, il est
bien
évident que les êtres vivants ne sont pas passifs au cours de
l’évolution.
A ce propos ce passage d’une lettre de S. Freud à K.
Abraham du
11.11.1915, cité par P. Gay, o.c, p. 423, est fort intéressant et
recoupe ce
que nous avons affirmé ailleurs sur l’importance de l’encéphale, donc
de la
pensée, dans le processus évolutif.” De faire venir Lamarck sur notre
terrain
et de montrer que son “besoin” qui crée et transforme les organes n’est
rien
d’autre que la
puissance exercée
par la
représentation inconsciente sur le corps propre et dont nous voyons les
vestiges
dans l’hystérie, bref la
”toute-puissance des pensées”. Il
sera
intéressant de montrer également dans quelle mesure K. Marx ainsi qu’A.
Bordiga
partageaient cette vision.
[38]. Lettre de
décembre 1914, in Métapsychologie et
métabiologie, o.c.
p. 101.
[39]. Métapsychologie,
p. 96. Dans L’interprétation des
rêves, il
écrit: “Dans l’inconscient
rien ne finit, rien ne passe, rien n’est oublié”. p. 491.
[40]. Considérations
actuelles sur la guerre et la mort, in Essais de
psychanalyse, Ed, PBP, p. 9.
[41].
Idem,
p. 39.
[42].
Idem,
p. 16.
[43].
Idem,
p. 16.
[44]. Idem, p. 18.
[45]. Peut-être que
la fascination
qu’exerce la symétrie, bilatérale surtout, s’enracine elle aussi dans
ce
phénomène;
[46]. Idem, p. 18.
[47]. Dans Advenir je montrerai que l’illusion est
liée à l’état hypnoïde présent
en chacun de nous. Ceci nous explique aussi la position ambiguë de S.
Freud
vis-à-vis de l’hypnose. A noter que l’hypocrisie consiste à donner
l’illusion.
Or S. Freud
reconnaît que c’est un moyen
pour l’individu de supporter les contraintes de la société. “ Il y
a ainsi incomparablement plus
d’hypocrites de la civilisation que d’hommes authentiquement civilisés,
et même
on peut se demander si une certaine part de cette hypocrisie n’est pas
indispensable au maintien de la civilisation, parce que, chez les
hommes vivant
aujourd’hui, ce qui est déjà organisé en fait d’aptitude à la
civilisation, ne
suffirait peut-être pas à obtenir ce résultat”. Considérations
actuelles sur la
guerre et la mort, in Essais de
psychanalyse, Ed PBP, p. 21.
J’anticipe en citant un texte de 1925. “C’est ainsi que la
civilisation
entretient un état d’hypocrisie
qui
s’accompagne forcément d’un sentiment d’incertitude et du besoin de
protéger
son indéniable instabilité par l’interdiction de toute critique et de
toute
discussion”. Résistances à la
psychanalyse, in
Résultats, idées,problèmes
II, Ed. PUF, 1985, p. 131. L’hypocrisie
est connectée à l’incertitude; elle sert aussi à la masquer.
[48]. Idem, p. 19.
[49]. Idem, p. 25.
On peut sentir pointer
ici, la notion de l’idéal de moi.
[50]. Idem, p. 25.
[51]. Idem, p. 18.
[52]. Le terme
d’ambivalence a été créé
par E. Bleuler en 1910. “Le terme apparaît pour la première fois dans La dynamique du transfert, 1912, pour
rendre compte du phénomène de transfert négatif: “ ... on le découvre à
côté du
transfert tendre
souvent en même temps
et ayant pour objet une seule et même personne (...) c’est
l’ambivalence des
visées affectives qui nous permet le mieux de comprendre l’aptitude des névrosés à mettre leur
transfert au
service de la résistance”. Vocabulaire de
la psychanalyse , Ed. PUF, p.20. En outre lorsque S. Freud
dit que la haine
a précédé l’amour, il expose sa relation à sa mère. Il sait qu’il hait
sa mère
mais ne se rend pas compte à quel point
[53]. O.c. p.17.
[54]. J’envisagerai
également cela en
rapport à la question de la contradiction, surtout dans la dynamique de
la
dialectique.
[55]. J’aborderai
cela de façon détaillée
dans Advenir. Je tiendrai compte
également d’un autre phénomène: la dissociation cognitive. Je me suis
inspiré
de ce qu’a écrit Renée Bouveresse. “... ce lien paradoxal tel qu’une
injonction
implicite enjoignant à l’adolescent, par exemple, d’être autonome, est
nié par
le fait même que le message soit prononcé.
On voit pourquoi les familles sont le lieu par excellence
de tels
messages paradoxaux: elles affichent une façade de tendresse et nient
la
présence en elles
de la moindre
violence, masquant, de ce fait, l’inéluctable opposition des intérêts
des
parents et des enfants, et rendant invisibles les conflits qui leur
sont
sous-jacents”. L’antipsychanalyse in
L’inconscient, sous la direction de
J.
Mousseau et P.F. Moreau, Ed, CEPL, 1976, p. 93. R. Bouveresse fait
état, sans
la nommer, de l’hypocrisie. Celle-ci n’est souvent qu’une forme de
mimétisme.
[56]. La
schizophrénie, terme créé par E.
Bleuler (1857-1939) est la “forme paradigmatique de la folie du XX°
siècle”. Dictionnaire de la psychanalyse, p.
945. Les
auteurs font la remarque
suivante ”... la démence précoce (autre nom de la schizophrénie, n.d.r)
était
donc une nouvelle maladie de l’âme, qui frappait d’impuissance et
d’hébétude
les jeunes gens de la société bourgeoise révoltés contre leur époque ou
leur
milieu mais incapables de traduire leurs aspirations autrement que par
un
véritable naufrage de la raison.” p. 943. A noter que E. Bleuler est
aussi le
créateur des termes autisme et ambivalence.
Notons en outre que la transmission et la réception des
messages se
réalise au travers de procès inconscients.
[57]. On doit noter
que tout traumatisme
réactive en lui la désillusion.
[58]. Ce qui est
absolument logique
puisque ce que le mot mort désigne ne concerne pas en fait le moment
final de
notre procès de vie apparent, individualisé.
[59]. Idem, p. 39
(citation commençant à
“Résumons-nous..).
[60]. Les
voies nouvelles de la thérapeutique
psychanalytique, cité dans Vocabulaire
de la psychanalyse, o.c, p. 352. S. Freud aborde ici la
question de
l’intervention lors de l’analyse. Dans une dynamique de
libération-émergence
c’est la personne qui opère un revécu qui effectue elle-même tout le
procès de
conscientisation.
La comparaison avec l’analyse chimique ressort bien de
cette
affirmation. “Il faut donc s’emparer des symptômes, les dissoudre”.
Elle est
extraite du chapitre La thérapeutique analytique
du livre Introduction
à la psychanalyse, p. 431. On y trouve un exposé
succinct de ce qu’est une psychanalyse selon S. Freud. Sur ce même
thème on
peut consulter La question de la
l’analyse profane.
[61]. Je reviendrai
sur cette question de
l’angoisse de la mort et sur la non explicitation de divers thèmes dans
l’ouvrage de S. Freud. Ainsi il écrit “... dans l’inconscient, chacun
de nous
est persuadé de son immortalité”. p. 26. Est-ce une illusion ou
l’indication de
quelque chose de plus profond, comme celle de la continuité avec la
totalité?
[62]. Idem, p. 39.
Il est intéressant de
noter dans la traduction du latin, la substitution de supporter par
maintenir,
et de arme-toi par organise-toi.
[63]. “Mais il se
peut que cette croyance
à la nécessité interne de la mort ne soit encore qu’une des illusions
que nous
nous sommes forgés “pour
supporter le
fardeau de l’existence”. Au-delà du
principe de plaisir, in Essais de
psychanalyse, Ed. PBP, p.
90. La
partie finale de la phrase est une citation de La
fiancée de Messine de Schiller.
[64]. L’inquiétante
étrangeté in
L’inquiétante étrangeté et
autres essais, Ed. Folio Essais, p. 246.
[65]. Idem, p. 252.
Le mot dont parle S.
Freud pourrait êtreUnheimische mais
il semble que ce soit encore Unheimliche.
Ce qui est essentiel c’est la présence dans les deux mots de Heim qui
a le sens de domicile, de foyer, de
chez-soi.
[66]. Un
enfant est battu in
Oeuvres
complètes, Ed. PUF, t, XV, p. 146.
[67]. Ceci nous fait
penser au personnage
de Léto, dans le cycle de Dunes de Frank Herbert, qui porte
en lui une foule
d’êtres.
[68]. Dans Advenir
je montrerai comment
l’ontose se greffe sur une affection de l’homme, de la femme en tant
qu’individualité et Gemeinwesen, puisque l’être est une réduction.
Toutes les
théories de l’être sont en fait des théories de l’ontose. Il ne s’agit
pas de
rejeter l’ontose pour accéder à l’être, mais il faut retrouver ou
accéder à la
totalité dont ce dernier est la réduction.
[69]. “Eh bien, nous
aussi, faisons une
première fois retour en arrière et demandons-nous si toutes ces
spéculations
ont un fondement quelconque”. Au delà du
principe de plaisir, in
Essais de psychanalyse, PBP, p. 86.
La peur de spéculer qu’il dut surmonter semble avoir été
une peur
induite, une peur contre lui-même, ce qui l’insécurisait. Dans une
lettre du
07.06.1915 à James Putnam il déclare: “... ma façon de me limiter à ce
qui est
à la portée de main, le concret, qui, en fait est souvent mesquin
(...), je
redoute la grande incertitude. Plus timoré que courageux, je sacrifie
allégrement
bien des choses au sentiment d’être sur un terrain solide”. Cf. Métapsychologie et métabiologie, o.c, p.
111. En définitive la spéculation allait lui permettre d’atteindre un
certaine
certitude, sinon dans l’immédiateté, du moins dans le domaine théorique.
[70]. Je passe
volontairement de l’enfant
au nous pour signifier l’universalité du phénomène.
[71]. Idem, p. 49.
Toutes ces
catastrophes sont des supports pour rejouer le traumatisme. Ceci prend
une
ampleur considérable de nos jours avec la catastrophe écologique, celle
nucléaire, celle génétique...
[72]. Au
delà du principe de plaisir, in Essais
de psychanalyse, p. 45.
[73]. Idem, p. 45.
[74]. “J’ai toujours
été sensible aux
idées de G.Th. Fechnier et j’ai d’ailleurs pris appui en des points
importants
sur ce penseur”. Sigmund Freud présenté par lui-même, folio / essais,
p. 100.
Dans le Dictionnaire de
psychanalyse de E. Roudinesco et M. Plon, nous trouvons des
indications
fort intéressantes au sujet de G.Th. Fechner (1801-1887) - voir article
à ce
nom. “Personnage faustien, il expérimenta sur lui-même ses propres
découvertes
en traversant une sorte de crise mystique à laquelle Henri F.
Ellenberger donna
le nom de névrose créatrice”. En 1834, il est professeur de physique à
Leipzig.
“Pendant les trois années suivantes,
il
sombra dans un état mélancolique qui le contraignit à renoncer à son
enseignement et à vivre presque sans s’alimenter dans une pièce aux
murs peints
en noir. A la suite de cet épisode il connut une brève période
d’exaltation. Il
se croyait l’élu de dieu et se persuada qu’il avait inventé un principe
universel aussi fondamental pour l’univers que celui d’Isaac Newton. En
1848,
il lui donna le nom de principe de plaisir. Après sa guérison, il
abandonna la
physique pour la philosophie. Il affirmait que la “terre était un être
vivant,
que la conscience était diffuse dans l’univers et que l’âme était
immortelle.
C’est pour donner un fondement expérimental à ses travaux sur la
relation de
l’âme à la matière qu’il publia en 1860 ses Eléments
de psychophysique “. En 1873 il théorisa le principe de
conservation (ou de
stablité) de l’énergie. L’affinité de S. Freud pour G.Th.Fechner ne
provient
pas uniquement des travaux de ce dernier.
[75].
Cette
évocation de Bouddha n’est pas fortuite. S. Freud dans cette même
oeuvre nous
parle de principe de Nirvana.
[76]. Chaque fois
qu’il est devant une
difficulté, il retourne à l’étude des rêves.
[77]. Idem, p. 50.
Ceci met bien en
évidence l’état hypnoïde engendré par le traumatisme.
[78]. Idem, p. 51.
[79]. Idem, p. 59.
[80]. Ici s’annonce
la notion de ça. Le
destin apparaissant comme un ça extériorisé.
[81]. Idem,
pp.61-62. Un peu plus loin il
parle de l’”éternel retour du même”.
[82]. Idem, p. 80.
[83]. Idem, p. 112.
[84]. Cf. le slogan
des franquistes: Vive
la mort!
[85]. Idem, p. 82.
Ainsi la vie
apparaîtrait comme un traumatisme pour la matière; en conséquence la
matière
vivante tend à
redevenir matière inerte,
abiotique. Cette conception n’est possible que s’il y a un dualisme
inerte-animé. Or tout est vie dans l’univers. En conséquence également,
l’auto-conservation permet d’assurer à l’individu sa propre voie vers
la mort.
“... ce sont des
pulsions (celles
d’auto-conservation, n.d.r) partielles destinées
à assurer à l’organisme sa propre voie vers
la mort et à éloigner parmi les possibilités de retour à l’inorganique
celles
qui ne sont pas immanentes”. Idem, p. 83. Curieuse façon d’assurer une
immanence, et quel escamotage de la fonction de la mort au sein du
procès de
vie.
Dans Le moi et le Ca, nous
trouvons une formulation plus explicite. “Les deux pulsions se
comportent là,
au sens le plus strict, de façon conservatrice, puisqu’elles tendent à
la
conservation d’un état qui a été perturbé par l’apparition de la vie”.
Cf. Essais de psychanalyse, p. 254.
[86]. Idem, p. 104.
Anticipons et citons
un texte de 1924 qui explicite ce qui vient d’être rapporté. “ Le
principe de
Nirvana exprime la tendance de pulsion de mort”. Le
problème économique du masochisme, cité dans Vocabulaire
de la psychanalyse, o.c,
p. 332. Toutefois les auteurs de cet
ouvrage ont raison de faire noter que “Dans cette mesure le “principe
de
Nirvâna” désigne autre chose qu’une loi de constance ou d’homéostase:
la
tendance radicale à ramener l’excitation au niveau zéro, telle que
Freud
l’avait jadis énoncée sous le terme de “principe d’inertie”.
D’autre part le terme de Nirvâna
suggère une liaison profonde entre le plaisir et l’anéantissement,
liaison qui
est restée pour Freud problématique (
voir: Principe de plaisir)”. Idem, p, 332. A mon avis ce
principe est la
reconnaissance théorique de l’état hypnoïde
Notons que s’impose chez ce dernier
une certaine confusion et que nous serons amenés à revenir sur tout
cela,
particulièrement dans Advenir.
[87]. Idem, p. 77.
Alors qu’il y a un
pare-excitations protégeant contre les excitations provenant de
l’extérieur.
Dans cette perspective, on peut dire qu’hommes et femmes rejouent avec,
comme
support, l’automobile qui possède un pare-chocs avant et un arrière.
Toutefois
dans leur voiture, souvent remplis d’un sentiment de puissance, ils
sont encore
à la merci de chocs internes. En faisant cela, ils se souviennent
inconsciemment que les excitations internes, les remontées, dérivent
initialement d’un choc externe, plus précisèment, d’un choc qui les
pose interne
par rapport à un externe.
[88]. Idem, p. 81.
[89]. Dans un roman
de science-fiction on
pourrait envisager que des savants parviennent à ce que les introns
puissent
s’exprimer. Dés lors il serait possible de faire ressurgir toutes
sortes
d’espèces depuis très longtemps disparues!
[90]. Dans Advenir , je montrerai que tout
rejouement a, dans une mesure plus
ou moins importante, la dimension d’un déjouement. Il manifeste, de
façon
inconsciente, une volonté de conjurer ce qui s’est passé et de faire
autrement.
[91]. Je reviendrai
sur l’importance de
ce rapprochement.
“L‘univers se répète sans fin et piaffe sur place.
L’éternité joue
imperturbablement dans l’infini les mêmes représentations.” A. Blanqui,L’éternité par les astres, 1871.
“Cette vie, telle que tu la vis actuellement, telle que tu
l‘as vécue,
il faudra que tu la revives encore une fois, et une quantité
innombrable de
fois...L’éternel sablier de l’existence
sera retourné toujours à nouveau - et toi avec lui, poussière des
poussières”.
F. Nietzche, Le Gai Savoir, 1881.
“Mais si ce sont les mêmes éléments de chaque monde qui
servent, après
sa destruction, à en reconstituer d’autres, il est aisé de comprendre
que les
mêmes combinaisons, c’est-à-dire les mêmes mondes habités par les mêmes
êtres,
ont dû se répéter bien des fois... Ombres des temps passés qui sembliez
évanouies pour toujours dans la brume des âges et que la baguette
magique de la
science évoque à son gré, n’espérez pas le repos, vous êtes
immortelles”. G. Le
Bon, L’homme et les sociétés, 1881.
Ces citations ont été faites par A. Rey dans
l’avant-propos à son livre Le retour éternel
et la philosophie de la
physique, Ed.
Flammarion, 1927, p.
7. Donc à la fin du
XIX° siècle, le
thème de l’éternel retour - ce que S. Freud englobe dans la compulsion
de
répétition - tend à nouveau à s’imposer. Il est important de noter
l’apport de
G. Le Bon qui participa au mouvement d’affirmation de l’inconscient.
L’éternel retour a beaucoup d’affinité avec l’idée d’une
pluralité de
mondes peuplés de diverses humanités. “ En tous sens, je le sais, sur
ces
mondes lointains / Pèlerins, comme nous des pâles solitudes, / Dans la
douceur
des nuits tendant vers nous les mains, / Des humanités soeurs rêvent
par
multitudes”. Jules Laforgue. Il est étrange que ces humanités soient
signifiées
par le rêve.
[92]. “Cette
conception de la pulsion est
bien étrange: nous sommes habitués à voir dans la pulsion le facteur
qui pousse
vers le changement et le développement
et voici que nous devons y reconnaître précisément le
contraire,
l’expression de la nature conservatrice du vivant”. idem, p. 80.
[93] . Plaidoyer pour Staline, publié dans il
programma comunista, n°14,
1956; traduction dans Invariance, série I, n°5, p. 69. De son côté L.
Wittgenstein a écrit. “ Toute explication est une hypothèse”. Remarques sur le Rameau d’Or de Frazer, Ed.
l’Age d’Homme, 1982, p. 15. Nous verrons ce qu’elle contient. Pour le
moment,
signalons l’incertitude.
[94]. Idem, p. 89.
[95]. Le concept de
travail occupe une
grande place dans l’oeuvre de S. Freud. Le mot travail, Arbeit
en allemand, se retrouve dans divers verbes: aufarbeiten
semble exprimer l’idée de travailler à la suite
d’une imposition,
d’une contrainte; durcharbeiten exprimerait
l’idée de devoir
travailler à travers une réalité
pour en atteindre une autre; ausarbeiten contiendrait
l’idée d’un travail qui
opère une séparation; verarbeiten voudrait traduire l’idée
qu’il est impossible
de devenir sans un travail; bearbeiten affirmerait
l’idée que
l’existence est travail. Tous
ces verbes lui servent à dire comment inconsciemment il est travaillé.
[96]. Il y a là un
pléonasme qui est
révélateur. Le refoulement est un phénomène inconscient qui rend
inconscient ce
qui, conscient, serait insupportable.
[97]. Idem, p. 101.
[98]. Je ne pense
pas exprimer là une
compulsion à citer. Je désire mettre en évidence en profondeur ce qui
préoccupe
S. Freud.
[99]. Idem, p. 106,
en ce qui concerne
aussi la citation précédente. Notons que dans ce cas, la pulsion
tendrait à
rétablir une intégrité, comme dans le cas où un animal
régénère un organe perdu. Mais il y a une
différence importante: l’animal parvient à ses fins, l’homme, la femme,
non. Et
le rejouement, la compulsion de répétition, traduit l’effort toujours
renouvelé
et toujours inopérant. Un travail de sysiphe. Pour exprimer cela S.
Freud
aurait peut-être utilisé le verbe bearbeiten,
exister par la médiation du travail, persister grâce à lui.
[100]. Idem, p. 101.
C’est exactement la
suite de la citation signalée à la note 76. Le dualisme apparaît comme
l’expression
de la pulsion de vie, de l’auto-conservation, le monisme comme celle de
la
pulsion de mort, celle du retour à l’état antérieur.
[101]. Idem, p. 108.
[102]. Idem, p. 113.
A partir de cela peut
s’opérer un glissement important. Le véritable plaisir est dans la
mort. D’où
le slogan franquiste: vive la mort.
[103]. Idem, p. 114.
[104]. Dans une
lettre à R. Rolland du
04.03.1923, il affirme: “ Non pas que je considère cet écrit comme
particulièrement réussi, mais il indique le chemin qui mène de
l’analyse de
l’individu à la compréhension de la société”. Cité par P. Gay, o.c, p.
463.
[105]. Ceci sera
abordé ailleurs avec une
prise en compte des théoriciens de gauche comme de ceux de droite.
[106]. Dans une note
il se délimite de G.
Lebon. “Nous ne nions certes pas que le noyau de l’héritage archaïque”
de l’âme
humaine, soit inconscient, mais nous distinguons en dehors de lui le
“refoulé
inconscient” qui est issu d’une partie de cet héritage. Le concept de
refoulé
manque chez Le Bon”. Psychologie des
foules et analyse du moi, in Essais
de psychanalyse, o.c, p. 130. La note ne semble pas avoir
été rajoutée donc
au moins dés 1921 S. Freud a acquis le concept de ça.
On doit noter qu’à la fin du siècle
dernier le concept d’inconscient tend à prendre des déterminations
nouvelles,
grâce à la réflexion d’un grand nombre de théoriciens. S. Freud n’est
pas isolé
bien que son approche soit entièrement originale et fondatrice. Dans
son livre La droite révolutionnaire 1885-1914, Ed. Gallimard, folio /
histoire, Zeev
Sternhell, montre l’importance de ce qu’il nomme La
découverte de l’inconscient au sein des courants de droite.
Cf.
particulièrement pp. 179-197.
[107]. Idem, p. 131.
On peut trouver le
texte de G. Lebon dans l’édition Quadrige / PUF, p. 141.
[108]. Idem, p. 137,
en ce qui concerne S.
Freud, p. 76, pour G. Lebon. Le
texte
cité de G. Lebon est extrêmement riche. Outre le concept de paralysie
il y a,
d’abord, celui d’étonnement trés important par exemple pour la tragédie
grecque. Or, celle-ci selon Aristote visait une catharsis, concept qui
fut
repris pas S. Freud et J. Breuer qui l’accompagnèrent de celui
d’abréaction.
Ensuite, il y a celui de respect qui est engendré par le sacré
généraeur
également de la
terreur. Nous sommes ici
en présence de phénomènes essentiels se mettant en place avec
l’instauration de
l’état hypnoïde.
G. Lebon met également en évidence le
phénomène de régression. “ Par le seul fait qu’il fait partie d’une
foule,
l’homme descend donc plusieurs degrés de l’échelle de civilisation”. P.
14. Or
ce phénomène est lui aussi lié à l’état hypnoïde.
[109]. Idem, pp.
148-149.
[110]. Cela n’élimine
pas les raisons
techniques, thérapeutiques qui ont également présidé, et ce de façon
consciente, à l’abandon de l’hypnose. Dans Introduction
à la psychanalyse, dans le chapitre La
thérapeutique analytique, il signale les inconvénients de
l’hypnose: aspect
magique, pas utilisable pour tous; on ne sait pas pourquoi ça marche;
possibilité de récidive de la maladie, ou remplacement par une autre;
possibilité d’engendrer une dépendance si l’hypnose est répétée;
méconnaissance
des causes de la maladie. L’hypnose escamote la mise en place du
transfert; or
c’est sur la manifestation de celui-ci que repose la pratique
psychanalytique.
Toutefois la suggestion n’est pas absente dans la mise en place du
transfert.
Or celle-ci apparaît comme l’euphémisme de l’hypnose. Le rapport de S.
Freud à
cette dernière n’est donc pas clair, mais il manifeste sa pulsion
d’emprise ou
de maîtrise, Bemächtigungstrieb, puisque
“c’est nous qui guidons sa suggestion (du malade, n.d.r) dans la mesure
où,
d’une façon générale, il est accessible à son action”. p. 429.
[111].
Idem,
pp. 136-137.
[112].
Idem,
pp. 170-171.
[113].
Idem,
p. 179. “Férenczi a
découvert avec justesse qu’en donnant l’ordre de dormir, souvent
utilisé pour
induire l’hypnose, l’hypnotiseur se met à la place des parents”. Idem,
P. 195.
Comment peut-il écrire cela et escamoter le réel? Comment peut-il
escamoter
qu’il est demeuré sous l’emprise de sa mère? A ce propos ce n’est pas
un hasard
s’il a théorisé l’existence d’une pulsion d’emprise,
Bemächtigungstrieb. “Freud
entend par là une pulsion non sexuelle, qui ne s’unit que
secondairement
à la sexualité et
dont le but est de
dominer l’objet par la force”. Vocabulaire de la psychanalyse, p.
364. Les auteurs,
J. Laplanche et J.B. Pontalis font remarquer: “...qu’à côté du terme Bemächtigung, on trouve fréquemment celui assez voisin dans sa
signification, de Bewältigung. Ce dernier mot, que nous
proposons de traduire
par “maîtrise”, est plus généralement employé par Freud pour désigner
le fait
de se rendre maître de
l’excitation,
qu’elle soit d’origine pulsionnelle ou bien externe, de la lier”. Idem,
p.p.
365-366. Il conviendra d’insister sur ces deux termes car on doit noter
que le
premier est formé à partir de Macht,
la puissance, le pouvoir, la force mais aussi l’autorité, tandis que le
second
est constitué à partir du verbe walten qui signifie
gouverner. On voit bien la
parenté entre les deux puisque pour gouverner il faut avoir le pouvoir.
Le
contenu de cette parenté est une causalité. Il y a donc lieu de voir.
De même
en ce qui concerne le fait que sur walten
se
construit un autre verbe
gewaltigen
qui
signifie se rendre maître, et vergewaltigen signifiant faire violence,
violer. Autrement
dit il serait intéressant de saisir le procés psychique inconscient qui
pousse
S. Freud à employer certains termes et à en laisser d’autres dans
l’ombre, bien
qu’ils soient impliqués dans ce procès. Dit clairement qu’elle est la
violence
qu’il ne veut pas voir, qu’il laisse dans l’ombre. Je répète à dessein
ce mot
pour signifier qu’il s’impose souvent comme la métaphore de
l’inconscient.
Il y a enfin, une autre interrogation qui s’impose:
pourquoi a-t-il
utilisé le verbe Bewältigen plutôt que Gewaltigen
qui a le même sens? Peut-être à cause de la particule
inséparable be qui donne une idée
d’existence, de permanence. Il veut persister dans sa maîtrise.
[114]. Idem, p. 180.
[115]. Ceci dit trés
succinctement. Je
reviendrai sur ce sujet dans Advenir,
en affrontant aussi l’idée de représentant qu’utilise S. Freud pour
caractériser la pulsion.
[118]. “On peut, je
crois, tenter de
concevoir la névrose traumatique commune comme la conséquence d’une
effraction
étendue du pare-excitations. On remettrait par là en honneur la vieille
et
naïve théorie du choc, apparemment en contradiction avec une théorie
plus
récente et aux prétentions psychologiques plus grandes, qui attribue
l’importance étiologique, non à l’action de la violence mécanique, mais
à l’effroi
et au sentiment d’une menace vitale”. Au-delà
du principe de plaisir, o.c, pp. 73-74. Là il parle de lui
et se masque. La
théorie naïve fait référence à son traumatisme originel qui n’est pas
comparable au traumatisme dû à un accident de voiture par exemple. Mais
il y a
bien choc, choc psychique. En outre ce qu’il escamote c’est que la
puissance
d’expression de la névrose traumatique dérive du fait que le choc donc
il parle
est le support d’un choc plus fondamental, celui originel qui dérive du
non accueil
par la mère.
[119]. Il fait
allusion à tous les textes
où il a déjà affronté la question, comme L’interprétation
des rêves (chapitre 7) ou Au-delà
du
principe de plaisir, mais certainement aussi à une oeuvre non
publiée l’Esquisse.
[120 Le
Moi et le Ca, in Essais de
psychanalyse , o.c, p. 223.
[121]. D’où la
justification maintes fois
réitérée de la consommation de drogues qui permettraient d’accéder à
l’être
réel.
[122]. C’est pourquoi
de ce point de vue
toutes les oeuvres de S. Freud sont déterminantes. Je donnerai deux
exemples: Psychopathologie de la vie
quotidienne, Le
mot d’espritt et sa relation à
l’inconscient. A partir de là le lecteur peut envisager
toutes les autres
considérées comme mineures.
[123]. Dans la mesure
où inconscient et
pathologique sont mis en contiguité et parfois en équivalenc[124]. Je ne fais
évidemment que poser
sommairement les données du problème. Il sera important, par exemple,
de déterminer quelle est l’importance du thème de l’hubris
et quel est son
contenu réel.
[125]. Actuellement
les sages hindous
considèrent que c’est tout ce qui empêche une bonne transmission de la
sagesse
traditionnelle, ce qui fait obstacle à l’enseignement. C’est pour cela
que
certains ont utilisé la pratique freudienne de la libre association
pour
vaincre les résistances à l’effectuation de ce dernier. C’est ainsi que
Swami Prajnampad a mis au point le lying.
[126]. Je reviendrai
sur ce sujet dans la
suite de l’étude de l’évolution de l’aire hindoue dans Emergence
de Homo Gemeinwesen.
[127]. Idem, p. 65.
[128]. Cela amène à
se poser la question
de savoir si un phénomène conscient peut constituer un souvenir. Nous
avons
déjà signalé à quel point la mémoire pose problème à S. Freud. Son
approche de
ce phénomène n’est-elle pas déterminée par le fait qu’il se sent
assailli par de
nombreux souvenirs douloureux qui l’empêchent d’être conscient?
[129]. Idem, p. 67.
Deux remarques à
propos du contenu de cette citation. Tout d’abord S. Freud raisonne en
acceptant la séparation, en la sanctionnant, la fondant. Il parle de
système
conscient parmi d’autres systèmes. Pour K. Marx, nous l’avons vu, la
conscience
est l’être conscient. Je rappelle la position de K. Marx pour signaler
à partir
de quoi je puis fonder ma propre investigation.
[130]. Ceci a déjà
été cité, cf. note 10.
Ainsi la théorie freudienne est sous-tendue par une théorie du besoin.
Il en
est de même pour K. Marx. Dans la dynamique de la révolution
conservatrice il
faut retrouver un état antérieur qui permette de satisfaire les besoins
humains, dans celle de la révolution progressiste il faut créer un état
nouveau
qui les satisfasse.
[131]
[132]. Il semble donc
que le latent soit
l’équivalent d’inconscient. Cependant surgit une autre difficulté: Que
veut
dire: du point de vue descriptif? L’inconscient ne serait perçu qu’au
travers
d’une description et non au travers d’un procès réel qu’il désignerait!
Ou bien
descriptif serait équivalent à superficiel.
[133]. O.c, p. 225.
[134]. Quelque chose
n’est latent que
parce qu’elle recèle le possible de devenir manifeste. En conséquence
on
devrait penser que le Pcs serait
le
manifesté d’un inconscient. Or S. Freud appelle le latent préconscient.
En outre les
phénomènes inconscients peuvent
être considérés comme existant à l’étant latent, c’est-à-dire, encore
une fois,
non manifestés, non visibles. Mais lorsqu’ils se manifestent c’est
qu’ils sont
devenus conscients. Il semblerait que chaque fois qu’un procés
inconscient se
manifeste c’est qu’il y a eu un trouble psychique.
[135]. Idem, pp.
228-229.
[136]. Je peux
ajouter qu’on ignorait. Or,
il est intéressant de noter le rapprochement souvent opéré entre
ignorance et
inconscience. Ensuite se pose une autre difficulté quelle est la
validité de la
connaissance de ces phénomènes autrefois inconnus. C’est là que peut se
loger
la thématique d’une fausse conscience, c’est-à-dire d’une fausse
représentation. Ce qui revient à dire que l’être devient conscient à
travers
des représentations. Mais là encore, on pourra dire qu’il peut y avoir
des
représentations inconscientes, cachées, comme il y a des variables
cachées
(expression d’un cosmos inconscient). On comprend que S. Freud se soit
contenté
d’un fanal qui se révèlera parfois peu éclairant.
Pour revenir à la fausse conscience, j’ajouterai que les
représentations
biologiques de phénomènes qui nous sont inconscients sont déterminés à
leur
tour par des représentations inconscientes, de telle sorte qu’il est
difficile
souvent de leur accorder une validité quelconque. Ainsi j’ai toujours
pensé que
l’affirmation selon laquelle les neurones ne peuvent pas se multiplier
était
erronée. A l’heure actuelle ceci est remis en cause, sans que les
représentations inconscientes qui la fondèrent aient été mises à jour.
Elles
sembleraient en relation avec l’idée de dégradation de l’homme, de la
femme, au
cours de la vie, qui est en connexion avec la représentation de la
vieillesse
considérée comme une déchéance. Je donnerai un autre exemple: à mon
avis la
théorisation d’un cerveau gauche et d’un cerveau droit n’a pas un
fondement
naturel réel, mais est l’interprétation d’un phénomène ontosique.
[137].
Idem,
p. 227.
[138].
Idem,
p. 228.
[139].
Idem,
p. 230. Cela ne clarifie
pas beaucoup. Le refoulé n’est-il pas inconscient? Or ce n’est pas de
lui qu’il
s’agit ici.
[140]. Idem, pp.
235-236. Dans une note il
parle de “ce qui dans notre être, est impersonnel et, pour ainsi dire,
soumis à
la nécessité de la nature”. p. 236.
[141].
Idem,
p. 236.
[142].
Idem,
p. 237.
[143].
Idem,
p. 246.
[144]. Idem, p. 247.
[145]. Idem, p. 247.
Cette notion de
détresse qui apparaît déjà dans Deuil et
mélancolie, va devenir plus présente dans les oeuvres
ultérieures. En
allemand le terme est Hilflosigkeit,
difficilement traduisible. Il indique la faculté de la perte de l’aide.
Voilà
pourquoi certains traduisent pas désaide.
L’importance que prend ce terme signale la régression de plus en plus
puissante
de S. Freud. Toutefois il l’emploie également avant. “Je vous confie
volontiers
une idée qui m’est venue juste au tournant de l’année: l’ultime
fondement des
religions, c’est la détresse infantile de l’homme”. Lettre à S.
Ferenczi du
01.01.1910, Sigmund Freud, Sandor Ferenczi, Correspondance, t. I,
1908-1914.
[146]. Idem, p. 248.
[147]. Idem, pp.
249-250. “Le sur-moi est
l’héritier du complexe d’Oedipe et le représentant des
exigences éthiques de l’homme”. Selbstdarstellung,
p. 99. Ceci explique
l’angoisse devant le sur-moi, “Avec l’entrée dans des relations
sociales,
l’angoisse devant le sur-moi, la conscience morale, devient une
nécessité, la
suppression de ce facteur devient la source de graves conflits et de
dangers,
etc. (Inhibition, symptôme et angoisse, Quadrige
/ PUF, p. 60) et la justification de l’angoisse, la sienne, celle de
tous les
hommes, de toutes les femmes. Elle devient constitutive de leurs êtres.
[148]. Idem, pp.
251-252.
[149]. Deuil
et mélancolie in Métapsychologie,
pp.
158-159. Le fait qu’il parle de lui-même se révèlera plus
tard, par exemple
dans son article de 1936 Un trouble de
mémoire
sur l’Acropole, que nous aborderons ultérieurement.
[150]. Idem, p.239.
[151]. Le devenir
historique a montré
qu’il en fut de même pour le matérialisme.
[152]. Le rôle du
surmoi apparaît bien
dans ce passage de La question de l’analyse profane.
“Le sentiment de
culpabilité inconscient représente la résistance du surmoi”. La
différenciation
du ça en moi et surmoi apparaît comme un vaste mécanisme de défense.
[153]. Je trouve une
certaine analogie
entre cette oeuvre de S. Freud et le chapitre La
formule trinitaire du
livre III du Capital. En effet K. Marx aborde
l’importance des trois
éléments fondant la société économique: le capital, le travail salarié
et la
propriété foncière. Tout d’abord l’analogie peut se faire entre la
proprité
foncière et le ça, le travail salairé et le moi, le capital et le
surmoi.
Cependant au cours de son analyse, et c’est là que l’analogie est la
plus
importante, d’une formule trinitaire on passe de plus en plus à une
formule
binaire, l’essentiel étant le duel capital-travail salarié. Cette
analogie a
ses limites puisqu’on peut dire qu’ultérieurement la formule deviendra
unitaire: le capital parvenant à la domination totale et
s’autonomisant. En
outre S. Freud part d’une formule binaire pour aller à une formule
trinitaire.
L’intérêt de l’analogie est de susciter une réflexion.
[154]. Une
névrose diabolique au XVII° siècle in
L’inquiétante
étrangeté et autres essais, p.
270.
[155]. Peter Gay, Freud, une vie, o.c, p. 425. L’auteur précise en note qu’il s’agit d’une lettre du 08.05. 1916.